La microfinance, en vogue depuis quelques années, a ses limites. Elle n’est pas à l’abri d’abus et, seule, ne suffit pas à sortir de la pauvreté. A-t-elle fait son temps?
Par Andy Kristian Agaba et Obadias Ndaba.
Un article de Libre Afrique.
Dans les années 1990 quand la micro finance faisait son entrée dans la lutte mondiale contre la pauvreté, ses partisans la vantaient comme étant un miracle de prospérité. Le nouveau modèle d’octroi de prêts modestes aux petits agriculteurs était séduisant, en partie, parce qu’il s’accorde bien avec l’idée de « création de richesse », comparativement à l’échec de l’aide simple. Le modèle a immédiatement été salué par la critique, grâce au succès remarquable de Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank et lauréat, en 2006, du Prix Nobel de la Paix . D’autres succès suivirent, comme celui de la Equity Bank du Kenya, avec un modèle légèrement hybride, relativement à celui de la micro finance traditionnelle.
Mais alors que quelques succès ont jailli ici et là , on a pu constater aussi d’énormes échecs. La micro finance a commencé à entrer sous le feu des projecteurs surtout pour les mauvaises raisons. Mais il y avait aussi un énorme potentiel. Les investisseurs et certaines institutions financières ont commencé à revendiquer une part du gâteau en mettant de l’argent sur la table. Pour la plupart, ces investisseurs ne sont pas altruistes ni attirés par l’impact développemental réel pour les populations. Ils sont plutôt à la recherche du prochain coup de poker. La micro finance est devenue une sorte de modèle d’affaires, bien que différent de la banque. Ou plutôt , qui fait « banquer » les pauvres.
En 2010 , Muhammad Yunus pouvait déclarer : « Nous avons créé le microcrédit pour lutter contre les requins du crédit, pas pour encourager de nouveaux requins du crédit… Le microcrédit devrait être considéré comme une occasion d’aider les gens à sortir de la pauvreté par les affaires, pas comme une occasion de faire de l’argent sur le dos des pauvres ».
Le débat autour du fait de savoir s’il est juste ou pas de faire de l’argent avec les très pauvres n’est pas encore réglé. L’allégation d’abus de pouvoir dans une relation inégale est certainement fausse. Mais les révélations selon lesquelles les investisseurs et les institutions financières étaient là juste pour faire de l’argent ont déclenché un examen bienvenu de l’ensemble du secteur. Les résultats ont parfois été troublants.
Selon Microfinance Transparency, des pays comme la Zambie avaient des taux d’intérêt allant jusqu’à 110 pour cent. Ce sont 80 pour cent au Ghana , 40 pour cent en Colombie, 55 pour cent au Pakistan et 200 pour cent aux Philippines. Ces taux enfonçaient effectivement les pauvres dans la misère.
Un grand nombre d’institutions de micro finance, avant la ruée des investisseurs , faisaient payer des taux d’intérêt plus élevés que cela n’est raisonnablement acceptable. Les gens ont commencé à faire défaut. En Inde les suicides liés à ces défauts de paiement ont soulevé l’indignation. Ces questions n’étaient pas spécifiques à l’Asie : l’Afrique et l’Amérique du Sud connaissaient des problèmes similaires.
Dans de nombreux endroits, le secteur poussait les pauvres à s’appauvrir davantage, ces derniers perdant leur biens ou même, dans des cas extrêmes comme l’Inde, la vie. Chuck Waterfiel , fondateur de Microfinance Transparency et professeur à l’Université de Columbia recueille et publie des données sur les taux d’intérêt des organisations de micro finance à travers le monde. Il estime que la micro finance n’est pas en train de perdre de son attrait, mais que sans interventions ou surveillance des acteurs de la micro finance , le secteur pourrait s’autodétruire. Les régulateurs doivent jouer un rôle actif pour faire en sorte que les pauvres ne soient pas floués. Après la tourmente qui s’est emparée de l’industrie de la micro finance en Inde, le gouvernement a introduit une nouvelle réglementation comme The Economist l’a récemment rappelé :
« Les directives tentent de tracer une ligne entre le profit et l’exploitation. Les taux d’intérêt annuels des institutions de microcrédit sont désormais plafonnés à 10-12 points de pourcentage au-dessus de leurs propres coûts d’emprunt, on tourne donc autour de 23-27 pour cent. Certains prenaient 40 pour cent durant le boom. Des prêteurs locaux douteux, seule source alternative de crédit dans de nombreuses zones rurales, pratiquent des taux encore plus élevés. Les institutions de microcrédit sont également empêchés de prêter à quelqu’un ayant plus d’un prêt non remboursé ».
La situation n’est pas catastrophique partout. Dans certains pays, comme le Pérou et l’Éthiopie sont raisonnables, sous les 20 pour cent et 30 pour cent respectivement. En tant que nouvelle stratégie d’intervention contre la pauvreté , la micro finance fait face à des défis et cette surveillance constante est bonne pour la transparence, la responsabilité et la croissance. Pour autant que nous le sachions, le monde aurait pu éviter le crash économique mondial de 2008 avait s’il a avait eu une surveillance assez prudente de l’industrie financière. La Commission d’enquête sur la crise financière a blâmé « la cupidité , l’incompétence ou les deux », pointant du doigt principalement les régulateurs. La micro finance peut éviter un tel accident – elle a besoin de réformes pour rendre ses prêts plus équitables et accessibles aux pauvres.
Mais la micro finance a des limites. L’accès à de petits prêts pour les petites entreprises ne sortiront pas miraculeusement les pays de la pauvreté vers la prospérité. Quand elle réussit, la micro finance sort les gens de l’extrême pauvreté et les laisse dans la pauvreté. D’autres interventions sont encore nécessaires, en particulier l’accent sur les petites et moyennes entreprises – l’épine dorsale de la création d’une classe moyenne.
Il n’y a pas de solution universelle et « à taille unique » dans la création de richesse ou la lutte contre la pauvreté. La pauvreté vient d’un mélange complexe et compliqué de facteurs pour lesquels différentes stratégies ont des résultats différents. La micro finance, lorsqu’elle est équitable et accessible, est une stratégie qui traite principalement de l’extrême pauvreté et se limite à cela. Les gens ne devraient pas perdre la foi dans la micro finance , mais plutôt chercher à améliorer l’industrie et protéger les pauvres contre l’exploitation potentielle (des taux d’intérêt exorbitants).
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Andy Kristian Agaba est le fondateur et PDG de Hiinga , une institution de microfinance investissant dans les petits agriculteurs en Afrique de l’Est .
Obadias Ndaba est commentateur sur African Liberty, le Huffington Post.
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En 1861 Abraham Lincoln donne un titre de propriétéde de 60 hectares à tous les colons qui ont cultivé la terre depuis 5 ans. Pourquoi les chefs d’états des pays pauvres ne s’inspirent pas de ce modèle. Ainsi les paysants pourraient accéder au crédit traditionnel.
En tant que citoyen, on essaie d’agir mais sans savoir si on a, ou non, fait le bon choix. Personnellement, je passe par Kiva depuis pas loin de 10 ans (avec un investissement de départ de $ 250, j’en ai déjà prêté 1000!!). Mais j’ignore si je contribue à l’exploitation des emprunteurs ou si Kiva et ses partenaires sont corrects. Pire: je ne sais pas où chercher l’info… Help!!
Je ne crois pas (j’espère, vu les montants que j’y ai mis !) que Kiva soit un usurier exploiteur, mais je suis d’accord avec l’article que ça ne répond que très partiellement aux espoirs qu’on y a mis, sans doute parce que les cibles sont trop micro et pas assez susceptibles de croître. Les taux sont élevés, c’est normal compte-tenu de la difficulté à aller chercher des repaiements de quelques dollars à des heures de brousse. Il faut développer l’équivalent à une taille de PME plutôt que de boutique, là les taux devraient pouvoir être plus bas les frais fixes étant répartis sur de plus gros montants.
Le problème est que le microcrédit gêne bien moins de concurrents, attire bien plus de prêteurs et se prête moins aux escroqueries que ne le ferait du minicrédit ou du crédit tout court. Comment faire ?
Très interessant
Au Sénégal, sinon dans l’UEMOA les taux d’intérêts sont baissés encore pour favoriser les plus pauvres et éviter l’usure.
Par contre la tendance est que les grandes institutions, propriétés des capitalistes, ont pris le dessus sur les véritables institutions coopératives qui sont en train de disparaître progressivement. Il faut s’arrêter à ce niveau pour analyser si l’offre microfinance n’est pas finalement une offre bancaire qui ne dit pas son nom. Le caractère coopératif est un facteur essentiel de la microfinance, puisqu’on par le de moins en moins de « Mutuelle », il n’est pas surprenant d’arriver à ce résultat: une nouvelle génération de banque.
Je ne vois pas pourquoi on devrait réguler tout ça. Il n’y a pas de limite à « exploiter » les gens. Tant qu’ils acceptent. Ce n’est pas comme si on leur promettait une exécution sommaire en cas de défaut. Article moyen.
la microfinance dans sa globalité est une mauvaise source de financement. un système injuste et inéquitable.Elle est une nouvelle forme de paupérisation des populations.je cite par exemple un système en vogue actuellement, pour obtenir un financement pour une période donnée on vous demande un dépôt d’une caution de l’ordre de 10% du montant sollicité. Et cette caution ne sera remboursé que jusqu’au remboursement intégrale de l’emprunt. Le paradoxe et que cette caution ne produira aucun intérêt au bénéficiaire de l’emprunt bien que ce fonds cautionné ai été déjà prêté moyennant une rémunération.
En plus en cas de difficulté pour l’emprunteur à remboursé en bonne date, l’intérêt périodique à payer est ajouté au capital restant du qui à son tour dévient un nouveau capital sur lequel un nouvel intérêt est appliqué et ceci ainsi de suite… Si toujours le débiteur n’arrivait pas toujours à rembourser intégralement sa dette, Pour soit disant assainir sa situation on remet un nouveau crédit en place, ce nouveau crédit est cette fois-ci est l’ensemble de ses dettes transformées en capital .qui produira à son tour d’intérêt. et ainsi de suite….