Garantie universelle des loyers : des critiques renouvelées

Les acteurs du marché de l’immobilier ne décolèrent pas contre la garantie universelle des loyers voulue par Cécile Duflot, viciée par nature et dont les coûts seraient largement minimisés.

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Garantie universelle des loyers : des critiques renouvelées

Publié le 30 août 2013
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Les acteurs du marché de l’immobilier ne décolèrent pas contre la garantie universelle des loyers voulue par Cécile Duflot, viciée par nature et dont les coûts seraient largement minimisés.

Par Alexis Vintray.

Immobilier (Crédits : chambre de commerce et d'industrie des Vosges, licence Creative Commons)La garantie universelle des loyers voulue par Cécile Duflot et prévue dans le projet de loi ALUR continue à être sous le feu des critiques des acteurs du marché de l’immobilier comme l’assureur Galian ou les réseaux d’agences FNAIM et ERA. Lors d’une conférence de presse tenue ce matin à Paris, les deux premiers acteurs ont pu détailler leurs critiques envers un projet « idéologique », aux coûts « sous-estimés au moins de moitié » et porteur de « graves risques de dérives ».

Ainsi, pour Georges Isaac, président de l’assureur Galian, ce « texte aux motivations quasi idéologiques » est une usine à gaz dangereuse qui va coûter cher à tous et nourrir un aléa moral mettant en danger les finances publiques.

L’assureur Galian, qui assure 140 000 logements contre les impayés de loyers, conteste à nouveau le chiffrage du ministère, jugé largement sous-estimé : là où Cécile Duflot parle de 400 à 700 millions € de coûts annuels, l’assureur estime que la dépense sera au moins « d’1,5 milliard € voire 2 milliards € », soit de 2 à 5 fois plus, financés par de nouvelles taxes.

Raison à cela, une minimisation des coûts sur tous les postes :

  • fréquence du sinistre inférieure à la pratique (2,5% dans les hypothèses du ministère, alors qu’il faut s’attendre à 5% voire 8% si la dimension « sociale » du texte est renforcée,
  • coût de gestion supposé bas, en dessous de toute estimation raisonnable,
  • taux de taxe annoncé initialement à 2%, revu à 1,5% sans que les coûts aient changé significativement,
  • occultation de l’aléa moral introduit par une garantie universelle,
  • etc.

Outre le coût largement sous-estimé selon ses calculs, l’assureur pointe un financement incertain, fait pour partie en déshabillant Paul (utilisation de la participation des employeurs à l’effort de construction) ou tout simplement absent pour l’instant. Surtout, les besoins de financement ne tiennent pas compte du « dérapage budgétaire certain » à prévoir selon le président de Galian. À créer une garantie universelle et obligatoire, le projet de loi introduit en effet un fort aléa moral (sur lequel Contrepoints a déjà eu l’occasion de revenir) :

  • Aujourd’hui le propriétaire sait qu’il est assuré, le locataire ne le sait pas. En rendant de telles assurances obligatoires, le projet de loi accentue la déresponsabilisation des locataires qui cesseront de payer plus facilement sachant que le propriétaire ne sera pas impacté directement.
  • Les propriétaires n’auront plus aucun intérêt à louer au locataire au meilleur profil de risque mais tout intérêt à privilégier celui prêt à payer le plus, même s’il ne peut pas assumer le loyer. La Garantie Universelle des Loyers viendra combler le trou, tandis que les bons payeurs et les propriétaires honnêtes souffriront.

Par ailleurs, pour gérer la colossale organisation nécessaire (15 millions de locataires sont concernés), l’État devrait créer une agence, un « machin qui va venir augmenter les charges de l’État », avec « de nombreux fonctionnaires supplémentaires pour y travailler ». En période de déficits élevés, est-ce la priorité ?

Ce qui fait dire au président de Galian que la Garantie Universelle des Loyers est « un projet à haut risque qui va engendrer de nouveaux déficits pour l’État, détériorer les rapports locatifs et bouleverser le marché des assurances de loyers impayés ». Entendre par ce dernier point faire disparaître de nombreux acteurs privés, ou au moins les mettre en grave danger.

Un diagnostic sur lequel la FNAIM semble en accord puisque son président, Jean-François Buet, estime que c’est un « projet de loi voué à l’échec », qui ne réussira pas plus que la GRL (Garantie des Risques Locatifs), pour les mêmes raisons : « c’est une garantie universelle qui va traiter tout le monde de la même façon, y compris les mauvais payeurs volontaires ». La GRL a échoué parce que de nombreux propriétaires, se sachant assurés, ont loué à n’importe qui sans garanties. Selon Jean-François Buet, la Garantie Universelle des Loyers ne fait qu’amplifier ce problème, laissant présager d’un dérapage massif des dépenses, que le contribuable devra payer.

Le patron de la FNAIM est rejoint par celui d’ERA, François Gagnon qui écrivait hier : « nous n’avons pas besoin de GUL, elle est dangereuse pour l’équilibre démocratique et pour la morale même, et elle comptera parmi les moyens les plus efficaces d’accentuer le déficit public. »

Seront-ils entendus par une ministre qui fait jusqu’à présent la sourde oreille aux critiques de plus en plus nombreuses du projet de loi ?

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  • En tant que bailleur , j’apporterai quelques précisions sur des inexactitudes.

    « Aujourd’hui le propriétaire sait qu’il est assuré, le locataire ne le sait pas »

    Inexact. Le propriétaire qui veut s’assurer doit transmettre à l’assureur un certains nombre de pièces et de justificatifs qu’il doit réclamer au locataire.
    Donc le locataire sait que son proprétaire est assuré.

    ◾ »Les propriétaires n’auront plus aucun intérêt à louer au locataire au meilleur profil  »
    Si le propriétaire veut s’assurer, il n’est plus maitre du choix du locataire.
    Il doit attendre le feu vert de l’assureur qui après consultation des pièces fournies par le locataire dira oui ou non.

    • Les pièces en question sont directement demandées dans le dossier initial, le locataire ne sait pas qu’elles servent de justificatif à l’assurance.
      De toute façon, que le propriétaire soit assuré ou pas ça ne change pas grand chose pour le locataire : si il ne paye pas il a toujours autant de dettes, simplement au lieu de devoir l’argent au propriétaire il le devra à l’assurance, et son service juridique a priori plus aguerri qu’un bailleur banal comme richard_proprio.
      C’est pour ça que la pratique de l’assurance privée n’introduit pas d’aléa moral. Contrairement à la GUL, car personne n’imagine que l’Etat ira poursuivre les mauvais payeurs.

      • En effet. C’est surtout… de l’accompagnement social qui est prévu, pour aider au maintien dans le logement. L’exact opposé, d’où l’aléa moral massif

    • Entièrement faux. Je viens de prendre une assurance proprietaire….

  • d’autre dérive sont possible :
    l’état pourrait décider de ne pas couvrir à 100% les loyer impayés pour « faire faire des économies à la nation »
    L’état pourrait obliger les propriétaire à négocier des remises de dettes comme cela existe déjà pour les foyers surendettés actuellement.

    • Il pourrait sembler que, dans toute cette histoire, au delà de l’aspect financier, il s’agit aussi à terme d’organiser l’interdiction pour le bailleur de choisir son locataire librement… Un tel choix va finir par être présenté comme illégitime, donc discriminatoire, au motif que le bailleur dispose d’une garantie obligatoire…..

      • @ SD
         » au delà de l’aspect financier, il s’agit aussi à terme d’organiser l’interdiction pour le bailleur de choisir son locataire librement »

        Mais le bailleur n’a déjà pratiquement plus ce droit !
        Son seul motif de refus d’un locataire accepté, c’est le volet financier (pas suffisamment de garantie de revenus, par rapport au loyer demandé) mais c’est tout !

        • Vous avez parfaitement raison…. et c’est malheureusement bien ce que je dis, il s’agit in fine de retirer au bailleur toute possibilité de contracter librement en appréciant le risque, au delà du seul niveau de ressources, puisque l’Etat prétendra avoir supprimé ledit risque ; Il n’est pas impensable que si le bailleur n’est ainsi plus fondé à refuser qui que ce soit, une administration puisse à terme aussi lui imposer certains locataires « prioritaires »… à choisir parmi les clientèles politiques.

  • Le problème de la GUL c’est le U de universel.

    Les assurances privées fonctionnent bien car elles ne sont pas universelles, puisqu’elles tendent à écarter tous les dossiers présentant un risque excessif.

  • Cette usine à gaz universelle me donne des idées.

    Imaginons que j’aie un ami qui me loue officiellement un loft à 1000 euros / mois. Nous nous mettons d’accord pour que je lui verse officiellement 600 euros et officieusement 200 euros en cash ni vu ni connu. Il déclare officiellement un manque de 400 euros qui est couvert par la garantie. Résultat: je débourse 800, il gagne mes 800 + 400 euros couverts = 1200.

    Bien évidemment pour éviter ces effets de bord, il faudra un code de la location aussi épais que le code du travail, qui générera d’autres effets de bords de toutes façons.

    Dalloz n’a pas fini d’imprimer

    • je ne comprends pas bien votre stratagème.
      Puisque vous lui louez un loft pourquoi c’est vous qui commencez par lui verser 600 euros ?

    • Il me semble que l’état se réserve quand même le droit de poursuivre les indélicats. Il ne s’agit pas non plus d’un droit a ne pas payer. Ne pas payer sciemment est quand même une grosse prise de risque, face au bénéfice.
      Mais j’imagine avec quelle efficacité l’état recouvrera ses créances…

  • Égalitarisme quand tu nous tiens !
    Mais notre ministre n’en n’est pas à une stupidité près. La preuve :
    « C’est parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir. » Affirmation aussi sentencieuse que rance, empruntée par C. Duflot à Rousseau (article paru dans le Monde.fr du 22/02/2013).
    L’égalité n’étant précisément pas dans la nature des choses, comment en effet la force de ces mêmes « choses » tendrait-elle à l’y détruire, et comment une quelconque force – fut-elle celle de la législation – pourrait-elle tendre à l’y maintenir ?

    • L’égalité inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme est celle devant la loi. L’égalité de moyen est une injustice flagrante contraire aux Ddl’H . La GUL est donc illégale car propriétaires et locataires n’ont pas les memes droits (liberté de choix, garantie du risque).

  • La Fnaim n’est pas une référence pour ce qui est du respect de la démocratie. C’est juste un gros lobby qui impose ses règles. Pour le cas présent, elle a raison. Pour d’autres cas elle s’arrange comme elle veut et normalise l’immobilier….je n’aime pas la Fnaim. Ce sont des escrocs.

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