Conservateurs et libéraux sont-ils irréconciliables ? Stratégiquement, que peut gagner ou perdre le libéralisme à l’existence de libéraux-conservateurs ?
Par Daniel Tourre.
Suite à l’article de Samuel Laurent dans Le Monde sur l’IFP, un Institut de Formation Politique « libéral-conservateur », le monde libéral sur twitter, facebook (et Contrepoints) a connu sa petite poussée de fièvre récurrente sur les différences entre conservatisme, libéralisme et progressisme.
Pas de défense du libéralisme sans drapeau
Le débat est exacerbé pour deux raisons.
D’abord, par la montée en puissance indiscutable du conservatisme – quelle que soit la définition qu’on lui donne – dans notre société.
Ensuite, par la conscience aiguë de beaucoup de libéraux qu’une partie de la défiance que rencontre le libéralisme en France provient d’un manque de rigueur ou de constance dans l’affirmation de sa définition ; ce manque de constance conduisant le grand public à assimiler le libéralisme, soit au capitalisme de connivence soit à une « droite de la droite » paradoxalement très étatiste.
Conservatisme, ce mot à plusieurs facettes
Pour revenir en particulier au conservatisme, la question est donc : « Être « libéral-conservateur » peut-il avoir un sens ? » Et suivant la réponse à cette question, « Stratégiquement, que peut gagner ou perdre le libéralisme à l’existence de libéraux-conservateurs ? ».
Le mot conservatisme est en effet un mot piégé par la multitude de sens qu’il peut avoir selon les périodes, les pays ou le plan sur lequel on se situe (philosophie politique, échiquier politique, vision du monde…). Le conservatisme politique peut être vu comme un ordre traditionnel par opposition à un ordre auto-organisé – libéral – ou à un ordre construit socialiste. Il peut aussi être vu comme s’appuyant sur le Droit naturel classique par opposition au Droit naturel moderne – libéral. Il faudrait sans doute un livre entier pour couvrir tous les sens du mot conservatisme, et un deuxième pour les comparer au libéralisme. Les débats sur liberaux.org en témoignent.
Dans le fameux texte de Hayek, « Pourquoi je ne suis pas conservateur ? », on sent d’ailleurs toute la difficulté de la tâche, puisque ce dernier, en parallèle de très nombreuses précautions tout au long de son essai, oscille en permanence entre ce qui appartient au domaine politique et ce qui appartient au domaine des valeurs personnelles. La difficulté de Hayek est accentuée par sa vision assez originale, même dans la sphère libérale, ni utilitariste ni jusnaturaliste à proprement parler. Il développe en effet une théorie de l’émergence spontanée des règles justes, laissant un rôle important à la tradition, tradition par ailleurs défendue par les conservateurs.
Le libéralisme, une philosophie du Droit
De son côté, le libéralisme est une philosophie du Droit, où le rôle de l’État est avant tout (ou exclusivement pour les minarchistes) limité à la protection des droits naturels : sécurité, liberté et propriété de chaque individu. Les libéraux considèrent que ce rôle est suffisant pour qu’un ordre auto-organisé se forme.
Pour les libéraux, le rôle de l’État n’est donc ni de construire la société par le haut (le constructivisme) ni de hiérarchiser ou de favoriser des valeurs de beau ou de bien, que ces valeurs soient progressistes, conservatrices, libertaires ou… rastafaristes.
Ce n’est pas le rôle de l’État, mais cela ne veut pas dire qu’il soit inutile de hiérarchiser ou de défendre certaines valeurs pour une vie bonne, une société harmonieuse ou tout simplement la recherche de la vérité. Simplement « l’arbitre des élégances » n’est pas l’État ou son personnel politique, mais les individus et la raison (ou une révélation pour certains croyants).
L’indifférence est bien sûr une option libérale (l’individu-île ou la panarchie), mais la tolérance – telle que définie par J.F. Revel – est aussi tout à fait légitime :
« La tolérance n’est point l’indifférence, elle n’est point de s’abstenir d’exprimer sa pensée pour éviter de contredire autrui, elle est le scrupule moral qui se refuse à l’usage de toute autre arme que l’expression de la pensée ».
Le conservateur « culturel »
Dans ce contexte, un conservateur « culturel » défendant pour lui-même ou pour la société un certain nombre de valeurs – en général issues de la tradition, d’une éthique bourgeoise ou aristocratique ou d’une religion – peut tout à fait être libéral dans la mesure où il refuse d’utiliser l’État pour imposer ses valeurs, sa vision du monde et son mode de vie. Il en va de même pour un progressiste « culturel ».
C’est d’ailleurs finalement le sens de la Lettre sur la Tolérance de John Locke, l’un des pères du libéralisme. Dans une Europe ravagée par les guerres de religion, John Locke ne dit pas que l’erreur n’existe pas, ou que les hérétiques ont raison, mais simplement que ce n’est pas au pouvoir politique (ou aux individus) de contraindre par la violence les consciences et de sauver les âmes. Sauver son prochain reste d’ailleurs un devoir, mais cela passe par l’argumentation ou par l’exemple.
On peut donc être autant libéral conservateur « culturel » que libéral progressiste « culturel » ou libéral « Rastafi ». Un libéral conservateur « culturel » peut parfaitement – à côté de ses convictions libérales sur le plan politique – défendre des valeurs religieuses, bourgeoises, traditionnelles, identitaires, aristocratiques etc. dans la société civile – au même titre qu’un progressiste ou un Rastafari (Qui roule ? [1]).
Cette définition ne met pas fin à toutes les divisions, car le débat n’est pas clos dans la sphère du libéralisme sur un certain nombre de sujets (bioéthique, droits de propriété intellectuelle, forme politique souhaitable (Union multicurelle, État-Nation, Confédération etc.).
Le libéralisme n’est pas manuel de savoir-vivre
Du reste, une société ayant atteint un niveau de libéralisme important (minarchiste ou libérale classique) ne sera pas forcément pour autant une société apaisée. Les empoignades, les débats, les clivages auraient toujours lieu, avec simplement comme (immense) avantage, le refus de toutes les parties d’utiliser la force de l’État pour favoriser leurs valeurs ou leurs modes de vie par des subventions ou des interdictions.
Plus généralement, le libéralisme ne rend pas forcément intelligent, sympathique ou dynamique. On peut trouver assez ridicules les phrases commençant par « en tant qu’homme de droite, je… » ou « en tant qu’homme de gauche, je… » suivies par des qualités comme « j’ai le goût du travail bien fait » ou « j’ai de l’empathie pour les pauvres » – qualités certes souhaitables mais qui ne sont pas spécifiques à la droite ou à la gauche, ou d’ailleurs politiques en général. Il n’est peut-être pas nécessaire de reproduire le même phénomène avec le libéralisme. On peut être libéral et paresseux, libéral et égoïste et d’une manière générale libéral et con (tout en étant surtout libre de ne pas l’être…). Le libéralisme ne transforme pas une personne en Samouraï descendu de sa montagne sacrée, même s’il est vrai que certaines formes de bêtises (racisme par exemple) ne sont pas favorisées par l’attention portée à la responsabilité de chaque individu et non des groupes.
Le libéralisme est une philosophie du Droit qui protège les droits naturels et limite au maximum la place de la coercition dans la société, c’est déjà assez vaste. Ce n’est pas un package géant « philosophie politique + code d’honneur + guide de carrière + guide des bonnes manières + manuel de l’amitié + programme télé + etc. ».
En d’autres termes, le drapeau libéral doit être strictement protégé, mais seulement pour ce qu’il est. Un nombre certain d’idées ou de comportements, même déplaisants, ne peuvent pas être condamnés au nom du libéralisme, mais doivent l’être au nom d’autres valeurs de civilité, d’intelligence de cœur ou d’esprit – heureusement partagées bien au-delà du cercle des libéraux.
Et a contrario, la gentlewoman ou le gentleman libéral doit non seulement défendre le libéralisme, mais, pour ceux qui estiment en avoir le devoir, défendre aussi un certain de nombre de valeurs qui rendent une société harmonieuse ou la vie bonne – mais, pour le coup sans invoquer le libéralisme…
Les disputes entre libéraux, ce n’est pas sale
Le libéralisme peut être revendiqué par des individus ayant des valeurs et une vision du monde très différentes. Cela explique la difficulté chronique à rassembler tous les libéraux dans un mouvement commun, les débats virulents et parfois les explosions en plein vol d’organisations libérales. À mon avis, il n’y a pas de remèdes miracles à cette situation, c’est un petit peu la croix du libéralisme (ou son charme), et la conséquence mécanique d’une doctrine qui laisse autant de place à la société civile qu’aux consciences individuelles.
Il me semble que l’approche la plus pragmatique est d’avoir bien conscience que cette situation est inhérente au libéralisme. (« ce n’est pas sale » comme dirait un animateur FM que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…). Cela implique de rester calme à chaque fois qu’un libéral « qui-ne-pense-pas-comme-moi-culturel » dit quelque chose que « je-ne-pense-pas » à condition bien sûr qu’il ne cherche pas à l’attacher à notre trésor commun, le libéralisme. On peut bien sûr entamer le débat pour remettre le cuistre « qui-ne-pense-pas-comme-moi » dans le droit chemin du « qui-pense-comme-moi » mais sans invoquer le libéralisme, si ce dernier n’a rien à y faire.
Et toujours dans un esprit d’apaisement éviter d’affirmer « ceci est forcément libéral », « les libéraux pensent forcément ceci » ou « un libéral ne peut pas penser ceci » lorsque « ceci » ne vient pas du cœur du libéralisme, mais d’une vision du monde ou d’une hiérarchie des valeurs hors du libéralisme.
Et a contrario, lorsque l’on souhaite prendre une position ne venant pas du cÅ“ur du libéralisme, ne pas hésiter à le faire avec une étiquette « libéral-quelque chose– culturel », voire une étiquette « quelque chose– culturel » tout court, le libéralisme n’étant finalement pas concerné par cette position. (Qui roule ? )
Ces pistes ne résoudront pas les nombreux débats légitimes du monde libéral, mais dans une France et une Europe sombrant de plus en plus dans un étatisme généralisé, il y a assez de points communs, de causes communes et de batailles à mener pour les libéraux à poils courts, longs ou à tresses, pour éviter les invectives, les excommunions lorsqu’elles sont inutiles. Nous aurons tout le temps de discuter lorsque l’État sera revenu à sa juste place…
La droite jacobine, un conservatisme d’État ?
À côté du conservatisme « culturel » il existe aussi un conservatisme (« d’État » ? « jacobin » ? « politique » ? « gaulliste » ?) même si la droite française a été tellement dépourvue de boussole depuis des décennies qu’il est difficile de qualifier de « conservateur » ce canard sans tête clientéliste. Cela étant, elle va sans doute se structurer dans les prochains trimestres avec l’influence grandissante de ces conservateurs ayant une vision politique où l’État tient un rôle central, notamment pour intervenir sur les innovations, les modes de vie, la culture, l’harmonie de la société, les productions et les échanges.
Face à ces conservateurs d’État, pour les libéraux, les débats portent alors sur la stratégie permettant de diffuser les idées libérales y compris à droite, voire pour ceux investis dans le champ politique, de faire des alliances électorales tout en préservant le drapeau libéral – alors que ce dernier n’est pas encore correctement identifié par le grand public.
Plus généralement, faut-il diffuser les idées libérales :
- Par la droite, comme l’avait théorisé Murray Rothbard en 1992, dans son texte « Populisme de droite » (dans le contexte américain) ?
- Par le centre droit comme le fait le PLDÂ ?
- Par la gauche comme le fait par exemple Gauche libérale sur Rue89 ou libéraux de gauche sur leur site ?
- Ou ni par la gauche, la droite ou le centre comme le font le Parti Libertarien belge, le Parti libertarien français ou dans la sphère associative le Collectif Antigone (animé par votre serviteur) ?
Il n’y a sans doute pas une seule bonne réponse à ces questions. Lorsque l’on choisit de faire des alliances, le tout est de bien dissocier ce qui appartient au libéralisme de ce qui est de l’ordre de la concession pour une plateforme commune avec des alliés parfois encombrants. L’objectif commun est de toute manière de convaincre nos concitoyens sur tout le spectre politique de la légitimité d’une diminution radicale de la place de l’État dans nos vies et dans la société.
Le parcours de Ron Paul montre qu’une défense cohérente du libéralisme touchant un public est possible très au-delà d’un positionnement politique initial.
Au final, conservateur « culturel », progressiste « culturel », libertaire ou Rastafari, l’avertissement de Lord Acton aux amis de la liberté n’a finalement pas vieilli, ce n’est pas la première ni la dernière fois que ces défis se posent aux libéraux.
Les vrais amis de la liberté ont toujours été rares, et l’on ne doit ses triomphes qu’à des minorités qui l’ont emporté en se donnant des alliés dont les objectifs différaient souvent des leurs ; et cette association, qui est toujours dangereuse, a parfois été désastreuse, car non contente de donner aux ennemis de la liberté de bonnes raisons de s’opposer à elle, elle allumait les disputes, à l’heure du succès, quand il fallait partager le butin. Il n’y a jamais eu d’obstacle aussi constant ou aussi difficile à surmonter que l’incertitude et la confusion touchant la nature de la véritable liberté. Si des intérêts hostiles ont provoqué beaucoup de préjudices, des idées fausses en ont provoqué encore plus ; et l’on peut lire la marche en avant de la liberté dans l’extension des connaissances tout autant que dans les améliorations apportées aux lois.
Lord Acton – Une histoire de la liberté.
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Note :
- Je demande pardon aux Rastafaris pour avoir limité leur pensée à un Qui roule ? ↩
Je fais pour ma part une nette différence entre la conservation, et le conservatisme ; entre conservateurs et conservatistes.
Si je trouve idiot de ne pas viser l’auto-conservation (ce que je définis comme être conservateur), je trouve tout autant idiot d’essayer d’impliquer les autres dans ma propre auto-conservation (ce que je définis comme le conservatisme).
Si je n’arrivais pas à conserver, par moi et, déjà , pour moi, les idées que j’estime mériter d’être conservées, alors, cela signifierait tout simplement qu’elles ne méritent pas de l’être ; une raison de plus de ne pas aller emmerder les autres à ces sujets – l’exact contraire de ce que pratiquent les conservatistes.
La conservation est un procédé individualiste (ie qu’on ne décide que par soi-même) ; le conservatisme, un procédé constructiviste, socialiste : comme en tout, gaffe aux abysses.
@Pouet Pouet , vous exprimez parfaitement pourquoi « liberal » est incompatible avec « conservateur »…
Et je respecte parfaitement les conservatismes ou les progressismes des individus, libres et conscients… sincères et tolérants pour les autres progressismes ou les autres conservatismes que les leurs…
Pour paraphraser un celèbre gourou… « qui sommes nous pour juger les autres ? »
J’aime beaucoup l’approche pragmatique de l’auteur.
Du constat que conservateurs et progressistes ne peuvent s’entendre et donc se condamnent mutuellement à rester des groupuscules supplétifs des partis dirigistes, il pose la bonne question : est il possible de mettre le mot LIBERAL en priorité ?
Et de laisser le vaste éventail des convictions d’ordre moral rester dans la sphère privée, individuelle… ou librement organisée via association, religions, etc..
Après tout, l’ensemble ne serait pas plus disparate qu’un UMP écartelé entre sa base quasi Frontiste et les suplétifs de l’UDI ( dont le PLD) ; qu’un PS écarté entre l’extrème gauche et le vote du centre progressiste…
Une fois réunis, il y aurait suffisament de concessions à faire pour ne pas effrayer des concitoyens abreuvés depuis 60 ans de fausses promesses paternalistes et infantilisés par un assistanat complexe, injuste et non financé…
Daniel Tourre est très bon comme souvent.
Les querelles récurrentes entre libéraux tournent essentiellement autour d’une grande lacune du libéralisme sur la question de l’identité culturelle.
Voici un texte intéressant à ce sujet :
http://labyrinthe.revues.org/867
Merci a Daniel Tourre, de la part d’un liberal-conservateur.
Pour moi être liberal-conservateur ce n’est pas imposer via l’Etat mais simplement être un liberal qui a une conscience nationale au delà de l’individu (le sentiment national, patriotique) et qui met l’accent sur les sujets régaliens (domaines libéraux si je ne m’abuse) que sont la Defense, la Sécurité, la Justice, vouant que ces domaines soient efficace et ferme. Le lib-conservateur met aussi l’accent sur la culture, l’identité nationale, en essayant de la perpétuer, la défendre, mais en tant que liberal il essaye de ne pas l’imposer par l’Etat mais en essayant de convaincre.
« Libéral conservateur » c’est tout aussi idiot que « libéral végétarien » ou « libéral collectionneur de pin’s »
Cela n’a aucun sens d’accoler les deux termes.
Encore une fois on explique que le libéral-conservateur est avant-tout un libéral. Soit, mais alors quel est l’intérêt de l’étiquette « Conservateur » ?.
Je préfère me désigner comme libéral-progressiste car je pense que le libéralisme est par essence un progressisme. Il l’était à sa naissance et il l’est toujours aujourd’hui. C’est laisser développer naturellement l’émancipation humaine et le progrès scientifique. Et c’est parce qu’il existe des progressistes qui ne soient pas libéraux (au mieux simplement utopiques et au pire des totalitaires en herbe) que « libéral-progressiste » prend tout son sens.
Libéral-conservateur, je ne comprends pas. Et je pense qu’à un moment – politiquement parlant – le conservateur va inévitablement prendre le pas sur le libéral. C’est d’ailleurs le cas de TOUS les libéraux-conservateurs qu’on met en avant (et franchement Ron Paul…)
Libéral progressiste je ne comprends pas non plus, le progressisme ayant différentes définitions suivant les époques.
Seul le mot libéral a un sens a peu près définit, tous les autres suffixes libéral-truc ne font qu’ajouter une doctrine, une idéologie. C’est donc un contresens.
Ceux qui souhaitent une polititique liberale
Je vois plus ce suffixe comme un moyen d’éviter la confusion avec les progressistes « planistes ».
Enfin si Libéral tout court me convient dans l’absolu, on l’utilise trop souvent comme une pirouette rhétorique afin de nier l’évidence que tous les libéraux ne sont justement pas d’accord entre eux. Et ainsi faisant on crée l’illusion d’une forme d’orthodoxie de la pensée libérale, quelque chose à priori réservé aux religions…
Ainsi je ne récuse pas le fait qu’il y ait des libéraux-conservateurs (c’est une évidence écrasante) mais je souligne que ça implique de gérer un drôle de balancier politique. Ce qui – me semble-il – n’est pas le cas pour les non-conservateurs.
Tom, il y a une nette différence entre progressisme et progrès : le progressisme consiste à imposer sa notion de progrès aux autres, ce qui nuit le plus souvent au progrès ,et donc à soi, mais aussi aux autres.
De même, il y a une nette différence entre socialisme et société: le premier consiste à imposer sa notion de société aux autres, ce qui nuit le plus souvent à la société, et donc à soi, mais aussi aux autres.
On a encore la même différence entre conservatisme et conservation : le premier consistant à imposer sa notion de conservation aux autres, ce qui nuit le plus souvent à la conservation, et donc à soi, mais aussi aux autres.
Ce pourquoi en tant que conservateur (le rapport avec mon anarcapisme étant irrelevant à la discussion), je conspue les conservatistes, que j’appelle par le nom qui leur convient, même s’ils ne se le donnent pas eux-mêmes.
De même que croyant que les gamins sont une bonne chose, je conspue les pédérastes, que j’appelle par le nom qui leur convient, même s’ils ne se le donnent pas eux-mêmes (comprendra qui pourra; et hop, un point Dutroux).
Quant à l’orthodoxie, non, c’est simple : un libéral conservatiste est moins libéral qu’un minarchiste, lui-même moins libéral qu’un mutualiste, lui-même moins libéral qu’un anarcap. Voilà .
NB: l’anarcapim’se est un cas particulier, puisqu’il ne consiste à imposer d’avaler ses dents qu’à ceux qui ne respectent pas les droits naturels des autres, et qui se comportent donc comme des sous-singes (les vrais singes, eux, ayant au moins l’excuse de la physiologie quant à leur comportement).
C’est donc l’un des rarissimes « im’se » à être auto-cohérent, et ce, précisément puisqu’il consiste fondamentalement à ne pas faire chier le monde (chose qui est le propre de l’écrasante majorité des « im’se »).
« Tom, il y a une nette différence entre progressisme et progrès : le progressisme consiste à imposer sa notion de progrès aux autres »
Vous faites aussi la différence entre Libéralisme et Libéral (liberté) ? Non ? Eh bien là c’est pareil.
Je suis l’auteur du texte.
Juste pour préciser que ce texte a été écrit à 90% en 2006 à l’époque d’Alternative Libérale. J’ai fait quelques corrections et rajouté introduction/conclusion.
Alternative Libérale avait l’ambition de défendre un libéralisme grand angle, rassemblant tous les libéraux. J’avais été enthousiaste pour cette idée, mais hélas, les faits m’ont montré que c’était une catastrophe.
Le parti en interne avait été miné en permanence par des conflits violents et systématiques entre libéraux « conservateurs culturels », « progressistes culturels » et libertaires. Une grande partie de l’énergie était consacrée à la guerre civile plutôt qu’au militantisme extérieur. J’ai depuis des dizaines de fois assisté à ces empoignades interminables de libéraux, et c’est une explication importante dans la faiblesse des organisations libérales rongées par ces conflits.
Et au final, je préfère voir des gens dire qu’ils sont libéraux de gauche, de droite, conservateurs, Européens etc… plutôt que d’avancer des idées pas spécifiquement libérales (ni anti-libérales) au nom du libéralisme. « Les libéraux sont forcement partisans de l’UE » ou « Les libéraux sont forcement partisans d’une sortie de l’UE »…
La réalité de ces « isme culturels », conservatisme, progressisme, etc..isme est qu’ils sont importants et très clivants. Il ne s’agit pas d’un hobby personnel, mais bien d’une vision de la société avec la volonté de l’influencer. (Un progressiste ne veut pas le progrès seulement pour lui même, mais pour la société et l’humanité entière…). Mais pour un libéral sans utiliser la force…
Ça permet de surcroit d’intéresser un public plus large vers le libéralisme « Oui, tu peux être progressiste ET libéral, simplement, tu refuseras d’utiliser l’Etat etc… Et il existe déjà un libéral-progressiste « culturel ». L’idée pour beaucoup de gens qu’ils peuvent garder leur vision du monde mais simplement renoncer à utiliser l’Etat pour l’imposer est séduisante (de même qu’au moment des guerres de religion, le protestant restait protestant. Le catholique restait catholique, simplement il ne pouvait plus utiliser l’Etat pour persécuter les autres.) Et comme cette étiquette ‘progressiste », « conservateur » est importante pour eux, il s’appelle libéral-progressiste et hop en route vers le libéralisme…
J’ai bien conscience des limites de cette nomenklature « culturel »/ »d’Etat » mais accompagné par une défense forte du drapeau libéral : « Ne pas utiliser la force pour imposer cette vision ou ses comportements. » permettant de détecter les faux « culturels » (mais vrais « d’Etat »), ça me semble la moins mauvaise solution pour limiter les conflits à un niveau minimum et peut être aider à la survie d’organisations libérales d’une taille acceptable…
@Daniel Tourre
Merci pour cet excellent article qui apaise les esprits suite aux deux précédents publiés par Contrepoints sur les libéraux-conservateurs, le 1er les traitant d’imposteurs, le 2nd prenant leur défense.
De mon point de vue, les libertaires n’ont rien à faire dans aucune organisation est libéral et promeut libéralisme. Ma définition de l’idéologie libertaire n’est pas celle que l’on peut lire dans Wikipédia (cad une espèce d’anarchisme de gauche – en fait j’ai jamais compris ce que c’était !). Je ne nie pas que cette mouvance libertaire puisse exister et que certains y soient réellement attachés, mais la réalité historique et politique nous a démontré que le mouvement libertaire a été le verni du cheval de Troie utilisé par les trotskistes pour briser le gaullo-communisme et corrompre au néo-socialisme les partis de droite comme de gauche (RPR/UDF puis UMP/UDI vs PS, EELV, PCF, FdG, LCR/NPA). Le neo-socialisme est un socialisme aligné sur les intérêts du grand capital (pour reprendre le vocable des marxistes) ou du capitalisme de conivence (pour reprendre le vocable des libéraux), le tout médié par un Etat omniscient et omniprésent. le neo-socialisme est donc ce socialo-étatisme qui nous est contemporain depuis mai 68.
Par conséquent, de mon point de vue, ceux qui se présentent comme libertaires sont des crypto-trotskistes, et sont donc des anti-libéraux.
Apaiser les esprits … encore plus, alors : ne perdons pas de vue que l’auteur du premier a écrit, en commentaire du deuxième, « Je partage le point de vue de cet article ».
http://www.contrepoints.org/2013/07/30/132637-liberal-parce-que-conservateur
Hum..
Autant j’approuve le désir de réunir et de fédérer qui s’exprime dans vos messages, autant, en l’occurrence, il faut aussi remarquer que, dans sa discussion avec moi au bas de son article, Monsieur Bédard a fini par admettre quelque chose d’intéressant. Lorsque j’ai affirmé par boutade qu’il semblait faire des libcons des membrees du KU Klux Klan, il a répondu :
« Comment vous dire; je suis partagé entre le fait que je trouve que c’est finalement un assez bon résumé, et le fait que vous semblez suggérer qu’on doit être gêné de dénoncer ce genre de propos. Je crois que c’est très révélateur. Merci pour cette franchise. »
La discussion est toujours visible. Chacun pourra s’apercevoir que cette conclusion, peut-être un peu dictée par le mauvais esprit de son interlocuteur, est toutefois cohérente avec d’autres points de la discussion, où il assimile les libcons à des racistes et homophobes. Je ne lui attribuerait donc pas facilement le label « libéral-oecuménique ».
Sébastien Caré a écrit dans l’un de ses ouvrages : »Les doctrines libertariennes ont par ailleurs ceci de particulier que, étant minimales, elles présentent une capacité d’accueil extraordinaire. »
Le libéralisme serait-il devenu une auberge espagnole?
Les débats entre libéraux/conservateurs, c’est  » L’ARBRE QUI CACHE LA FORET  »  » Our Democracy has been HACKED !!!!( dixit Al Gore) by selfish interests!!
http://www.bloomberg.com/video/al-gore-our-democracy-has-been-hacked-s~1YqlMbTBWutZl_vcs14w.html
Bonjour,
Contrairement à d’autres intervenants, je ne pense pas que la question du libéralisme soit tout à fait indépendante du positionnement « culturel » revendiqué. Mais le lien — possible mais non-obligatoire — se fait selon moi en amont, dans la façon que l’on va avoir de fonder le libéralisme.
Pour ma part, le libéralisme n’est que — ou plutôt : est entre autres — le premier volet d’une volonté plus générale de libération des individus de tout ce qui fait entrave à leur épanouissement (quel qu’il soit, hein : je n’ai pas de théorie universelle de ce vers quoi les individus doivent aspirer). Ça peut donc être :
(1) Se libérer de l’ignorance, de la peur, des préjugés, des croyances infondées, de l’autorité de la religion et de la morale conventionnelle, de la pauvreté, etc. et là ça mène à des conclusions libertaires.
(2) Se libérer des obstacles matériels posés par autrui, de ses tentatives d’interférence physique, de ses agressions, de sa malhonnêteté aussi (mensonge, tromperie, non-respect de la parole donné, non-respect des engagements contractuels, etc.), etc. et là ça mène à des conclusions libérales.
La différence entre un libéral-libertaire et un antilibéral-libertaire, c’est que le premier va privilégier (2) sur (1), tandis que le second va privilégier (1) sur (2).
L’antilibéral-libertaire n’hésitera donc pas à faire Å“uvre de coercition — éventuellement étatique ou crypto-étatique — pour forcer les gens à « être libres » au sens (1).
Le libéral-libertaire, lui, ne cherchera à changer la société, à libérer les gens au sens (1), qu’en usant d’initiatives privées, individuelles et collectives, en tout cas non-coercitives : débats, discussion, information, arguments, idées, pédagogie, sensibilisation, entraide, coopératives, mutuelles, assurances, associations, etc. Un libéral-libertaire authentique n’use de la violence que contre la violence, et use d’idées contre des idées.
Cordialement,
Mikaël