Le libéralisme exclu des médias français

Les médias ignorent-ils sciemment ou involontairement le libéralisme ?

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Le libéralisme exclu des médias français

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 octobre 2013
- A +

Par Jacques Garello.

101713_liberauxAvez-vous vu récemment une émission de télévision où aurait été invité un libéral avéré ? Avez-vous entendu récemment une interview radiophonique d’un libéral avéré ?

Si c’est le cas, vous avez de la chance, car c’est un constat : les médias ignorent sciemment ou involontairement le libéralisme. Quand par hasard ils en parlent, c’est encore pire : c’est pour le dénigrer, le caricaturer. Il est vrai que les journalistes ont, pour les trois quarts d’entre eux, des sympathies pour la gauche : c’est le vote de la rédaction d’un grand journal du matin réputé de droite, voire même libéral. Mais ils pourraient au moins pousser la conscience professionnelle jusqu’à donner la parole à des gens qui ne partagent pas leur opinion et surtout à ceux qui sont politiquement incorrects : les libéraux.

Les relations entre les médias français et le libéralisme étaient l’objet du forum organisé mercredi dernier à Paris à l’occasion de l’assemblée générale de l’ALEPS.

C’est que le jury de la chronique libérale venait d’être attribué à Éric Brunet, journaliste qui intervient sur RMC et BFM TV. Or, Éric Brunet est l’un des très rares journalistes qui osent afficher publiquement leur libéralisme.

Son livre paru en mai dernier, Sauve qui peut, est lucide, attrayant et courageux. Dans son intervention, le lauréat a mis en évidence d’une part que les journalistes constituent une corporation si fermée et si sectaire que tout le monde doit s’aligner sur les idées dominantes (de gauche) et que ceux qui contesteraient la pensée unique sont l’objet de discriminations et ne graviront jamais les échelons de leur antenne. Un véritable terrorisme intellectuel règne dans les rédactions. Être de droite, et pire encore être libéral, ce n’est pas être journaliste.

Comment en sommes-nous arrivés là, et pourquoi ?

Francis Balle, le grand universitaire spécialiste de la science des médias (il a été vice-chancelier de l’Université de Paris et membre du CSA) a souligné ce qui oppose le journaliste français du journaliste anglo-saxon. Ce dernier est surtout attaché à rendre compte des faits, aussi fidèlement que possible, il a un devoir de véracité, de rigueur, de prudence et de sincérité. Quatre impératifs auxquels visiblement les journalistes français ne se rendront pas, car ils verront les faits en fonction de leurs opinions, persuadés comme Hegel que les faits n’existent pas et que chacun a sa propre vérité. C’est le chemin le plus court pour la désinformation.

Mais pourquoi déboucher sur l’antilibéralisme ? Le débat fait apparaître plusieurs causes :

Le libéralisme n’est pas inscrit dans l’histoire ni dans les mœurs politiques de la France, pays de tradition étatiste. Chez nous, les auditeurs ou téléspectateurs sont réceptifs au message suivant lequel l’État n’est pas garant des libertés (version libérale), mais gérant des libertés (version dirigiste, colbertiste et jacobine).

Puisque la qualité de la relation des faits est seconde par rapport à l’opinion du journaliste, peu importe la source de l’information. Ce peut être l’Agence France Presse, ou les journaux de presse écrite (on peut observer ce qui fait la Une à la télé en lisant Le Monde de la veille). Mais ce sont de plus en plus des sources « officielles » qui alimentent les médias, ce qui est intéressant pour les journalistes qui savent que les Français attendent chaque jour une décision qui relève de l’État et de la classe politique. À vivre à l’heure de Matignon ou de l’Élysée, on ne vit plus à l’heure de la réalité.

La corporation des journalistes est très solidaire et puissante. Il y a 37 000 cartes de journalisme, ouvrant droit à un certain nombre d’avantages (notamment fiscaux). Si l’un des journalistes est pris à partie, l’esprit de corps réagit immédiatement. Or, le libéralisme est contestataire dans un pays étatisé. C’est ce qui donne au journalisme français son allure monolithique et invulnérable. N’importe qui est autorisé à dire n’importe quoi, et nul ne s’en prive.

Enfin, et non le moindre (et Francis Balle et Pascal Salin d’insister sur ce point), en France les « entreprises de presse » ne sont pas considérées comme des entreprises ordinaires. Au nom de la pluralité d’expression, des entreprises de presse sans clients continuent à vivre grâce aux deniers publics. Il n’est pas question de soumettre les médias aux lois du marché : le client auditeur ou téléspectateur n’a pas à sanctionner la qualité des émissions. Même sans audimat, la chaîne ou l’émission continuera.

 

Dans le débat, il apparaît aussi que la qualité des médias vient de leur formation, non seulement dans les écoles de journalisme en situation d’oligopoles et qui distillent un message antilibéral, mais aussi dans les manuels et les enseignements de l’Éducation nationale. Dans son ouvrage La France aveuglée par le socialisme, Philippe Nemo démontre cette continuité entre la manipulation intellectuelle dans les écoles, collèges et lycées, et le parti pris idéologique des salles de rédaction. Au fond, un pays a les journalistes qu’il mérite !

Les libéraux doivent évidemment tirer les leçons de cet état d’esprit, de cet état de fait. Par principe, ils savent bien que la presse est une activité marchande comme une autre, et les journalistes trahissent leur mission en se soumettant à la pensée unique et aux deniers publics, alors qu’ils devraient être les premiers à défendre la liberté d’expression contre la mainmise du pouvoir. La privatisation totale de la presse, la suppression des subventions et privilèges devraient être prioritaires dans un programme libéral.

En attendant, il faut trouver d’autres moyens pour informer les Français, pour éclairer l’opinion publique sur les perspectives d’une offre politique nouvelle, celle d’un programme libéral. C’est ce que l’ALEPS, parmi d’autres, a entrepris en lançant depuis quelques mois les forums de libertés : échanges entre citoyens en dehors des partis politiques, pédagogie des expériences libérales à l’étranger, apprentissage d’une société ou l’on a à rendre un espoir, et à pousser la classe politique dans cette direction. Aujourd’hui les Français ont envie de tout casser, maintenant il faut leur donner l’envie de tout bâtir.

Il faut que chacun se sente solidaire et mobilisé, que l’on suive et soutienne des journalistes exceptionnels comme Eric Brunet, Ivan Rioufol, Yves de Kerdrel, et que l’on donne aux écrits libéraux la publicité, la diffusion et le soutien financier dont ils ont besoin.

La liberté des médias est à bâtir si l’on veut que les médias fassent place à la liberté.


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  • L’association Semaines Sociales de France (née en 1904 pour faire connaître la pensée sociale de l’Église, l’appliquer et l’adapter aux problèmes de notre temps), organise un colloque « Réinventer le Travail », (les 22-24 novembre au Parc Floral, bois de Vincennes). En parcourant le site http://www.ssf-fr.org/ssf le partenariat et le programme du colloque, trouvez-vous qu’il y ait assez de solutions concrètes au chômage en France ? Que parmi celles-ci l’apport de la pensée libérale et libertarienne y soit admise et assez représentée ?

    D’autant que je n’y vois nulle contradiction avec la Doctrine Sociale de l’Eglise, du moins dans les encycliques pontificales. (je ne suis pas un expert, un auteur mieux informé a écrit Un Libéral nommé Jésus.

    Pour ma part je crois que le Malin tend un piège au Chrétien : « Remplacer la Charité individuelle par la Charité d’Etat. » Ceci conclu, la société chute directement du Christianisme au matérialisme étatique, puis au socialisme. Cette confusion légitime le régime actuel.

    Grâce à leur discernement en économie, les entrepreneurs, les libéraux-libertariens ne feraient-ils pas oeuvre de Charité dans l’ordre de la Vérité en suggérant aux laïcs chrétiens ou catholiques de s’approprier les principes de l’économie autrichienne ?

    Le jour où les libéraux-libertariens saurons oeuvrer avec les laïcs catholiques (et réciproquement) le régime n’aura plus d’appuis suffisants dans l’élite de la nation. Le peuple quant à lui a déjà déserté !

    Pacifiquement,

    Populo

    • Populo,

      Si dieu a créé le monde, il a donc inventé et appliqué le principe de sélection naturelle qui nous rapproche ainsi du marché et du libéralisme.

      Il est certain que ça marche, les million d’années d’évolution le prouve, mais à quel prix !

  •  » Il faut que chacun se sente solidaire et mobilisé, que l’on suive et soutienne des journalistes exceptionnels comme Eric Brunet, Ivan Rioufol, Yves de Kerdrel,  »

    Exceptionnels ? Faudrait voir à ne pas exagérer (à l’image de ceux qui sont critiqués).

  • C’est bien sur une vaste plaisanterie. Le libéralisme est partout présent, glorifié et sanctifié comme tel.
    Il suffit d’ailleurs de voir comment la toute petite moindre critique envers ce même libéralisme est l’objet de cris d’orfraie.
    Je tiens le libéralisme pour une escroquerie intellectuelle visant à asseoir toujours davantage la richesse au détriment de ceux qui la produisent.
    Que la richesse profite à ceux qui la produisent et non pas aux parasites financiers est une simple question de bon sens qui ne fait pas débat.
    La compétition est une connerie débile par nature, elle ne conduit qu’à des catastrophes. Ce qui marche c’est la coopération.
    Full point.

  • Ivan Rioufol, grand libéral devant l’éternel… bizarrement ce n’est pas exactement l’impression que m’avait laissée son blog

  • Sur BFM Business, dans les experts, Nicolas Doze invite assez régulièrement des libéraux à son émission.

  • Il y’a moins d’une demi heure, j’ai entendu des citations de Frédéric Bastiat sur France Inter.

    C’est la première fois que j’en entendais parler en dehors de contrepoints, ça m’a fait un petit choc.

    C’était dans une interview au sujet des applications smartphone de covoiturage que l’état veut réglementer pour faire plaisir au lobby des taxis. Les citations concernaient la pétition des fabricants de chandelles de Bastiat.

    • oui, entendu aussi… désespéré? clairvoyant? nous espérons dans l’air du ( d’un nouveau? ) temps…
      Bon, il a peut etre juste reçu son avis d’imposition, et il grommelle comme il peut y arriver au maximum, le journaleux…

    • « C’était dans une interview au sujet des applications smartphone de covoiturage que l’état veut réglementer pour faire plaisir au lobby des taxis. »

      Source s’il vous plait? Ca m’interesse et je ne trouve pas sur Google

  • Il est possible de parler liberalisme en France et meme de remporter l’adhesion des auditeurs….a condition d’eviter soigneusement d’utiliser le mot « liberalisme ».
    Sur chaque sujet il y a un mot pour remplacer. Politique de l’offre, croissance par le bas (a opposer a croissance par plan de relance), responsabilite…etc.
    Le mot liberalisme n’est pas necessaire pour expliquer ces idees. Il est au contraire source de crispations qui empechent toute comprehension.
    Qui plus est je commence a me mefier de pas mal de personnes qui pensent le liberalisme comme un dogme rigide au lieu d’un mouvement pragmatique.

    • Il n’est pas possible de transiger avec les valeurs fondamentales du libéralisme. Nous ne pouvons pas accepter une société ou il existerait un « certain degré de liberté » ou la propriétés serait « globalement respectés » ou on serait « grosso modo responsable des ses actes ». Car à ce compte là toutes les sociétés, même les pires dictatures peuvent se dire libérales.
      Ils nous faut être moralement exigeant et fondamentalement intransigeant avec les ennemies du libéralisme car eux n’auront aucun scrupules à essayer de nous corrompre et de nous salire si nous acceptons de nous compromettre avec eux.
      Comme le sort des libéraux en Allemagne l’ a démontré, s’allier avec nos ennemies ne peut que conduire à notre perte.

      • Une telle rigeur est a votre honneur, mais c’est aussi la garantie de ne jamais, jamais influencer a la vie politique de la France. Nous parlons bien de la France ici pays ou la simple mention de « rigueur » rend les gens fous.
        Le seul moyen d’amener progressivement le mamouth a se liberaliser est de faire comme Adam Smith: montrer dans chaque domaine ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans divers pays, chercher les lois qui font la richesse des nations pragmatiquement au lieu de balancer des preceptes, aussi vrais soient-ils.
        Je vois mail un pays basculer brutalement dans le liberalisme en l’appliquant tout d’un bloc. Seul un changement tres progressif motive par l’application de lois amenant plus de prosperite peut faire changer la culture economique d’un peuple.

  • Il y a des intellectuels libéraux français, mais pas de politiciens libéraux en France.
    Sans parti, sans programme ni part de marché dans les sondages, le libéralisme n’a pas voix au chapitre.
    C’est bien regrettable.

  • « Avez-vous vu récemment une émission de télévision où aurait été invité un libéral avéré ? Avez-vous entendu récemment une interview radiophonique d’un libéral avéré ? »
    Et bien ma foi oui. C dans l’air, Europe 1, RMC, etc.
    L’ifrap (Agnes Molinié-Verdier) est assez régulièrement appelée à jouer le rôle du libéral de service en télé et radio.
    Cela étant, jouer au Caliméro ne sert pas à grand chose. Les média répondent au marché, y compris lorsque le marché est biaisé. L’absence de libéralisme dans les média n’est que la conséquence logique d’un poids politique à peu près nul

  • Je crois que le libéralisme subit l’image que ses adversaires ont réussis à lui coller. le liberalisme c’est: l’anarchie, la loi du plus fort, le capitaliste sanguinaire … les journalistes n’iront pas voir plus loin. Faire parler un libérale c’est étre sanguinaire, anarchiste et fort, peu de journalistes peuvent se permettre de penser différement d’un ignorant.

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