De la liberté politique

La société libre est une société dans laquelle les hommes sont libres individuellement, et non dans laquelle ils disposent de libertés politiques.

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De la liberté politique

Publié le 1 août 2013
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La société libre est une société dans laquelle les hommes sont avant tout libres individuellement, et non parce qu’ils disposent de libertés politiques.

Par Guillaume Nicoulaud.

Par liberté, nous entendons la situation d’un homme qui peut agir sans être soumis à la volonté arbitraire d’un autre. Cette définition appelle plusieurs remarques importantes. Primo, il n’est pas ici question d’un état de fait théorique qui permettrait à un homme de faire tout ce qu’il veut ; nous restons contraint par la réalité qui, par exemple, interdit à nos semblables de voler par leurs propres moyens. Ce que nous appelons liberté, c’est l’absence de coercition exercée par un autre homme ou un groupe d’hommes. Deuxio, il va de soi que cette définition présuppose l’existence d’un libre-arbitre : sans volonté comme moteur de l’action, la liberté n’a aucun sens. Enfin, et c’est sur ce point que je souhaite insister, la liberté est – par définition – individuelle.

La société libre est une société dans laquelle les hommes sont libres individuellement. Il s’agit, bien sûr, d’un idéal vers lequel nous souhaitons tendre tout en sachant qu’il ne peut être atteint puisque que, comme le rappelle le vieil adage, « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. » L’idéal d’une société aussi libre que possible repose donc sur l’existence d’un ensemble de règles et d’institutions qui garantissent qu’aucun homme n’est soumis à la volonté arbitraire d’un autre. C’est tout le sens de l’article IV de notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui stipule que « l’exercice des droits naturels [1] de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. »

On lit souvent, généralement sous la plume de celles et ceux qui expriment par ailleurs leur méfiance ou leur réprobation de la liberté telle que nous l’avons définie, les termes de « peuple libre » ou de « liberté politique ». Selon ces auteurs, un peuple est dit libre lorsqu’il dispose de libertés politiques ; c’est-à-dire qu’il est en droit, à divers degrés, d’influer sur les décisions publiques et leur mise en œuvre – principalement le choix du gouvernement, l’élaboration des lois et le contrôle de l’administration. C’est-à-dire qu’un peuple est présumé libre dès lors qu’il vit en démocratie.

Ce dont il est ici question, c’est d’une liberté collective qui ne peut se comparer à notre définition de la liberté que si et seulement si tous les citoyens votent d’une seule et même voix. De fait, comme le note Hayek, « un peuple libre en ce sens-là n’est pas nécessairement un peuple d’hommes libres » puisque la volonté arbitraire des uns – typiquement la majorité – peut contraindre la liberté des autres – la minorité. Symétriquement, note l’auteur de la Constitution de la liberté, « il n’est pas nécessaire non plus que quelqu’un ait part à cette liberté collective pour être libre individuellement » [2] ; c’est le cas, typiquement, d’un étranger qui ne dispose pas du droit de vote – et n’a donc pas de « libertés politiques » – mais vit dans un pays où les lois garantissent ses libertés individuelles.

Dans cette définition de la liberté, le peuple est considéré comme un tout, une entité supérieure et distincte de la réunion de ses membres. Le fait qu’un ou plusieurs membres de la société ne soient pas en accord avec les choix « du peuple » y est, au mieux, ignoré et au pire sévèrement réprimé. L’histoire fourmille d’exemple de peuples libres qui ont usé de leurs libertés politique pour désigner des gouvernements qui, en retour, les ont privés de presque toutes leurs libertés individuelles [3] ; comme si des esclaves étaient présumés libres dès lors qu’ils peuvent élire leur maître.

La démocratie, n’en déplaise à celles et ceux qui se paient de ces théories politiques fumeuses qui n’entretiennent avec la réalité qu’un rapport lointain (contrat social, consentement à l’impôt et tutti quanti), n’est en rien garante de nos libertés. La démocratie, disait Thomas Jefferson, n’est rien de plus que la loi de la foule, suivant laquelle 51% des gens peuvent confisquer les droits des 49 autres ; la « liberté politique », c’est le droit que s’arroge la majorité de priver la minorité de ses libertés ; certains – peu nombreux il est vrai – n’hésitent pas à écrire que le peuple nord-coréen est libre.

Faut-il pour autant rejeter le principe démocratique ? Certainement pas. De Tocqueville à Hayek en passant par Winston Churchill qui l’a si magnifiquement résumé, on sait que la démocratie est « la pire des formes de gouvernement – à l’exception de toutes les autres. » Malgré tous ses défauts, le principe démocratique reste la forme de gouvernement qui présente les meilleures garanties contre l’arbitraire, le pouvoir d’un seul et la disparition des libertés individuelles. Ses faiblesses sont connues, ses défenses ont régulièrement cédé mais nous n’avons tout simplement pas de meilleure option, elle est, pour suivre Karl Popper, notre seul espoir.

La quête de celles et ceux d’entre nous qui veulent vivre dans une société libre et qui se reconnaissent sous l’appellation commune de libéraux [4] ne doit donc pas viser à dépasser la démocratie, à trouver une forme alternative de gouvernement, mais, bien au contraire, à découvrir les institutions démocratiques les mieux à mêmes de garantir la liberté. Pour ce faire, nous bâtissons sur les épaules des géants qui nous ont précédés et c’est – fondamentalement – à un effort de synthèse que nous devons nous atteler. Je crois pour ma part que l’avènement de la société libre passe en priorité par la redéfinition d’un contrat social – c’est-à-dire d’une Constitution qui repose clairement les droits des Citoyens ; une Constitution qui, inscrivant dans le marbre les principes supérieurs de la Loi, limite l’étendue de la « chose publique » et, par là même, le domaine de compétence de l’État.


Sur le web.

Notes :

  1. La liberté, malheureusement mal définie comme consistant « à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », étant expressément désignée comme le premier de ces droits.
  2. Friedrich Hayek, La Constitution de la Liberté, trad. Raoul Audouin et Jacques Garello.
  3. Hernando de Soto notait, non sans humour, que « le Pérou est un pays démocratique : tous les cinq ans, on y élit un dictateur. »
  4. Le terme de « libertarien » – outre le fait qu’il sonne affreusement – est un aveu d’échec. Charge à nous de redonner tout son sens au mot « libéral ».
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  • Une monarchie nationale, couplée à une démocratie régionale voire locale. Comme ça nous aurions une stabilité nationale et la politique politicienne exercerait là où elle serait pertinente et utile : au niveau régionale ou locale. Les “combats de coq/chefs/enarques” retrouveraient leur juste place et l’action des politiciens pourrait être correctement évaluée et sanctionnée en conséquence.

  • La meilleure proposition en ce sens a été faite dans le petit bouquin “dépasser la démocratie”. Très très bien !!

    La démocratie reste un système humain imparfait et potentiellement très dangereux pour les libertés.

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