Par Doug Bandow.
Traduit par Alexis Jouhannet, Institut Coppet.
Presque tout le monde est partisan de la liberté, au moins dans les discours. Les responsables politiques n’ont pas assez de mots pour vanter, en général, les libertés. Les défenseurs de la liberté de parole et des libertés civiles sont légion, et certains sont toujours prompts à combattre les atteintes à la vie privée. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui comprennent instinctivement qu’il n’appartient pas à l’État d’intervenir dans ce qui relève de choix personnels et familiaux.
Mais quand il s’agit de liberté économique, beaucoup changent soudainement de refrain, comme si cet aspect de la liberté ne comptait pas. En effet, la liberté économique semble se tenir seule, à la merci des réglementations et du contrôle de l’État. Ceux qui déclarent avec ferveur leur attachement dévot à la liberté, sont bizarrement absents ainsi quand le droit de propriété, l’entrepreneuriat ou la liberté contractuelle sont attaqués.
Gérer sa vie comme son portefeuille
Aujourd’hui, les législateurs sont bien trop occupés à rêver à de nouvelles façons de gérer nos vies, et certains des diktats démocratiques qu’ils produisent visent à la fois nos affaires personnelles et économiques. Par exemple, la « réforme » du système de santé a habilité le gouvernement fédéral à contrôler davantage nos décisions médicales, tout en nous contraignant à les financer.
Ainsi le plus gros du travail des législateurs consiste à manipuler l’économie. Certes ils avancent des prétextes bien intentionnés pour agir ainsi : créer des emplois, assurer la justice ou réduire la pauvreté. Mais à la fin, presque tout ce qu’ils font nécessite que l’État viole la liberté économique.
Les régulateurs reconnaîtront rarement qu’ils attentent à la liberté de quelqu’un. Ils prétendent le plus souvent protéger le consommateur. Dans les faits, les élites politiques ont créé deux catégories de libertés : celles qui importent, et les autres, qui concernent l’économie. S’il s’agit de la liberté de critiquer le gouvernement, d’avoir des relations sexuelles, de choisir son conjoint ou de préserver sa vie privée, la plupart des hommes politiques diront, au moins, que ce sont des libertés assez importantes pour être préservées. Et parmi ceux qui défendent le plus l’intervention de l’État dans l’économie, certains défendent l’idée que ces libertés individuelles sont fondamentales et méritent d’être respectées.
En revanche, s’il s’agit de savoir quelle entreprise créer, quelle profession choisir, où travailler, comment gagner plus d’argent, combien d’heures travailler, quels biens produire, qui embaucher ou comment dépenser son argent, les hommes au pouvoir considéreront ces libertés comme moins importantes. L’État n’est pas seulement autorisé à réguler différentes activités commerciales : il est tenu de le faire, selon eux.
Des objectifs supérieurs
Pour certains, le droit de manifester semble plus louable que celui de diriger une entreprise ou de gagner sa vie. L’activité économique paraît accessoire par contraste. Le choix de son conjoint ou de sa vie sexuelle sont des choix plus personnels que le fait d’acheter un produit ou d’embaucher un employé. Et la faculté de maintenir privée sa vie personnelle semblerait découler du simple fait d’être un être humain. Acheter ou vendre au marché relève de l’ordinaire pour beaucoup.
Mais la liberté économique est bien plus importante qu’on ne le croit de prime abord. On peut être animé d’objectifs « supérieurs » pour lesquels on utilise sa liberté individuelle et politique, mais il n’y a certainement rien de plus crucial que la liberté d’améliorer sa vie, de se prendre en charge soi-même et sa famille , et ce de la manière dont on l’entend.
Au cours du XXe siècle, la question de savoir si la liberté économique engendre la prospérité économique a été résolument tranchée : si on aspire à un avenir meilleur, alors on a besoin d’une économie libre.
Mais la liberté économique apporte bien plus que de l’argent. Beaucoup considèrent leur travail comme une extension d’eux-mêmes. Il apparaît qu’un marché ouvert récompense l’honnêteté, le dur labeur, l’initiative, l’inspiration et bien d’autres vertus méconnues. La liberté économique est également une occasion de promouvoir ses convictions, d’embrasser la réussite, de chercher le bonheur et de s’accomplir en tant qu’individu. Allouerez-vous les fruits de votre travail à la satisfaction de besoins personnels, au soutien de nobles causes, ou à des investissements avisés ?
Car en effet, lorsqu’on obtient un diplôme d’études supérieures, la liberté la plus importante est probablement celle de travailler, afin de gagner sa vie et d’épargner. Les autres libertés – celle de voter ou de manifester, par exemple – sont elles aussi bien évidemment fondamentales, mais la liberté la plus urgente consiste à pouvoir faire sa vie, ou du moins décrocher un emploi. Et comment gagne-t-on sa vie ? À quoi consacre-t-on une large partie de sa vie ? Où passe-t-on l’essentiel de son temps ? Par, à et dans l’économie.
La liberté économique a également d’importantes conséquences subsidiaires, car une liberté dans un domaine encourage le développement d’une autre dans un autre champ. Par exemple, un euro qui n’a pas été gagné ou qui a été vite dépensé est un euro qui ne sera pas utilisé pour une noble cause, qu’elle soit sociale ou politique.
La liberté de la presse n’induit pas seulement la liberté d’expression, mais également la liberté d’acquérir les moyens de s’exprimer. Dans certains pays, l’État contrôle la publication de journaux ou l’accès aux ondes, et dans ces cas-là , la liberté d’informer est en péril. Plus besoin de censure quand les critiques peuvent être étouffées par des biais économiques. Mais pour autant, le développement des ordinateurs, des télécopieurs, des téléphones portables et de l’accès à Internet rend la tâche plus dure aux régimes autoritaires, comme la Chine, dans leur ambition de contrôler leurs populations toujours plus nombreuses.
Plus largement, le développement de la prospérité économique incite les gens à s’approprier la liberté politique. Si vos enfants meurent de faim, vous vous préoccupez de les nourrir. Mais s’ils sont bien nourris et en bonne santé, vous avez le luxe de vous préoccuper d’autres choses : vous pouvez soutenir une cause, un candidat ou une campagne électorale. Dans les pays qui se sont enrichis au fil des dernières années, comme le Mexique, la Corée du sud ou Taïwan, les classes moyennes en expansion ont contraint les élites politiques à céder la place. Et ceci pourrait arriver un jour en Chine.
La liberté économique signifie davantage que les simples profits ou pertes. L’économie libre s’insère plus largement dans une société libre où les ressources sont plus librement accessibles pour un ensemble de projets possibles. Dans le monde développé, nombreux sont ceux qui abandonnent une vie fondée sur le commerce pour une autre basée sur le service ou la réflexion. Il est possible de travailler pour une association, d’entrer au séminaire, de reprendre ses études de façon permanente ou de rejoindre un monastère. Et dans la plupart des domaines de l’économie, il est possible de se retirer. Si on n’aime pas les produits ou services qu’une entreprise vous vend, on peut tout simplement disposer, ou trouver un autre fournisseur – une coopérative locale par exemple. Plus une société est riche, plus ce genre de possibilités existe.
Indivisible
Pour finir, la réussite en économie permet de profiter davantage des autres libertés. Gagner un peu d’argent puis voyager de par le monde, reprendre les études, lancer un journal, donner à une œuvre de bienfaisance, soutenir financièrement une campagne électorale ou un responsable politique de son choix. Créer un nouveau service en ligne, comme Twitter ou Facebook, et donner de l’écho aux combats de dissidents ou de manifestants à travers le monde. Ou compter sur un compte bancaire plein pour changer de carrière, se tourner les pouces ou aider l’humanité. De telles opportunités sont plus rares pour ceux qui jouissent de moins de libertés économiques.
Moralité ? La liberté est indivisible. La liberté économique est aussi importante que la liberté individuelle ou politique, car l’individu, le politique et l’économie sont les pierres d’un même édifice : la liberté. Ainsi, la seule façon de réaliser et de protéger une société libre, c’est de défendre la liberté sous toutes ses formes.
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Source : FEE. Traduction : Institut Coppet.
La liberté, qu’elle soit économique ou autre est un combat éternel, il n’y aura jamais de répit.
Et dans ce combat, ses amis sont bien souvent un de ses pires ennemis.
Et donc, le vrai pire ennemi de la liberté, c’est la lâcheté ou le manque de courage.
Tout peuple qui refuse de se battre verra ses libertés supprimées petit à petit.
« Il n’y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage. »
Périclès.
Peut-on par exemple privatiser les routes au nom du libéralisme et de la liberté ?