« Obamacare », le projet d’assurance santé monopolistique obligatoire, se justifie en posant les soins comme des droits. Qu’en est-il, et quelles sont les conséquences de cette hypothèse ?
Par David John Marotta et Megan Russell, depuis les États-Unis.
Pour arriver à la conclusion que le dispositif Obamacare (l’Affordable Care Act) est un progrès pour la société, il faut accepter plusieurs axiomes faux. La législation encourage tout le monde à prendre une assurance santé en punissant ceux qui n’en prennent pas. Quiconque refuse d’acheter une assurance santé doit payer une amende de 2,5% de ses revenus, ou de 2085 dollars si ce montant est inférieur.
Les entreprises d’au moins 50 employés doivent couvrir les soins de santé de leurs salariés à temps plein ou payer une amende. Les primes et la couverture de santé de ces assurances sont réglementées. L’assurance des plus pauvres est subventionnée.
Les partisans de l’Obamacare affirment que le remboursement des frais de santé est un droit de l’homme. Mais les droits sont des actions qu’il est interdit à autrui de vous faire, ou interdit d’infliger à d’autres. Vous avez le droit sur vous-même car il est interdit aux autres de prendre votre vie. Vous avez le droit de libre expression car il est interdit aux autres de vous faire taire. Vous avez le droit de rechercher le bonheur selon vos propres termes car il est interdit aux autres de décider à votre place de l’emploi de votre existence.
Il n’existe pas de droit à la santé
Mais les soins ne sont pas un droit. C’est un service rendu par un médecin. Vous ne pouvez pas avoir un droit de disposer des autres à votre service. Le personnel médical a le droit sur lui-même et donc le droit de choisir à qui rendre service ou pas.
Présumer que l’assurance santé est un droit se heurte au même écueil. L’assurance est un service rendu par le capital d’autrui. Vous ne pouvez pas avoir de droit à disposer de la propriété des autres.
On a besoin dans la vie de choses dont on ne peut exiger des autres qu’il vous les fournissent contre leur gré. Chacun de nous a besoin de nourriture et d’eau, de se vêtir et de se loger. Pour avancer dans la vie, il nous faut une éducation et une profession. La plupart d’entre nous a aussi besoin d’amour, de présence, de loisir, et d’un sens de l’accomplissement. Pourtant aucune de ces choses n’est un droit. Ce sont seulement des besoins humains. Vous avez le droit de rechercher le bonheur, mais pas le droit de charger les autres de garantir votre bonheur.
Un dispositif qui ne fait que des perdants
Donc les soins de santé ne sont pas un droit, mais sont-ce au moins des besoins basiques qu’il nous faut combler de notre mieux ?
La plupart des gens a besoin d’une garantie contre les maladies graves ou les accidents catastrophiques. Mais l’Obamacare ne couvre pas ce besoin, du moins pas exclusivement. Au lieu de ça, il fournit une large palette de couverture des frais de santé routiniers, allant des visites chez le généraliste pour un mauvais rhume, à la contraception.
Les dépenses de santé aux États-Unis représentent 18% du PIB. Le coût de santé pour une année dépasse la moyenne lorsqu’elle excède 18% des revenus de votre foyer. Pour couvrir ces besoins  de meilleure façon que les assurances actuelles, l’Obamacare devrait exiger des primes inférieures à 18% de nos revenus.
Pour une famille de 5 personnes avec des revenus de 50 000 dollars par an, 18% se traduit par des frais de santé annuels de 9000 dollars. Parce que l’Obamacare couvre tant d’actes médicaux routiniers, la prime pour couvrir ces frais pour cette même famille est estimée à 20 000 dollars. Avec un tel coût largement supérieur à la moyenne de coût de garantie contre les incidents catastrophiques de santé, l’Obamacare est très loin d’atteindre son objectif.
L’Obamacare force tout le monde, même les jeunes en bonne santé, soit à acheter une assurance de santé soit à payer une amende. Pour que l’Obamacare soit équitable envers les assurés à haut risque, la législation prescrit que les primes ne doivent pas différer par plus d’un facteur de trois. Ainsi les jeunes sont obligés de payer des primes s’élevant au tiers de celles des mourants.
Pour une personne en bonne santé dont le risque d’incident de santé catastrophique est pratiquement nul, même la prime d’assurance moyenne à 18% est trop chère.
Dans un marché libre, la plupart des soins pour ces gens à faible risque seraient tout à fait abordables. Mais avec l’Obamacare, ils ont intérêt à refuser la couverture et payer l’amende.
Il en va de même pour les pauvres. Comme les primes sont si chères, ils sont gagnants s’ils ne prennent pas d’assurance. Mais comme leur couverture est subventionnée, les autres assurés du système paient pour que cette personne dispose d’une couverture trop dispendieuse.
Les économistes qualifient ce phénomène de « perte sèche ». Par exemple, quand on vous offre un cadeau à 20 dollars pour lequel vous n’auriez payé que 5 dollars, il y a une perte sèche de 15 dollars. Ces 15 dollars de valeur sont perdus par le destinataire et l’acheteur.
Si ces assurés payent seulement 2000 dollars par an mais que l’État leur fournit pour 20 000 dollars de service, il y a une perte sèche de 18 000 dollars. C’est une somme conséquente qui est perdue par les contribuables qui paient la facture, et par les assurés qui ne reçoivent qu’une fraction de cette valeur au final.
Il aurait mieux valu faire ce cadeau en numéraire. Il aurait été plus utile de faire un chèque aux pauvres pour 20 000 dollars, en leur laissant la liberté de dépenser cette somme selon leurs priorités, au lieu d’acheter à leur place une assurance de santé.
Cela n’aide pas les pauvres de leur donner des biens et services dont ils n’ont pas l’usage. Saigner les jeunes bien-portants au bénéfice de vieux riches est dur à justifier.
D’ordinaire on dirait simplement que le marché de l’assurance santé corrigera ce problème de lui-même. Cependant la santé est l’une des industries les plus réglementées en Amérique. Ce n’est pas un marché libre car l’État en manipule les prix, contrôle les services proposés, les produits vendus et ce que les clients peuvent acheter. La plupart des problèmes y existent à cause d’une telle réglementation accumulée sur des années.
Un filet de sécurité ou une atteinte à la liberté ?
Heureusement, les services de soins quotidiens ne nécessitent pas tant de réglementation. Collectiviser le coût des traitements de mauvais rhumes ou de contraceptifs est hautement inefficace et répond mal aux vrais besoins de la population.
Nous avons déjà une loi interdisant aux hôpitaux de refuser un patient. Nous permettons aussi aux gens de se déclarer en banqueroute. Donc les gens qui ont une assurance santé ou les moyens d’en acheter une subventionnent d’ores et déjà ceux qui n’en ont pas les moyens. Les visites régulières chez le médecin coûtent un supplément pour que ceux qui en ont besoin puissent être servis.
Cela équivaut à prendre de l’argent à ceux qui peuvent payer, à travers des primes plus élevées, pour garantir ceux qui ne peuvent pas payer. Cet échange a lieu à travers le marché. Par conséquent nous avons déjà un filet de sécurité basique pour couvrir les événements graves de santé des plus démunis.
Les histoires de banqueroute pour raison médicale ont de quoi briser le cÅ“ur. Imaginez une jeune famille de la classe moyenne sans assurance santé dont l’enfant a soudain besoin de milliers de dollars de traitement. Ils ne peuvent pas bénéficier des dispositifs réservés aux plus pauvres, pourtant la survie de leur enfant exige des soins très coûteux, immédiatement. Ils s’endettent au-delà de leurs moyens et font faillite, perdant tout. C’est le cliché avancé pour justifier la couverture de santé universelle.
Les Américains sont en grande majorité des gens pleins de compassion, qui essaient souvent d’aider les autres à payer leurs factures médicales après coup. Mais si les Américains étaient assez généreux pour que le système fonctionne dans tous les cas, nous n’aurions même pas besoin d’une industrie de l’assurance santé. Pour que les dettes de chacun soient payées, il faut que tout le monde achète une couverture de ces frais au préalable.
Cependant, fournir un système de droits-créances qui rembourse la moindre aspirine, c’est très excessif. Nous cherchons à construire un filet de sécurité, pas un hamac douillet.
Les comptes-épargnes de santé (Health Savings Account, ou HSA) sont une solution potentielle, qui couvre les dépenses annuelles à hauteur de 6000 dollars pour une fraction du coût de systèmes plus complexes. Avec un HSA, vous pouvez mettre de côté de l’argent pour vos frais de santé futurs.
S’il fallait rendre obligatoire une couverture de santé, ce serait celle-ci. Mais voilà , les dispositions de l’Obamacare rendent ce système illégal tout en en rendant le coût prohibitif pour les jeunes bien-portants.
Même le fait de rendre obligatoire la plus basique des assurances couvrant les seuls risques médicaux catastrophiques constitue une violation du droit des individus de gérer par eux-même leur vie. Forcer tout le monde à faire ce qui est bon pour la plupart d’entre eux reste quand même une intrusion.
Il n’y a qu’à travers le marché libre et le capitalisme que les individus peuvent jouir de la liberté de mener leur existence à l’abri des obstacles et menaces de l’État, vous avez le droit de choisir ce en quoi vous croyez être dans votre intérêt même quand vous croyez avoir tort.
La liberté, c’est aussi avoir le droit de ne pas acheter de soin.
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Sur le web. Traduit de l’anglais par J. Sedra pour Contrepoints.
N’oublions pas qu’il n’y pas que l’assurance-santé pour couvrir ses risques, et que l’américain disposait d’une large palette de possibilités.
Se constituer progressivement un capital financier ou immobilier, idéalement fractionnable, était bien plus intelligent : si tout se passait bien, on gardait sa mise, et en cs de difficultés de santé, on avait une poire pour la soif.
Constitution de l’URSS de 1936 :
« Art. 120. —Les citoyens de l’URSS ont le droit d’être assurés matériellement dans leur vieillesse, ainsi qu’en cas de maladie et de perte de la capacité de travail. Ce droit est garanti par un vaste développement de l’assurance sociale des ouvriers et des employés aux frais de l’Etat, par le secours médical gratuit pour les travailleurs, par la mise à la disposition des travailleurs d’un réseau de stations de cure. »
Préambule de la constitution française de 1946 :
« [La Nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »
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Obama n’a rien inventé : sans surprise, il décline le socialisme aux USA.
Obama n’a fait que copier ce que le républicain Mitt Romney avait généralisé dans son État du Massachusetts quelques années avant. Ce sont donc bien les conservateurs qui sont à l’origine de cette « santé sous contrainte » obligatoire.
Là -bas comme chez nous, la couleur politique de façade n’est pas déterminante. Elle est destinée aux naïfs qui se laissent embobiner par la rhétorique des divers socialismes de droite ou de gauche. La question fondamentale, jamais posée par l’illusoire débat politicien, est celle de savoir s’il faut accorder plus ou moins de pouvoirs et de moyens à l’Etat et ses excroissances, marquant la fracture irréductible entre liberté et socialisme.
lol, « Saigner les jeunes bien-portant au bénéfice des vieux riches »
J’adore cette phrase. on vit ça en France.
Entre une politique d’un État et la politique de l’État fédéral, c’est comme élargir la sécu française au niveau européen…
Pas sur que les Polonais acceptent de payer autant…
Je pense surtout que les USA devraient s’inspirer de Singapour ou la part des dépenses de santé ne dépasse pas 6% du PIB.Notamment en instaurant les comptes épargnes santés,retraites, perte emploi obligatoire….
Cela semble en effet la moins mauvaise des solutions, comme le dit l’auteur. L’étendre à la couverture chômage et à la retraite ? Si seulement !
Oui… Encore que le mot « obligatoire » est un peu gênant. Les gens sont capables de savoir s’ils veulent ou non assurer tel ou tel risque qu’ils courent. L’assurance chômage pour un fonctionnaire, un agriculteur ça peut être considéré par certains comme inutile. De même l’assurance santé. Un jeune en pleine santé peut se dire qu’il vaut mieux pour lui se constituer un capital avec des investissement à forte rentabilité (qui pourront, si le rare cas se présente, payer les dépenses de santé) que de payer une assurance pour un risque très limité.
On pourrait d’ailleurs avoir des assurance santé couvrant uniquement les risques « catastrophiques » (grave accident, cancer lourd, etc.) qui couteraient sans doute peu. Celles là pourraient être « obligatoires » (ou au moins fortement incitées) et seraient sans doute très peu chères vue l’assiette très large et le très faible nombre de vrais sinistres.