Lorsque vous êtes sur un média traditionnel et qu’on vous ressort encore une fois un fait divers glauque avec de la crapule et du sang chaud, que vous en avez lu tout ce que vous deviez en lire depuis 10 jours, forcément, ça sent plus que le réchauffé, mais bien le faisandé. Je vais donc vous parler de Barack Obama, de blogs, d’internet et je tenterai d’introduire un lolcat en cours de route.
Bon, soit, je l’admets, je vais aussi me servir de l’affaire du bijoutier niçois pour étayer mon analyse, ce qui justifiera largement le titre. Le lolcat, en revanche, sera inséré par pure méchanceté gratuite, parce que je suis comme ça.
Et pour ce qui est de Barack, commençons par rappeler quelques points intéressants de sa campagne. Pas celle de 2012, mais celle de 2008 : rappelez-vous, c’était un autre temps, d’autre mœurs, et à l’époque, les médias, notamment français, s’ébaubissaient de l’implication dans l’internet et les réseaux sociaux de celui qui allait devenir le futur président des États-Unis. Ici, je pourrais balancer des liens divers et variés, mais je crois que tout le monde se rappelle des petits notules humides qui paraissaient dans Le Monde Diplodocus, Labération ou même Le Figolu relatant dans de belles envolées lyriques toute la puissance du réseau des réseaux mis au profit d’une si belle et si noble cause : l’accession au pouvoir d’un authentique Noir Américain, ce fut grand, ce fut beau, et les mouchoirs de Laurence Haïm purent rester dans le sac à main. Tiens, d’ailleurs, j’ai la vidéo :
Oups pardon là, c’était l’abominable élection de Bush en 2004, mes excuses, mais je crois que vous voyez ce que je veux dire : pour les élections américaines d’Obama, internet offrait une superbe plateforme d’expression et d’empowerment du peuple.
On a observé exactement le même schéma et le même ébahissement ravi de la presse lorsque, toute joyeuse, elle découvrit qu’on pouvait utiliser ces réseaux sociaux, internet, facebook et tout le tralala, même au milieu d’États pourtant connus pour être dictatoriaux, pour mettre en place une véritable révolution : le Printemps Arabe, terme pratique pour désigner des mouvements disparates dont on peut largement soupçonner qu’ils n’étaient pas si spontanés que ça, c’était merveilleux et utilisait les interwebs, et eux, au lieu d’échanger de bêtes lolcats pour s’occuper, semaient dans les esprits les pousses frémissantes de nouvelles démocraties dans tout le Moyen-Orient, youkaïdi, youkaïda, et en avant la purée lyrique sur les mêmes Labération, Le Mâonde et autre Figolu.
Jusqu’ici, tout allait bien.
Et puis il y eut Méric.
À cette occasion et comme le fait fort bien remarquer Baptiste Créteur dans un récent billet, la presse a découvert qu’internet – qui est certes très bien, très citoyen, très festif et délicieusement compatible avec les opinions qu’elle distribue – est aussi l’enquiquinant vecteur d’idées qu’elle n’a pas préalablement passé au crible de son analyse, voire de son imprimatur. Partie du principe que le petit fasciste de gauche était la victime innocente et faible du gros fasciste de droite, la petite histoire toute prête que cette presse nous a servie s’est malencontreusement gamellée sur le crépi de la réalité, des enregistrements des caméras de surveillance, des témoignages et des fuites de ces derniers sur les réseaux sociaux. Zut et flûte.
La tendance a continué sa progression avec le drame de Brétigny-Sur-Orge où les événements en marge de l’accident, désagréables, hideux, rapportés par différents témoins, furent consciencieusement amoindris, cachés et déformés pour mieux rentrer dans le discours officiel, sculpté aussi bien par le gouvernement et les politiciens que par les médias eux-mêmes. La presse redécouvrait à l’occasion l’agaçante réalité qu’à présent, il faut compter sur les canaux parallèles d’informations, canaux qui, s’ils sont plus volatils et moins sûrs, moins balisés que ceux de la presse traditionnelle, n’en demeurent pas moins une source d’information d’importance croissante pour le quidam.
Et avant d’en venir à la récente affaire du bijoutier revanchard de Nice, insérons un petit lolcat, ou, disons, un ours qui tire à la mitraillette en faisant du surf sur un requin. Ça le fait aussi.
Car avec l’affaire du bijoutier niçois, on a atteint un nouveau palier dans le décalage entre la presse, les politiciens et la population, notamment celle qui est sur internet et les réseaux sociaux. Ce décalage se traduit de plusieurs façons : d’une part, la presse, qui avait jusque là ignoré l’opinion de la rue, a continué à le faire avec application malgré les avertissements répétés (et illustrés par les deux affaires décrites ci-dessus) ; elle n’a donc absolument pas tenu compte de la montée stratosphérique de la fameuse page Facebook dédiée au « soutien au bijoutier » (quel que fut ce soutien). D’autre part, lorsqu’elle s’y est finalement intéressée, ce fut rapidement pour s’interroger sur sa pertinence : comment la France pouvait-elle sombrer si profond ? Sans imaginer qu’avec des centaines de milliers (et bientôt plus d’un million) de clics, la population qui s’exprimait ainsi devait couvrir une palette d’opinions un tantinet plus riche qu’un simple sondage-trottoir auquel la presse nous a habitué, elle se sera contentée d’une question, lancinante et agaçante de naïveté : comment tant de gens pouvaient-ils se faire l’avocat du règlement de compte à OK Corral ?
Quant aux politiciens, leur silence sur la question, aussi assourdissant qu’inattendu, semble traduire un malaise profond et une impossibilité à faire ce pour quoi ils excellent d’habitude : récupérer. On pouvait s’attendre en effet à une récupération expresse par l’UMP, par le FN. Il y eut bien quelques voix pour tenter l’option, mais officiellement, ce fut un ouragan d’air tiède impossible à décrypter sereinement : personne ne voulait donner un avis sur ce million et demi de Français qui exprimaient leur soutien au bijoutier.
Eh oui, il faut se résoudre à une évidence pour nos journalistes et nos politiciens : la démocratie sur internet, c’est très bien pour certains cas mais pour d’autres, c’est gênant voire franchement scandaleux. Lorsqu’un million de personnes utilisent des réseaux sociaux pour aller se retrouver sur une place et déboulonner un gouvernement lointain, c’est tip-top. Lorsque le même réseau social aide à fédérer des manifestations contre le mariage homosexuel, cela devient douteux. Lorsqu’il permet de faire connaître à tout le monde des pans de vérités nauséabonds, les réseaux sociaux deviennent encombrants. Et lorsqu’ils permettent de cristalliser le ras-le-bol d’une partie des Français face au laxisme judiciaire (réel ou ressenti, ici, peu importe), bim, les hauts-le-cœur et les nausées ne sont plus très loin, au point qu’on doive même en invoquer le complot pour expliquer le décalage entre l’idée qu’on se fait de la France (bonne, généreuse, multiculturelle, calme, et correctement à gauche) et celle qu’on se prend en pleine poire : oui, il y a des gens qui estiment l’acte du bijoutier moins grave que celui du braqueur, qui vont de la compréhension jusqu’à l’excuse. Oh, mon dieu, des opinions divergentes sont émises, des gens disent maintenant ouvertement ce qu’ils pensent alors qu’on croyait, avec tout le travail de fond que la bonne société avait fait, qu’avait disparu ce genre de réflexe atavique, animal même (forcément animal : l’ennemi, celui qui ne pense pas comme les intellectuels officiels du pays, ce sont des abrutis, des moins que rien, des bêtes de somme, pire, même, des gens qui obligatoirement votent FN).
Pourtant, dans l’esprit de nos journalistes et de nos politiciens, tout le monde sait que la paix, le vrai, le bien, c’est – évidemment – l’absence d’opposition au socialisme ; et ceci posé, il devient logique qu’exhortent les humanistes et les beaux penseurs à exterminer retirer du cercle de ses amis virtuels et réels (dont on dressera méticuleusement la liste ! – les kapos aiment les listes !) tous ceux qui auraient eu l’impudence, la maladresse, le mauvais goût de cliquer sur le « like » de cette page. Eh oui : la compassion, le pardon, la compréhension d’un acte malheureux, condamnable moralement et judiciairement, ça va bien lorsque celui qui l’a perpétré répond à des critères précis. Un bijoutier qui tire sur un malfrat ne rentre pas dans ces critères et toute pitié sera immédiatement oubliée, mieux, sanctionnée : le plus important, de loin, sera d’afficher sa conscience morale supérieure tout en déniant la qualité d’humain à ceux qui ne sont pas d’accord, en oubliant au passage les victimes d’agression (en France, des agressions ? Allons !)
Seulement voilà : aucun d’entre eux ne semble prêt à admettre que derrière ces centaines de milliers de Français, il y a autant d’opinions (des pourries, des grotesques, des idiotes, mais aussi des respectables, des compassionnelles, des justes et étayées). Aucun, ni chez les journalistes, ni chez les politiciens, ne semble comprendre que ces clics sont le révélateur d’une envie, pour tous ces Français, de s’exprimer. Quoi qu’ils expriment, ils ont trouvé au travers d’internet et des réseaux sociaux quelque chose que ne parviennent à leur fournir ni les guignols qui courent après le pouvoir, ni les bouffons qui font des petits papiers excités dans leur presse sur-subventionnée.
Rappelez-vous : on a eu les Pigeons, on a encore les « moutons », les « tondus » et d’autres groupes de protestation. On a eu, aussi, quelques centaines de milliers de personnes dans les rues, régulièrement, pour s’opposer au mariage homosexuel. 1,6 million de personnes qui cliquent, qui expriment autre chose que la soupe politico-journalistique qui leur est servie, cela montre surtout un paquet de gens qui n’ont plus peur de leurs opinions.
Et peu importe le message : si, en face, personne n’en tient compte, ou pire, si on n’écoute pas, si on rabaisse ou si on méprise, on s’expose inévitablement à des déconvenues. Ne venez pas pleurer : on vous aura prévenu.
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Sur le web
Trololol. Il n’y a pas qu’Halimi dans le diplodocus. Et il n’y a pas que le diplodocus.
En revanche, je vous accorde un point : monde diplo = caca.
« cela montre surtout un paquet de gens qui n’ont plus peur de leurs opinions.
Et peu importe le message : si, en face, personne n’en tient compte, ou pire, si on n’écoute pas, si on rabaisse ou si on méprise, on s’expose inévitablement à des déconvenues. Ne venez pas pleurer : on vous aura prévenu ».
Merci de le dire, comme quoi… et complètement d’accord avec votre analyse.
N’y a-t-il pas une contradiction quand vous estimez que le Printemps Arabe a pu être plannifié et les masses manipulées et de l’autre vous reprochez aux médias de se méfier de ces mêmes réseaux.
Cette page facebook de soutien au bijoutier apportait-elle toutes les informations concernant l’affaire ainsi que les textes de loi (cas de légitime défense =/= auto défense). Ainsi que les débats relatifs à ce genre d’affaire. Ca c’est le boulot de la presse et on ne peut lui en vouloir de défendre une certaine ethique dans le relais d’information. Même si elle n’en fait plus preuve actuellement, les rumeurs du web et autres hoax sont-ils plus crédibles?
Donc ok pour la liberté d’information sur internet, mais certainement pas pour tirer des jugements sur la popularité d’une page facebook ou les dernières rumeurs du web (exemple fils de Taubira meurtrier)
La pge fb indiquait simplement un soutien au bijoutier, sans plus. On peut, dès lors, y voir ce qu’on veut : youpi, vive la justice expéditive, ou « oh zut, soutenons l’honnête homme dans cette épreuve »…
En revanche, je vois mal où est l’éthique de la presse quand on voit les unes de Libé ou d’autres. Et vous semblez complètement oublier les autres arguments que développe mon billet (pitié à géométrie variable, méfiance idem, …)
+1 pour ce post. Le requin est bon, le chat est top (il en a marre, lui aussi ?), et le texte original. Bref, un bon moment de lecture.
La prochaine étape sera: quand les Français vont enfin comprendre que l’Etat vole les futurs générations. Là, on ne va pas avoir 1 million de like, mais des têtes sur des pieux. Ce moment va être lolcat !
Et je le dis (car je sais que Mon ip, est sûrement enregistrée par l’Etat), ce jour là, je vais ouvrir une bonne grosse bouteille de champagne, alors que vous, les hommes d’Etats, n’aurez plus accès à votre cave. Un volé pour un rendu!
Ah que j’ai aimé cet impitoyable sadique chaton flingueur, moi qui adore qu’on torture ces répugnants petits animaux!
Et oui, les politiques et leurs affidés n’ont toujours rien compris à ce phénomène révolutionnaire qu’est la diffusion de la connaissance grace aux réseaux informatiques: Wikipédia, Twitter, etc. permettent à des individus, qui restaient auparavant totalement isolés, de savoir, de s’organiszer et se regrouper, incommensurablement plus vite qu’une manif de la CGT (qui jusqu’alors faisait fonction de mètre étalon en la matière – c’était même son seul intérêt).
C’est ça la nouvelle révolution industrielle, et les imposteurs rivés à leurs canaux de contrôle désuets (Labération et autres Fumeuxnité) sont totalement largués. Comme on dit ici, dans le Sud-Ouest, ils me portent (presque) souci!
Oui, nous sommes de plus en plus nombreux à sortir du tube de dentifrice et comme chacun sait, il est maintenant impossible de nous y remettre.
Ils ( politocards comme journaleux ) sentent que quelque chose est en train de leur échapper mais ils ne contrôlent pas vraiment ce qui se passe . Ils paniquent un peu. Ils vont vouloir fermer le tube de dentifrice pour empêcher les gens d’en sortir. Ils vont se raidir de plus en plus, devenir de plus en plus sectaires, de plus en plus menaçants. Ils vont mentir encore davantage ( si, c’est possible ) et ça va se voir encore plus. Cela va passer de plus en plus mal auprès d’une population de plus en plus exaspérée. Sans compter l’effet boule de neige qui va faire que chaque personne sortant du tube peut en entraîner quelques unes à sa suite. Au delà d’un certain nombre, cela peut aller très vite. Il faut s’attendre à ce qu’ils sortent la schlague d’ici peu.
Enfin, c’est comme ça que je le vois.
Florence, pas mal votre exemple du tube dentifrice, je crains qu’au point où nous en sommes, on ne puisse plus le refermer que ça plaise où non aux politicards et journaleux.
N’en déplaise à Libé, la mort violente d’un truand dans l’exercice de sa répréhensible activité est toujours une bonne nouvelle et ne m’émeut pas un instant. Légitime défense ou pas !
Ça mérite au moins un rappel à la loi (ou alors il faut changer le Code Civil), mais sinon, je suis tout à fait d’accord avec vous. Je n’aimerais pas faire partie du jury d’Assises qui aura à statuer…