Homo comicus, ou l’intégrisme de la rigolade

À travers ce court pamphlet, François L’Yvonnet s’en prend aux amuseurs d’aujourd’hui, dont la plupart se comportent davantage en donneurs de leçons qu’en véritables maîtres de l’humour.

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Homo Comicus

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Homo comicus, ou l’intégrisme de la rigolade

Publié le 25 juillet 2013
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Par Johan Rivalland.

Un point de vue iconoclaste défendu non sans courage par un homme agacé, qui exprime tout haut ce que beaucoup pensent depuis longtemps sans le défendre publiquement.

De manière à argumenter sa charge à l’encontre de tous ces humoristes, François L’Yvonnet distingue ainsi l’ironie de l’humour ou du comique, en se référant à de grands auteurs pamphlétaires, littéraires ou philosophes, afin de montrer toute la subtilité de l’exercice.

Il reproche ainsi à ceux qu’il nomme les néo-humoristes leurs valeurs consensuelles (et mimétiques), faussement courageuses alors qu’ils sont en réalité souvent proches des puissants et veillent à s’assurer de substantiels cachets. Leur moralisme et leur posture de héros de Bien s’apparenteraient ainsi davantage à des gesticulations verbales qu’à une authentique invitation à penser, à réagir à la bêtise et au conformisme ambiant, dont ils ne sont que le prolongement, à l’instar de ce que faisaient de plus subtils grands auteurs. Et ils s’en prennent à des personnes plutôt qu’à des idées, comme le montre l’auteur à travers quelques exemples (« la manière est ad hominem, ou plutôt ad personam »), mettant les rieurs de leur côté.

Cela dit, j’aurais tendance à être moins dur, à titre personnel, que François L’Yvonnet ne l’est à l’encontre de ces humoristes d’aujourd’hui. Certes, le conformisme est de rigueur sous prétexte du contraire, et cela peut en effet très souvent agacer, mais on peut tout de même apprécier parfois de se détendre un peu, notamment à l’écoute de certains imitateurs, quoique je ne manque pas d’être inquiet moi-même lorsque j’ai le sentiment aussi que l’imitation remplace le vrai – je pense en particulier à ces Guignols de l’info, que je ne regarde jamais mais dont je n’ignore pas qu’ils semblent pour beaucoup se substituer intégralement à la véritable information, constituant de la sorte un dangereux prêt-à-penser, donc au service de l’ignorance et de l’absence réelle d’esprit critique.

Et surtout, François L’Yvonnet place si haut l’humour qu’il se réfère à des êtres d’exception qui ont connu le cachot à certaines époques, voire la mort, par leur courage. Ce que je ne souhaite à personne…

Le véritable problème est que ces néo-humoristes, sous des dehors sympathiques et spontanés, sont trop souvent plus proches du jugement ou de la délation (Bruno Gaccio, Stéphane Guillon, Nicolas Bedos, Christophe Alévèque, Dieudonné M’Bala M’Bala…), voire de la scatologie (Mickaël Youn, Bigard, Thierry Ardisson…) que de l’humour (l’auteur en apporte là aussi des exemples). Ils font ainsi partie de la famille du spectacle, se comportant plutôt comme des « mutins de panurge », selon l’expression consacrée de Philippe Murray, que comme des accoucheurs. Et l’humour n’évolue que trop souvent dans le même sens, s’en prenant toujours aux mêmes cibles, et selon des styles trop souvent empruntés, sans prendre suffisamment garde de s’éloigner des positions politiques et des copineries de circonstance.

Un manque de souffle ou de panache, en quelque sorte… celui de la véritable liberté. Et c’est tout le mérite de l’auteur que de le dénoncer.

— François L’Yvonnet, Homo comicus, ou l’intégrisme de la rigolade, Fayard / Mille et une nuits, mars 2012, 80 pages.

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