Joseph Stiglitz : un prix Nobel au service de l’idéologie keynésienne

Joseph Stiglitz profite de manière éhontée du prestige lié à son prix pour truster les médias et peser dans le débat public sur des sujets sans rapport avec son expertise.

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Joseph Stiglitz (Crédits Asia Society, licence Creative Commons)

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Joseph Stiglitz : un prix Nobel au service de l’idéologie keynésienne

Publié le 19 novembre 2013
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Par Yann Henry.

Friedrich Hayek a obtenu le prix Nobel d’économie en 1974.

Lors du discours au banquet de remise des prix Nobel, le 10 décembre de cette même année, il se montra prudent :

Je dois confesser que si on m’avait consulté sur la question d’établir un prix Nobel d’économie, je me serais exprimé fermement contre.

Il considérait entre autre que :

Un prix Nobel conférerait à un individu une autorité qu’en économie nul homme ne devrait posséder.

D’autres prix Nobel n’ont pas la même modestie ni la même retenue.

Joseph Stiglitz fut nobélisé en 2001 en compagnie de George Akerlof et Michael Spence pour leurs travaux sur les marchés avec asymétrie d’information. Le moins que l’on puisse écrire est que Stiglitz ne manque pas une occasion de donner son avis sur des sujets n’ayant au mieux qu’un lointain rapport avec son prix Nobel. Il profite de manière éhontée du prestige lié à son prix pour truster les médias et peser dans le débat public.

Cet entretien accordé à La Tribune, dans lequel il exprime des avis tranchés et non argumentés sur une grande variété de sujets, en est une caricature frappante.

Les raisons de la crise actuelle ?

Il pointe notamment la régulation financière et la prise de risque excessive de banques toujours too big to fail 1. Quand Stiglitz incrimine la réglementation, il faut bien sûr comprendre que, selon lui, il n’y en a pas assez.

Or, comme le démontre Vincent Bénard, la régulation financière étatique est condamnée à échouer. Les régulations ne tiennent non seulement pas leurs promesses de stabilisation mais ont en plus de nombreux effets pervers. L’interventionnisme public est à l’origine de la formation de la bulle immobilière. La création de la Fed a débouché sur une instabilité bancaire plus élevée. Les accords de Bâle ont renforcé le risque systémique au lieu de le diminuer. Ils ont en outre incité les banques à acheter massivement de la dette souveraine ou à préférer les prêts immobiliers aux prêts aux entreprises, ce qui les a exposées aux crises des subprimes et de la dette, tout en compliquant le financement de l’économie.

Quant aux banques too big to fail, pourquoi ne pas les laisser faire faillite ?

En considérant qu’au-delà d’une certaine taille les établissements seraient systématiquement sauvés, les autorités n’ont-elles justement pas encouragé les comportements risqués ? Alourdir les réglementations coûte certes très cher aux grandes banques, mais pour les plus petits acteurs ce peut être létal (sans compter le fait que cela constitue une énorme barrière à l’entrée pour de nouveaux concurrents potentiels).

Ainsi la banque privée suisse Frey, financièrement saine, annonçait récemment mettre fin à ses activités.

Markus A.Frey, président du conseil d’administration expliquait cette décision :

Les conditions de marché de plus en plus difficiles, des règles prudentielles de plus en plus lourdes pour de petits établissements, ainsi qu’à cause du conflit fiscal aux États-Unis » en constatant qu’« au cours des derniers mois […] les coûts se sont tellement aggravés qu’ils ne sont plus supportables pour une petite banque privée.

Le nombre de banques en Suisse a ainsi été divisé par deux (de 625 à 312) ente 1990 et 2011.

Stiglitz poursuit par l’inévitable touche écologique :

L’économie de marché n’a toujours pas pris conscience de l’environnement. Nous consommons plus de ressources naturelles que ce que nous avons.

Nous consommerions donc des ressources que nous n’avons pas. Sans doute sont-elles apportées en soucoupe volante par des extra-terrestres…

Après un classique couplet sur les inégalités (se basant sur des indicateurs largement discutables), Stiglitz délivre son remède pour sortir l’économie européenne de l’ornière.

La solution est bien évidemment keynésienne :

Il faut des politiques de croissance et non des politiques d’austérité, comme c’est le cas aujourd’hui.

Stiglitz dresse là une classique mais factice opposition entre croissance et austérité, tout en affirmant implicitement que nous sommes actuellement en période d’austérité. Peu importe que le niveau des dépenses publiques atteigne un record (49,9 % du PIB en 2012 pour l’Union européenne et 56,8 % pour la France).

Comme nous l’avons déjà vu, les seuls à supporter l’austérité sont les citoyens et non les États.

Stiglitz enfonce le clou avec cette sentence définitive :

Aucune économie n’est jamais revenue à la prospérité avec des mesures d’austérité.

On peine à le croire mais le prix Nobel l’a bien écrit : ça n’est jamais arrivé. Évidemment, ces propos ne sont pas passés inaperçus et sont du pain bénit pour les partisans du laxisme budgétaire, comme Arnaud Montebourg, qui peuvent désormais citer le prix Nobel avec l’autorité qui y est liée.

Joseph Stiglitz n’a sans doute jamais entendu parler de la Suède.

Au bord de l’asphyxie financière au début des années 1990, le gouvernement suédois a réduit les dépenses publiques de près de 16 points de pourcentage de PIB entre 1993 et 2000 (la dette publique tombant de 72,5 % en 1994 à 53 % en 2000), ce qui a permis un excédent budgétaire dès 1998 alors qu’il affichait un déficit à deux chiffres en 1993. Cela a-t-il débouché sur une croissance anémique ? Pas du tout : elle a atteint entre 1994 une moyenne de près de 3,5 % par an.

Plus proche de nous figurent les exemples allemand et letton qui montrent les succès d’une politique d’austérité.

 

De plus, des études récentes2 ont démontré qu’il était économiquement plus efficient de jouer sur les baisses de dépenses plutôt que sur les hausses d’impôts pour ramener un budget à l’équilibre. Difficile dans ces conditions d’affirmer que cela n’a jamais réussi.

Outre la fin des politiques d’austérité (dont nous avons vu qu’elles n’avaient pas été mises en place et qu’elles ne s’opposaient pas à la croissance), Stiglitz avance d’autres solutions : les créations d’une union bancaire et des eurobonds.

En quoi consiste l’union bancaire, pour laquelle le Conseil européen vise un accord avant fin 2013 ?

Cette réforme est organisée autour de trois points :

 

  1. La centralisation de la supervision bancaire par la Banque centrale européenne (qui devrait se réaliser dès 2014).
  2. La mise en commun des schémas nationaux de protection des dépôts.
  3. La création d’un fonds commun pour la résolution des banques en difficulté.

Uniformiser les normes prudentielles interdit aux superviseurs nationaux d’appliquer des règles plus strictes. De plus, cela ajoute un fort risque systémique puisque cela débouchera sur une uniformisation des comportements des banques, ce qui veut dire que quand des erreurs seront commises, elles le seront en même temps. De même, la mutualisation des coûts de renflouement ne va pas dans le sens de la responsabilisation des États membres.

Quant aux eurobonds, ils ne sont pas la solution à la crise. En effet, leur création introduirait un nouvel aléa moral qui déresponsabiliserait encore plus les gouvernements. La mise en place de l’euro a permis aux États d’emprunter à des conditions financières très proches (ce qui est aussi l’objectif des eurobonds) jusqu’au deuxième semestre 2008, où elles ont commencé à diverger. Ces eurobonds, qui ont donc déjà existé, n’ont pas empêché le surendettement de plusieurs États. Qui plus est, par les taux d’emprunt très favorables qu’ils ont autorisés, il est même permis de penser qu’ils l’ont favorisé et que les gouvernements en ont profité pour augmenter les dépenses publiques. En déresponsabilisant encore plus les gouvernements et en permettant des comportements de passager clandestin3, les eurobonds ne feraient donc qu’empirer la situation actuelle.

Stiglitz s’en prend ensuite au libéralisme par le biais de la main invisible :

La main invisible censée réguler le marché est invisible… parce qu’elle n’existe pas.

Il commet là un grand contresens sur la signification de la main invisible, introduite par Adam Smith dans son ouvrage La Richesse des Nations.

Adam Smith signifiait simplement qu’en recherchant leur intérêt personnel, les individus pouvaient contribuer au bien-être commun sans qu’ils aient eu pour but initial d’y participer. Ainsi, le cordonnier produit des chaussures pour les vendre et avec les bénéfices réalisés subvenir à ses besoins, pas pour l’intérêt de la société, même si celle-ci s’en trouvera mieux. Il n’est donc ici aucunement question de régulation de marché.

Ce concept de main invisible fut ensuite repris et approfondi par Hayek sous la dénomination d’ordre spontané défini sur Wikiberal de la manière suivante :

Ordre qui émerge spontanément dans un ensemble comme résultat des comportements individuels de ses éléments, sans être imposé par des facteurs extérieurs aux éléments de cet ensemble.

C’est donc tout à fait logiquement que Stiglitz s’en prend ensuite au prix Nobel 1974 :

La vérité est que la vision d’Hayek, qui stipule que le marché fonctionne parfaitement seul et s’autorégule, était fausse.

Là encore, on voit bien que l’interprétation que fait Stiglitz d’Hayek est complètement erronée. Qui plus est, on peine à discerner par quel raisonnement logique Stiglitz déduit de la défaillance de la réglementation par l’État, une incapacité par le marché à s’autoréguler.

Joseph Stiglitz conclut de manière symptomatique :

Keynes avait totalement raison […] ses prévisions expliquant que les dépenses publiques stimuleraient l’économie […] étaient totalement justes.

De plus, les solutions proposées et évoquées dans cet article ne seraient pas plus efficaces que les premières, et auraient là aussi des effets pervers.

De manière générale, Stiglitz est dans le déni de réalité. Il utilise le prestige de son prix Nobel pour se contenter d’étaler sa foi dans le keynésianisme sans présenter le moindre argument.

Il est sans doute la meilleure illustration de ce envers quoi Hayek nous avertissait :

Un prix Nobel confèrerait à un individu une autorité qu’en économie nul homme ne devrait posséder.


Publié initialement en deux parties sur 24hGold : Partie 1 – Partie 2

  1. Certaines banques ont une taille si importante qu’elles présentent un risque dit systémique, c’est-à-dire que leur faillite entraînerait par effet domino la chute d’autres institutions financières. Ces banques sont dites too big to fail, (trop grosses pour faire faillite)
  2. Large Changes in Fiscal Policy: Taxes versus Spending, publié par Alberto F. Alesina et SilviaArdagna. The Right Way to Balance the Budget, publié par Kevin A. Hassett, Andrew G. Biggs et Matthew H. Jensen
  3. Le comportement de passager clandestin consiste ici à bénéficier des avantages de l’union économique sans en respecter les règles de gestion rigoureuse.
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  • M. Henry
    « Quand on a du succès, c’est toujours pour les mauvaises raisons. Quand on devient populaire, c’est toujours dû au pire aspect du travail effectué. »
    [Ernest Hemingway]

  • La régulation de la finance est bien pourtant un devoir de l’état. C’est d’ailleurs parce qu’on dérégulé à partir des années Clinton que la crise de 2008 est arivée. Sans aucune régulation, des monopoles s’installent vite et c’est le consommateur qui en pâtit. Le Glass Steagal act a permis à la finance de fonctionner correctement pendant 40 ans. Les problèmes sont arrivés avec la dérégulation.
    Quant à la main invisible et l’omniscience des marchés, l’expérience a montré à quel point cette notion était erronnée dans un monde où tout le monde ne fonctionne pas avec une éthique rigoureuse.
    Je ne soutiens pas Stiglitz et encore moins les keynésiens (au sens moderne du terme, car on fait dire à Keynes bien des choses qu’il n’a jamais pensées). En réalité, l’économie moderne est terriblement compliquée.
    Enfin, quant aux TBTF, tout dépend de leur taille vis à vis du PIB des pays dans lesquels elles agissent. En France, où les plus grandes banques ont des bilans égaux ou supérieur au PIB, la faillite d’un de ces grosses banques est une expérience qu’il vaut peut-être mieux ne pas tenter. Il n’en va pas de même aux USA, où aucune banque n’a la taille du PIB américain (13 mille milliards de $).

    • L’état ne peut pas réguler, il peut seulement réglementer.

      Or comme les hommes politiques n’ont pas plus de compétences que le citoyen moyen et comme ils n’ont pas de boules de cristal pour prédire l’avenir et notamment l’immensité des effets pervers de leur réglementation, ça veut dire que ça finit toujours en catastrophe.

      Le « marché » procède par essais-erreurs multiples, chaque acteur de ce marché essaye et suit son propre chemin. Donc naturellement les solutions les plus efficaces apparaissent.

      Lorsque c’est l’état qui se trompe, il emporte avec lui la totalité des gens. Cela devient une catastrophe.

    •  » ..La régulation de la finance est bien pourtant un devoir de l’état… »

      Voici une réponse à cette affirmation fausse :
      http://www.contrepoints.org/2010/09/15/912-pourquoi-la-regulation-financiere-etatique-est-condamnee-a-echouer

    • les regles de Bales, et la nouvelle reglementation AIFM engendrent une concentration du secteur financier. Sans reglementation, n’importe quel individu peut monter une bancque ou un fonds d’investissement. Nombre de societes de gestions sont forcees de se vendre a des banques parce qu’elle n’ont pas les moyens d’embaucher les experts en compliance et legal.

    • Le secteur bancaire et financier est le plus réglementé au monde après le nucléaire.

    • Pour ce qui est de la dérégulation, tout dépend du périmètre considéré.
Si on se restreint au seul métier des banques, depuis les années 80, les activités permises aux banques ont été effectivement très fortement dérégulées. Aujourd’hui, les banques sont en mesure de faire plus ou moins ce qu’elles veulent… à partir du contexte économique dont elles disposent.

      Et c’est là la nuance. Parce que si on étend le périmètre considéré, on constate :
      
-que l’Etat dispose toujours de fait d’un monopole sur la monnaie, puisqu’aucune monnaie privée n’a de cours légal reconnu


      -que les pouvoirs publics contrôlent toujours les taux d’intérêts des banques centrales et l’émission de base monétaire par ces mêmes banques centrales. Eléments fondamentaux de l’économie.


      -que l’Etat peut distordre la demande de crédit en amont du sytème bancaire, en la subventionnant (exemple des subprimes : les GSE subventionnent le crédit immobilier douteux)

      
-que l’Etat peut distordre l’offre de crédit en créant à côté du système bancaire existant des institutions publiques capables de forcer les déplacements de flux monétaires et les investissements (Caisse des Dépôts en France par exemple)


      -que, si les banques en place font plus ou moins ce qu’elles veulent, elles doivent quand même respecter une réglementation bancaire et financière inutile mais néanmoins énorme et tatillonne, ce qui paralyse complètement la concurrence dans le secteur bancaire. La barrière à l’entrée pour les nouveaux acteurs est énorme

      
-que les pouvoirs publics fournissent aux banques une garantie de sauvetage via l’argent des contribuables. Ce qui est une violation de la liberté des contribuables assez considérable.

      On a donc dérégulé complètement l’intérieur du bac à sable, mais le bac est entouré de barbelés plus denses que jamais.

    • À quand un retour au système de banques libres comme avant 1913 ?
      http://ordrespontane.blogspot.fr/2011/04/fermez-la-bce.html

  • Merci pour cet article instructif.

  • Eh oui, Stiglitz comme n’importe quel socialiste, ne parvient pas à comprendre (ou refuse d’admettre, ce qui est pire) que le marché n’a pas pour but de réguler. Le marché n’a aucun but particulier : le marché EST la régulation.

  • très bon article de synthèse qui rétablit la vérité que nous cachent toujours nos indécrottables Keynésiens qui trouveront toujours des économistes « nobélisés » pour confirmer que leur politique de laxisme budgétaire est la bonne solution. Après Krugman, voici Stiglitz.
    Comment voulez-vous que le Français moyen comprenne quoi que soit à l’économie avec une telle désinformation dans notre pays ?

    Vous auriez pu aussi citer l’exemple récent du gouvernement conservateur anglais qui a réussi à faire baisser les dépenses publiques. Le chômage baisse et la croissance repart dans ce pays. Ce qui prouve que la rigueur budgétaire (le mot honni par Sarkozy durant son mandat minable) est la solution.

  • Joseph Stiglitz: « Les dépenses publique profitent à l’économie »

    Et les chasseurs d’une tribu pourraient se distribuer mutuellement leurs prises et n’auraient du coup plus besoin de chasser.

    C’est à ce niveau d’imbécilité que sont rendus Stiglitz, Montebourg et une majeure partie du monde politico-médiatique.

  • pour ma part j’estime que la meilleur façon d’aider les pauvres ce n’est pas seulement de stimuler la croissance et d’attendre que ses fruits retombent en cascade jusqu’au plus démuni ,car s’il ya croissance rien n’impose quelle profite à tous à ce moment l’intervention de l’Etat est souhaitable pour plus d’équité

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