Par Phoebe-Ann Moses.
Olivier Véran, un député PS, vient de publier un rapport parlementaire « Essor et dérives du marché de l’emploi médical temporaire à l’hôpital public » où il dénonce la rémunération des médecins intérimaires, qu’il appelle des « mercenaires », sommes supposées bien supérieures au salaire de leurs homologues titulaires. De très nombreux journalistes ont même avancé la somme de 15 000 euros. On va donc détailler cette information qui une fois n’est pas coutume est erronée et fallacieuse.
Passons sur la bêtise de cette expression « mercenaires » qui sous-entend que la personne concernée est motivée surtout par l’appât du gain. Il faut dire que pour avoir envie d’aller travailler le 25 décembre, les dimanches, le jour de l’anniversaire de sa femme ou de la fête de fin d’année du petit dernier, il vaut mieux en effet que le gain soit à la hauteur. Sans parler du travail de nuit, des gardes de 24h, de l’agressivité des patients, etc., etc., chaque métier ayant ses contraintes, on en conviendra.
Les faits : les hôpitaux (pas tous) embauchent des intérimaires quand ils n’ont personne pour assurer le fonctionnement normal de certains services (plutôt les services de type urgences, anesthésie-réanimation, chirurgie, obstétrique… pas dermatologie, gériatrie, ou ophtalmo). Ces médecins, diplômés, qualifiés, français, se rendent disponibles pour la besogne ingrate du 25 décembre, pour les nuits, pour les dimanches… Donc sont effectivement mieux payés que leurs collègues.
Pour ce qui est de la somme de 15 000 euros on ne sait d’où elle sort (brute, nette, aucun media ne précise !) mais ce qui est certain c’est qu’elle a été comparée à ce que gagne le médecin hospitalier alors que justement leurs conditions ne sont pas du tout les mêmes : l’intérimaire, pardon le mercenaire, doit payer de sa poche ses assurances, et cela est fort cher car pour lui l’hôpital ne se porte pas garant ni en cas de litige, ni de procès, ni de quelque problème que ce soit. Il va travailler parfois 100 à 120 heures par semaine. Il a fait 11 ans d’études. Même s’il était payé 15 000 euros brut, serait-ce injuste ? Faut-il encore jeter le discrédit sur lui ? Dénigrer son travail, en faire encore une fois un nanti ?
Enfin Olivier Véran, qui publie ce rapport, a fait la déclaration suivante : « Mais enfin, [ces intérims] c’est la loi de l’offre et de la demande non régulée » !
Monsieur Véran veut réguler tout ça parce qu’il n’est pas possible de laisser des médecins s’enrichir impunément. Monsieur Véran, lui, en étant Praticien Hospitalier (aux 35 heures), doit gagner aux environs de 4000 euros net, sans compter un salaire de député.
Monsieur Véran en connait aussi un rayon question médecine, il est neurologue. Il a 33 ans. On résume pour bien comprendre : en mettant les choses au mieux, il a eu son bac et sa première année de médecine du premier coup à 18 ans. Plus 6 ans d’externat. Plus 5 ans d’internat. Plus pour être « docteur » une thèse qui prend généralement un an. 18+6+5+1 = 30 ans. Cela signifie que jusqu’à ses 30 ans il n’a connu de la vie de médecin que le rythme certes trépidant d’interne, mais aussi des responsabilités assez minimes, une obéissance toute dévouée à son chef de service, et surtout il n’a connu que l’hôpital.
Mieux : la neurologie. Où ce médecin exerce en tant que responsable d’unité fonctionnelle de l’hôpital de jour. Donc gardes = zéro. Sauf peut-être à l’unité neuro-vasculaire où il peut éventuellement voir deux patients la nuit (quand c’est dense). Et il se prétend compétent pour donner un avis d’expert sur les médecins intérimaires qui travaillent en anesthésie, en obstétrique ou aux urgences ! En outre, ses fonctions de président de syndicat (ISNIH) lui ont certainement permis d’obtenir une décharge d’une partie de ses heures.
Voilà. C’est ce genre de personne encore une fois un peu déconnectée des réalités qui dessine la France dans laquelle nous vivrons dans quelques années, enfin ceux qui n’auront pas eu d’autre choix que d’y rester. Ceux-là devront vivre avec des « sages-femmes mercenaires » à la rémunération plafonnée, des « urgentistes mercenaires » à la rémunération plafonnée, des « anesthésistes mercenaires » à la rémunération plafonnée, des « chirurgiens mercenaires » à la rémunération plafonnée.
À moins que, de plafonnement imposé en plafonnement imposé, plus aucun médecin n’ait envie de passer sa vie à l’hôpital pour des nèfles et décide de laisser notre bel hôpital public couler tout seul. Auquel cas, il faudra effectivement que vous parliez plusieurs langues étrangères (voir le rapport sur l’intégration) pour bien comprendre ce que le chirurgien marocain ou la sage-femme moldave a l’intention de vous faire.
Médecins, personnel médical et paramédical : c’est l’État qui a besoin de vous, pas le contraire !
Une nouvelle flèche pile au centre de la cible. Bravo pour vos articles.
Pour réguler, personne ne lui a suggéré un numerus clausus, à cet Olibrius ?
Il faudrait appliquer ce numerus clausus aux patients. Tu ne peux être patients qu’en dessous du seuil. Sinon, c’est que tu n’es pas malade. Je vais inscrire ça de suite sur le Plan Quinquennal du Parti.
Ces médecins sont de statut profession libérale, ils sont soumis à la loi du marché, leur tarifs fluctuent en fonction de l’offre et de la demande. Sauf que le numerus clausus fausse la concurrence.
Ce que j’interdirais moi, et sévèrement encore, ce sont les « faux service public/faux libéraux »
– Les gens qui donnent des consultations privées (tarif privé) dans leur bureau de l’hôpital public payé par mes impôts
– Les gens qui racolent dans l’hôpital public payé par mes impôts la clientèle de leur clinique privée (racolage actif)
– Les gens qui veulent attirer le chaland en étant conventionnés mais avec dépassement d’honoraires
T’as la fibre sociale ? Tu reste au tarif de convention
T’as la fibre libérale ? Tu sors du service public et tu te mets en concurrence avec tes homologues
En fait, la France n’est ni de droite ni de gauche, elle est maffieuse et magouilleuse
Ce qui me choque au premier abord est qu’il n’est pas question de la responsabilité des recruteurs. A savoir, j’imagine, les directeurs titulaires, médecins, gestionnaires de ces hôpitaux publics.
Comme il s’agit d’argent public, c’est à eux de justifier (et probablement à raison) de recruter des intérimaires à des salaires supérieures à ceux des titulaires. Probablement, nous n’aimerions pas entendre qu’il est très difficile de recruter et titulariser de nouveaux médecins, infirmières et autres spécialistes.
De plus, Il serait bon de rappeller à ce bon docteur Véran, que même médecin, intérimaire c’est ce qu’on appelle un emploi précaire.
C’est pourtant clair.
Il s’agit d’argent public.
Le public n’a plus d’argent.
Couic.
15000 euros soit 750 euros par jour c’est pas cher payé pour une garde aux urgences le 25 décembre…
On n’a surtout plus de médecins (merci le numérus clausus et autre énarcherie…) : et cela c’est grave quand on en a besoin…