Les libertariens véhiculent beaucoup de fantasmes, principalement parce qu’ils sont très méconnus. Nick Gillespie, rédacteur en chef de Reason, fait tomber cinq idées reçues à leur sujet.
Par Nick Gillespie.
Le spectre du libertarianisme hante les États-Unis. Les partisans d’une réduction drastique de la taille de l’État, de son champ d’intervention et de ses dépenses lèvent beaucoup de fonds auprès des donateurs du Parti Républicain, essayent d’endosser un rôle de populiste, sont accusés de la faillite de Détroit et se retrouvent même pris au milieu d’une bataille pour le Parti Républicain. Pourtant, les libertariens sont parmi les forces politiques actuelles les moins bien comprises. Faisons tomber quelques unes des plus grandes idées reçues.
1. Les libertariens sont un groupe marginal de « hippies de droite »
En 1971, l’influente et controversée Ayn Rand a dénoncé les anarchistes de droite comme des « hippies de droite », une accusation qui porte encore sur les libertariens, qui se battent pour un État minimal et le maximum de libertés individuelles.
Les libertariens sont souvent rejetés comme une espèce mutante de conservateurs : des fumeurs de joints peu enthousiastes sur les questions de défense et soutenant l’égalité devant le mariage. Suivant les sujets, les libertariens sont aussi souvent d’accord avec les gens de droite qu’avec ceux de gauche.
Le premier exemple de principes libertariens dans la politique partisane remonte sans doute à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle quand la Ligue anti-impérialiste s’est opposée à l’empire et à la guerre 1 et a cru au libre-échange et à l’égalité des races à une époque où ni l’un ni l’autre n’était populaire. Plus récemment, des défenseurs des libertés individuelles 2 comme le sénateur Ron Wyden (Démocrate, Oregon) ont soutenu le sénateur Rand Paul (Républicain, Kentucky) dans son action de « flibustier » sur l’utilisation de drone sur le territoire américain et la surveillance par l’État.
Il y a des libertariens dans tout le spectre politique et dans les deux principaux partis américains. Un sondage Reason-Rupe de septembre 2012 a montré qu’environ un quart des américains pouvaient se classer dans la catégorie que l’on pourrait grossièrement qualifier de libertarienne des personnes qui souhaiteraient que l’État intervienne moins dans les affaires économiques et sociales. Cet ordre de grandeur a été confirmé par d’autres sondages et ce nombre est largement suffisant pour faire pencher la balance lors d’une élection.
2. Les libertariens ne prêtent aucune attention aux minorités ou aux pauvres
Comme l’a montré la récente découverte d’écrits favorables aux confédérés de l’ancien conseiller principal du sénateur Paul, il y a parfois des connections politiques entre les libertariens et de sinistres racistes. Étant donné l’influence d’Ayn Rand parmi les libertariens, il est aisé d’imaginer qu’ils ne pensent qu’à eux : « je ne vivrai jamais pour le compte d’un autre », tel est le fil conducteur du roman d’Ayn Rand, Atlas Shrugged.
Mais au moins deux causes inscrites dans les gènes du mouvement libertarien, le libre choix de l’école et la légalisation de la drogue, visent à faciliter la vie aux pauvres, que l’on retrouve aussi de manière disproportionnée parmi les minorités. Le premier objectif du libre choix de l’école (un mouvement né en 1955 d’une tentative du libertarien et prix Nobel d’économie Milton Friedman d’introduire des chèques éducation) est de donner aux Américains à faibles revenus des meilleures options éducatives. Milton Friedman a montré de manière convaincante que dans la guerre contre la drogue, la violence et les maltraitances policières touchaient surtout les quartiers pauvres.
Les libertariens pensent que la déréglementation économique aide les pauvres parce qu’elle réduit les coûts et les barrières à l’entrée pour lancer un nouvelle entreprise. L’Institute for Justice est aujourd’hui une importante association d’aide juridique libertarienne, qui a soutenu devant la Cour Suprême des dossiers relatifs à la liberté d’expression et à des expropriations abusives. Mais il a débuté en défendant des tresseurs afro-américains de Washington contre des lois imposant la détention de licence qui les empêchaient de travailler chez eux.
3. Le libertarianisme est un club réservé aux hommes
Bien que le stéréotype du libertarien « ingénieur à lunettes avec une règle de calcul » soit plus proche de la vérité que la plupart des libertariens n’oseraient l’admettre, le mouvement est en fait, de plusieurs façons, la création de trois intellectuelles.
Comme Brian Doherty l’a décrit en détail dans son livre de 2008, Radicals for Capitalism, le mouvement libertarien moderne a été largement influencé par la romancière à succès et écrivain Ayn Rand, l’écrivain et critique Isabel Paterson, et enfin par l’auteur Rose Wilder Lane, fille de Laura Ingalls Wilder, auteur de « La Petite Maison dans la prairie » et dont elle édita les travaux. En 1972, le premier ticket présidentiel du Libertarian Party comportait une femme, Toni Nathan, comme candidate à la vice-présidence, et depuis ses origines le parti a soutenu les droits reproductifs3 et l’égalité complète entre homme et femmes devant la loi.
De nouveaux groupes, comme le Ladies of Liberty Alliance, se développent en montrant à un nombre croissant des entrepreneurs femmes les bénéfices qu’elles peuvent retirer de la liberté économique.
4. Les libertariens sont pour la drogue, pour l’avortement et contre la religion
Les accusations de libertinisme sont, hélas, exagérées. Pratiquement tous les libertariens croient que l’interdiction d’une activité entre adultes consentants produit beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout. Mais un principe clé est que ce n’est pas parce que quelque chose est légal que vous devez le soutenir, et encore moins le faire. Ron Paul avait ainsi fait rire le public d’un débat pour les primaires présidentielles du Parti Républicain quand il leur avait demandé qui parmi eux essaierait l’héroïne si c’était légal.
Environ 30% des libertariens (dont Justin Amash, député républicain du Michigan aux idées libertariennes) sont résolument anti-avortement. Mais la plupart pensent que le meilleur moyen de changer les comportements est la persuasion, et non la prohibition.
C’est la même chose pour la religion : elle devrait être libre et célébrée tant que cela se fait de manière volontaire. Après tout, le proto-libertarien Roger Williams est un des co-fondateurs de la première assemblée baptiste et a créé Providence (Rhode Island) comme un havre de tolérance religieuse et entièrement laïc à une époque où ce terme n’était même pas connu.
5. Les libertariens détruisent le Parti Républicain
En 1975, Ronald Reagan voyait une parenté entre les libertariens et son parti : « si vous l’analysez, je crois que le cœur et l’esprit du conservatisme sont libertariens ».
Néanmoins, il semble y avoir peu d’esprit partagé quand Chris Christie, gouverneur du New Jersey, dit : « je pense que cette idée d’une tendance libertarienne qui touche les deux partis et défraye la chronique est très dangereuse. » Christie faisait référence à Rand Paul, un rival potentiel pour les primaires républicaines de 2016 pour les élections présidentielles. Le sénateur John McCain (Républicain, Arizona) s’en est pris à Rand Paul, Justin Amash et à ceux qui critiquaient la surveillance étatique en les traitant d’« oiseaux fous »4, et les caciques du Parti Républicain se sont inquiétés de cette tendance libertarienne grandissante au sein du parti.
Pourtant les républicains reconnaissent la nécessité d’un renouveau majeur après l’élection de 2012, et c’est exactement ce qu’offrent les politiciens à tendance libertarienne. Rand Paul a proposé des réductions budgétaires d’environ 500 milliards de dollars dans les dépenses et il a appelé à une réforme des engagements sociaux insoutenables et à la fin de l’aventurisme militaire à l’étranger. Ce qui a été surnommé « programme de sensibilisation des hipsters » est en fait une tentative d’élargir la base électorale au-delà des blancs de la classe moyenne. Il a ainsi déclaré en mai à un public du New Hampshire que les Républicains avaient « besoin de blancs, de métis, de noirs, de gens avec des tatouages et d’autres sans tatouage, avec des queues de cheval et sans queue de cheval, avec ou sans barbe. »
C’est un message qui peut rester en travers de la gorge de Républicains inflexibles, mais qui peut attirer des électeurs plus jeunes qui, selon une récente étude du College Republican National Committee5, veut que l’État soit plus petit et plus rassembleur.
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Article publié en anglais sur Reason, paru à l’origine dans le Washington Post.
- NdT La Ligue anti-impérialiste fut fondée le 15 juin 1898 pour lutter contre l’annexion américaine des Philippines et la guerre qui suivit. ↩
- NdT « civil libertarian » dans le texte ↩
- Les droits reproductifs incluent la reconnaissance des droits basiques de chaque individu et de chaque couple de choisir librement et de manière responsable le nombre d’enfants, l’espacement entre eux et le moment auquel ils doivent les faire. ↩
- « wacko birds » dans le texte. ↩
- Le CRNC est une organisation étudiante soutenant le Parti Républicain. ↩
La défense des libertariens contre ces idées reçues me paraît des plus médiocres. A mon avis, elle devrait s’articuler autour des 3 axes « It’s economy, stupid ! », « Faire le bien de son prochain est un choix personnel que rien n’empêche un libertarien de faire, mais qui ne vaut rien s’il est imposé par l’état », « La drogue est à mon avis une cochonnerie avilissante, mais ne comptez pas sur moi pour empêcher mon prochain de s’avilir à mes yeux s’il le souhaite ».
« La drogue est à mon avis une cochonnerie avilissante, mais ne comptez pas sur moi pour empêcher mon prochain de s’avilir à mes yeux s’il le souhaite »
Cela n’épuise pas le sujet.
La drogue pose à l’échelle de la société le problème de sa prospérité, voire de sa survie.
Plus généralement la liberté doit être le principe fondamental de la pensée politique, mais la pérennité de la société passe néanmoins avant – c’est-à -dire qu’une entorse à la liberté n’est acceptable que si elle est nécessaire au bien commun.
Sans société libérale, pas de liberté individuelle.
Sans pérennité, pas de société.
Donc l’interdiction de certaines substances est un sujet pertinent en soi, un sujet sur lequel il n’existe pas d’absolu, Ã prendre avec pragmatisme.
@Fucius: L’argument type du faux liberal qui veut justifier son envie d’intervenir dans la vie des autres! « oui mais la c’est different puisqu’il s’agit de la survie de la societe… »
There’s no such thing as society.
Les corps des autres ne vous appartient pas, et leur droit a se detruire selon la methode qu’ils preferent ne vous regarde pas.
Pour moi, les grosses berlines, la vitesse au volant sont bien plus dangereuse que la drogue pour la societe (plus de morts par an), les smartphones aussi (les gens ne se parlent plus, meme parfois au restaurant on voit des couples chacun sur son smartphone), la tele: ne dit-on pas qu’une tele dans la chambre est un tue-l’amour (quid de la reproduction de l’espece).
La drogue ne tue personne, seulement un usage inapproprie le fait. Dans ce cas, on peut aussi interdire l’alcool, le tabac (des drogues les plus dangeureuses)…
« There’s no such thing as society. »
Vous vivez dans une société imprénée d’une culture.
Vous communiquez avec les membres de cette société dans la langue commune, et respectez les lois issues de l’histoire de cette société et cette culture en vue de les préserver.
La liberté individuelle est un choix de société.
Il faut admettre ce paradoxe: Le choix de la liberté est collectif.
« Pour moi, les grosses berlines, la vitesse au volant sont bien plus dangereuse que la drogue pour la societe (plus de morts par an) »
Je pense aussi que les limitations de vitesse sont des lois potentiellement justifiées.
Quant à la drogue, je n’en suis pas sûr; ce dont je suis sûr, c’est que la fin de non recevoir des libertariens est un faux absolu, que l’autodestruction des individus dans la drogue peut être combattue par la contrainte s’il est démontré que la société en est menacée.
 » …. La liberté individuelle est un choix de société.
Il faut admettre ce paradoxe: Le choix de la liberté est collectif… »
Faux je suis un homme libre.
Évidemment certains groupements d’hommes (État, clergé, tribu,etc ..) vont restreindre ma faculté à exercer cette liberté, mais mon droit d’homme libre reste consubstantiel à ma nature d’homme.
La « Société » ça n’existe pas, car l’essentiel des groupements humains, tels les états, fonctionnent sur l’adhésion obligatoire.
« La drogue pose à l’échelle de la société le problème de sa prospérité, voire de sa survie. »
La prospérité de la société n’est pas le but du libéralisme. Et la survie de la société, il faut déjà savoir ce qu’est la société…
« Plus généralement la liberté doit être le principe fondamental de la pensée politique, mais la pérennité de la société passe néanmoins avant – c’est-à -dire qu’une entorse à la liberté n’est acceptable que si elle est nécessaire au bien commun. »
Mouais, ça, j’ai du l’entendre de la bouche de pas mal de communistes et avec cet argument, on finit par trouver des justifications pour supprimer toutes les libertés… Qui décide ce qui est nécessaire pour la pérennité de la société et de ce qui est nécessaire au bien commun ? Et c’est quoi le bien commun ?
Le titre aurait plutôt dû être : « 5 idées reçues sur les libertariens américains. »
Avant d’être collectifs, les comportements sont (se doivent d’être) INDIVIDUELS et responsabilisants.
Les libertariens – comme d’autres courants de droite, refusant la collectivisation – sont divers et multiples.
Mais il est irritant de les voir user d’idées populistes pour tenter d’accéder à une parcelle infime d’opinion qu’ils représentent réellement. Or que ces idées sont parfaitement utopiques, donc inopérantes en cas d’accession à une minorité au pouvoir !
Ce que firent (utilement) un Reagan aux USA et une Mrs Thatcher en UK consiste à CORRIGER les déviances extrêmes au sein d’un système social prétendu démocratique … alors qu’il s’était dévié vers un collectivisme aux traits feutrés : ces Democrates aux US et old-Labor (Travaillistes) en UK, tous deux plutôt irréalistes sinon archaïques et idéologiques !
Les libertariens (en X, en Y ou en Z) sont simplement une ressucée droitière des déviances gauchistes perçues partout dans les systèmes politiques du monde ….
 » il est aisé d’imaginer qu’ils ne pensent qu’à eux : « je ne vivrai jamais pour le compte d’un autre », tel est le fil conducteur du roman d’Ayn Rand »
Je récuse totalement cette vision d’Ayn Rand.
Atlas Shrugged est un livre altruiste.
« Je ne vivrai jamais pour le compte d’un autre » n’est pas équivalent à « ne penser qu’à soi ».
Dès les premiers chapitres, l’héroïne (Dagny Taggart) se révolte contre l’injustice commise envers un concurrent, alors même que cette injustice sert ses intérêts. Cette révolte est donc parfaitement altruiste.
Et les exemples d’altruisme abondent jusqu’Ã la fin du livre.
Certes, John Galt et ses disciples incitent les hommes à penser davantage à eux, mais pas moins aux autres. Dagny Taggart et Hank Rearden aprennent ainsi à se battre autant pour eux-mêmes que pour les autres – mais certainement pas à les oublier.
Ne cédons pas à la propagande socialiste: Nous (libéraux) sommes révoltés par l’injustice commise envers autrui.
La différence est ailleurs : Pour nous, l’injustice n’est pas l’inégalité mais la contrainte.
John Galt refuse de collaborer avec le pouvoir à cause de la contrainte « le pistolet sur la tempe »: C’est son résumé du socialisme.
dans le libertarien c’est le « arien » qui me gene, moi
Aryen, pas arien. Ou alors à rien.
Et dans Grass, il y a non seulement ass, mais aussi SS
J’ai arrêté de lire à « influente et contreversée écrivain ». La
La non-maîtrise de la langue française, en particulier l’accord de l’adjectif avec le nom, me donne de l’urticaire.
C’est pour ça qu’il est nécessaire que les femmes restent à la cuisine.