Des euros pour les emplois francs

Discriminer selon l’âge ou l’origine géographique est répréhensible. Sauf quand c’est le président qui le fait.

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Des euros pour les emplois francs

Publié le 6 août 2013
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Traiter différemment les individus selon leur âge ou leur origine géographique est contraire au principe d’égalité de tous devant la loi et répréhensible. Sauf quand c’est le président qui le fait.

Par Baptiste Créteur.

François Hollande est le chef de l’État, le président de la république française dont la devise est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Aucune des trois ne semble pourtant inspirer son action ; il s’attaque aujourd’hui à l’égalité, déjà mal en point dans le pays.

Pour ce faire, il a préparé une petite mesure fort sympathique qui vise à discriminer ce qu’il convient d’appeler les jeunes de banlieue. Fort de son petit dispositif au nom tout droit sorti d’une séance de brainstorming d’équipe de communication, les « emplois francs », et de sa détermination estivale à afficher son brillant bilan, François Hollande part en guerre contre l’égalité des citoyens devant la loi.

Ce dispositif, décidé en février mais passé totalement inaperçu jusque-là, consiste en une aide de 5 000 euros pour les entreprises embauchant en CDI un jeune de moins de 30 ans, en recherche d’emploi depuis au moins douze mois et résidant dans une zone urbaine sensible.

Une « mesure antidiscrimination, pour que les jeunes qui viennent de zones regardées comme posant des problèmes puissent avoir une chance », avait expliqué M. Hollande au cours de la semaine lors d’un déplacement à Clichy-sous-Bois.

Il faut un sacré courage pour revendiquer un contresens pareil, et un sacré manque de recul journalistique pour laisser passer ça. Comment peut-on qualifier une mesure qui discrimine selon l’âge et l’origine géographique de mesure anti-discrimination ?

Apprécions au passage le concept de « Zone Urbaine Sensible » (nf. euphémisme) : « Zone regardée comme posant des problèmes ». La Zone Urbaine Sensible est une perception, c’est le regard qu’on porte sur elle qui est mauvais. Par exemple celui des pompiers, qui en ont marre de se faire agresser et jeter des pierres quand ils tentent de faire leur métier, i.e. veiller à la sécurité des citoyens.

Face à une telle perception de ces zones urbaines en réalité charmantes et accueillantes et connues pour être un vivier de talents, François Hollande crée une discrimination d’État une mesure anti-discrimination qui rend les citoyens inégaux devant la loi qui donne une chance aux jeunes venant de zones mal considérées. Si on vient d’une Zone Urbaine Sensible, qu’on a moins de trente ans et qu’on est sans emploi depuis longtemps, on mérite que l’État nous aide à trouver un emploi. Sinon, non, et on fera partie du reste de la population qui finance cette belle mesure. 5 000 euros par emploi aidé, pour 2 000 emplois – pardon, 5 000, il faut être ambitieux dans la lutte contre la discrimination – c’est 25 millions d’euros de coût direct, auxquels s’ajoutent les salaires des fonctionnaires chargés d’examiner les dossiers truffés de fautes d’orthographe pleins d’espoir candide de jeunes issus de Zones Urbaines Sensibles.

En quoi d’ailleurs offrir 5 000 euros à chaque employeur qui voudrait bien aider le bilan de François Hollande s’occuper d’un jeune sensible contribuerait-il à lutter contre la discrimination ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une énième mesure à destination de zones érogènes du collectivisme français qui ont tendance à s’enflammer au moindre fait divers, avec quelques voitures au passage ? D’un geste supplémentaire pour « la banlieue », cet ensemble impénétrable aux hommes politiques français dont il ne faut pas trop évoquer les « débordements » et autres bousculades ?

La case sera considérée comme cochée dans le bilan : des efforts ont été faits pour la banlieue, on a lutté pour contre la discrimination, bravo à tous et merci aux contribuables pour la PAF. De manière concrète : si tout se passe bien, le chef de l’État pourra évoquer 5 000 emplois créés dans la banlieue, en CDI.

Et c’est là que surgit un autre problème. Offrir de l’argent à un employeur pour qu’il embauche, c’est un peu comme payer un consommateur pour qu’il consomme : super con. Certains employeurs utiliseront sans doute cette manne inespérée s’ils avaient déjà un candidat en tête, mais le coût du travail est tel en France que la mesure ne sera même pas suffisante pour constituer un effet d’aubaine un tant soit peu alléchant.

Et comme à chaque fois que l’État dépense pour la compétitivité, il prend à tous pour donner à certains et se vante ensuite d’avoir réussi à créer des emplois là où il le voulait – sans mentionner bien sûr ceux qu’il détruit partout ailleurs en détournant redistribuant la richesse, augmentant les chances pour chaque Français d’être bientôt le citoyen d’un pays en faillite.

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