Son dernier ouvrage, L’identité malheureuse, est férocement critiqué sur Slate.fr. Cette critique est-elle crédible ?
Par Marc Crapez.
Cette critique du livre d’Alain Finkielkraut est signée par un journaliste et chercheur. Elle comprend 16.500 signes, ce qui est considérable. Cela équivaut à cinq pages d’un hebdomadaire. Son auteur prétend avoir lu le livre minutieusement. On s’attend donc à un travail décapant, qui domine son sujet en pointant erreurs, inexactitudes, imprécisions et contradictions.
Tel n’est pas le cas. Le premier grief précis, celui de faire des « amalgames », n’est étayé que par une seule formule de Finkielkraut, l’expression « mondialisation économique et migratoire », dont on ne sait pas en quoi elle constituerait un amalgame.
Le deuxième grief, celui d’être « vraiment de mauvaise foi » et « absurde », n’est illustré que par un passage où Finkielkraut écrit au sujet d’Internet : « … L’identité nationale est ainsi broyée, comme tout ce qui dure, dans l’instantanéité et l’interactivité des nouveaux médias ». Propos peut-être critiquable, mais dont on cherche en vain le caractère absurde.
D’un air entendu
Troisième et dernier grief intelligible : « sa version de l’histoire de la laïcité… n’a rien à voir avec l’histoire ». En prônant une stricte laïcité, Finkielkraut aurait oublié l’article 1 de la loi sur la laïcité, alors qu’ « on sait combien la loi de 1905 est minutieusement construite autour d’un article premier libéral et un article deuxième plus autoritaire ».
Ce « on sait combien » est un argument d’autorité qui ne doit pas nous abuser : en général, celui qui l’emploie feint d’avoir toujours su ce qu’il vient d’apprendre, en vue de paraître savant. Quant au fond de la question, l’erreur historique est surtout manifeste chez l’auteur du compte-rendu, qui range abusivement Émile Combes parmi les partisans d’une laïcité libérale et de compromis.
Les accusations d’amalgame, d’absurdité et d’erreur historique, portées contre Finkielkraut, sont donc disproportionnées. Et aucun élément ne vient conforter une série d’accusations gratuites : ratiocine, obsessions, divague, dangereux, esprit devenu malade (sic). Cela vise à accréditer l’idée qu’il souffrirait de pathologies et de phobies, afin de le discréditer.
Pourtant, estimer que le changement démographique et l’immigration de masse affectent l’identité nationale ne paraît pas incongru. Mais l’auteur du compte-rendu s’indigne : Finkielkraut « va plus loin. Et écrit sans sourciller… », avant de citer des propos qui, là encore, semblent sensés, sur le désarroi des Français devant l’ampleur de cette immigration à plus d’un titre problématique.
Le procédé consiste ici à s’offusquer de propos scandaleux sans préciser pourquoi ils le seraient. Le politiquement correct condamne sans argumenter, d’un air entendu, dans un registre d’insinuation implicite. Il ne fait pas appel à la raison critique mais aux passions et aux instincts complices. Il fonctionne sur le même mode que le qu’en dira-t-on propre à l’esprit de clocher : « hou là là , mais c’est très vilain ça », ou encore « vous rendez-vous compte, ma bonne dame, ce qu’il ose dire ! ».
Pourquoi l’idéologie prend-elle ainsi le pas sur le sens critique ? Précisément, parce qu’elle flatte des ressorts passionnels et des préjugés. Ensuite, parce que, comme je l’ai montré, dans la vie intellectuelle française, des textes d’assez faible niveau intellectuel sont automatiquement publiés dès lors qu’ils militent en faveur de l’immigration. Enfin, parce que le lecteur, disposant de moins de temps et d’application qu’un spécialiste, peut se laisser impressionner par des phrases ronflantes.
Tout le monde n’a pas le talent de Raymond Aron, dont les comptes-rendus apportaient toujours une plus-value. Mais cet exercice de controverse sur le livre d’autrui a ses règles. Il requiert un sens de l’argumentation et du raisonnement. Personnellement, je n’ai pas lu ce livre d’Alain Finkielkraut. Touchants au thème de l’immigration, j’ai rendu compte de livres moins médiatisés tels que Les Tabous de la police, de Mohamed Douhane, La Gauche et la préférence immigrée, d’Hervé Algalarrondo, La Nouvelle idéologie dominante. Le post-modernisme, de Shmuel Trigano, ou Islam, l’épreuve française, d’Elisabeth Schemla.
—-
Suivre les articles de l’auteur sur Facebook.
Autres articles de l’auteur sur la philosophie de la connaissance :
- Les attaques post-mortem contre Raymond Boudon, Contrepoints, 22/04/13.
- La criminologie est-elle dangereuse ?, Contrepoints, 05/04/12.
- A-t-on trouvé la pilule antiraciste ?, Contrepoints, 12/03/12.
bon article
Rarement, il nous aura été donné, d’aussi magistrale façon, une analyse de ce que soudain, A. Finkielkraut qualifie la disparition de la nation Française . Brillant assurément ! La démonstration de l’auteur est d’une aveugle absurdité.
Définition de la Nation :
« La Nation est davantage une construction idéologique qu’une réalité concrète, ce qui explique la difficulté de lui donner une définition pleinement satisfaisante. Son étymologie est liée à la notion de naissance (nascere). Ainsi, à l’époque médiévale, l’idée de nation renvoie ainsi à un groupe d’hommes à qui l’on attribue une origine commune. Mais la conception moderne de la nation dépasse largement le cadre ethnique ou tribal. Elle trouve plutôt sa source dans un ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. Elle est ainsi à la fois extérieure aux individus, en même temps qu’elle est intériorisée et transmise d’une génération à l’autre. Pour s’imposer, elle suppose également l’existence d’une volonté durable de vivre au sein d’un même ensemble. »
Les clichés permettent de jauger la profondeur de sa pensée, ou plutôt de l’expression. Pouvons-nous demander à A. Finkielkraut l’auteur de ce maelstrom de l’intelligence de postuler pour le prix Nobel de littérature ?
Je saisis la fin de votre définition : « Pour s’imposer, elle (la nation) suppose une volonté de vivre ensemble. »
Mais on ne peut s’attendre à ce que veuillent vivre ensemble des populations que séparent leurs cultures, leurs langues, leurs traditions, leurs moeurs, leurs goûts et leurs appréhensions respectives de l’existence. Côte à côte, certes, et pacifiquement si la frontière est respectée. Mais pas ensemble. La seule manière pour des étrangers de vivre heureusement parmi nous, c’est de devenir français à part entière, d’aimer la France, d’en cultiver la langue, d’en connaître l’histoire, les traditions, de se fondre entièrement dans la population indigène et d’en adopter les us et coutumes, les manières, la tonalité d’âme. Nous réprouvons sans hésiter les comportements irrespectueux d’occidentaux envers les populations des pays où ils voyagent. Pourquoi accepterions-nous chez nous l’irrévérence de ceux que nous accueillons, ou de leurs descendants, qui vont parfois jusqu’à nous blâmer d’aimer notre pays ?
Par contre, s’il s’agit de populations qui ont perdu leurs cultures, leurs langues, leurs traditions et toute référence à une collectivité dans laquelle ils pourraient se reconnaître, comme le deviennent actuellement de nombreux Français, à force d’avoir bêtement honte de leur patrie, et comme le deviennent de nombreux immigrés, qui ressemblent souvent à d’étranges caricatures de Français mondialisés, il n’y a pas de vivre ensemble possible, ni même de côte à côte pacifique : il n’y a que la violence, et la guerre de chacun contre tous.
Ce n’est pourtant pas ce que nous voulons. Allons-nous encore longtemps consentir à cet espèce d’effondrement dégueulasse de notre humanité française… la seule que nous ayons ?
Citation du «critique»:
«Certains, ayant lu ce livre avant sa sortie, l’accusent déjà d’être devenu un allié du Front national. C’est un «lepéniste lettré» diront ses détracteurs, s’ils n’ont pas peur de l’oxymore. Je ne lui ferai pas ce procès car il est, je crois –je l’espère encore sincèrement–, un républicain.
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que la petite musique qu’il distille depuis trop d’années et, dans ce livre, dans trop de pages, sur le déclin de la France, ce long sanglot de l’homme blanc, ses obsessions contre la mort de l’école, de la culture et l’abrutissement du numérique, bref ces thèmes, dont il est devenu le chantre, ont trouvé un écho favorable chez les 54% de Français qui ont voté, ce dimanche, pour le FN à Brignoles.»
Quelle malhonnêteté intellectuelle! Le «critique» dit ne pas vouloir faire le procès de Finkielkraut, et c’est exactement ce qu’il fait dès le paragraphe suivant! Il assimile Finkielkraut (avec sa «petite musique») aux votants FN à Brignoles. Ce genre de critique pue l’hypocrisie et la bigoterie bien-pensante. Ce petit garde-chiourme est du genre à pratiquer le délit d’opinion pour un mot qui dépasse, une idée pas assez «ouverte» ou «moderne» ou «progressiste». Son arme préféré : l’insinuation, outil privilégié pour éviter de développer sa pensée. De plus, il ose écrire :«Entre les lignes, Finkielkraut écrit des choses affreuses.»
On pourrait lui retourner l’accusation. Des terroristes intellectuels de cette eau pullulent partout dans les médias en France et au Québec. Marc Crapez en a au moins dénoncé un. Bravo.
Vous semblez bien analyser certains ressorts de critiques sans vergogne. Mais vous n’avez pas lu le livre d’Alain Finkielkraut ?!? Comment diable faites vous alors pour démonter une critique d’un livre que nous n’avez pas lu et dont vous sortez des phrases en les retirant de leur contexte ?
Cela ressemble à ce que vous dénoncez : « des textes d’assez faible niveau intellectuel sont automatiquement publiés dès lors » qu’ils tentent de flatter un sens critique perdu.
Avez-vous seulement lu la critique entièrement ? Ces 16500 signent semblaient insurmontables à vous lire.
En ce qui me concerne, je n’ai ni lu le livre ni parcouru cette critique. Je me contente donc ici de réagir sur le fond de votre article qui me semble entièrement dénué de fondement.
Je pense qu’après ce genre de tribune, il ne faut pas se demander pourquoi les gens pensent que le libéralisme est d’extrême droite…
Premièrement se servir de sa tribune médiatique pour soutenir une autre personne médiatique dont ont se sent proche, est à l’origine du désamour des français pour les journaux.
Ensuite l’immigration est un gain pour la simple est bonne raison que le capital et le travail cherche à optimiser leurs rendements. Il n’y a qu’au Brésil ou l’on tente de décourager les investisseurs de faire du business pour se « protéger » d’investissements « spéculatifs ». J’imagine qu’il faut aussi rediriger vers Lampedousa nos investisseurs américains ?
Pour finir les subventions sont jetés aussi bien sur les entreprises que les particuliers, le problème n’est ni l’individu ni l’entreprise mais bien l’ETAT!!! Si vous n’avez toujours pas compris ça il est tant de se mettre a étudier sérieusement la théorie économique.
Lu. Ce qu’on peut reprocher à Finkie, c’est de ne sombrer dans aucun excès, d’avoir une vision claire et modérée en effet. Et ca, ca ne plait pas. Résumé du livre : l’ange de l’avenir a les ailes tournées vers le passé.
Je constate que, comme les identitaires saturent et manipulent les pages de commentaires en multipliant les pseudos et les commentaires, ils ont fini par croire eux-mêmes qu’ils représentent le peuple de France. Manque de bol : les Français ont voté Hollande. Ça leur est resté ent avers de la gorge et ils sont encore plus remontés. Mais ce n’est pas parce qu’on multiplie les pseudos qu’on multiplie d’autant les électeurs FN. En outre, on a l’impression que l’extrême-droite se compose a) de rentiers b) de chÔmeurs : ils ont le temps de ruminer contre « la gauche ».
Blague à part : j’ai entendu Fink dire deux ou trois fois qu’il se définissait comme « conservateur, réactionnaire et socialiste ».
Pour conservateur et réactionnaire, c’est clair, mais socialiste : où ça?
Et pourquoi tient-il absolument à usurper ce qualificatif?