Du patriotisme économique à la préférence nationale : l’hypocrisie du Made in France

La défense du travailleur immigré au nom de l’égalité peut-elle coexister avec la dénonciation du travailleur étranger au nom du patriotisme économique ?

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Du patriotisme économique à la préférence nationale : l’hypocrisie du Made in France

Publié le 9 décembre 2013
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Par Nils Sinkiewicz, du site Marché Gris.

protectionnismeLes immigrés chinois ont longtemps été les grands oubliés du débat français sur le racisme. Cela pourrait bien changer suite à la plainte pour diffamation déposée par SOS Racisme contre Le Point, accusé d’avoir publié un article jugé raciste sur les entrepreneurs chinois en France.

Plus qu’une quelconque hostilité des Français aux populations d’origine asiatique, le procès fait au Point met en lumière l’incohérence d’un discours progressiste qui défend le travailleur immigré mais reste silencieux sur la dénonciation du travailleur étranger, accusé de détruire des emplois dans les pays importateurs en pratiquant une concurrence déloyale.

La popularité du Made in France illustre à merveille cette contradiction. Loin d’inquiéter les associations antiracistes, la lutte contre le dumping social est considérée comme d’utilité publique. Il est bien sûr plus commode d’évoquer les bénéfices supposés du protectionnisme pour l’économie domestique que d’en souligner les effets négatifs sur le développement des pays exportateurs, et donc sur le niveau de vie des salariés de ces pays.

Les grands groupes l’ont bien compris, qui font du patriotisme économique un ingrédient-clé de leur stratégie marketing. Le Made in France, c’est aussi le cheval de bataille du Ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, qui récemment encore intimait à l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) d’augmenter la part de la production française dans leur carnet de commandes. Quant aux médias, ils ne manquent jamais une occasion de saluer la résistance des entreprises françaises aux sirènes de la délocalisation. En cette fin d’année, il n’est pas jusqu’aux diodes électroluminescentes ou aux sapins de Noël Made in France dont on ne salue l’effet positif sur l’industrie française.

Et n’en déplaise à ceux qui reprochent aux élites politico-médiatiques de vivre sur un nuage, les sondages confirment la popularité du Made in France auprès de la société française. Selon une enquête de l’Ifop publiée en juin 2013, 73% de Français seraient favorables au Made in France, et 90% à un aménagement fiscal en faveur des producteurs hexagonaux. Le Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII) a montré qu’en plus d’amputer le pouvoir d’achat des Français, une politique économique fondée sur le Made in France aurait sur l’emploi des effets plus négatifs qu’on ne le pense. Combien l’entendront ?

imgscan contrepoints 2013-2459 Made in ChinaComme Pierre-Louis Desprez, directeur de Kaos Consulting, on peut pointer du doigt la schizophrénie des Français, qui invoquent la solidarité nationale en tant que citoyens et la liberté de choix en tant que consommateurs. Mais surtout, comment ne pas voir l’incohérence du discours progressiste, qui défend le travailleur immigré au nom de l’antiracisme tout en désignant le travailleur étranger comme responsable du chômage en France ? Comment se fait-il que la présidente de SOS Racisme Cindy Léoni ne fasse pas le rapprochement entre l’hostilité aux Chinois et la critique systématique du Made in China ?

Cette incohérence est d’autant plus embarrassante que le principe de patriotisme économique est encore plus exclusif que celui de préférence nationale cher à l’extrême-droite. En effet, là où les tenants de la préférence nationale proposent d’avantager le travailleur français « à compétence égale », les chantres du redressement productif souhaitent que les consommateurs-contribuables prennent en charge le surcoût du Made in France, ou en d’autres termes : la préférence pour les productions françaises au détriment des productions étrangères.

Madame Léoni nous invite à remplacer le mot « Chinois » par « Juif » ou « Arabe » pour prendre conscience de nos préjugés. Puissent les généreux apôtres du Made in France remplacer l’expression « patriotisme économique » par « préférence nationale » pour voir en face leur hypocrisie.

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  • Ne pas acheter français, c’est tuer le léviathan, donc je n’achète pas et n’achèterais pas français, et je ne m’arrêterais au rasage gratis, il faut des têtes coupées.

    • Vous êtes donc prêt à sacrifier le boulanger en bas de chez vous pour cet objectif ?

      Je vous rappelle que l’Etat prélève sa marge également sur les produits importés.

    • 100 % d’accord Martin.

      L’auteur de cet article se croit malin, en voulant culpabiliser -par la bande- les méchants tenants de la « préférence nationale ».

      Mais… ce n’est pas le sujet !

      Chaque euro de rapine en moins déstabilise et creuse la tombe de la mafia pseudo publique.

      Ne pas acheter français, et même acheter de moins en moins, est un devoir aujourd’hui, si l’on veut accélérer la mort du Leviathan.

      Mais au passage, et rien que pour ennuyer celles et ceux de « sensibilité catho et libérale » (une telle étiquette laisse rêveur….) : je le dis haut et fort : « vive la préférence nationale »… pas pour les produits, mais pour le bon sens.

    • Ca rappelle Sarko, le soi-disant libéral qui ne voyait que par l’interventionisme d’Etat dans l’économie..

  • Oui, ça coute plus cher (la faute à qui?) d’acheter français, mais je ne vois pas en quoi ça tuerait des emplois en France, pourriez vous développer, svp.

  • Vous voulez mettre un coup de canif au Léviathan ?

    Faites-vous rémunérer en bitcoin, consommer en bitcoin, placer sur les marchés en bitcoin, etc.

    C’est direct, efficace, et vos bien seront protégés du président de la bande des 40 voleurs 🙂

  • il y a immigrés et immigrés: ceux qui viennent du sud et ceux qui viennent de l’est. c’est bizard, il n’en vient pas du nord ou de l’ouest.
    celui qui vient du sud, qui a une religion de tolerance, et dont les industries des pays d’origines ne menacent aucunement l’industrie française, et pour cause, il n’ y a pas d’industrie la-bas, a de fort soutient dans le système politico-mediatique: donc, pas touche. surtout qu’avec la balkanisation avancée de la france, une bavure, une étincelle…
    le chinois, lui, pauvre pékin, beaucoup moins nombreux que ceux de la première catégorie, ne bénéficie pas de tel soutient, il a cas se démerder. de plus, la progression en part de marché de l’industrie de son pays d’origine, fait grincer des dents. et puis la chine occupe le tibet, cet état soeur !
    le brain watching fonctionne à merveille:
    discutant un jour, des etrangers, avec un couple d’agriculteur dans la moyenne national, c’est à dire plutot con et travaillant 70 heures par semaine pour gagner le smic ( comme un chinoi donc ! ), ils me dirent assez clairement que les arabes étaient comme nous ( sic… ), mais que les jaunes, c’était de la sacré saloperie…
    il faut savoir que c’est les achats chinois de produits agricoles qui tire les prix à la hausse depuis 20 ans, empechant l’agriculture française de sombrer dans des tréfond de misère.
    ce n’est pas l’océan qui est sans limite, mais la connerie humaine.

  • Bonsoir,

    Je trouve votre article très réducteurs, bourrés de raccourcis malheureusement trop faciles.

    Il faudra tout d’abord m’expliquer comment en achetant étranger le potentiel emploi est plus important (ou équivalent) qu’en achetant français? Si je dépense 100 EUR et que 70 sont redistribués en France au lieu de 20, il n’y a pas besoin d’avoir un doctorat en économie (je n’ai « qu’un » master en économie) pour comprendre que les effets sont bénéfiques (le pays s’enrichit, impact positif sur le balance commerciale et in fine sur l’emploi). La croissance (et l’emploi) ne se calcule pas sur le volume acheté mais sur la valeur de ce qui est acheté (ou produit).

    Je ne vois pas le rapport non plus entre le fait de privilégier le made in France et être raciste. Avec de tel raisonnement, expliquez moi pourquoi vous ne reverser pas l’argent que vous gagnez à vos voisins au lieu de le garder pour vous et votre famille? Vous êtes raciste vous aussi?

    Quant au développement des pays auprès de qui nous importons, il est certes essentiel de le considérer. Mais pas au détriment de l’environnement et des droits de l’homme. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Où est le progrès quand en Inde 95% de la population avait accès à l’eau en 2005 et qu’ils ne sont plus que 66% aujourd’hui (désertification, surexploitation, culture intensive, pollution des eaux). Où est-il quand ceux qui ont pu trouver un emploi d’un coté perdent tout de l’autre: santé, vie (drame du Bangladesh pour n’en citer qu’un), temps pour soi même et les autres… Où est-il quand 95% de la croissance bénéficie à 2% de la population ? Saviez vous que l’eau des 2/3 des fleuves & rivières en Chine sont impropres à la baignade et à la consommation? Et c’est le Chine qui le dit…
    Face à ces constats, je préfère acheter français. Après, peu m’importe que le produit soit fabriqué par un français ou un chinois ou un juif ou un arabe ou un extraterrestre. L’important est que le produit respecte les normes internationales, environnementales en particulier, et que le salariés soit sous droit du travail français.

    Quand au fait que le Made in France coûte plus cher (cf. la fameuse étude du CEPII, du pain béni pour tous les raccourcis), vous devriez essayer de vous y mettre – vraiment – avant de déclarer haut et fort que c’est impossible. Remplacer nos achats de produits Made in China un pour un par des produits Made in France n’a effectivement pas de sens. Se réapproprier le Made in France implique de repenser notre mode de consommation. En bref: consommer moins et mieux. mais une fois de plus, il est tellement plus facile de faire des raccourcis que de tenter de trouver des solutions. C’est ce que nous faisons et nous tirons les comptes tous les mois: pas un centime de dépensé en plus, même si unitairement les produits que nous achetons sont plus chers. Et je ne vous cache pas que nous nous en portons pas moins bien! Bien au contraire.

    Je vous invite à jeter un œil sur le site de notre association http://www.citoyen-et-responsable.fr pour découvrir comment nous nous y prenons.

    Bien cordialement,
    Mathieu

    • « Il faudra tout d’abord m’expliquer comment en achetant étranger le potentiel emploi est plus important (ou équivalent) qu’en achetant français? » La division du travail : un concept simple, toujours pas compris malgré un master d’économie ?

      « Si je dépense 100 EUR et que 70 sont redistribués en France au lieu de 20… » : puisque le master semble avoir été stérile, le doctorat ne vous éclairera pas plus sur les mystères de l’économie apparemment restés insondables. Plutôt qu’un doctorat, Il serait préférable de faire une véritable première année d’économie, loin des universités socialistes françaises (loin, mais pas à Cuba non plus).

    • Sérieux, c’est un « master » en économie qui recommande un site « citoyen et responsable.fr »??
      On croirait lire des élucubrations de Morin avec sa morale…

    • « Si je dépense 100 EUR et que 70 sont redistribués en France au lieu de 20 »

      Votre problème c’est de faire de la Théorie pure.
      Dans la pratique le made in France coûte plus cher et donc vous n’avez pas 100€ au départ à dépenser et si vous les avez au départ il vous en restera moins (pour consommer plus). Le consommateur choisi de payer plus cher ou non mais vous ne pouvez pas en conclure que le made in France généralisé – si tant est que tout soit vraiment produit en France – renforce le pouvoir d’achat de qui que ce soit. En fait ce sera le contraire parce que tout ne peut pas être payé au prix fort.

      Une gestion libérale est de laisser les gens choisir quoi acheter et donc redistribuer eux-mêmes les richesses comme ils l’entendent. En outre même quand vous achetez un produit intégralement made in China il y a toujours une part des ressources revenant à des acteurs nationaux.

      • Je complète : des acteurs nationaux qui sont probablement passés de 5 euros à 20 euros sur le produit restant made in china qui vous inquiète tant. Certains perdent plus et d’autres gagnent plus. Ce que l’on voit et ce que l’on ne veut pas. Un marché en croissance (surtout mondiale) n’est très logiquement jamais statique et il faut adapter son activité ou bien accepter de mourir.

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