Premier volet de l’excellente série en trois volumes sur le futur des retraites, par Jacques Garello et Georges Lane.
Un sujet brûlant et plus que jamais d’actualité, mais un débat biaisé qui n’a pas vraiment lieu. Une entreprise à saluer, donc, qui a le mérite de nous permettre d’y voir plus clair. Dans ce premier tome, le constat ou comment la répartition s’est révélée être un système ruineux et injuste, condamné à l’implosion.
Voici un ouvrage très utile, très certainement déjà connu de la plupart des lecteurs de Contrepoints, sur une question primordiale qui mérite d’être lu de toute urgence aussi bien par ceux qui sont conscients du marasme absolu dans lequel se trouve notre système collectif de retraite que par ceux qui n’en ont pas suffisamment conscience (et à qui il est donc utile de le faire connaître).
En effet, il est temps que les esprits évoluent, et rapidement, si l’on ne veut pas être confrontés aux pires situations que l’on puisse imaginer. Avant qu’il ne soit trop tard.
Or, la gangrène est déjà bien avancée…
Pas facile de décrire le système actuel d’assurance vieillesse tant il est compliqué, emmêlé, alambiqué, plus guère maîtrisé.
Jacques Garello et Georges Lane réussissent le véritable tour de force de nous le présenter de manière claire et limpide, accessible à tous, sans pour autant cacher les chiffres et faits essentiels.
En réalité, ce n’est pas un ouvrage mais trois que nos deux auteurs ont eu l’excellente idée de concevoir.
Ce premier volume porte sur l’origine de ce système de répartition, son fonctionnement, les causes fondamentales de sa faillite inéluctable, quelles qu’en soient les tentatives de solutions imaginées hélas sans issue convaincante, et sur la seule perspective viable qui existe, à travers la capitalisation.
C’est sur l’application de celle-ci dans différents pays que porte le deuxième volume (que nous présenterons dans les prochains jours), destiné à nous présenter les expériences des autres à l’étranger. Enfin, le troisième et dernier volume (à suivre également) a pour intérêt de poser la question concrète de la transition très délicate à assurer d’un système à l’autre, de manière à créer un fonctionnement pérenne et éponger progressivement l’ancien, tout en veillant à ne laisser personne de côté.
Dans la première partie, les causes de la faillite du système nous sont expliquées de manière pédagogique, à travers 10 points très clairs et très concrets. Les chiffres sont vraiment ahurissants, donnent véritablement le tournis.
Ainsi, pour ne retenir qu’un seul chiffre à lui seul extrêmement marquant et significatif, c’est un point de croissance par an qu’il faudra affecter, dès 2015, rien qu’au comblement du déficit des retraites, puis 2 ou 3 points quelques années plus tard. Lorsqu’on connaît les taux de croissance annuels du PIB ces deux ou trois dernières décennies, on imagine bien toutes les conséquences que cela peut avoir… Véritablement explosif !
Et le professeur Martin Feldstein, théoricien de la transition, estime que « chaque année qui passe sans réforme allonge d’un trimestre la durée de la transition ».
Une faillite anticipée
Pourtant, dès 1840 Frédéric Bastiat avait d’ores et déjà pronostiqué la faillite du système de Sécurité sociale avant même qu’il ne fût conçu.
Il en fit une description éloquente que Jacques Garello et Georges Lane reprennent de manière opportune dans leur ouvrage. Le ver était dans le fruit…
Or, ce ne sont pas les fausses solutions préconisées actuellement, passées en revue dans une seconde partie pour être analysées en détail, qui permettent d’espérer un sauvetage du système. Les deux auteurs s’en expliquent.
Et, comme souvent, qui en sont les premières victimes ? Les plus modestes. Les autres s’empressent aujourd’hui de se prémunir contre l’effondrement annoncé en payant une deuxième fois (ou une troisième, si l’on considère le système d’assurance complémentaire obligatoire) en épargnant notamment au travers de contrats d’assurance-vie.
En capitalisant, non seulement les plus modestes auraient une retraite mais à cotisations égales voire inférieures il est démontré que les sommes perçues actuellement par ceux qui ont encore la chance d’en bénéficier seraient en moyenne trois fois plus élevées.
Mais alors, rétorqueront certains, c’est là se leurrer et faire fi des risques de la capitalisation ?
Les auteurs sont très clairs également là -dessus (troisième grande partie). En effet, les détracteurs se réfèrent toujours aux deux ou trois mêmes exemples d’échecs retentissants (Enron, Maxwell, Worldcom), en les amplifiant et généralisant.
Non seulement ces cas « n’ont rien à voir avec la logique de la capitalisation » et les auteurs s’en expliquent en détail, mais une chose demeure certaine : l’ampleur de ces escroqueries n’est que bien « peu de choses par rapport aux prochaines victimes de la Sécurité sociale ».
Ajoutons que loin d’être un système aussi inégalitaire qu’on le prétend il en demeure bien moins injuste et pénalisant que ne peut l’être l’actuel système par répartition… totalement à rebours de ce que l’on peut vouloir nous faire croire ou que l’on croit volontiers par pure ignorance.
La référence à ce qui se fait déjà à l’étranger dans de nombreux pays montre que nous sommes très en retard sur la réflexion et l’action à ce niveau.
Un sujet tabou qu’il convient d’introduire de toute urgence
Mais malheureusement, le débat n’a jamais lieu.
Lorsqu’il est question des retraites, seul le système par répartition est évoqué et jamais personne, à de rares exceptions près, ne prononce le mot tabou, « capitalisation ». Les levées de bouclier risqueraient aussitôt d’être vives, pensent ceux qui ont en tête cette piste possible mais se gardent bien de simplement l’énoncer, par pur manque de courage et craintes (politiques).
Pourtant, l’idée, loin d’être saugrenue, constitue bel et bien sans doute la seule issue possible pour nous en sortir.
Dès ce premier volume, Jacques Garello et Georges Lane prouvent bien qu’il est possible d’en parler sans démagogie et avec raison, de manière tout à fait rationnelle et réaliste. Tout est argumenté et appuyé sur des faits et chiffres parfaitement officiels.
Je ne saurais résumer la démonstration des auteurs en quelques lignes. L’entreprise de ces trois volumes est tout ce qu’il y a de plus honnête et convaincante. Un seul conseil : lire. Puis faire savoir, engager le débat, en toute sérénité. Et convaincre.
D’abord le constat. Puis nous en viendrons, dans le prochain volet et la lecture du tome 2 du Futur des retraites et retraites du futur, au passage à la capitalisation et les expériences menées dans de nombreux autres pays.
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Jacques Garello et Georges Lane, Futur des retraites & retraites du futur – I- Le futur de la répartition Librairie de l’université d’Aix, mai 2008, 208 pages.
Un article publié initialement le 11 octobre 2013.
« Les levées de bouclier risqueraient aussitôt d’être vives, pensent ceux qui ont en tête cette piste possible mais se gardent bien de simplement l’énoncer, par pur manque de courage et craintes (politiques). »
Cette absence de débat constructif reflète bien sûr la lâcheté des politiques mais aussi les intérêts bien compris de ceux qui tiennent à maintenir le plus grand nombre dans la dépendance du système de sécurité sociale. La retraite par capitalisation, c’est aussi l’affranchissement d’une grande partie de la population par rapport à l’Etat.