Par Philippe Herlin, chercheur en finance, membre de l’équipe rédactionnelle de Goldbroker.com
La Banque centrale européenne s’est déjà livrée à des stress-tests bancaires, et ils sont passés complètement à côté du sujet en prenant des hypothèses bien trop laxistes pour détecter quoi que ce soit. On se rappelle notamment que les banques irlandaises, ou Dexia, les avaient passés haut la main quelques mois avant d’être déclarées en faillite. Mais cette fois ça va changer, les critères retenus seront plus rigoureux, on n’hésitera pas à désigner les banques en difficulté, et la BCE et la EBA (European Banking Authority) ne feront pas de cadeaux, nous annoncent-elles.
Cependant, comme nous l’apprend cette note de Natixis (une banque qui a frôlé la faillite mais qui possède un bon service d’études), les créances douteuses seront examinées de près, certes, mais il ne sera tenu aucun compte des dettes souveraines ! Pourtant les banques en détiennent des montants importants et toute remontée des taux se traduirait par des pertes financières considérables. Eh bien, ce calcul ne sera pas effectué.
Déjà, au niveau des créances douteuses, il y a de quoi s’inquiéter. En Italie et en Espagne, le taux de défaut sur les crédits des ménages et des entreprises ne cesse d’augmenter depuis 2008, et rien ne vient ralentir cette tendance. Mais par surcroît, l’encours de la dette publique détenue par les banques est passé de 12% en 2008 à 28%, fin 2013, en Italie, et de 7% à 30% en Espagne sur la même période. Voici un risque qui, à lui seul, ferait sauter le système bancaire de ces pays si les taux remontaient de façon significative. Mais la BCE a décidé de fermer les yeux.
L’étude Natixis tente d’évaluer ce risque : une remontée des taux de 1% coûterait 28 milliards d’euros aux banques italiennes, soit 16% de leurs fonds propres, et 20 milliards aux banques espagnoles, soit 12% de leurs fonds propres. 1% seulement et c’est déjà l’alerte…
Pourquoi un tel déni de la part de la BCE ? Nous sommes ici au cœur du conflit d’intérêt que nous avons déjà dénoncé et qui consiste à faire de la banque centrale l’organisme de surveillance du secteur bancaire : la BCE est juge et partie. Car de qui dépend la bonne tenue des taux d’intérêt de la zone euro, sinon de la BCE ? Elle a mis son taux directeur au plus bas, à 0,25%, et accorde généreusement des liquidités aux banques en difficulté (les deux LTRO à 500 milliards chacun, et bien d’autres types d’aide). Une remontée des taux dans les pays d’Europe du Sud, ou en France, signerait son échec, elle refuse donc de l’envisager.
La BCE, comme la Fed et la BoJ, est coincée : soit elle reste indéfiniment acheteuse de dette gouvernementale (indirectement via les banques, pour la BCE, directement pour les autres), ce qui mène à l’hyperinflation, soit elle freine sa monétisation, ce qui conduit à la remontée des taux d’intérêt et qui entraînerait des faillites bancaires et une grave dépression. Dans les deux cas l’épargnant sera ruiné, chacun l’aura compris. Alors en attendant, tentons au moins de sauver les apparences, y compris avec des stress-tests bidonnés.
—-
Sur le web
J’ai un peu de mal à comprendre un passage, ok une remonté des taux coucherait les états (sur)endettés … normal. Mais en quoi cela toucherait les banques ? le risque de défaut accru sur ces créances ?
Merci
Les actifs des banques, qui garantissent leur crédibilité, sont constituées d’obligations. Une remontée des taux, c’est un krach obligataire puisque la valeur des obligations existantes s’ajuste pour que le rapport au final soit le même : une OAT 10 ans 2% souscrite à 100 en avril dernier ne vaut aujourd’hui que 95, si les taux prennent encore 1%, elle ne vaut plus que 85 environ. La garantie dont dispose la banque pour ses activités aura diminué dans les mêmes proportions.
de manière plus simple, en économie, tout est lié: c’est les banques qui pretent aux états, si ces derniers lèvent l’encre, les banques ont du soucis à ce faire ! comme c’est les particuliers qui prètent aux banques, ils ont également du soucis à ce faire… les banques centrales ont un role de preteur en dernier recours: si l’argent ce cache, elle ouvrent le robinet, ce qu’elles n’ont pas fait en 1929 et ce qu’elles font abondement depuis 2008.
Il est toujours sain de revenir sur les mensonges, la duplicité de la BCE (et des banques centrales en général).
Mais attention à ne pas tomber dans le piège du vocabulaire.
Ainsi, le « déni ». Il n’y a aucun déni de la part de la BCE. Mais bel et bien une volonté (permanente depuis 2008), une volonté adamantine : « sauver l’Euro à tout prix ».
C’est Draghi lui-même qui a utilisé l’expression
Pour cela, littéralement, tous les moyens sont bons : mensonges, tricheries, viol des règles.
Ainsi, vous rappelez justement la très forte hausse des encours de dettes détenues par les banques « nationales » en Italie, Espagne.
On comprend dès lors pourquoi les taux des dettes souveraines dans ces pays ont miraculeusement baissé (depuis leur pic en août 2012, quand c’était la panique générale).
Le mécanisme est ultra simple :
-la BCE fait des « prêts » éternels (toujours reconduits), à coût zéro, aux banques « commerciales » : LTRO.
-ces dernières, utilisent ce cash imprimé pour… acheter la dette de leur souverain
-les prix de la dette monte (ce qui augmente les profits comptables des banques détentrices) et les taux baissent (pour les obligations, la relation est inversée : j’achète, le prix monte, mais le taux baisse)
-La BCE semble ainsi respecter son mandat (interdiction d’acheter directement la dette des pays)… Mais elle le fait en sous main
-les banques deviennent too big to fail, ce qui renforce leurs chances de survie
-et les Etats plastronnent, et leur clique politicienne corrompue peut déclarer « la crise est finie » et peut continuer à dépenser pour satisfaire leurs clientèles
… Tout le monde est content.
C’est un mécanisme qui n’est pas fortuit, ni anodin. Bien au contraire. Cela illustre le fanatisme, et le cynisme de la superstructure bruxelloise : sauver l’Euro et donc leur pouvoir.
Car rappelons le : la faillite d’une banque « systémique » en zone Euro… ferait imploser tout l’édifice.
Donc : les banques seront toujours sauvées, aidées, quels que soient les moyens mis en oeuvre.
Donc, il est aisé d’anticiper l’avenir… Le poison de la récession, de la baisse des crédits aux entreprises et aux ménages se propage, lentement mais sûrement.
La prochaine étape est donc la vitesse supérieure… La BCE lancera son propre QE, officiel cette fois. Et massif.
Il n’y a pas d’alternative.
PS pour le premier commentaire : relisez mon explication et de la relation inversée entre prix d’une obligation et de son taux.
Si les taux augmentent fortement, alors le prix s’effondre… Ce qui faucherait littéralement le bilan des banques qui sont gorgées d’obligations souveraines.
Donc nécessité de recapitaliser (mais avec quoi) ou alors la faillite… ce qui entraînerait des effets en boucle (les « passifs » des uns étant les « actifs » des autres).
Je le répète donc : il est IMPOSSIBLE que la BCE et la superstructure acceptent de voir augmenter les taux des obligations souveraines.
C’est exact, mais ça ne peut pas monter jusqu’au ciel. Il y a deux facteurs de tension, au moins, qui peuvent tout bloquer. Le premier est le tapering aux US, joint au QE européen prévisible. Le dollar remonte gentiment, donc l’euro baisse, ce qui défavorise l’Allemagne qui sait tirer parti d’un euro fort, et les pays fortement importateurs depuis la zone dollar qui ne savent pas tirer d’avantage de compétitivité d’un euro faible, genre la France. Le second est l’acceptabilité du chantage fait par les mauvais envers les bons au sein de l’eurozone. On est proche de la limite, et les dividendes des politiques de rigueur commencent à apparaître à l’horizon. Il ne va pas tarder à être insupportable de devoir les partager avec la France restée laxiste, comme pour l’Allemagne de payer pour la France. Le statu quo va devenir aussi insupportable que l’implosion. Il faudra une troisième voie (troïka en langage bruxellois ?).
Dans l’affaire, les stress-tests seront probablement une vaste rigolade inutile, genre promesses électorales, qui ne convaincra pas les marchés.
Ne tombez pas dans le piège… des banques centrales.
Le paradigme dans lequel la BCE évolue… est rigoureusement le même pour la FED, la BOE, la BOJ.
Cette affaire de « tapering » est une vaste fumisterie. La FED ne peut pas arrêter les injections de morphine, c’est à dire les achats directs du bons du trésor US, AKA le Quantitative Easing.
Simplement, on joue avec les « expectations »… Bernanke était très bon à ce petit jeu.
On l’a poussé vers la sortie, car le grand écart entre les discours et les actes devenait trop visible.
Entre en scène,Yellen. Vierge, si j’ose dire, ultra dovish, et en plus une femme (le Système aime faire des quenelles dans ce style… CF Obama).
Bref, un carré d’as à elle toute seule.
Son rôle en 2014 ?
Annoncer que… well… la situation n’est pas si bonne que prévue.. et qu’en conséquence… le QE doit être augmenté.
Voilà la raison du changement de tête à la FED.
Seconde erreur : la patience allemande qui toucherait à sa fin, mise à rude épreuve.
Là encore ça relève du « Wag the dog »…
Il n’y a pas, plus de pays « vertueux » en Europe. C’est juste un mythe.
Donc Merckel fera exactement ce qu’elle fait depuis 2008… elle signera en bas à droite.
Bon sang ! Six ans qu’elle nous fait le coup ! Et vous croyez encore au mythe de la vertu allemande ?
Il n’y a pas d’alternative ;
-FED nouveau round de QE
-BCE , QE officiel
-BOE, nouveau round de QE
-BOJ, énième round de QE
… Rincez, répétez.
Jusqu’à l’explosion finale.
Qui prendra du temps.
Je sais, mais je ne crois pas à votre dernière phrase. Le jour où le QE de la BCE deviendra officiel, les marchés (et peut-être la Chine) fuiront la spirale infernale. Ce sera sauve-qui-peut.
Il n’y a pas de QE officiel! Il y a juste un VERY VERY VERY LONG TERM REFINANCING OPERATION. Vous voyez le mal partout!
Il faut tt de m rappeler que le LCR de Bâle III impose aux banques de détenir de oblig d’Etats. Ces dernières sont considérées comme « sûres » puisque pondérées a 100% ds ce ratio. Il semble que les stress tests partent du m postulat. Difficile a comprendre mais le politique utilise tellement la réglementation pour financer les dettes par les banques que cela ne me choque pas outre mesure. De plus, les stress tests n’ont jamais prouver leurs utilités!!!!
Je vous recommande cette étude de Natixis :
http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=74349
Gros risques pour les banques italiennes et espagnoles qui sont gorgées d’obligations souveraines.
Les graphiques montrant l’évolution sur quelques années sont impressionnants.
Plus que jamais, nous sommes dans le systémique et le « too big to fail ».
Article dont l’information principale est malheureusement inexacte.
Il est vrai que la BCE est en train de réaliser son Asset Quality Review selon les principes définis par Bâle III, qui veulent notamment que la détention par une banque d’obligations d’Etat n’impose aucune contrepartie financière supplémentaire, contrairement notamment aux obligations d’entreprises. Mais en cela, la BCE ne peut guère faire autrement dans la mesure où elle est tenue d’appliquer la législation en vigueur. Elle n’est pas législateur, simplement superviseur.
En revanche, il est faux de dire que la BCE ne prendra pas en compte les obligations publiques lors du stress test qu’elle doit réaliser cette année en partenariat avec l’EBA. Plusieurs voix, y compris au sein de la BCE, se déjà sont élevées pour demander cette prise en compte (voir liens ci-joints). Plusieurs dirigeants de la Banque centrale ont également appelé à un changement de la réglementation bancaire concernant ce point.
http://www.romandie.com/news/n/Zone_euroBCE_evaluation_de_dette_publique_aux_mains_des_banques_en_discussion49181120131431.asp
http://gestionactifpassif.blogspot.fr/2013/11/le-risque-souverain-pris-en-compte-lors.html
S’il y a des résistances concernant la prise en compte des obligations publiques dans le bilan des banques, elles viennent plutôt de la part des Etats qui craignent d’avoir plus de difficultés à se financer. Dans ce domaine, la BCE est au contraire plutôt favorable à ce que le risque souverain soit mieux pris en compte par les banques, car de la crédibilité de son AQR et des stress tests dépendra la crédibilité de sa supervision bancaire. Elle n’a donc pas intérêt à se rater.
D’autre part, si l’auteur fait référence au début de l’articles aux stress tests de 2011, ce n’est pas la BCE qui les a menés, mais l’EBA. http://www.lefigaro.fr/societes/2011/07/15/04015-20110715ARTFIG00516-les-banques-francaises-reussissent-les-stress-tests.php
Benoit, désolé mais à quoi bon jouer sur les mots ? Et surtout à quoi bon travestir la réalité ?
Bien entendu que ce sont les états qui sont les premiers à vouloir bénéficier de taux dans les chaussettes, afin de poursuivre leurs politiques clientélistes et financer leurs délires constructivistes.
Mais la BCE n’est pas en porte à faux, n’est pas « contre, n’est pas du tout dans une opposition.
Draghi est le complice actif, fanatique même (« whatever it takes »), de Hollande, Rajoy, Letta et de toute la superstructure bruxelloise.
C’est Draghi qui a annoncé l’OMT en septembre 2012. C’est Draghi qui a créé le LTRO (1000 milliards) pour les banques. C’est Draghi qui a baissé ses taux en novembre. C’est Draghi qui ment, magouille, biaise en permanence.
Dire enfin que la BCE n’est pas « législateur » mais simplement « superviseur », alors qu’on vient de le montrer elle est au contraire hyper constructiviste… c’est tout simplement malhonnête.
Pourquoi cherchez vous à défendre la BCE ?
Rappel : qui a nommé Draghi, en lieu et place de Weber, un vrai faucon allemand ?
Sarkozy et Merckel.
Janvier 2012.
Alors… indépendant ?
Hello,
Je ne défends pas la BCE. Je m’intéresse simplement aux faits. Et du point de vue des faits, il est faux de dire que la BCE ne tiendra pas compte des obligations d’Etat lorsqu’elle mènera ses stress tests. Certes, nous n’y sommes pas encore, mais un nombre de voix non négligeable au sein du board de la Banque centrale a plaidé pour cette solution.
D’autre part, constructiviste ou pas, ce n’est pas la BCE qui vote les lois au niveau européen. C’est comme ça. Au max, elle peut prendre des mesures dites non-conventionnelles, mais c’est tout. Elle n’a pas le pouvoir de définir le cadre réglementaire bancaire. So again, la BCE n’est pas législateur, simplement superviseur. Attention à ne pas tout mélanger.
Vous êtes très drôles avec vos prévisions de faillites des banques françaises ! !
Si vous pensez foutre la trouille aux déposants c’est raté.
allez donc voir ce qu’en disent les marchés
mardi 07/01
plus de 6% de hausse sur Credit Agricole SA
Presqu’autant pour Sogé