Par Jacques Garello.
Un article de l’aleps.
La démocratie directe et son accompagnement concret, le referendum d’initiative populaire, sont de nature à rendre la parole au peuple et à briser les chaînes dans lesquelles la société politique a tenu la société civile depuis plusieurs siècles.
La démocratie à la Suisse
Prenons quelques exemples spectaculaires de ces « votations » qui marquent la volonté des citoyens helvétiques de contrôler le pouvoir politique.
- En juillet 2001, un nouvel article constitutionnel, le « frein à l’endettement », est approuvé par référendum par 85 % de la population et 100 % des cantons. Pour éponger la dette, 83 % des Suisses avaient estimé qu’il fallait réduire les dépenses publiques. À partir de 2006, le budget fédéral est en excédent, et la dette est réduite à 30 % du PIB.
- Le 15 février 2008, le Conseil Fédéral demande au peuple de revenir sur une votation demandant l’expulsion des étrangers criminels ; la votation rejette la demande.
- Le 6 mai 2008, les électeurs ont à se prononcer sur une initiative populaire sur « l’équité fiscale » prévue dans un texte qui dit « stop aux abus de la concurrence fiscale (entre cantons) ». 59 % des électeurs rejettent ce texte : les Suisses aiment la concurrence fiscale.
- Le 10 juin 2010, le Conseil Fédéral revient à la charge sur l’expulsion des étrangers criminels et soumet la mesure une fois de plus et, une fois de plus, elle est rejetée par 53 % des citoyens.
- Le 8 novembre 2010, tous les cantons et 58 % des électeurs ont refusé le projet socialiste « pour des impôts équitables » taxant les plus hauts revenus.
- Le 13 février 2011, les Suisses rejettent par 56 % des voix une proposition d’initiative populaire tendant à limiter l’achat et la détention d’armes de guerre par les particuliers.
Ainsi, les sujets sur lesquels portent les référendums sont d’une grande variété, et l’initiative appartient tantôt au Conseil Fédéral, tantôt aux cantons, tantôt aux citoyens pour contester une loi fédérale (50 000 citoyens) ou pour soumettre une pétition (100 000 signatures sur 18 mois).
La participation n’est jamais massive, mais cela semble normal, et il y a un délai très long entre le moment où la question est soulevée et celui où intervient la votation, le plus souvent deux ans environ. Cela permet de donner toutes les informations voulues aux électeurs. En cours de route, plusieurs projets disparaissent. On est loin de la production en chaîne de textes que personne ne comprend, comme c’est le cas en France, où le Parlement se félicite de voter plus de 1000 lois par an, qui se prolongeront par des milliers de décrets et d’arrêtés.
Si les Suisses vivent ainsi leur démocratie, c’est qu’ils sont très attachés à rappeler à tout propos que ce sont les électeurs, et non les gouvernants, qui détiennent le pouvoir.
Les bienfaits du fédéralisme
Une des raisons pour lesquelles la Suisse pratique la démocratie directe est sans doute la structure fédérale du pays.
Certes, depuis fort longtemps (1515 peut-être), la Suisse n’est pas une confédération au sens strict, ce qui signifie que les cantons ont renoncé à faire sécession (bien que la question ait été relancée avec le canton du Jura). Mais ils gardent une large autonomie, et le pouvoir confédéral ne peut leur imposer des lois et des impôts sans leur consentement, qui est souvent refusé.
En tous cas, l’administration « confédérale » est réduite à sa plus simple exception.
On trouve les mêmes caractéristiques en Allemagne, au Canada, et le pouvoir local a beaucoup plus d’importance que le pouvoir central dans de nombreux pays comme l’Espagne (allant jusqu’à la pétition d’indépendance des Basques et des Catalans), l’Italie (avec la puissance des régions du Nord et de la ligue lombarde). Il n’y a guère qu’aux États-Unis que la tendance centralisatrice s’affirme depuis quelques décennies, en dépit des réactions de la Cour suprême.
La France est délibérément jacobine, dans la tradition de l’Ancien Régime, d’ailleurs.
Est-ce un argument pour dire que les citoyens ne peuvent avoir d’initiative référendaire ? Je ne le crois pas.
Bien au contraire, c’est peut-être le seul contrepoids possible aux abus du pouvoir central. Sans doute faudra-t-il en venir tôt ou tard à la renaissance des provinces et des pays, se substituant au millefeuille administratif actuel. Mais pour amorcer une véritable évolution vers la démocratie directe, le referendum d’initiative populaire est un instrument efficace.
La fronde actuelle, et la révolte des Bretons, ne sont-elles pas les marques d’une volonté de rompre avec la démocratie centralisée ?
Restauration du droit référendaire
La première liberté que l’on devrait rendre aux Français, c’est celle de rejeter les lois votées par le Parlement, et d’instaurer le referendum négatif, ou referendum « véto », comme en Italie, à partir de pétitions qui devraient recueillir 500 000 signatures.
Pourquoi ne pas avoir soumis à référendum les lois de madame Taubira, dont beaucoup de ministres eux-mêmes ne voulaient pas ? Le recueil des signatures et la rencontre des pétitionnaires devraient déjà rendre les élus plus prudents, et diffuser une information plus sincère sur les divers aspects de la question évoquée.
Vaut-il mieux soumettre la loi à la rue, pour la valider ou pour l’abroger ?
La deuxième étape à franchir est celle de l’initiative populaire et du referendum positif : « le peuple législateur » disait Rousseau.
Il faut instaurer constitutionnellement un partage de l’initiative législative entre les citoyens et leurs représentants. Cela aurait pour mérite de mettre les élus sous contrôle permanent des électeurs, ce qui ne se produit aujourd’hui – et de façon inégale – qu’au moment des échéances électorales.
C’est dans le domaine de la fiscalité que le référendum est le plus efficace, car les gouvernants ont besoin d’argent pour étendre leur pouvoir. Aujourd’hui, ils ne craignent pas l’ingérence des contribuables dans le débat fiscal, contrairement à l’article 3 de la Déclaration universelle qui posait le principe de l’impôt consenti et limité.
Restaurer le droit référendaire, c’est rappeler l’origine de la « souveraineté populaire ».
Elle a fleuri partout dans le monde libre pour s’opposer à la souveraineté absolue d’un monarque ou d’une caste. Il est surprenant que l’on parle à tout propos de la République (jusqu’à évoquer « les droits de la République » qui ont un parfum de Terreur) alors même que les citoyens ont perdu tout pouvoir politique, autre que celui de voter pour des « représentants » qui ne respectent en rien les préférences et les désirs des « représentés ».
La démocratie française n’est plus une démocratie représentative, c’est une démocratie de représentation, un spectacle permanent, qui tourne maintenant à la tragicomédie, et que nous payons en chômage, en injustice, en arbitraire, en insécurité.
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Sur le web.
Article publié initialement le 2 décembre 2013.
Lire l’article de Hadrien Gournay : La démocratie représentative aujourd’hui
Lire l’article de José Lopez-Martinez : Pour en finir avec la démocratie directe
100% d’accord.
Écoutez aussi Yvan Blot « Le pouvoir irresponsable » sur Dailymotion.
Il décrit très bien les blocages du système purement représentatif (système des partis), dégonfle la plupart des préventions contre le référendum d’initiative populaire, et donne quelques éléments supplémentaires sur la Suisse.
L’expérience montre que les juridictions étatiques sous démocratie directe sont nettement moins dépensières.
« Pourquoi ne pas avoir soumis à référendum les lois de Madame Taubira, dont beaucoup de ministres eux-mêmes ne voulaient pas ? »
Sans parler de beaucoup de Français y compris homosexuels (on peut être homosexuel et attaché à la notion de devoir).
Plus généralement, notre représentation ne devrait jamais adopter de changement à caractère pérenne.
La gauche s’en est fait une spécialité, depuis l’abolition de la peine de mort jusqu’au « mariage pour tous ».
Nos députés sont légitimes pour fixer les impôts, pas pour décider d’un changement à vocation pérenne, notamment sociétal.
Mais la gauche n’a rien à faire de la démocratie.
Rendre la parole au peuple  » . Voila bien un sophisme de politicien qui n’ a pas sa place dans cet article
Vu le formatage des esprits par l’ EN , les médias dominants , la démocratie à la Suisse serait possible progressivement sur une période d’ au moins une génération mais plus le temps passe moins j’ y crois .
C’ est la grande erreur de De Gaulle de ne pas avoir entamé ce chantier , et en 1969 de ne pas avoir posé la question ( plutot que la suppression su sénat .
Un ex de manipulation , de formatage à 12 h30 hier sur une antenne radio france »
C’ est la 2eme fois que le service public vient en aide à PSA !  »
le service public fait involontairement des croche pied et joue les bons secours en aidant au relevage .
Bonjour,
liste citoyenne, dites-vous ?
Je voudrais attirer votre attention sur une véritable démarche de démocratie participative qui s’appuie sur un « contrat moral » et un programme citoyen pour les municipales 2014 : http://www.la-democratie-participative.org
La démarche est virale, faites circuler l’information !
Ne soyez plus des électeurs, mais des citoyens ! Reprenez le pouvoir !
Stéphane Bernard
Une démocratie directe, entièrement d’accord mais elle-même soumise à une constitution. La DDHC de 1789 par exemple.
Merci pour ces textes et pour votre engagement en faveur de la démocratie directe. Travaillant en Suisse, je mesure chaque jour les avantages de ce système et surtout, l’état d’esprit induit par ce système dans la population et dans la classe politique : une classe politique humble et modeste ; un peuple fier et sûr que sa parole sera prise en compte. C’est donc la responsabilité et la confiance qui règnent en Suisse.
Ce système marche bien non pas parce que la Suisse est un petit pays mais parce que c’est un pays radicalement décentralisé.Les cantons ne sont pas des circonscriptions administratives de l’Etat central mais sont des Etats : le tire exact du canton de Neuchâtel par exemple est République et Canton de Neuchâtel. Les cantons sont des pays qui ont délégué leur souveraineté au niveau confédéral mais pourraient théoriquement la reprendre. L’impôt cantonal est le plus important, suivi de l’impôt communal, l’impôt fédéral étant très faible. cette structure fiscale dit bien ce que la Confédération Helvétique est un fédération de cantons libres et la subsidiarité entre confédération et cantons est la règle d’or.
Par conséquent, le point le plus intéressant de votre analyse me semble être votre suggestion d’un retour à une structure provinciale pour la France :
« Sans doute faudra-t-il en venir tôt ou tard à la renaissance des provinces et des pays, se substituant au « millefeuille » administratif actuel. »
Il me paraît évident depuis des années que nous devons faire disparaître et les régions (monstres technocratiques) et les départements héritage vieillot de la Révolution pour revenir à des Provinces aux contours historiques et géographiques qui font sens. La décentralisation vers ces structures provinciales devra être maximale avec un Etat central faible. Ce serait évidemment une véritable révolution face à la tradition jacobine et centralisatrice de la France mais c’est à l’heure actuelle notre seule planche de salut.
L’actuel mouvement breton semble montrer la voie.
J’espère que d’autre provinces à l’identité fortes, je pense à l’Alsace et à ma Savoie bien-aimée, pourraient rejoindre ce mouvement.
La Suisse est souveraine. Plus que nous.
Bruxelles impose, la France transpose. Et parce que notre marge est faible, le referendum indispose. Mais même en minidose, il nous rendrait moins morose.