La gauche et la guerre

Une perspective historique sur les liens passionnels que la gauche entretient avec la guerre.

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Rafale Mali 2013

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La gauche et la guerre

Publié le 1 septembre 2013
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Une perspective historique sur les liens passionnels que la gauche entretient avec la guerre.

Un article de Jean-Baptiste Noé.

Rafale Mali 2013

S’il fait bombarder la Syrie, François Hollande entre ainsi en guerre contre un deuxième pays depuis un peu plus d’un an d’exercice du pouvoir. C’est un fait assez rare dans l’histoire moderne de la France, fait qui témoigne des liens passionnels que la gauche entretient avec la guerre.

Depuis la Révolution française, la gauche est belliciste, et la droite pacifiste. C’est la gauche révolutionnaire qui entre en guerre contre la Prusse et l’Autriche le 20 avril 1792, alors même que les monarchistes y sont opposés, au nom du pacte de familles. La guerre se fait non pas pour des motifs stratégiques ou de conquêtes, mais pour des raisons idéelles : il s’agit de renverser les tyrans et d’établir des républiques sœurs. L’armée est alors un réservoir de républicains, et c’est parmi les soldats que s’édifie le creuset républicain, qui permet quelques semaines plus tard de renverser la monarchie, puis d’affermir la république.

Après les défaites napoléoniennes, la gauche reste nostalgique de la grande France, et une part essentielle du programme républicain consiste à vouloir récupérer les territoires perdus de l’autre côté du Rhin. Les rois de France doivent alors souffler le chaud et le froid : rester pacifistes pour ne pas heurter leurs soutiens monarchistes, tenter quelques combats pour montrer de la bonne volonté à l’aile gauche. C’est ainsi que Charles X se risque à une expédition en Grèce en 1828, où il fait débarquer 15 000 hommes en Morée. Il s’agit alors de libérer la Grèce de la domination ottomane, de protéger un peuple chrétien contre l’oppression des musulmans. L’intervention ne fut possible que parce que l’opinion des monarchistes a changé, et que ceux-ci sont désormais favorables à une intervention, comme les républicains. C’est le début d’un tournant, qui peut ensuite justifier l’intervention à Alger en 1830, pour punir le dey qui a maltraité un diplomate français, et pour sécuriser la Méditerranée. Charles X crut contenter les républicains lorsqu’Alger fut pris le 5 juillet. Cela n’empêcha pas lesdits républicains de le renverser à la fin du même mois. La politique intérieure a toujours pris le pas sur la politique extérieure.

Sous Louis-Philippe, les républicains n’ont cessé de témoigner de leur pensée belliciste, voulant absolument récupérer la rive gauche du Rhin. Mais ce groupe reste encore très minoritaire et, pour assurer son élection et son référendum, Louis-Napoléon Bonaparte doit faire campagne sur l’idée que « L’Empire, c’est la paix ». Il s’est ensuite risqué à quelques interventions extérieures : Italie, Crimée, Indochine, où les pertes furent importantes, mais la victoire assurée. Au Mexique, les pertes furent faibles, mais la défaite désastreuse. L’expédition fut pourtant menée avec l’aval des républicains, qu’il pensait ainsi pouvoir contenter.

Ce sont les mêmes républicains qui ont œuvré pour l’entrée en guerre contre la Prusse en 1870, contre la volonté impériale. Napoléon III, fatigué et malade, et vivant sous l’ombre glorieuse de son oncle victorieux, s’est laissé convaincre. La Chambre des députés, beaucoup plus libres après les réformes constitutionnelles des années 1865-1869, lui ayant forcée la main. On sait quel désastre ce fut. Malgré lui, l’Empereur mena une guerre qu’il ne voulait pas, et il la perdit.

Les républicains au pouvoir ne cessèrent de vivifier le mythe de la revanche. L’école était leur usine, qui devait fabriquer de solides et sincères républicains, prêts à se faire abattre, et à verser leur sang dans la guerre future contre l’Allemagne. En ce sens, l’école de Jules Ferry réussit parfaitement, en sont pour preuves les interminables monuments aux morts de nos communes. Ces enfants de l’école laïque et républicaine ont accompli jusqu’au bout leur devoir. Ce n’est que lorsque le socialisme a pris le monopole de la gauche, et a chassé les républicains vers la droite, dans un mouvement dextrogyre bien connu, que la gauche s’est montrée beaucoup plus hésitante sur les questions de guerre. Mais entre le discours et la réalité, le fossé est allé en se creusant. Léon Blum dit ne pas intervenir en Espagne en 1936, mais il fait passer du matériel et des armes aux révolutionnaires espagnols. Guy Mollet et François Mitterrand témoignent d’une main de fer dans les questions coloniales, notamment en Algérie. La colonisation, cette grande idée de la gauche généreuse et émancipatrice des peuples, trouvera son terme avec la droite au pouvoir. Il a fallu le courage du Général de Gaulle pour arrêter l’occupation coloniale en Afrique, d’abord avec l’Afrique noire en 1960, puis avec l’Algérie en 1962. Le Général de Gaulle a lui-même défini sa politique coloniale en ces termes : « La décolonisation est notre intérêt, donc c’est notre politique. » Le principe réaliste l’emporte sur le principe idéologique.

Jusqu’en 1991, la France n’intervient pas à l’extérieur, Guerre froide oblige. Dès que le mur est tombé, alors les interventions ne cessent de se multiplier : Golfe, Yougoslavie, Serbie, Kosovo, Afrique, Afghanistan, Libye, Sahara. Depuis 1991, la France est continuellement en guerre, et ses troupes sont en opération extérieure sans interruption. Jamais nous n’avons plus connu la guerre que depuis la fin de la Guerre froide.

Or ces guerres sont menées non pas pour des raisons réalistes et stratégiques, mais pour des causes humanitaires. L’armée est déployée pour défendre les populations ou la démocratie, au nom du droit d’ingérence, ou bien au nom des peuples libres à libérer les peuples asservis. Nous avons ainsi face à nous un panorama des plus intéressants : les idéalistes sont des faucons et les réalistes des colombes. C’est au nom de l’idéal de la démocratie que la guerre est menée, et c’est au nom d’une réalité dangereuse et complexe que l’on cherche à faire taire les armes. Le vecteur de la guerre ne se trouve pas dans les marchands de canons ou le capitalisme, comme a tenté de le faire croire l’historiographie marxiste, mais dans la propagation de l’idée faite action. Nous en revenons ainsi toujours à cette constatation : l’idéologie a besoin de la guerre pour survivre.

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  • Merci pour cet article. C’ est une accumulation de faits historiques, et malgré cela il est strictement impossible de le faire comprendre à des gens de gauche…allez savoir, de bons soldats!

  • « l’entrer en guerre » : l’entrée en guerre
    « il l’a perdit » : il la perdit

    Sinon, bon article et excellente conclusion : les guerres ne servent que les idéologues.

    A propos de Flanby, son action montre qu’il n’a aucune limite dans le recours à la violence. Pour l’instant, il s’agite à l’étranger mais quelques signes très inquiétants laissent penser qu’il n’hésitera pas à appliquer la même violence en France si cela devait servir ses intérêts. C’est ce qui arrive quand on laisse des personnage immoraux acquérir du pouvoir : ils ne connaissent aucune limite, aucune décence, aucun frein à l’abus.

    • Non c’est ce qui arrive quand un faible reçoit un tel pouvoir et ne sait pas en user… alors il en abuse. « A ce niveau d’incompétence, c’est de la connerie » disaient les tontons flingueurs…

  • vouloir comparer la  » gauche  » républicaine de l’an 2, nationaliste, violente, agressive, avec la gauche hyperprotectioniste, marieuse de PD, et défenseuse des petit oiseaux qui gazouille d’aujourd’hui, n’ a aucun sens.
    depuis deux siècles, la droite s’est montré tout autant belliciste que la gauche: c’est charles 10, pour des raison de politique intérieur qui attaque l’algérie en 1830, le reigne de napoléon le petit, que l’on ne peut vraiment pas qualifier de gauchiste, est émaillé de guerre: en italie, en crimé, au mexique, en indochine. jusqu’a celle de trop: c’est lui qui déclare la guerre à la prusse, mal lui en prendra !
    sous la troisième république, c’est la gauche, avec clémenceau, qui s’oppose aux agressions coloniales !
    au 20ième siècle, c’est jaurés, qui tente de s’opposer à la guerre contre l’allemagne, alors que la droite est trés belliciste. c’est mendès-france, de gauche, qui termine la guerre en indochine. en algèrie, encore, c’est la droite qui réclame la guerre à outrance ( OAS )
    pendant la première guerre du golfe, les opposant à la guerre sont aussi bien à droite ( le pen ) qu’à gauche ( chevènement )
    je précise que j’ai toujours voté à droite, et que je ne defend donc personne, mais seulement la vérité historique.
    le magazine contrepoint ne se grandit pas à donner la parole à des pipologues dont le seul but apparent, est de noircir du papier, sans aucun soucis de la mondre exactitude !

    • Si vous lisiez l’article avec davantage d’attention, vous vous rendriez compte que, justement, l’auteur du papier ne fait pas l’amalgame dont vous parlez.

    • Petite précision : sous la 3e République, c’est la gauche, avec Jules Ferry, qui défend la colonisation…
      Si seulement on pouvait tout bien ranger dans de jolies petites cases, comme l’enseignement de l’Histoire serait facile !

      • merci de m’apprendre que jules ferry était à gauche, s’il revenait aujourd’hui, je pense qu’il faudrait le classer au FN.
        ça ne change pas que clemenceau était plus à gauche que lui.

        • Le FN est-il à droite ?
          Blague à part, à son époque Jules Ferry était considéré comme « centre gauche », la politique aurait-elle tant dérivé vers la gauche qu’il se retrouverait aujourd’hui dans ce qui est appelé « extrême droite » ?
          Je crois que vous faites (de même que l’auteur de l’article d’ailleurs) une erreur assez classique, qui est de juger les politiques passées à l’aune des valeurs d’aujourd’hui. Il est évident que, comme vous le dites, la gauche de Hollande, Valls ou Mélenchon n’a rien à voir avec les Montagnards de 1792, ni avec celle qui fit la Commune de 1870, avec Clémenceau ou Blum !
          Si vous êtes soucieux de « vérité historique », comme vous le dites, je vous invite à lire « historiquement correct » de Jean Sévilla, qui remet quelques pendules à l’heure.

    • Vous avez étudiez la révolution ou vous avez regardez des émissions télévisées sur le sujet? Je penche pour la deuxième option. Les guerres de la révolution et napoléoniennes furent toutes des guerres avec un fond idéologique, de Valmy à Waterloo. J’ai bien dit un fond d’idéologie : c’était le ressort principal mais d’autres raisons pouvaient s’ajouter, tout à fait politique et terre à terre. Il s’agissait, pour les idéologues de l’assemblée, de répandre l’idéal humaniste et démocratique contre les « tyrannies » monarchiques et rétrogrades.

      Et si vous pouviez éviter de trop passionner le débat en vous abstenant de prendre à partie l’auteur, ce nous évitera des réponses trop acides comme la mienne.

    • Le débarquement à Sidi Feruch fut ordonné non pas pour laver un affront, mais parce que le Day d’Alger avait osé réclamer à Charles X la dette contractée par les révolutionnaires et l’Empire auprès des marchands de blé juifs d’Algérie, dette qui avait été garantie par le Day… Bref encore une sombre histoire de gros sous. A noter que ce territoire sous contrôle des Ottomans ne s’appelait pas à l’époque Algérie; Ce sont les Français qui lui ont donné ce nom. Dans ce texte il y a malheureusement beaucoup d’inexactitudes historiques.

  • effectivement , les immigrés qui votent à gauche ne savent pas que ce sont des gouvernements socialistes qui ont voulu garder l algérie française et que c est degaulle, la droite qui leur a donné l indépendance, un ancien combattant envoyé au liban en 1984 par mitterrand et hernu….http://soldatducontingent8308.wordpress.com/

  • Personne ne nie qu’il existe une gauche pacifiste ; le problème, c’est que ce n’est pas elle qui prend le pouvoir.
    Napoléon III était un homme atypique, qui n’a jamais renié sont engagement dans les « carbonari », et qui a tenu sa promesse de soutenir par les armes l’unité italienne, alors que ça n’avait aucun intérêt pour la France. Pour ce qui est de la guerre de 70, le voile plus que pudique que laisse le Mammouth sur les forces belliciste est très parlant.
    Jaurès n’était pas mort lors du vote de la loi des 3 ans.
    La thèse du front populaire « pacifiste qui ne fera rien contre la montée d’Hitler » a été exposée, et démontée, lors du fameux procès de Riom. Ce qui n’en fait pas une gauche belliciste pour autant, notez.
    etc.

  • En 91, c’est la gauche mittérandienne qui fait la guerre du golfe et intervient en ex-Yougoslavie, en 99 et en 2001 c’est le tandem Chirac-Jospin qui va au Kosovo et en Afghanistan, en 2013 c’est Flanby au Mali et peut-être en Syrie. La droite intervient en 2011-2012 en Libye, avec l’appui ferme de notre gauchiste national BHL.

    • Au Mali il s’agissait non d’une guerre mais d’une opération de police visant a mettre hors d’état de nuire une bande armée spécialisé dans la prise d’otages , le meurtre et la destruction.

  • La gauche belliciste et la droite pacifiste. Bah oui, les Napoléon étaient de gauche, c’est bien connu…

  • C’ est sûr vous avez parfaitement raison, Mitterrand était un pacifiste. Même sans parler de ses guerres, allez raconter ça aux néo-zélandais.

  • Dans la liste des gauchistes belliqueux, ne pas oublier Kouchner, et son fameux « droit d’ingérence », prétexte idéal pour faire parler le canon.
    Ces politocards sont à vomir.

  • Les guerres menées à l’étranger n’ont jamais résolu les problèmes. On attaque un pays pour une cause quelconque, ensuite la guerre amène son lot de problèmes et on continue à faire la guerre pour les résoudre. Et il y a aussi un « après », lorsqu’on se rend compte que tout ça aurait pu être évité, etc. Non, la guerre n’est pas une solution, elle devient même le problème…

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