Par Bernard Caillot.
Chef d’entreprise – maintenant retiré – dans le domaine du conseil, adhérant à la CGPME, j’ai mis en garde mes collègues entrepreneurs et mon organisation contre un certain nombre de dangers qui menacent la liberté en général et l’entreprise en particulier.
Ces mises en garde vont de l’alerte contre l’ISO 26000 à la prévenance vis-à -vis de l’utilisation pernicieuse du noble terme de « citoyen » (devenu synonyme de « faits délictueux commis par militants altermondialistes ») quand il est banalisé par des entreprises qui – sincèrement et innocemment ou par marketing – se déclarent citoyennes.
Naturellement ces mises en garde incluent la dénonciation de toutes les dérives du développement dit durable ; celles-ci sont obligatoires si on accepte ce concept tel qu’il est imposé par le Grenelle de l’environnement.
Ces préventions et informations se sont enfoncées – jusqu’à se perdre – dans les multiples structures dans lesquelles des hommes et des femmes dévoués tentent de faire surnager le droit individuel de créer des richesses pour soi-même et pour ceux qui ont choisi d’investir personnellement et de travailler à vos côtés. Ce droit naturel n’est plus reconnu, le discours dominant ne porte que sur le « créateur d’emploi ».
Une des caractéristiques du syndicalisme patronal est qu’il manifeste très peu mais qu’il est très très souvent impliqué – pour ne pas dire populairement mouillé – dans la mise en œuvre directe ou indirecte de mesures qui vont contre les intérêts des entreprises et de leurs salariés.
À titre d’exemple, j’ai été désigné pour représenter la CGPME lors de réunions sur les ZAPA (Zones d’actions prioritaires pour l’air) présidées par une députée écologiste et dans lesquelles siégeaient des associations environnementalistes et une dizaine de fonctionnaires représentants des administrations de même tendance. En face de cette quinzaine de personnes nous étions deux chefs d’entreprises. Dans la réalité, nous n’étions que l’éventuelle caution de mesures que nous ne pouvions pas accepter ; heureusement – pour l’instant – ce projet s’est planté de lui-même.
Le cœur du système qui nous a conduit dans ces réunions est le paritarisme.
Via l’histoire des prud’hommes il est possible de faire remonter ses origines historiques jusqu’à Napoléon 1er ou même aux bâtisseurs de cathédrales. À l’époque moderne, le paritarisme est massivement introduit par la loi du 19 octobre 1946 portant sur le statut de la fonction publique. Il est étendu à la Sécurité Sociale par l’ordonnance Jeanneney du 21 août 1967.
Depuis, un paritarisme tripartite (ouvrier + entrepreneur + État) ou quadri parti (ouvrier + entrepreneur + État + personnes dite qualifiées – par qui ?) s’est généralisé. En quarante ans, sous le contrôle de la Direction de la structure administrée (sic !), il s’est créé des milliers d’instances « paritaires » génératrices de petites prébendes ou de financements divers.
Certes, ces instances permettent d’échanger à froid entre « ennemis de classe / partenaires sociaux  » dans l’amitié et la convivialité liées au tutoiement généralisé d’avant séance ou d’après repas aussi sympathique que gastronomique. Parfois même, ceci permet d’obtenir des ménagements réciproques.
Il n’empêche que systématiquement :
- les producteurs (les entreprises) sont en minorité et divisés entre des représentants désignés des artisans, des commerçants, des professions libérales, des PME et des grands groupes ; les premiers délèguent souvent des retraités et les derniers leurs cadres alors que les syndicats ouvriers envoient leurs meilleurs militants, formés, aguerris et dans la réalité payés pour cela ;
- l’idéologie dominante est toujours l’étatisme triomphant joint au socialisme de salon mâtinée de jacobinisme bon teint. Comme le dit le proverbe chinois « Les poissons n’ont pas conscience de l’eau ».
Dans ce cadre, une question se pose : les « ménagements » obtenus par le paritarisme sont-ils des compromis ou des compromissions ?
Après les mises en garde, pendant cinq années j’ai pratiqué et observé dans diverses structures. Puis après avoir abandonné en rase campagne quelques mandats, j’ai pris la décision de démissionner de celui d’Administrateur titulaire de la CAF avec « motivations ». Voici la lettre lue en CA le 31 octobre 2013, telle qu’elle figurera au PV.
Ma Présidente, cher(e) administrateur
J’ai une nouvelle à vous communiquer, j’ai pris la décision de quitter votre organisme.
Non pas en invoquant l’abrogation de droit [européen] du monopole de la Sécurité Sociale lors de la transposition dans la loi française des directives européennes 92/49/CEE ou le jugement de la Cour de Justice Européenne du 3 octobre 2013 qui reconnaît explicitement que « les assurés des monopoles ne sont pas des assujettis mais des clients » et implicitement que le monopole de la sécurité sociale est abrogé dans tous les pays où il existe encore mais, tout bonnement, en démissionnant de ma fonction d’administrateur. Je proposerai que cette démission soit effective quand la CGPME aura choisi un(e) remplaçant(e).
Comme je vous l’ai déjà dit lors de la Commission Sociale du 19 juin 2013, je pense que la CAF est devenue la Caisse d’Assistanat et de Financement des mesures sociétales. Par pitié pour le paritarisme je n’en parlerai pas et par esprit de concorde je ne développerai rien sur la mise en œuvre des Ordonnances de 1946 qui, depuis 60 ans, a transformé les promesses sociales de la Démocratie Chrétienne de 1945 en nœuds juridiques inextricables, en situations décisionnelles embrouillées, en droits sans devoirs et, naturellement, en mur de dettes.
Si dans ce contexte je démissionne, c’est que j’ai fait le constat que certainement vous êtes nombreux à faire en votre for intérieur, « nous ne servons à rien car nous n’administrons rien de réel ». En dehors de modifications marginales de réglementations kafkaïennes ou d’affectations de dépenses, nous n’avons aucun autre pouvoir que celui d’entériner ce qu’on nous propose, voire de consommer une queue de budget non dépensée qui « ne doit pas remonter » car « tout doit être dépensé sur place » au risque de « faire tourner les camions dans la cour ».
Bref, je démissionne car – sans grande surprise – j’ai constaté que, là comme ailleurs, il n’y a rien à faire dans une fonction d’Administrateur. Les dossiers sont pré-mâchés par des permanents qui font le job en veillant à la survie de leur organisme et de ses règles par la mise en place d’un « cadre d’organisation de la décision » qui  ne laisse aucune réelle liberté d’action aux Administrateurs.
Je démissionne, mais je conserverai le souvenir d’avoir rencontré des hommes et des femmes sympathiques plus représentatifs des caractères humains que du parti pris de leur organisation ; des hommes et des femmes offrant une amitié spontanée et dont la version off du discours est souvent aux antipodes de la version on.
Je démissionne avec une petite fierté. Depuis que je vous explique qu’in fine quel que soit l’organisme ou le « niveau » qui finance (sic !) ce sont toujours les contribuables qui payent car il n’y a jamais de repas gratuit et, que si on met un impôt sur les vaches ce ne sont jamais les vaches qui payent l’impôt. Je pense que la plupart d’entre vous ont intégré ces vérités… même si souvent en séance ils les oublient – la remarque est sans cruauté – pour le confort sociétal du vote positif.
Je démissionne car j’ai constaté que, de facto, nous ne représentons plus nos mandants – les entreprises et leurs salariés – mais que notre participation aux structures paritaires d’administration nous fait avaliser le fait que les prélèvements de plus de 50% du salaire global soient massivement utilisés au bénéfice de non cotisants. Ceci serait peut-être politiquement légitimable si ces sommes étaient des impôts réellement contrôlés par des représentants efficients des taxpayers ; mais, cette affectation de la richesse produite par des individus devient très contestable quand les sommes sont capturées via des prélèvements dits sociaux. L’affirmation d’une « solidarité » administrative d’État – centralisée, contrainte et obligatoire – n’est que la négation voire la destruction de la responsabilité individuelle et de l’implication de chacun dans sa propre vie.
Fondamentalement :
- je démissionne car je pense que personne ne peut consciemment (c’est-à -dire avec la pleine conscience individuelle de son acte et de sa responsabilité personnelle) distribuer localement sans s’interroger en permanence sur l’origine des fonds ventilés : capture de la richesse / destruction de richesse  / dettes à long terme ?
- je démissionne car je ne pense pas qu’un pays puisse continuer à consommer ses liquidités – provenant pour une part de plus en plus grande d’une dette exponentielle – dans des dépenses d’assistanat sans se poser, à tous niveaux et en tous lieux la question de la création de la richesse et de l’utilisation de la dépense même si cela peut être culturellement très inconfortable ;
- je démissionne car je pense que « Government is not the solution to our problem » (Ronald Reagan, 1981);
- je démissionne car je ne peux pas soumettre – même très très très peu – mon vote d’individu libre à une quelconque décision d’un « national » anonyme ; le confort immédiat du renoncement coûte trop cher sur le plan moral ;
- je démissionne car je pense que le rôle de Jiminy Criquet n’a pas plus d’effet sur le nez de Pinocchio que sur la Réalité, même si parfois celle-ci réussit à affleurer dans nos échanges ;
- je démissionne car Objectiviste, admirateur d’Ayn Rand, je sais qu’il n’y a que la Réalité qui compte ;
- je démissionne car je pense que vous serez plus tranquille et moi plus libre quand je serai symboliquement parti rejoindre la vallée de Galt.
Cette démission est intervenue juste avant que les permanents de la CAF organisent la tenue d’un séminaire d’une journée lors duquel les Administrateurs – ventilés paritairement – en « groupes de travail » plancheront sur quatre thématiques :
- Aider les familles à concilier vie professionnelle, vie familiale et vie sociale,
- Soutenir la fonction parentale et faciliter les relations parents-enfants,
- Accompagner les familles dans leurs relations avec l’environnement et le cadre de vie,
- Créer les conditions favorables à l’autonomie, à l’insertion sociale et professionnelle des personnes et des familles.
Après avoir réfléchi, les Administrateurs pourront proposer de modifier à la marge quelques clefs sociétales de répartition d’une partie de la consommation [locale] des liquidités.
Halte au Feu ! Nous sommes à des années lumières de la Réalité faite des déficits structurels de ce système si perverti que Le Point – comme d’autres – en dénonce les effets.
Halte au Feu ! Vingt milliards d’euros de déficit par an pour les organismes sociaux et un groupe de travail pour étudier comment un de ces organismes d’État peut « Créer les conditions favorables à l’autonomie ». Cherchez l’erreur !
Halte au Feu ! En pataphysique phynancière1, avec 20 milliards d’euros, à 1 euro le kilomètre, chaque année on peut sortir du système solaire ; la sonde Voyager lancée en 1977 est « à plus de 18 milliards de kilomètres du Soleil, elle est sortie de l’héliopause, la zone frontalière du système solaire. » On rêve !
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L’annonce d’un départ pour la vallée de Galt n’est qu’une formule. Concrètement pour moi cela a consisté à rejoindre les « Dupés », à signer leur manifeste et à le promouvoir.
Ci-dessous, je vous en cite un extrait :
Ne voulant plus taire notre exaspération, nous lançons un cri d’alarme à nos organisations professionnelles et notre gouvernement. La France étouffe sous les règles, sous les charges, sous l’endettement et sous l’incapacité de décider et de s’adapter.
Au lieu de discuter pour alléger l’environnement réglementaire et fiscal, nos élus et nos représentants l’alourdissent à chaque fois qu’ils se rencontrent !
Dès lors, nous faisons 3 constats qui nécessitent 3 réponses claires :
- Trop de règles en France… tue l’emploi !
- Trop de charges en France… tue l’emploi !
- Trop de différence entre le salaire brut et le salaire net… ne motive pas nos salariés !
Nous demandons un arrêt de toute négociation, tant que le Code du Travail n’est pas refondu et allégé, avec le souci du respect des droits essentiels des salariés, sans paralyser nos entreprises.
Lisez le en entier, signez le et faites le connaître : http://www.les-dupes.fr/manifeste
Marrant, ça me rappelle ma courte expérience en CPAM
Si seulement d’autres suivaient votre exemple, mais la probité, la morale, le respect des autres et de soi sont des valeurs très mal réparties.
Je comprends vos raisons, mais néanmoins je regrette votre départ. Votre inutilité même plaidais pour votre maintien : au moins n’étiez vous pas nuisible, contrairement à d’autres.
Bravo quand même pour le travail accompli, ou son absence, ainsi que pour l’énergie morale qu’il vous sans nul doute fallu user (en vain) dans ce trou noir.
La dysorganisation est le système d’organisation préfère de ses auteurs car il leur convient….a qui convient la dysorganisation de notre système social ruineux et en loques? La sécu est clairement nuisible à tout le monde coûte trop cher, emmerde les médecins depuis plusieurs deçennies,son échec économique n’a d’égal que son échec social,pendant qu’elle assiste la misère dont elle est en partie responsable,un quart monde qui n’a accès à rien augmenté,la santé des jeunes étudiants est préoccupante,on ne sait pas quoi faire des vieux, on peine à trouver des places dans les services de réanimation après 70 dans…pendant ce temps la gauche caniard se porte bien…l’argent de la santé est investi dans autre chose que les soins…et tout ceci en diabolisant toute libéralisation ..Chaque semaine ou presque de nouvelles lois scélérates protègent davantage un système indéfendable…Au total « la morale sans l’éthique » les ambitions prétentieuses sans les moyen » et tout le monde continue à dire que nous avons le meilleur système du monde….méthode Coue ….
Dans le vacarme assourdissant, surgit quelquefois une voix, la votre a valeur de témoignage, ce sont des gens comme vous, avec des actions comme les votres, qui donnent de l’espoir à tous les autres, nul besoin de citer Ayn Rand, c’est vous le modèle.
Merci, M. Caillot.
Pour ma part je pens que vous avez bien fait de démissionner.
Il ne faut pas servir d’alibi à tout ce machin.
Tout comme le vote des français, inutile et manipulé, sert par un simulacre de démocratie, à conforter tous ces gens dans leurs prébendes.
J’avais rêvé un moment que l’argent caché de l’UIMM pourrait servir à financer des chaires de libéralisme sans lesquelles la France ne se redressera pas. « Ils » préfèrent s’en servir à maintenir ce système en place, tant pis, une autre fois peut-être.
Par contre, plutôt qu’à tout un ensemble de guignols, c’est à vous que la France devrait donner la Légion d’Honneur ! Mais peut-être l’avez vous déjà ?
Merci.
Courageux ,intelligent ,sans concession ,réaliste .Rare, très rare analyse sans langue de bois .
Bravo ,et respect !!!
Bonjour à tous
Je fais une première réponse collective pour recentrer nos réflexions.
Tout d’abord merci pour vos commentaires, ils sont tous de qualités ; j’informe Pierre que je n’ai pas la Légion d’Honneur !
Cette démission d’une fonction que m’avait accordée, par confiance, la CGPME a été prise après réflexions réputées, par définition, « mures ».
Pour respecter cette confiance j’ai voulu qu’elle reste un acte individuel – que d’autres peuvent suivre mais cela est de leur responsabilité d’Homme – pour qu’elle n’impacte pas cette l’organisation ; d’où son report formel à l’annonce de mon remplacement, celui-ci s’effectuant par nomination préfectorale.
Pour mémoire la CGPME a longtemps pratiquée la politique de la « chaise vide » et, selon ce qui est expliqué, cela avait permis « à d’autres » d’avancer encore plus vite dans leur idéologie redistributive.
Néanmoins, la politique du combat retardataire n’empêche pas la marée de monter. Que nous le voulions ou non, notre choix se résume à être (ou à combiner) – pour faire référence aux personnages de Ayn Rand dans La Grève – :
– Dagny Taggart qui lutte pour continuer de faire fonctionner le réseau ferroviaire et s’épuise dans cette mission impossible ;
– Jim Taggart qui collabore avec le gouvernement pour survivre le mieux possible par et dans le mensonge, la lâcheté et la cupidité ;
– John Galt, l’illustration du rêve libertarien
Cette démission est l’aboutissement d’une longue (très longue) réflexion que j’ai résumée dans deux articles confiées au journal « La Forge », édité par le Syndicat National de la Forge et de l’Estampage, puis publiés par Contrepoints.
Le premier « L’éléphant, la crise et la souris. » est paru pour la première fois dans le N°44 du mois d’avril 2011 de La Forge, le second, « Mes logiciels m’ont tuer ! » dans le n°52 d’avril 2013. Ils sont tous les deux en ligne sur ce site.
Ma démission est la résultante de ces analyses (qui ne sont aussi que des opinions) et de ma situation individuelle.
Actuellement, parmi la foultitude de mouvements plus ou moins corporatistes (ce terme n’est pas péjoratif) globalement anti-fiscal dans leur discours immédiat mais parfois questionnant (terme creux pour ne pas fantasmer), je pense que c’est la démarche des DUPES qui offrent un créneau d’équilibre entre la clarté de l’engagement, l’action raisonnée, l’implication et le retrait de la vie civique.
Faites connaître ce mouvement ainsi que les textes que vous aimez, mais n’oubliez pas l’effet papillon : nul ne sait d’où et pourquoi viendra la tempête ni ce qu’elle broiera ni même si elle viendra.
« John Galt, l’illustration du rêve libertarien »
Pourquoi « libertarien » et pas « libéral » ?
En anglais, le terme « liberal » signifie socialiste, ce qui explique qu’on a dû en inventer un autre, « libertarian », dérivé de « liberty ».
Mais en français le terme « libéral » a échappé à la novlangue socialiste qui fait employer un terme pour désigner l’exact contraire de ce qu’il signifie.
Il est vrai qu’il n’a pas échappé à une autre technique, celle de la diabolisation qui lui fait porter la responsabilité des ravages du socialisme, mais là ce n’est plus une question de novlangue, il faut rétablir les faits.
Délectable !
Une illustration de plus d’un principe assez évident: L’administration est peuplée de socialistes.
Comment en irait-il autrement: Elle a pour eux des charmes irrésistibles, nous libéraux la trouvons hideuse.
Que faire ?
Je ne vois pas d’autre solution que la démocratie directe, qui la soumet au peuple.
La démocratie purement représentative ne fait qu’accentuer le problème: Il est trop facile aux socialistes qui contrôlent tous les rouages de notre administration de soumettre nos quelques représentants qui ne sont pas des leurs.