Par Bernard Zimmern.
Un article d’Emploi-2017.
Dans son article « Débat sur la désindustrialisation française » du 15 mai 2013, mon ami Claude Sicard se plaignait déjà de ce que les chercheurs universitaires sont très peu nombreux à créer des entreprises innovantes malgré les encouragements initiés par Claude Allègre quand il était ministre de l’Éducation :
« Déjà, en 2005, Christian Blanc, dans un rapport au Premier ministre, avait fait ressortir qu’aux États-Unis, pour 10 000 chercheurs il se crée chaque année 100 PMI innovantes, alors qu’en France, sur le plateau de Saclay qui est pourtant le pôle de compétitivité le plus important du pays, pour 16 000 chercheurs, il ne se crée qu’une dizaine de start-ups par an. Selon le ratio américain on en attendrait environ 160. »
Il est important de ressortir cette citation au moment où le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle législation sur les corporate venture, car l’explication de l’échec entrepreneurial du plateau de Saclay permet de montrer où se situe le point faible de l’économie française.
En effet, il y a plus de dix ans, les hasards de la vie ont fait qu’au sortir d’une conférence sur l’innovation et le manque de financement, j’ai été abordé par le responsable universitaire chargé d’aider les chercheurs à débuter leur entreprise, Jacques Bardes, l’un des animateurs de Scientipôle Initiative, une plateforme de financement et d’accompagnement d’entreprises innovantes, créée notamment pour aider des chercheurs du plateau de Saclay à transformer leurs innovations en start-up.
En espérant que ma mémoire ne travestira pas trop ce que me disait Jacques Bardes, le principal problème que rencontraient les chercheurs était qu’ils n’avaient aucun problème à débuter une entreprise et à trouver les 50 000 ou même 100 000 euros grâce à tous les dispositifs mis en place par l’État ou la région, mais qu’ils se trouvaient ensuite devant un trou de financement lorsqu’il s’agissait d’accroître le capital pour faire face aux problèmes de trésorerie dès qu’il s’agissait de franchir ce que les spécialistes ont appelé la Vallée de la Mort, c’est-à-dire trouver le million ou million et demi qui permet d’atteindre le niveau de validité après lequel le capital-risque commence à s’intéresser et à prendre le relais.
L’écho de quelques échecs notoires s’était répandu chez les chercheurs, et avait découragé les meilleures intentions. Il ne faut pas chercher ailleurs l’explication du manque de PMI innovantes créées par les chercheurs, et certainement pas dans un manque d’envie d’entreprendre. Pourquoi entreprendre quand le manque de financement rend cela suicidaire ?
Un article de Société Civile de juin 2006 confirme que les capitaux-risqueurs eux-mêmes se déclarent impuissants à financer des apports inférieurs au million d’euros pour des raisons évidentes et connues depuis plus d’un demi-siècle. Il est donc à craindre qu’avec le projet de corporate venture, Bercy continue dans les errements du passé et encourage les fonds de capital-risque alors qu’il manque toujours la marche intermédiaire des Business Angels.
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Sur le web.
C’est simple, le consensus politiquement correct dit que c’est aux banques de financer, ce qu’elles ne feront jamais parce qu’elles ne peuvent pas s’impliquer assez pour évaluer valablement les risques, ni pour comprendre le projet d’entreprise. Les investisseurs privés qui pourraient s’y substituer seront lourdement taxés en cas de succès, si bien que compte-tenu des pertes en cas bien plus probable de stagnation ou de chute, leur espérance de gain est négative. De plus, les charges bouffent tout apport d’argent frais, il sert à payer les augmentations des contributions sociales et autres prélèvements avec la croissance de la taille, alors qu’il devrait servir au développement et à l’investissement. N’importe quelle personne de bon sens ayant été impliquée dans une croissance de TPE saurait résoudre le problème si on la mettait secrétaire d’état aux PME, mais on n’est pas près de voir ça.
En se mettant à la place d’un Universitaire une seconde, obtenir un financement bancaire/VC/BPIFrance est plus risqué que garder son statut de job à vie. L’excuse « personne ne finance mes besoins de 1M€ » revient à dire, je veux « rester salarié et être assuré sur mon avenir ».
Pour changer la donne, il faudrait qu’en France, l’entrepreneur mettant du capital soit mieux valorisé et moins taxé que le travail et cela avec une assurance que ces taxes ne bougeront pas pendant 20 ans au min. Il faut une forte stabilité pour transformer des travaux de recherche compliqués en réussite économique.
Et si tout simplement les universitaires n’avaient pas envie de quitter le giron de l’Etat pour rejoindre l’affreux capitalisme et les entreprises privée esclavagistes ? A la suite d’un récent article de H16 sur le jugement terriblement négatif des profs sur les entreprises, et sur l’état d’esprit de l’université française, on se demande comment quelques uns de ses membres osent encore s’aventurer dans le bourbier nauséabond des entreprises, pouah !
« l’université française » ça n’existe pas. Ce milieu est atomisé en une quantité énorme de mini-structure, toutes différentes, et qui ne sont pas toutes allergique à l’entreprise.
Après, c’est une question de sélection naturelle : est-ce que les structures susceptibles de donner naissance à des entreprises sont favorisées ou défavorisées ? la réponse est évidente, et Philippe juste plus haut en donne une partie.
C’est plus une affaire de formation que de conviction. Il ne manque pas de chercheurs qui sauraient mettre leurs convictions politiciennes de côté et se convaincre de sauter le pas. Mais une fois dans le bain, ils sont désarmés, ils ne savent pas vendre autrement que par les arguments qui convainquaient leurs financeurs quand ils étaient dans leur labo, et même qui portent pour obtenir les premières subventions : rôle sociétal, moral, complexité brillante de l’invention, , etc. Le bénéfice matériel pour leur client ? Ils n’y ont pas pensé…
Bien que non universitaire, je me suis trouvé devant ce même problème de financement. Avec mes associés, nous avions, à l’époque, financé études, maquette et validation en soufflerie (il s’agissait d’un projet d’aviation générale) à hauteur de 53.000 €, mais nous n’avions pu trouver le demi million nécessaire pour parvenir à la mise en marché. Le projet a été mis au frigo mais il n’y a toujours rien de comparable sur le marché, les avions légers et drones jusqu’à 2,5 T sont toujours aussi déficients en qualité massique (structure) et aérodynamique par rapport à l’état de l’art.
Le manque d’expertise des investisseurs dans ce domaine y est sans doute pour quelque chose, mais aussi des problèmes de copinages dans certain pôle d’excellence…
J’ai fais 9 ans d’universite francaise,……. la salle des profs, c’etait le Politburo sous Brejnev = vieux chnocks et jeunes gochos dogmatiques ! Milieu qui s’auto-alimente dans ses convictions politiques de gauche.
J’ai tout quitte il y a vingt ans et ne regrette rien.
Je vis actuellement au Royaume-uni : inutile d’essayer d’expliquer aux universitaires francais leur mediocrite,…. ils ne pourront jamais comprendre.
Ciao les dinosaures, restez dans votre musee !
Ils ne pourront jamais comprendre en effet. Quand j’ai dit que je partais en Suisse, on m’a dit ouhla attention ils sont xénophobes… ah bon? Plus que les gardois qui ont mis Le Pen en tête à la présidentielle? lol On m’a dit aussi, ouais de bonnes conditions de salaires, c’est sûr, en volant l’or des juifs. Okaaaaay la Suisse ne s’est peut-être pas construite sur ces fameux quelques milliards de francs je crois… Bref, débiles, communistes, inefficaces. Marre!
J’en arrive encore à me demander comment la France a pu en arriver là, Pierre et Marie Curie doivent se retourner dans leur tombe 🙁
Il y a une salle des profs à la fac?
En Amérique on valorise les entreprises et les start-ups, pas en France.
En France le risque effraie, aux USA l’échec n’est pas un problème et on rebondit vite sur autre chose.
La différence est nette.
Pour avoir vécu et tenté l’expérience dans un labo, vous aurez droit, si vous tentez l’expérience création d’entreprise, à : i) tu piques le travail des autres en cumulant (indispensable au début) ii) des tonnes de tracasseries (le mot est faible) administratives sur ce cumul iii) tu es un chef d’entreprise quoi! insulte suprême dans une partie de la recherche iv) tu es un turbolibéral, tu ne penses qu’au fric v) une partie du labo ne vous dit plus bonjour le matin et tout le monde se tait quand vous rentrez dans la salle de pause… et j’en passe. La vérité, c’est que l’aversion au risque des fonctionnaires est forte (c’est logique) et qu’un parfum communiste n’aide vraiment pas à tenter l’aventure. Moi j’ai tenté, ça m’a saoulé, les marchés étaient verrouillés par l’Etat, je me faisais chier dessus par toute une partie des labos, je me suis tiré en Suisse et me voilà heureux et respecté. Comment est-ce possible? 🙂
C’est triste tout ça, content que vous ayez pu réussir là-bas 🙂
En même temps, il y a un truc que vous semblez occulter totalement: les désirs des gens et l’utilité relative (ou désutilité relative) accordée à tel ou tel type d’activité.
A la base, le chercheur universitaire est généralement plus passionné par la connaissance, sa découverte et sa transmission que par autre choses, notamment la réussite socio-monétaire. C’est pour ça qu’il a choisi de cette profession, alors que dans la grande majorité des cas il a une intelligence et des capacités supérieures à la moyenne et aurait pu très bien réussir dans le monde de l’entreprise (d’ailleurs, dans les grandes écoles un grand nombre d’enseignants-chercheurs sont d’anciens cadres supérieurs reconvertis car leurs choix s’orientent davantage vers la connaissance que l’argent).
Tout le monde n’a pas vocation à créer une entreprise, et la « valorisation de la recherche » la plus efficace est souvent une association entre le chercheur qui continue à être chercheur (il a choisi cette profession, et pas par hasard, plutôt que celle d’entrepreneur, dès le début… pourquoi vouloir qu’il change ?) et un entrepreneur que a lui la « fibre d’entreprise ».
Bien sûr certains chercheurs se découvrent, sur le tas, un goût pour le business, mais ce n’est pas du tout le cas de la majorité. Et vu les salaires « de misère » des universitaires en France ceux qui ont choisi cette voie ont forcément une fonction d’utilité mettant peu de poids sur le matériel et beaucoup plus sur la connaissance, la liberté d’emploi du temps, etc. Donc peu seront intéressés par entrepreneuriat. Aux US, les salaires des universitaires sont bien plus élevés, donc pas mal de gens choisissent cette voie qui ont aussi un intérêt pour la réussite matérielle, ce qui rend la transition entre labo et entreprise plus simple.
Je dis tout ça en enseignant chercheur en grande école, ex-trader, ex-universitaire, libéral assumé (pas facile dans mon milieu professionnel de se revendiquer d’une lignée Mises-Hayek-Rothbard… ) et pas tenté « pour un sou » de créer une entreprise… D’ailleurs, les trois auteurs cités plus haut, ont-ils monté des start-ups ou vécu leurs carrières dans « la tour d’ivoire » d’universités ?
Evidemment, ces quelque remarques constitue un complément au fait que massivement les chercheurs français (comme le reste de « l’élite intellectuelle de la Fraonce… « ) est grandement « anti-captialiste », « anti-libérale », hostile à l’entreprise… et structurellement étatiste, donc pas trop ouverte à l’idée de créer une entreprise.
Il est exact que pour choisir les salaires de misère de la recherche, il faut avoir plus de goût pour la connaissance que pour l’argent. Mais pour se lancer à monter une entreprise en France, il faut avoir à la fois le goût du salaire de misère en plus incertain, et celui du service de l’état. Pour être associé dans des TPE, je constate que les sacrifices des dirigeants et des actionnaires servent à payer des charges faramineuses à l’état. Aucune envie du coup de travailler pour l’état dans un cadre instable si l’espérance de gain est sensiblement la même que dans le cadre stable.