La dangereuse spirale de la dette sociale

La dette sociale est un mal spécifiquement français. Aucun de nos grands voisins européens n’accepte que son système de protection sociale soit durablement en déficit.

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La dangereuse spirale de la dette sociale

Publié le 9 octobre 2013
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La dette sociale est un mal spécifiquement français. Aucun de nos grands voisins européens n’accepte que son système de protection sociale soit durablement en déficit.

Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’aleps.

Didier Migaud, président de la Cour des comptes.

La semaine dernière, nous nous sommes penchés sur la dette publique française dans son ensemble, dont l’essentiel est constitué par la dette des administrations publiques centrales liée au budget de l’État. Mais il ne faut pas oublier ses deux autres composantes : la dette des administrations locales et la dette sociale. Cette dernière a fait l’objet d’une sévère mise en garde de la part de la Cour des Comptes qui dénonce « une spirale anormale et dangereuse ». Voilà la Sécurité Sociale en cause, avec ses déficits durables et cumulatifs, dont les origines et les effets sont encore plus pervers que ceux de l’État.

La dette sociale, 11% du PIB

Avec l’adoption du projet de loi de finances pour 2014, par le Conseil des ministres du 25 septembre, les commentaires se sont focalisés sur le budget de l’État et l’impact de ses déficits successifs sur la dette publique.

Mais il ne faudrait pas oublier l’autre budget, le budget dit « social ». Il concerne essentiellement des dépenses de la Sécurité Sociale, mais aussi d’autres dépenses sociales, extérieures à la Sécu, comme les allocations chômage, qui dépendent des collectivités locales ou du budget de l’État. Au total il s’agit de 540 milliards, soit presque 30% du PIB, dont le plus gros morceau, le régime général de la Sécu au sens strict, dépasse les 350 milliards, soit pratiquement un cinquième du PIB, autant que le budget de l’État. Cela nous permet d’être à la fois champion du monde des dépenses publiques en général et des dépenses sociales en particulier.

Si la Cour des Comptes attire notre attention sur la Sécu, c’est en raison de sa dette. Avec un montant de 160 milliards environ cette année, elle représente 12% de la dette publique totale (dont nous rappelons qu’elle atteindra 1.950 milliards d’euros l’an prochain), ce qui correspond à 11% du PIB français. C’est un peu plus que la dette des collectivités locales, au demeurant fort endettées.

Encore ce chiffre de 160 milliards ne mesure-t-il que la dette actuelle, et non la dette potentielle : en effet, puisque nous sommes dans un régime de retraite par répartition, les retraites futures des fonctionnaires, n’étant pas financées, constituent une dette à venir, qu’il faudra bien honorer.

Une dette explosive et spécifiquement française

Ce qui inquiète la Cour des Comptes, ce n’est pas seulement ce montant de la dette sociale, mais aussi son évolution dynamique. En effet, la dette sociale était autrefois quasi-inexistante, représentant à peine 1% du PIB en 1978 et 3% en 2002. Or la dégradation devrait se poursuivre et la Cour anticipe une progression de cette dette sociale de plus de 70 milliards d’ici 2018 ! On connaît le vocabulaire feutré de la Cour des Comptes et donc quand Didier Migaud, son Président, qui n’est pas un adversaire du gouvernement, puisqu’il présidait il y a peu la Commission des finances de l’Assemblée, en tant que député socialiste, déclare que « la spirale de la dette sociale est anormale et dangereuse », il y a de quoi s’inquiéter.

Passons sur les tours de passe-passe que dénonce la Cour, quand cette dette est transférée d’un organisme à un autre ; la Cour parle d’effets de « trompe l’œil ». Ce que les Français ignorent et que soulignent les services de la rue Cambon, c’est qu’il s’agit « d’un mal spécifiquement français. Aucun de nos grands voisins européens n’accepte que son système de protection sociale soit durablement en déficit ». Car la dette sociale vient des déficits de nos régimes de protection sociale, comme la dette des administrations publiques vient des déficits du budget de l’État. Pour l’essentiel, nos déficits de la Sécu se traduisent par des emprunts, qui grossissent la dette sociale.

Cela pose la question du coût de financement de cette dette, car il faut bien payer des intérêts. Or Didier Migaud souligne que le fait d’emprunter à des taux historiquement bas ne durera pas, que le risque de manque de liquidité est réel et que les taux d’intérêt remontaient déjà : « ce n’est pas une hypothèse d’école » a-t-il précisé.

La maladie ou les retraites financées à crédit

Mais l’essentiel n’est pas là. Ce que les Français, habitués aux discours sur le déficit de la Sécu, ne mesurent pas, c’est ce que représentent ces déficits et la dette sociale qui en découle. Certes, ils n’ont plus d’illusions sur les réformes qui font que cette fois « c’est sûr, les mesures prises vont redresser les comptes et sauver la Sécu ». Personne n’y croit plus. Le déficit de la Sécu fait partie de notre paysage familier et nous en avons perdu le sens. Contrairement aux collectivités locales, qui financent leurs investissements à crédit, ce qui est très discutable, mais qui peut être défendu, dans le cas du déficit de la Sécu, ce sont les dépenses de fonctionnement qui sont financées à crédit.

De quoi s’agit-il ? Pour l’essentiel, des retraites, de l’assurance-maladie et des prestations familiales. Rien, absolument rien, ne peut justifier que le financement de ces dépenses soit reporté, par l’intermédiaire de la dette. La dette n’est pas un tour de passe-passe qui finance par magie les dépenses ; elle ne fait que reporter ce financement dans le temps. Cela veut dire que lorsqu’on remboursera cette dette, dans quelques dizaines d’années, on ponctionnera la génération suivante pour financer nos dépenses de retraite, d’assurance-maladie ou de prestations familiales d’aujourd’hui. Rien, ni du point de vue économique, ni du point de vue moral, ne peut justifier ce scandale, quasiment unique dans les grands pays européens, comme le rappelait Didier Migaud.

Que faire ?

Que faire ? Certains, de moins en moins nombreux, proposent d’augmenter les recettes ; on l’a vu avec les retraites récemment. Cela n’a aucun sens puisque nous sommes déjà champions des prélèvements obligatoires et que les taux actuels impliquent qu’une nouvelle hausse des cotisations se traduira, en raison de l’effet Laffer, par une baisse des recettes. D’autres envisagent une baisse des prestations : cela semble logique, il faut diminuer les dépenses. Mais la longue liste des déremboursements successifs dans le seul domaine de l’assurance-maladie devrait faire réfléchir : moins rembourser les soins dentaires ou optiques, les médicaments, ou créer un forfait hospitalier n’a jamais supprimé le déficit de la Sécu ; la machine folle continue sa route, inexorablement. Et ici les propositions de la Cour des comptes sur les lunettes ou la biologie médicale ne nous sont pas d’un grand secours. Le jour où la Sécu ne remboursera plus rien, elle sera peut-être sauvée, mais devenue inutile.

La solution n’est donc pas de ne plus rien rembourser, mais dans la réforme, dans le changement de système : la capitalisation, maintes fois évoquée dans cette publication, pour les retraites, la privatisation et la mise en concurrence pour l’assurance-maladie ; quant aux familles, la première des réformes consisterait à cesser de les matraquer fiscalement pour leur laisser le fruit de leur travail : il n’y a rien de plus absurde que de leur prendre 100 pour leur en rendre 10 ! Tant que les gouvernements continueront à refuser ces trois réformes, la dette sociale continuera sa course folle et nos enfants et petits-enfants nous maudiront de ne leur avoir légué que des dettes.


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  • « quant aux familles, la première des réformes consisterait à cesser de les matraquer fiscalement pour leur laisser le fruit de leur travail : il n’y a rien de plus absurde que de leur prendre 100 pour leur en rendre 10 ! »

    Autrement dit* :

    « Il est toujours plus facile de faire sortir le dentifrice du tube que de l’y remettre. »

    * Le nom de l’auteur m’a échappé…

  • Une dette sociale de 160Mds pour une dette publique totale de 1950 Mds ca fait 8% et pas 12% comme ecrit

  • Aux USA, la mise en concurrence n’a pas vraiment donné de bons résultats…

    • Bonjour elet,

      Il me semble que vous oubliez qu’aux usa, il existe plusieurs système publics comme medicaire ou medicaid, et maintenant l’obamacare.

      De plus, la très grande insécurité juridique (règlementations nombreuses et système du « coupable tant qu’on ne prouve pas le contraire ») pousse immanquablement les prix vers le haut sans pour autant permettre une concurrence libre.

    • « Aux USA, la mise en concurrence n’a pas vraiment donné de bons résultats… »

      Aux USA (Qui dépense plus que la France pour le médical en % de PIB) c’est un énorme foutoir publique/privé.

      En suisse les résultats sont excellents.

    • Il n’y pas de concurrence au USA. les système est complètement verrouillé. Il n’y pas de vrai concurrence entre les acteurs à cause d’une réglementation tentaculaires.

  • Et rien n’est plus absurde -également- que d’attendre du « gouvernement » (quel qu’il soit) qu’il mène à bien les fameuses trois réformes dont vous parlez.

    Zéro chance.

    Si nous voulons sauver (nous c’est cuit déjà) nos enfants et petits enfants, il ne faut pas « réformer » ou attendre une « réforme » ; il faut détruire.

    Il faut abattre ce monstre qui accessoirement finance la santé, mais qui est surtout devenu un instrument de pouvoir (aux mains des mafias), un instrument de domination, un instrument mû par l’obsession de sa propre survie.

    Il faut détruire la Sécu, et toute l’infrastructure qui la soustend (Urssaf, RSI etc.).

    Plus de compromis, plus de honte : mettons les en faillite !

    Je vous invite à lire deux excellentes nouvelles ce matin :

    -sondage étudiants grandes écoles : envisagent de s’expatrier
    http://tinyurl.com/mgntq8s

    -les jeunes diplômés trouvent de moins en moins de boulot
    http://tinyurl.com/pjavpnj

    … Un puissant mouvement est en marche.

    Le départ de ces jeunes (certains par opportunisme, désir de vengeance, mais également par contrainte) est, et sera une véritable catastrophe pour la Sécu.

    Les serfs partent. Ne resteront alors que les prédateurs (les mafias publiques) et leurs clientèles…. Et à ce moment, ce sera la fin de la partie. La fin du Système.

    Bref, réjouissons nous.

  • Un mot sur l’assurance maladie. Ca ne sert à rien de se focaliser sur le déficit. Ce n’est pas un problème secondaire, mais un problème second.
    Le problème premier, c’est que nous avons un système qui ne permet pas aux gens de connaître le véritable coût de la santé. On paie à guichet ouvert avec comme soupape de sécurité, des plans périodiques de rationnement. Avec le projet de tiers-payant des honoraires médicaux, celà va s’aggraver.
    Le même quidam qui sait trés bien ce que lui coûte son assurance automobile et ses éventuelles imprudences au volant est infoutu de dire à combien reviennent ses dépenses de santé. Il n’en a d’ailleurs que faire. Il veut être soigné, point final. Même les travailleurs indépendants n’échappent pas au phénomène car ils ne paient en cotisations que la moitié de ce qu’ils coûtent en dépenses de santé. le reste est pris en charge par la compensation démographique.
    Une des conséquences du système actuel est que les médecins libéraux sont sous-rémunérés et qu’il y a de moins en moins d’étudiants en médecine qui veulent exercer en libéral (et je ne suis pas médecin). Bientôt il y aura aussi peu de médecins libéraux que de curés dans nos paroisses ! (et je ne suis pas curé).
    Réintégrons dans le salaire les cotisations ouvrières et patronales d’assurance maladie. laissons les gens s’assurer comme ils le veulent sur un marché concurrentiel (avec des aides aux personnes à faible revenu). Seul le principe de l’assurance minimale (couverture chirurgicale, par exemple) resterait obligatoire.
    Comme il existe en assurance automobile des bonus, on pourrait imaginer différentes formules avec un seuil de dépenses en deçà duquel il n’y aurait aucun remboursement; le choix du seuil serait décidé par l’assuré et la cotisation à payer serait fonction de son choix. On pourrait aussi encourages des systèmes comme l’épargne santé; l’épargnant arbitrerait, en cas de maladie bénigne, entre conserver son épargne et le mobiliser pour des soins.
    Si les gens veulent payer beaucoup pour leur santé, très bien, c’est leur affaire. Mais il faut que le véritable coût de la santé soit connu. Un système assuranciel sans interférences étatiques saurait le faire.
    Aux USA, c’est justement parce que ce coût est connu que la réforme Obama est impopulaire. J’ajoute qu’une bonne partie du système américain est public: Medicare et Medicaid son gérés et financés par la puissance publique et, n’ayons plus de complexe, aussi mal gérés que l’assurance maladie en France.

    • De plus., aux Etats-Unis, il y a ce que l’on appelle le « deductible », c’est-à-dire une première franchise selon le taux d’assurance que vous avez choisi. Les premiers 50, 100 ou autres dollars à votre charge.

  • Facile de comprendre pourquoi le système est en déficit, connaissez vous une entreprise qui vous paye alors que vous n’avez JAMAIS cotisé?? En France, pour des raisons réputées en adéquation avec nôtre sacro sainte « Liberté, Egalité, Fraternité » nos politiciens ont ouvert la boîte de Pandore!! La vraie raison est que nos politiciens ont pillé le système social pour des raisons électorales dont nous payons les frais!!!

  • Si la protection dite sociale était de la responsabilité des individus mettant en concurrence des services privés il n’y aurait pas de déficit ni de dette.
    Tout au plus l’état devrait intervenir pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin, tant que ce besoin dure; les économies sur l’usine à gaz actuelles le permettraient.
    Mais ça c’est peut-être trop radicalement libéral!

  • Les retraites non financées rien que pour les fonctionnaires, c’est juste 1700 milliards selon la CC. Autant dire que c’est une bombe thermonucléaire.

  • De toute façon tant que l’on ne reformera pas profondément notre système social on aura beau écrire tous le rapports que l’on veut.Les idées développées dans « de l’état providence aux assurances sociales  » de Jacques Bichot peut être un point de départ intéressant…Et appliquer le directives européennes qui abolissent en France les monopoles sociaux!

  • Les assureurs privés assurent des clients. La Sécu, qui est privée rappelons-le, assure des rentes à la mafia socialo-communiste.

    Et si la Sécu n’est pas tenue par les critères de Solvency II, c’est probablement parce que ce n’est pas une assurance.

  • Je vais me faire traiter d’extrémiste ou de facho alors que je ne suis ni l’un ni l’autre mais ce n’est pas grave.

    Que déjà l’État ne prenne en charge pleinement que ceux qui ont réellement cotisés et à minima pour les autres citoyens français. Que l’État arrête son social avec les immigrés, ouvrant ainsi une boite de Pandorre et je suis sur qu’on pourra faire quelques économies substantielles mais c’est déjà un début ! Il faut bien commencer par quelque chose.
    Enfin, que l’État est une vraie gestion des ressources humaines tout en réorganisant (il serait temps) l’administration ainsi que les collectivités.

  • « il n’y a rien de plus absurde que de leur prendre 100 pour leur en rendre 10 » ah bon? pourtant il me semble que ceux qui récupèrent la différence (soit 90) ne voient rien d’absurde la dedans.

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