Internet n’est pas mort, c’est vous qui êtes fatigués

Suite à l’affaire Snowden, nombreux sont les activistes qui baissent les bras avec le moto « Internet est mort ». C’est idiot.

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Internet n’est pas mort, c’est vous qui êtes fatigués

Publié le 24 août 2013
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Suite à l’affaire Snowden, nombreux sont les activistes qui baissent les bras avec le slogan « Internet est mort ». C’est idiot.

Par Grégoire Pouget.

Les révélations d’Edouard Snowden sur la surveillance généralisée d’Internet ont eu quelques effets de bord : le site Groklaw, spécialisé dans les affaires et questions juridiques liées aux nouvelles technologies, ferme les services d’envois d’emails sécurisé Silent Circle et Lavabit suspendent leur activité… Conséquence : nombreux sont les activistes qui baissent les bras avec le motto « Internet est mort ». Ça m’énerve. C’est idiot. C’est lâche.

Je me souviens d’un après-midi de juillet 2012 au cours duquel je suis allé écouter Stallman parler de logiciels libres. Après deux heures de discours du vieil hacktiviste sur le thème « Logiciels libres et droits de l’homme », une session lightning talk avait été organisée. Le principe est simple : tout le monde peut monter sur scène et prendre la parole pour présenter en 15 mn un projet ou une idée. Fabrice Epelbouin, journaliste, activiste, anti hadopi, etc. fut le premier à prendre la parole. En 15 mn, il a dépeint un tableau de la surveillance sur Internet déprimant, ce qui était peut-être visionnaire il y a un an. En conclusion, il expliquait que seuls quelques geeks velus et barbus étaient peut-être encore en mesure de protéger leurs communications sur Internet. Pour tous les autres, il était déjà trop tard.

15 minutes après, je montais à mon tour sur scène pour répondre à Fabrice et à son catastrophisme. Je racontais alors exactement ce que que je réponds aujourd’hui à ceux qui pensent qu’Internet est mourant, qu’Internet c’est fini parce que des agences de renseignement peuvent consulter leur messages privés sur Facebook, hotmail, yahoo, google et skype, accéder à la liste des sites qu’ils ont consultés, déchiffrer des messages codés avec les technologies Microsoft et peut-être plus encore vu que Snowden a transmis à peu près 20 000 documents à Bob Glenwald et que seule une petite partie a été publiée jusqu’ici oui je sais cette phrase est très longue : dire qu’internet est surveillé et qu’on ne peut rien faire, ça m’énerve, c’est idiot, c’est lâche. On peut faire beaucoup. Il faut faire beaucoup. La dernière chose à faire est de baisser les bras. Internet n’est pas mort et ce ne sont pas quelques espions et quelques milliards de dollars qui vont l’achever.

Soyez geeks

Protéger ses communications, c’est encore possible, même pour les non informaticiens. Si Greenwald, simple  journaliste a été capable d’échanger avec un cador de la sécurité informatique tel que Snowden, d’autres, journalistes ou non, seront capables de le faire. C’est une question de temps et d’envie. Il existe de nombreux guides en ligne sur la sécurité numérique. Des bénévoles organisent même assez régulièrement des réunions où chacun peut apprendre à protéger ses conversations et ses données, d’autres mettent à disposition des réseaux d’anonymisation financés par la communauté (faites leur un don au passage quand même). J’affirme qu’il est encore possible d’avoir des échanges confidentiels en ligne. Et même si quelqu’un arrive à me prouver le contraire, je continuerai à essayer de trouver un moyen de préserver ma vie privée en ligne, pas parce que je suis un dangereux terroriste mais parce que la vie privée est une composante essentielle de tout régime démocratique. Le jour où j’arrêterai d’essayer, le jour où nous arrêterons tous collectivement d’essayer, alors ce jour-là on pourra annoncer la mort d’Internet, mais ce sera le cadet de nos soucis, car ce jour-là, nous pourrons considérer que nous ne serons plus en démocratie. Lisez ou relisez Le système totalitaire d’Hannah Arendt.

Soyez citoyens

Ceux qui annoncent la mort d’Internet et la fin des échanges privés en ligne ont tendance à considérer leur gouvernement comme une entité qui leur est complètement étrangère. Dans nos sociétés démocratiques, le gouvernement, nos élus, sont les représentants du peuple. Ils sont dépositaires de la souveraineté du peuple. Et le peuple, c’est nous. Il y a mieux à faire que de pleurer la mort d’Internet : contactez vos élus et demandez-leur des comptes. Si vous êtes citoyen américain, il y a de quoi faire en ce moment. Citoyen français ? Rassurez-vous, il y a du boulot aussi. Des députés veulent passer une loi sur la surveillance ? Ne les laissez pas faire. Contactez-les. Demandez-leur un rendez-vous téléphonique. Discutez. Expliquez. Mais ne restez pas étranger au jeu démocratique. Cette démocratie que vous avez si souvent défendu à coups de VPN et de cryptographie, ici ou ailleurs, servez-vous en et agissez. La politique, c’est moins cool que le data love mais c’est plus utile.

Voilà amis hacktivistes quelques pistes pour ne pas abandonner. Comme disait papi Stalmann, en juillet 2013, amené à s’exprimer sur le scandale Prism :

If you want to have the possibility of some privacy someday, you’d better join the fight now, because now a bunch of other people are joining the fight. Now is the moment when you can make a difference.


Publié initialement sur Barbayellow.com

 

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  • C’est le « motto » et je préfère encore le français « slogan », « devise », « aphorisme », etc.

    Contrepoints : corrigé, merci.

  • Faut arrêter le délire: Internet est et reste un réseau anarchiste, imaginé conjointement par des militaires et des universitaires geeks, et donc largement incontrôlable et indestructible.
    On peut contrôler des bouts, mais on peut toujours passer outre.
    Pour la messagerie qui reste un des éléments importants du système, avoir son propre service de messagerie et crypter les messages est à la portée de n’importe quelle entreprise, ou de particuliers un peu avancés.
    Le problème n’est pas Internet, mais les usagers. Si vous laissez passer non cryptés des messages confidentiels, c’est de VOTRE faute, ne venez pas vous plaindre qu’ils aient été lus. Si vous confiez votre service de messagerie à une société américaine, ou allemande, ou anglaise, ne venez pas vous plaindre non plus.
    Mots-clefs: postfix, qmail.

    • Vous faites le malin parce que, vous, vous êtes capable de passer outre comme vous dites.
      Mais pour 99% des gens ça n’est pas le cas. Merci de penser à eux.
      Il n’est pas dit autre chose dans l’article.

    • Mouais, de l’anarchie organisée quand même, car aucune agence n’utilise des outils d’espionnages qu’elle ne contrôle pas; vous le dites vous-même, Internet a été créé par des militaires…

      Le fait qu’il faille justement avoir recours au cryptage pour espérer un peu de tranquillité sur un réseau utilisé par tout le monde (et censé appartenir aux Internautes), c’est peut-être le problème, non ? Surtout quand ces moyens de cryptage sont payants (ex réseaux VPN)…

      Vous imaginez une Poste qui lirait tous les courriers, et des gens se disant de manière désabusée: « bah vous avez qu’à l’écrire en chinois et mettre du répulsif » ?

  • Bonjour,

    Merci de redonner un peu de lumière dans ce qui semble être sombre…
    En effet comment baisser les bras, depuis que je me suis lancé dans l’autohébergement, pas une journée sans deux ou trois petites mauvaises nouvelles…
    En effet pas une où on ne relatte pas un tel écouté, enfermé, mis au silence… Des lois de plus en plus restrictives, etc.
    Il y a de quoi ! Mais vous nous donné espoir, un regain de force !
    Merci encore !

  • L’intimité d’une relation n’est pas une question de démocratie, elle est bien plus fondamentale et touche à la santé mentale humaine.

    Tout homme (et femme!) est confronté à ce dilemme: en société, dans ses relations professionnelles, amicales, amoureuses, parentales, quelle est la limite à mon désir de savoir ce que l’autre pense, et se trouve-t-elle au même niveau que la limite à ce que j’aimerais garder pour moi de mes pensées?
    Ceux qui minimisent le besoin d’établir ces limites ne doivent pas exister vont au devant de sérieux troubles psychologiques personnels… mais d’un autre côté, le combat n’est jamais gagné.

    • EDIT: Ceux qui minimisent le besoin d’établir ces limites [] vont au devant de sérieux troubles psychologiques personnels… mais d’un autre côté, le combat [intérieur] n’est jamais gagné.

      • Donc, direction l’asile pour ceux qui critiquent l’État…

        • La crise Snowden est une espèce d’épisode schizophrène collectif, en effet.
          Dans une société saine, le public renonce de son côté à demander au RG de publier ses informations opérationnelles récoltées au hasard de ses poursuites.
          En contrepartie, le RG doit reconnaître sa limite opérationnelle. Celle-ci est la réciproque de ce qui fait qu’un homme sain ne peut prétendre au droit de connaître toutes les pensées de sa partenaire sous prétexte que l’amour vrai doit être «total». L’amour est une relation qui part de l’individu. Il ne peut pas logiquement être affaibli par un élément qu’il ne connaitrait pas : au contraire, il est affaibli par un manque de confiance. Cela ne signifie pas qu’il ne puisse être déçu, mais il exclu en tout cas par principe, la « recherche » de la déception.

          • « En contrepartie, le RG doit reconnaître sa limite opérationnelle. »

            En effet, mais le problème est que cela suppose que la bureaucratie fonctionne de façon rationnelle, objective et connaisse cette limite. Or elle reste une corporation, surtout après avoir atteint un certain niveau de pouvoir…

  • Là, ça s’appelle de l’aveuglement. Dan Brown, qu’on a pris pour un fou, décrit très bien le fonctionnement de PRISM et X Key Locker (sous un autre nom) dans son livre Forteresse Digitale et affirme que ce qu’il décrit était la vérité. On a pas voulu le croire à l’époque et les fédéraux avaient démenti (forcément !). Mais si on prend en compte ce qu’il décrit, alors la confidentialité en ligne est une chimère.
    La seul confidentialité que nous pouvons espérer est à l’égard des industriels, pour les empêcher d’avoir nos habitudes de surf, de vie, de consommation. Mais celle à l’égard des États est une illusion.

    • Internet est une fiction par laquelle chacun espère être entendu de tout le monde mais pas écouté par ceux qui pourraient mal le prendre. Dans la pratique, c’est exactement le contraire, mais l’individu dispose toujours de son intelligence et d’un merveilleux outil, il lui faut apprendre à s’en servir astucieusement (et modestement). Etre écouté n’empêche pas de propager des idées ni d’échanger des secrets. Ca nuit juste à ceux qui veulent qu’on sache qu’ils sont à l’origine de l’idée, ou un des heureux initiés au secret.

  • Bonsoir.
    Pour les utilisateurs Lambda d’internet qui souhaitent se « sécuriser » un peu plus, quels sont les logiciels intéressants ?
    Merci.

  • Il existent toujours des alternatives, mais il faudra un certain temps à tout mettre en place. Le truc le moins sécurisé reste l’email (oui on peut chiffrer mais c’est loin d’être infaillible). Le SSL peu être compromis si la NSA obtient les clefs privées auprès de ceux qui décernent des certificats. Le chiffrement asymétrique reste le plus sûr si l’échange de clé à lieu de machine à machine, contre l’écoute passive c’est excellent mais contre l’écoute active c’est autre chose (avec un espion au centre).

    Il y a Jitsi comme alternative à skype par exemple, open-source et chiffré. Skype aussi est chiffré sauf que son protocol est obscur et qu’il n’est plus vraiment p2p, centralisant les êchanges et compromettant la sécurité.

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