Par Philippe Silberzahn.
Arrêtez tout. Rebouchez le champagne, jetez les bûches et remettez les saumons à la mer, il y a urgence. La fameuse « trêve des confiseurs » doit prendre fin immédiatement car une grave crise menace le monde. La Syrie ? Un accident nucléaire ? Les marchés financiers ? La courbe du chômage ? Point. Les MOOC. Les quoi ? Les MOOC, les cours en ligne gratuits. Ils menacent notre civilisation même. Il y a urgence. Devant cette urgence, un collectif anti-MOOC vient de se créer et a publié, visiblement en toute hâte tellement il est mal rédigé, un communiqué obligeamment publié dans Libération. Un 26 décembre. Un collectif anti-MOOC donc. Créé par qui ? Un quarteron de syndicalistes en retraite. Et que nous disent-ils ? Que les MOOC ce n’est pas bien. Redevenus sobres, regardons ce qu’il en est.
Ils attaquent bille en tête avec le taux d’échec
Les auteurs se gargarisent naturellement des 90% de taux d’échec aux MOOC. C’est amusant. Lorsque je me suis inscrit à l’université, en DEUG de sciences, nous étions 650 le premier jour. Le premier jour de la seconde année, nous étions 120. 81% de taux d’échec. Mais au-delà , brandir ce taux est insignifiant : l’intérêt des MOOC est précisément la liberté de s’y inscrire, et d’aller au bout si on veut. En outre, les MOOC jouent sur la masse : 10% de réussite x 10.000 inscrits, cela fait mille certifiés, ce n’est pas mal. En ce qui concerne mon MOOC, j’ai eu 2.482 reçus sur 9.200 inscrits, soit 26,9% de réussite. Mais si je dis ça, mes syndicalistes adorés vont hurler au bradage de diplôme.
Unification
Les auteurs craignent une unification des cours avec disparition de la diversité, ceux-ci étant contrôlés par quelques grandes universités. À l’heure d’Internet, et de la facilité avec laquelle on peut faire un cours en ligne, une telle affirmation est simplement ridicule. C’est au contraire à une explosion de cours dans tous les sens qu’on va assister, comme pour la musique, et il y aura bien sûr beaucoup de mauvais dans tout cela, mais aussi du bon voire du très bon. Le mauvais passera à la trappe assez vite. Les étudiants, voyez-vous, ne sont pas débiles.
Liberté pédagogique
Les auteurs expliquent qu’avec un cours vidéo, les MOOC imposeront un savoir standardisé et répétitif supprimant la liberté pédagogique. Là encore c’est absurde : il serait souhaitable qu’ils participent au moins une fois à un MOOC avant d’écrire de telles âneries. Un MOOC c’est comme un concert : la partie filmée avec le professeur ne représente qu’une petite partie du contenu, tout le reste est créé par l’expérience d’interaction entre les participants entre eux et avec l’équipe pédagogique. C’est ne rien avoir compris aux MOOC que ne pas avoir compris qu’ils sont avant tout une expérience collective en grande partie construite dans l’instant. À ce titre, écrire que « Mooc et enseignements en classe ne sont pas complémentaires. L’avènement des premiers signifie la fin des seconds ou, en tout cas, leur subordination. » est tout simplement stupide. Ajoutons qu’ils mélangent situation aux États-Unis et en France, enfin bref ça sent le tract rédigé à 3h du matin.
Mais bien entendu, nos syndicalistes du 26 décembre se fichent de tout cela. Ce qui les inquiète, ce ne sont pas les élèves, ce n’est pas la qualité de l’enseignement, ce n’est pas non plus que l’enseignement soit ouvert à plus de gens. Non, ce qui les inquiète c’est horresco referens que ce soit une initiative privée. Pire, c’est que par là -même, le savoir échappe aux grands prêtres de l’éducation qu’ils représentent. Leur opposition à cette nouvelle forme d’enseignement est pathétique et rétrograde. Elle fait pitié. Avec les mêmes arguments, ils se seraient opposés au livre il y a cinq siècles, à la création du CNAM en 1794 et à Internet – oups – il y a une cinquantaine d’années. Ils font penser aux fabricants de chandelle se plaignant de la concurrence du soleil.
Une telle initiative est particulièrement indécente au moment même où la France se retrouve en fin de classement en matière de performance scolaire avec le fameux classement PISA et les multiples rapports de l’OCDE. Les classements ont leurs limites, mais celui-ci traduit néanmoins bien la dégradation de l’enseignement français que personne ne conteste vraiment. Lorsqu’il y a quelques années les Allemands avaient subi un tel revers, ils avaient aussitôt pris des mesures. En France, rien de tel. Plutôt que s’interroger sur les faiblesses françaises, et de regarder en quoi les MOOC peuvent constituer une solution, même partielle, à cette faiblesse, nos preux chevaliers du 26 décembre préfèrent attaquer l’avenir. Haro sur le thermomètre.
Alors, avant finalement de ressortir le champagne et de repêcher le saumon, brièvement interrompus par ce qui restera comme une fausse alerte, concluons sur ceci : oui mes chers syndicalistes, les MOOC vont bouleverser votre système éducatif, et pour une raison simple : vous vous êtes opposés, durant des décennies, à son évolution, à sa réforme, et à son ouverture. Il faut bien trouver autre chose. Non, les cours en classes ne disparaîtront pas. Rassurez-vous, les riches que vous défendez auront toujours leurs cours, tellement personnalisés dans des amphis de 600 places face à des écrans de télévision.
Dans le même temps la technologie avance, les entrepreneurs bougent et remettent tout en question. Tant mieux. Que résultera-t-il de tout ça ? Sûrement un système hybride, les MOOC s’adressant plutôt à ceux qui, de toute façon, ne sont pas dans le système éducatif. Ne vous inquiétez donc pas, chers syndicalistes, nous ferons la révolution sans vous et comme nous sommes sympas, on vous laissera une petite place.
Pour ne pas lasser le lecteur, je n’ai pas repris la somme des arguments en faveur des MOOCs et leur impact. Pour en savoir plus, voir l’article que j’ai consacré au sujet : La grande rupture qui menace les écoles de commerce. Voir également le bilan que j’ai tiré de mon MOOC ici.
—
Sur le web.
Et ouic! Les libéraux détestent l’égalité republicaine et le font savoir. Pauvres d’eux !
L’égalité républicaine est celle devant la loi. Celle là , tous les libéraux s’accordent à la reconnaître. L’égalitarisme en revanche, la lubie socialiste, c’est clair qu’il faut être anti-libéral pour la soutenir.
de la part de gens (les anti-libéraux) qui ont chié, chient, et chieront toujours sur la République, la remarque est amusante.
C’est quoi « l’égalité républicaine » ? D’ailleurs, c’est quoi « républicain » ?
On n’arrête pas de parler de valeurs républicaines, qui a déjà défini ces valeurs ?
Considérez-vous que les monarchies des pays scandinaves, la Belgique ou les royaumes unis sont immoraux ?
Les « valeurs républicaines » sont comme les fachos : tout le monde en parle mais personne ne les a jamais vus.
Un commentaire signé « Marxia » : trop gros.
Encore plus gros que le soi-disant « collectif anti-mooc », qui est déjà très très gros.
l’ignorance crasse et la jalousie…ça serait bien dommage d’apporter un peu de connaissance à tous…pauvres gens on les oubliera bien vite!
Ces « syndicalistes » de l’ENS Ulm, je les connais; ils sont, comment dire, assez spéciaux.
Très pour la mixité sociale et mais très contre le mélange. Notamment, contre l’arrivée d’étudiants non adoubés par les classes prépa (3e concours, puis concours « ENS Europe »), étudiants qu’ils considèrent comme des gueux.
Des petits cons d’extrême gauche égoïstes, sectaires et particulièrement méprisables. D’ailleurs beaucoup de normaliens les méprisent.
je me suis empressé de me pré-inscrire à votre prochain MOOC 🙂
Merci à vous!
Ces syndicalistes ringards qui ont écrit ce communiqué, pensent pouvoir interdire les MOOC. C’est comme s’ils voulaient qu’on interdise qu’il pleuve. Ces enseignements en ligne existent et ce dans toutes les matières , et c’est à l’internaute de faire ses choix et d’en tirer le meilleur parti.
Les MOOC ne sont donc pas une menace pour l’enseignement, mais arrivent à point pour réveiller ces enseignements désuets, et obliger les enseignants à renforcer leurs compétences , en un mot devenir compétitifs pour ne pas disparaître.
Les anti-libéraux ont du souci à se faire parce que la privatisation de l’enseignement et déjà une réalité, elle va se développer, et le fameux « mammouth » va connaître la dure loi de la concurrence…et disparaître.
Les choses se perdent. Ils n’ont pas accusés les MOOCs du péché d’ultralibéralisme.
Si !
« En réalité, Mooc et enseignements en classe ne sont pas complémentaires. L’avènement des premiers signifie la fin des seconds ou, en tout cas, leur subordination. C’est pourquoi nous nous opposons fermement à la mise en place des Mooc, qui poursuit la politique ***néolibérale*** conduite dans l’enseignement par les ministres Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso. »
Oui, néolibérale.
J’avoue, j’ai cherché avec « ultra » dans mon filtre de recherche.
Ce qui est pathétique, c’est qu’ils considèrent que les moocs sont le fruit d’une volonté politique.
Pour eux, toute action est politique…
Ce que vous appelez politique, ils l’appellent leur gagne-pain, leur fond de commerce.
Alors, oui, pour eux, tout est leur gagne-pain dans ce système de privilègiés entr’amis.
non c’est plus prosaïque et surtout pratique, les syndicalistes concernés par ce mouvement sont issus de cette nomenklatura d’enseignants fonctionnaires.
Derrière l’idéologie de façade se cache la défense d’intérêts particuliers, les leurs, à savoir 13 heures de cours hebdo et donc l’arrivée d’une concurrence directe, drainant les plus motivés, pourrait être fatal pour leurs douillets statuts.
Les mots « neolibéral », « ultralibéral » et leurs dérivés ne font plus parti du Bullshit Bingo Socialiste.
C’est pas drôle, ça sort vraiment tout le temps !
Pour le coup, difficile de faire plus réactionnaire que ces pauvres syndicats.
Il sont opposés à absolument TOUT changement.
Franchement, j’ai suivi 2 excellents cours de l’EPFL sur Coursera (Principles of Functional Programming in Scala et Principles of Reactive Programming).
Ce communiqué est ramassis caractérisé de conneries purulentes .
C’est même presque incroyable. Très franchement, si je ne connaissais pas les gugus et leurs tracts débiles(*), je croirais à poisson de … Noël.
(*) je n’ai jamais vu un tract syndical où un paragraphe ne contredisait pas frontalement un autre paragraphe, ou bien où une phrase contredisait une autre phrase, ou bien une partie d’une phrase contredisait une autre partie de la même phrase; les gens qui excrètent (il n’y a pas d’autre terme) ces documents sont sérieusement secoués.
Dans le même ordre d’idée que le présent article, je signale que j’avais lu il y a quelques années un livre évoquant les débuts de l’imprimerie à la Renaissance. Ce livre expliquait que les professeurs de l’Université de Paris s’étaient mobilisés pour faire pression sur les pouvoirs publics pour faire interdire les livres et, si possible, faire mettre à mort tous les libraires, imprimeurs, auteurs, voire lecteurs. Ils n’y parvinrent que partiellement, avec les écrits des auteurs protestants.
D’une manière générale, beaucoup de privilégiés, comme les professeurs d’université, se plaisent à longueur de temps à se mobiliser pour faire barrage au progrès.
Une question :
Libération…. Bon, d’accord, pas de surprise sur le choix du média. Mais je suis effaré (faute d’être surpris, par le manque de professionnalisme de ces journalistes !
Tu m’étonnes qu’ils soient contre les MOOCs : on n’y trouvera pas toute cette chiasse mentale que sont les théories du genre et du déveleppement durable.
Revel avait raison : le communisme est réactionnaire.
Salut
J’ai jamais compris l’utilité des cours dans l’enseignement, depuis la révolution Gutenberg il ne devrait plus exister de cours Magistral.
En fait depuis 500 ans les cours existent uniquement pour défendre la corporation des professeurs.
A relire http://en.wikipedia.org/wiki/Deschooling_Society
Ivan Illich qui n’était pas un liberal, mais qui avait une pensée qui « decoiffe » 🙂
Sûrement les mêmes universitaires élitistes et poussiéreux ayant passé 40 ans à trimballer des bouquins qui étaient exceptionnellement sortis de leurs bibliothèques pour monter au créneau quand Wikipédia connaissait ses premiers succès sous prétexte que tout le monde pourrait faire n’importe quoi de la culture. Et maintenant – comble de l’ironie – ils agitent le drapeau noir de l’unification culturelle et du monopole du savoir contre de nouvelles initiatives populaires…
Mais c’est exactement leur objectif. Comprenez, faudrait pas que les fils de prolos aillent sur les bancs de la Sorbonne par le mérite, ça ferait tache au milieu des lignées quasi-dynastiques qui s’y succèdent depuis des décennies. C’est manifestement toute une hiérarchie assez vérolée qui se sent menacée, et ça c’est toujours bon signe.