Les marchands de désespoir

Écologisme extrémiste, eugénisme, pseudo-sciences… généalogie intellectuelle d’idéologies anti-humanistes.

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Les marchands de désespoir

Publié le 29 octobre 2013
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Recension par Drieu Godefridi.

merchantsMerchants of Despair est un livre intéressant en cela que son auteur, Robert Zubrin, retrace la généalogie intellectuelle partiellement commune d’un certain nombre d’idéologies : eugénisme, nazisme, environnementalisme. Cette généalogie le mène à Malthus (de façon convaincante) et Darwin (dont il propose une lecture simpliste). Le principal mérite de Zubrin est de montrer la vitalité des pensées anti-humanistes qui, pour des motifs divers (surpopulation, prolifération des êtres malades, génétiquement tarés, des races inférieures, épuisement des ressources, plus récemment le réchauffement climatique), considèrent la libre croissance de l’humanité comme un problème en soi, auquel il faut mettre un terme, sous peine d’apocalypse. L’essai de Zubrin est de nature à ouvrir les yeux de ceux qui envisagent l’écologisme comme un humanisme inoffensif.

Toutefois, l’essai de Zubrin trouve sa limite dans la pratique systématique de l’amalgame. Une référence intellectuelle commune, la présence d’une même personne dans l’organigramme de deux organisations : voilà le genre de « preuve » qui permet à l’auteur d’amalgamer, allant souvent jusqu’à les identifier, la politique coloniale de l’Angleterre, le racisme, le nazisme, la politique US de « pacification » au Vietnam, le WWF, le GIEC, la volonté par l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, etc. Que deux ensembles aient un élément commun ne permet pourtant pas de les identifier. Cette virtuosité dans l’amalgame, je la crois in casu plus naïve que malhonnête, car on sent que l’auteur est sincère.

Un bon exemple est le fait que l’interdiction du DDT a causé, selon Zubrin, le génocide de plusieurs centaines de millions de personnes (terme qu’il utilise à plusieurs reprises dans ce cas de figure) : petits clowns amateurs que sont les nazis en regard de l’agence administrative américaine responsable de l’interdiction du DDT (et ses inspirateurs intellectuels, d’ailleurs en partie des nazis américains, selon les « preuves » rassemblées par Zurbin). Il semble avoir échappé à M. Zubrin que de ranger le gazage des Juifs et l’interdiction du DDT sous une seule et même étiquette de « génocide » pose certaines difficultés intellectuelles (et morales), tout en ouvrant un vaste champ de possibilités (telle que la réunion urgente d’un tribunal de Nuremberg pour juger les responsables de ce qui apparaît ainsi comme le pire génocide de l’histoire humaine).

Un autre exemple est la politique de « pacification » américaine pendant la guerre du Vietnam, qui consistait, selon Zubrin, à tuer un maximum de « Viets ». Or, note Zubrin, cette politique (plus exactement, la représentation caricaturée qu’il s’en fait) fut décidée (en partie) par des responsables politiques US eux-mêmes membres d’une société intellectuelle adepte de la lutte contre la surpopulation, le « Population Crisis Committee ». Or, on trouve à l’origine de ce comité des individus (pas tous) qui se sont montrés, dans leur passé, partisan de l’eugénisme. Or, l’eugénisme est un aspect fondamental du nazisme. Voilà qui « raise some interesting questions », écrit Zubrin, dans un style tout en suggestion.

Les pratiquants de l’amalgame comme Zubrin ne vivent pas dans une réalité parallèle – la plupart des éléments factuels dont il soutient ses théories paraissent avérés – mais dans une réalité simplifiée. Évidemment, au-delà d’un point, la simplification est telle qu’on pénètre en effet dans une réalité parallèle, celle d’esprits dérangés du type Beautiful Mind – ce que n’est pas Zubrin –, que le simple agencement des mots dans un article de Life suffit à convaincre de la réalité d’un complot soviétique.

Au total, cela reste un livre riche de nombreuses informations factuelles, passionnant dans la partie qui relève de la spécialité de l’auteur, le nucléaire, et qui retrace magistralement la généalogie anti-humaniste de l’environnementalisme. J’en recommande donc la lecture critique.

— Robert Zubrin, Merchants of Despair: Radical Environmentalists, Criminal Pseudo-Scientists, and the Fatal Cult of Antihumanism, Encounter Books, avril 2012, 328 pages.

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  • L’honnête citoyen correctement éduqué ne peut s’accommoder ni du mensonge, ni du vol, ni du meurtre politiques. Le mensonge des trafiquants de peur écologistes est un crime, comme n’importe quel autre crime, que ce soit le vol fiscal des socialistes ou le meurtre planifié des fascistes et des communistes. Il n’y a pas à établir de gradation dans le constat objectif du crime, au prétexte qu’il serait politique. S’il y a un amalgame à établir, c’est celui du constructivisme immoral qui réunit toutes les idéologies, malgré leur apparente diversité.

  • Il serait intéressant de savoir qui sont les plus « anti-humanistes » : ceux qui prennent le risque de millions, voire de milliards de morts en poussant toujours plus à la natalité, sur une planète visiblement bien mal en point, ou au contraire ceux qui proposent de stabiliser la population au nombre actuel en demandant à nos contemporains de se contenter de deux enfants par couple…

    • Que vous posiez la question démontre votre insanité morale. Pour éviter un « risque » de voir des morts naturelles, vous avancez qu’il peux être plus moral de causer tout de suite des morts artificielles bien concrètes.

      Non, les malthusiens ne « demandent » pas, ils emploient la force. Lisez le livre, en particulier les chapitres sur les campagnes de stérilisation forcées des années 60-70.

  • L’ayant lu récemment, je ne partage pas l’opinion d’un excès d’amalgames: Zubrin établit la généalogies des idées, pour cela il lui faut mettre en parallèle non seulement les paroles et écrits des partisans de ces idées, mais aussi les actions commises suivant ces idées.

    Pour reprendre l’exemple cité ici, il montre la façon dont les nazis ont sciemment instrumentalisé la malaria dans les zones marécageuses d’Europe à fin de tuer des populations civiles « d’untermensch », puis il documente la façon dont des gens se réclamant d’idéologies malthusiennes ont tout d’abord déploré publiquement la survie massive d’humains grâce à la suppression de la malaria par le DDT, puis leurs demandes de restrictions de l’usage du DDT, et enfin les effets de ces restrictions.

    Si dans le premier cas on parle de crime de guerre, comment qualifier le second sans verser dans la malhonnêteté intellectuelle ? Si ces actes différents mais similaires sont motivés par un même fondement idéologique anti-humaniste, mettre en évidence cette idéologie dans chacune des formes qu’elle prend c’est justement le propos du livre.

    Pour le dire plus simplement: l’auteur n’essaie pas d’amalgamer le nazisme et l’écologie, il démontre la filiation intellectuelle du nazisme parmi bien d’autres extrêmismes, dont certaines vues promues par des groupes écologistes, dans des principes anti-vie communs à base de scientisme malthusien et darwinien. C’est une filiation qui va de ce principe de base que « Le bien se mesure suivant des critères non-humains » vers toutes les idéologies bâties ensuite autour de ce principe. Pas dans l’autre sens – et je n’ai pas eu l’impression que l’auteur cherchait à faire autre chose.

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