Un été avec Montaigne

Le livre d’Antoine Compagnon donne envie de lire Montaigne à ceux qui l’ignorent et de le relire à ceux qui le connaissent.

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Un été avec Montaigne

Publié le 3 septembre 2013
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Le livre d’Antoine Compagnon donne envie de lire Montaigne à ceux qui l’ignorent et de le relire à ceux qui le connaissent.

Par Francis Richard.

Philippe Val a demandé à Antoine Compagnon de parler des Essais de Montaigne chaque jour de la semaine de l’été 2012 (du 2 juillet au 24 août) sur l’antenne de France Inter. C’était une gageure. Le professeur au Collège de France l’a tenue. Le résultat, c’est quarante billets, à partir d’extraits de quelques lignes, choisis « afin de les gloser brièvement, d’en montrer l’épaisseur historique et la portée actuelle ».

Le choix des extraits s’est fait tantôt au hasard, qui fait bien les choses, tantôt à la désignation par une main innocente, tantôt à la traversée au galop des grands thèmes de l’œuvre, tantôt à la préférence de l’auteur pour quelques fragments. Ces extraits se suivent sans ordre, ni préméditation. Ce qui n’aurait pas déplu à Montaigne. Ils proviennent de l’édition posthume de 1595, qui comporte nombre d’ajouts de l’auteur des Essais par rapport aux deux éditions précédentes. L’orthographe est celle d’aujourd’hui. Ce qui enlève de la saveur à l’écriture, mais en facilite la lecture et la compréhension.

Un livre a la vertu d’accélérer le temps. Au lieu d’écouter les émissions d’Antoine Compagnon, pendant huit semaines d’affilée, tous les midis, il suffit d’une nuit d’été 2013 pour les lire. Ce qui n’exclut pas des relectures ultérieures. Car le livre d’Antoine Compagnon donne envie de lire Montaigne à ceux qui l’ignorent et de le relire à ceux qui le connaissent.

À partir des extraits choisis des Essais, Antoine Compagnon dresse le portrait de leur auteur.

Celui qui extrait peut être extrait à son tour. Voici donc des extraits choisis des commentaires d’Antoine Compagnon sur Montaigne, dans l’ordre, avec préméditation :

« Un parfait honnête homme, libéral, respectueux des idées, n’y mettant aucun amour-propre, ne cherchant pas à avoir le dernier mot. »

« Il cherche la vérité. Mais impossible de la trouver dans un monde aussi instable et turbulent. »

« L’auteur des Essais ne croit pas au progrès. »

« Il vit comme il voyage – sans but, ouvert aux sollicitations du monde. »

« Montaigne oppose l’amitié, plus tempérée et constante, à l’amour pour les femmes, plus fiévreux et volage ; il la distingue aussi du mariage, assimilé à un marché, restreignant la liberté et l’égalité. »

« Le scepticisme de Montaigne le conduit au conservatisme, à la défense des coutumes et des traditions, aussi arbitraires les unes que les autres, mais qu’il ne sert à rien de renverser si l’on n’est pas sûr de pouvoir faire mieux. »

« Si Montaigne se regarde dans les livres, s’il les commente, ce n’est pas pour se faire valoir, mais parce qu’il se reconnaît en eux. »

« Montaigne n’a pas choisi d’être stoïcien, sceptique ou épicurien – les trois philosophies auxquelles on l’associe souvent –, mais il a reconnu, une fois sa vie passée, que ses comportements avaient été naturellement conformes aux doctrines des uns et des autres. Par hasard et de façon improvisée, sans projet ni délibération. »

« Dans le chapitre « Des trois commerces », Montaigne compare les trois genres de fréquentation qui ont occupé la plus belle part de sa vie : les « belles et honnêtes femmes », les « amitiés rares et exquises », enfin les livres, qu’il juge plus profitables, plus salutaires, que les deux premiers attachements. »

« Montaigne parle de sa sexualité avec une liberté qui peut déconcerter aujourd’hui. C’est dans le chapitre « Sur des vers de Virgile », au troisième livre des Essais, pour regretter la vigueur de sa jeunesse. »

« Montaigne n’aime pas les transitions et les ornements ; il entend aller droit au but et dénonce tous les effets de style ; il refuse d’utiliser les mots pour cacher les choses, de dissimuler les idées sous les figures. »

« Montaigne avoue qu’il souffre d’une mauvaise mémoire. Cela fait partie de la longue liste des défauts qu’il signale chaque fois qu’il fait son autoportrait, afin d’évoquer sa médiocrité physique et morale. »

« L’ignorance dont Montaigne fait l’éloge, c’est bien celle de Socrate, qui sait qu’il ne sait pas. »

« Les derniers mots des Essais acceptent la vie telle qu’elle nous est donnée et quoi qu’elle nous réserve, la même pour tous, pour les grands et pour les humbles, puisque, devant la mort, nous sommes tous pareils. »

Ceux qui me lisent, ou qui me connaissent, sauront lesquels, parmi ces extraits, me correspondent, et comprendront pourquoi les Essais sont pour moi une manière de bréviaire que je consulte tous les jours quand je suis à Lausanne. Peut-être ces extraits d’Antoine Compagnon inciteront-ils à lire Un été avec Montaigne, qui, paraît-il, a un succès « incompréhensible », puis à faire des Essais de Montaigne leur bréviaire à leur tour.

Les émissions d’Antoine Compagnon peuvent être réécoutées ici.

— Antoine Compagnon, Un été avec Montaigne, France Inter-Equateurs-Parallèles, mai 2013, 174 pages.


Sur le web.

Voir le commentaire (1)

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Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Livre à conseiller absolument.

    Ne pas oublier qu’après la philosophie gréco romaine antique, la philosophie est d’abord « latine française et italienne ( faite de libéralisme, de « milieu », de profondeur sous couvert de légèreté, d’amour et de sens du beau, de cynisme et de distance intelligente), puis anglaise ( le pragmatisme étant une école de connaissance du monde , voir Newton) et finalement « récupérée » par la lourdeur allemande ( appelée par beaucoup « profondeur » et par moi lourdinguerie psychotisante).
    Lisez ou relisez Montaigne…..Magnifique

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