La sécurité et la justice, oui, mais pour chacun de nous

L’idée que les hors-la-loi sont aujourd’hui mieux lotis que les honnêtes citoyens résiste-t-elle vraiment à l’analyse ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Prison (Crédits kIM DARam, licence Creative commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La sécurité et la justice, oui, mais pour chacun de nous

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 janvier 2014
- A +

Par Nils Sinkiewicz.

prison

Une analyse « personnelle », « iconoclaste » : c’est en ces termes que le général Bertrand Soubelet présentait, le 18 décembre dernier, son point de vue sur la délinquance et l’angélisme de notre système judiciaire. Le n°3 de la gendarmerie montre notamment du doigt le décalage entre des interpellations en légère hausse et des inculpations en forte baisse.

Ce « sévère constat » confortera les 76% de Français qui, d’après une étude CSA réalisée en mars 2013, réclament un durcissement des peines. Bien sûr, le sentiment d’injustice ressenti par les victimes n’est pas moins compréhensible que celui d’insécurité. Mais l’idée que les hors-la-loi sont aujourd’hui mieux lotis que les honnêtes citoyens résiste-t-elle vraiment à l’analyse ?

La persistance des lieux communs sur le laxisme judiciaire dépasse la simple hypocrisie politique. Quand la droite qui salue aujourd’hui le franc-parler du général Soubelet défendait hier les peines plancher contre Madame Taubira, elle ne voulait pas seulement faire oublier sa propre contribution au mal dénoncé : elle se faisait le porte-parole du mécontentement populaire.

La solution carcérale est en apparence frappée au coin du bon sens. Ceux qui la défendent invoquent la sagesse populaire contre l’angélisme des élites. Dans ces conditions, difficile de suggérer des alternatives à l’incarcération sans susciter l’ire des réalistes auto-proclamés. Ainsi le témoignage d’un conseiller d’insertion et de probation paraitra-t-il toujours moins convaincant que le « constat sévère » d’un général.

Force est de constater que si le général Soubelet n’apporte rien de nouveau à la réflexion sur les faiblesses de la justice française, son analyse conforte les Français dans l’impression qu’il y a trop de voyous en liberté et pas assez en prison.

Cette croyance que la prison est la sanction la plus juste et la plus efficace en termes de prévention coexiste avec l’impression qu’en plus de coûter cher à la collectivité, les détenus ont une vie relativement agréable eu égard au mal qu’ils ont fait. La hausse continue du pourcentage de Français favorables à la peine de mort n’est peut-être pas tout à fait étrangère à cette idée que les voyous sont aussi coûteux en prison qu’en liberté.

Et il est bien là, le véritable scandale : non pas dans le laxisme que dénonce le général Soubelet, ni dans la réclamation de peines plus sévères, mais dans le fait que ces deux approches du problème, sous divers prétextes (moraux, budgétaires…), fassent prévaloir les droits des uns sur les droits des autres.

L’étude de l’Ipsos commandée par le gouvernement Fillon et dont Christiane Taubira révélait l’existence en 2012 a certes montré que de nombreux Français (64%) croyaient aux vertus de l’aménagement de peine. Mais ils sont probablement tout aussi nombreux à considérer que les mauvaises conditions de détention font en quelque sorte partie du châtiment – les suicides (73 l’année dernière) étant quant à eux regardés comme les tristes effets secondaires d’un système certes imparfait mais nécessaire à l’ordre public.

Pour autant, on ne peut opposer aux droits de l’accusé ceux de la victime et de sa famille, puisque aussi bien les « voyous » que les « honnêtes gens » pâtissent de la confusion entre les fonctions régaliennes de l’État et ses fonctions économiques et sociales. Comment en effet interpréter l’insistance des Français sur la sécurité sociale quand la sécurité physique du citoyen est menacée non seulement dans nos rues, mais dans nos prisons ?

Autant dire que ce n’est pas la sécurité que prône le discours sécuritaire, mais la monopolisation de la sécurité par les bons citoyens aux dépens des mauvais… et au mépris de nos droits les plus fondamentaux. Car ce que nous faisons au plus pécheur des voyous, c’est à Madame Michu que nous le faisons.


Sur le web.

Voir les commentaires (19)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (19)
  • le plus pénible, quelque soit la question morale et humaniste, c’est que les mauvaises conditions de détentions, augmentent la récidive.

    il faut comprendre que le dysfonctionnement cognitif du crétin délinquant, le pousse :
    -a se croire plus malin,
    -a ne pas voir l’énergie qu’il consomme pour des gains incertains et faibles en moyenne, comparé à l’effort qu’il déploie et pourrait mieux utiliser
    d’un autre coté la rigidité du système économique fait que le banditisme est un des seuls petit boulot, ou carrière entrepreneurial ouvert à certains… ca explique certains comportement dans le ghettos.
    – et surtout quand il est puni, a accuser le système et non ses propres choix

    quand il souffre de condition qu’on lui a appris a trouver anormales et injustes, il se sent victime et pas coupable. il en tire non pas une lecon mais du resentiment contre les honêtes gens…

    il faut reconstruire le cerveau de ces idiots méchants, sans méchanceté ni angélisme, avec de la méthode.
    casser leurs mauvais liens sociaux, leur donner des opportunités de payer leur dette, et ni des cadeaux, ni leur interdire de participer a l’économie comme on le fait actuellement…

    bref il faudrait commencer a réparer ces idiot, au lieu de les plaindre, de les punir… et ce sans pitié, ni haine.
    Ils ont un potentiel variable, et quand on vois les efforts managériaux d’un chef de gang, ou le courage d’un fantassin, ce serait dommage de pas les utiliser.

    une piste c’est la rigidité de notre marché du travail et de la création d’entreprise, qui pousse a la malhonnêteté d’un coté, et au pantouflage les autres.

    bizarre mais on retombe sur de gros problèmes français.

    • 100% d’accord avec votre analyse

    • Mouais, sauf que leurs histoires de « rééducation », c’est un échec. On peut continuer à s’enferrer là dedans, bien sur, mais c’est un échec.

      Déjà parce qu’aujourd’hui, il est vrai qu’il y a un énorme laxisme, que ce soit dans les peines, mais également dans la traque des coupables. Dans notre ville de Nancy par exemple, la plupart des forces de police sont monopolisées par la traque des minis excès de vitesse, pour rapporter plus de sous, toujours plus de sous. Résultat, logique: la nuit tombée, nos rues sont quasiment vides de toute surveillance, de sorte qu’à vrai dire, vous pouvez faire ce que vous voulez comme vous voulez, les risque de se faire attraper sont quasi nuls. Il devient difficile alors de lutter contre un sentiment d’impunité toujours plus fort.

      Autre chose, de plus en plus flagrante: les trafics se font maintenant à découvert. Il y a encore quelques temps, je voyais une grosse Audi S5, garée sur le bas coté, un mec au volant près à démarrer au besoin, et le passager sur le bord de la route en train d’attendre avec un sac. Le tout sur un axe ma foi assez usité. Avant ça ne se faisait pas ça…. Aujourd’hui ils s’en tamponnent, ils font ça en plein jour, devant tout le monde, rien à foutre. Mais parce qu’ils savent qu’ils ne risquent rien.

      D’autre part, la rééducation s’oppose à un autre problème: l’argent. C’est facile de dire qu’il suffit de, qu’on les remet dans le droit chemin en faisant des bisoux et des calins, mais quand les mecs se font des dizaines de milliers d’euros, roulent en BMW M5 et tout le tintouin, difficile de leur expliquer que maintenant, ils vont devoir bosser comme des crevards pour 1400€…. Y’a rien à faire contre ça. Je connaissais un mec qui dealait un peu de shit, il était rien du tout pourtant, mais il se faisait déjà plus de 3000 par mois sans efforts… Comment les inciter à sortir de ce système si lucratif, et sans utiliser la peur de la sanction?!

  • Je ne vous suis pas. A mon avis, le peuple, dans ces sondages orientés, dénonce l’impunité, il ne soutient la prison que comme la moins mauvaise des solutions à la disposition actuellement de l’état. Avant de proposer de libérer les coupables, il vous faut des propositions crédibles pour protéger les honnêtes gens, et il est plus prioritaire d’empêcher d’agir ceux qui font fi de la liberté et de la propriété d’autrui que de respecter inconditionnellement leur liberté et leur « propriété » de biens mal acquis. C’est du simple pragmatisme.

    • Considérer la prison comme solution par défaut est aussi peu pragmatique que d’exclure d’entrée de jeu cette solution (pour des raisons idéologiques, politiques ou économiques).

  • Bonjour
    On mélange un peu tout/
    D’un coté les conditions de détention qui sont détestables (mais guère plus que les conditions habituelles du traitement de l’administration),
    de l’autre la pertinence de la sanction.
    Perso je suis pour un système qui fasse baisser la délinquance ( la vrai, pas celle sans victime) et ce avec des moyens qui respectent autant que possible la personne sanctionnée.
    Je pense que des sanctions effectives dès la première condamnation sont indispensable (Détention de qq jours ou amendes ou bracelet). Une bonne chose serait de tester les différentes solutions et d’examiner sereinement les résultats sans tenter d’utiliser ce problème sans grossse arrière pensée politicienne.

  • un peu moralisateur et sentimental…..si k’on commençait par l’interpellation de personnes contre lesquelles existent des preuves ou des témoignages concordants.Des enqueteurs sérieux qui recherchent des preuves,des juges qui ne se fient pas à leur « intime conviction »….on avancerait déjà un peu.
    A ce titre,je suis pour la vidéo surveillance qui permet à un innocent de pouvoir démontrer son innocence(je parle de faits se déroulants en france,pas de l’opinion que l’on peut se faire de ce qui serait juste ou injuste)

  • Le soucis, c’est comment sanctionner des gens qui ont, dés leur naissance, quasi aucune chance de s’en sortir dans la légalité.
    Si on ajoute à cela les copains qui paradent dans leur Cayenne ……

    Le soucis n’est pas la sanction mais tout ce qui va avant, les chances de s’en sortir, une moralité non éduquée, des bandes qui ne sont jamais punies, des politiques qui donnent le mauvais exemple, une justice qui s’attaque aux victimes, la reconnaissance uniquement basée sur l’argent, une éducation nationale défaillante, la faible lutte contre la drogue, l’abandon de la volonté d’intégrer les communautés immigrées …..

    Les diverses carences du monde carcéral ne sont que l’aboutissement de toutes ces défaillances.

  • Tiens, encore de la littérature sentimentale pour plaindre les ‘pauvres’ petits voyous mal aimés et incompris.

    Les français manquent définitivement d’empathie et de bon sens.

    On ne lira jamais un article se mettant à la place de la victime et exigeant qu’une réparation totale du dommage subit soit appliquée, prélevée directement sur le revenu du voyou ou de sa famille.

    Non, on préfère plaindre ces pauvres victimes du système. On considère qu’un voyou paie sa dette « à la société », c’est à dire à personne, mais la victime, comme d’habitude, on lui chie à la gueule et elle se démerde avec son traumatisme psychologique et sa perte sèche financière.

    Ras le bol.

    • Et quand un bijoutier défouraille et descend le 20ème bisounours qui le braque oh surprise pour les bobos le peuple applaudit… Et les clubs de tir en province sont surchargés…

      Moi aussi je me suis fait plusieurs fois tabasser, 3 contre 1 c’est plus fun… Et comme le dit Ron, vous n’avez pas idée de la réserve de haine que j’en ai stockée, surtout que question compassion on est proche de zéro… Alors un jour ça pètera à la gueule de celui qui a cogné 10 fois sans se faire gronder par le juge et qui tombera sur moi…

  • article creux et à coté de la plaque. il n’y a aucune contradiction entre une politique pénale efficace, qui ne relâche pas 2 coupable sur 3 immédiatement après leur arrestation, et une politique pénale humaine, qui ne foute pas 8 détenus dans des cages immondes prévus pour 4 (ce qui est déjà curieux).
    Il est d’ailleurs bien clair que la surpopulation carcérale participe à la fois aux mauvaise conditions pour les détenus et à la non incarcération de certains coupables.

    et +1 twitter_alain_co, gillib, …

    • Ne pas foutre 8 détenus dans une cage pour 4, ce n’est pas une justice « humaine », c’est une justice « efficace ». Vous faites là une nuance distinction (« humaine » / « efficace ») qui à mes yeux n’a guère de sens. Cette humanité à laquelle vous faites allusion est indissociable de la justice : ce n’est pas un bonus.

  • Si déjà, on appliquait ce qui existe…

  • Le problème c’est qu’en France il y a une très grande tolérance au petit délit, une volonté forte de ne pas dénoncer et la croyance que cela apportera une société non violente. Il existe de nombreux pays qui font mieux que la France sur le point de la violence comme Singapour.
    Mais je ne crois qu’il ne faut pas oublier le but avoir une population carcérale qui BAISSE. Les Etats Unis avec leur population incarcéré toujours en augmentation est le contre exemple. Malheureusement tout le monde est fasciné par un État violant, et le Japon n’intéresse personne…

    • Il ne t’est pas venu à l’esprit que le Japon est peuple par les seuls japonais
      Aucun sauvage non éduqué n’est tolère , et les yakuzas se flinguent entre eux.

      • J’imagine que vous parlez d’étranger en parlant de sauvage. Mais désolé Singapour c’est 50% d’étrangers la majeur partie venu de pays pauvres, musulman de surcroit! C’est un état extrêmement sur. Il y a une incitation à la criminalité. Et la principal est la pauvreté la deuxième est l’absence de perspective d’enrichissement.

    • Grande tolérance au petit délit  » cela a t il toujours existé ? sinon depuis quand ? et la tolérance aux grands délits par exemple : ivre au volant , 4 morts dans la voiture opposée et quelle condamnation ? Amiens 2013 Courrier Picard , dans le cas récent de Montpellier ce n’ est pas 6 ans mais la peine de mort dans certains pays , il faut noter aussi la peine prononcée et l’ autre celle vraiment effectuée , pour la peine de mort elle est officiellement supprimée mais je pense qu’ en fait elle existe en milieu carcéral . Pour le peu que j’ ai eu à faire avec la justice j’ ai constaté hélas pour moi que le médiateur faisait son job à l’ envers ! donc ça s’est réglé après quelq bobos sur ma personne par le départ des nazes.
      Le JAP ou JLD a des pouvoirs exorbitants . Par ex : invalider une peine sans aviser et encore moins y etre autorisé par les victimes ou jurés.
      Enfin Tout le monde n’est pas fasciné par un état violent .

  • Plus utile que de les emprisonner : les travaux publics…Et des sanctions pécuniaires…Pour les incorrigibles rouvrir Cayenne!

  • Nils Sinkiewitz,

    Vous nous aviez habitué à des proses plus claires. Celle-ci est particulièrement alambiquée, ambigüe, voire tirée par les cheveux. Seriez-vous inféodé à l’UMPSFN, avec des ambitions politiques personnelles ?

    Vous devriez aller droit au but.

    Dénoncer de façon abstraite les « conditions carcérales » n’est qu’un autre appel à « plus de moyens », comme nos syndicats si représentatifs savent si bien le faire.

    En pratique :
    – des conditions non seulement difficiles, mais aussi humiliantes, peuvent effectivement servir d’argument à toutes les dérives; elle ne devraient pas avoir leur place
    – si la prison était un autre hotel 5*, cela n’aurait sans doute pas l’effet dissuasif à priori désiré; tout l’art est de définir (et de respecter) la limite entre ce qui est dissuasif et ce qui est humiliant

    La population française (à laquelle j’appartiens) est ulcérée du laxisme écoeurant auquel les petits juges nous ont habitués depuis trop longtemps, et qui prend une nouvelle dimension avec notre actuelle garde des sots (orthographe délibérée).
    Cette dernière n’a pas besoin de justification au-delà de sa propre détermination mortifère pour avancer dans le sens qu’elle a choisi. Il n’est donc pas utile que vous lui en fournissiez. Quel meilleur moyen pour contrôler une population que de pouvoir s’appuyer sur ses bas fonds, en liberté, dans un état qui se prétend de « droit », mais en a à peine encore seulement les apparences ? Des criminels en liberté et sachant à qui ils le doivent rendent la lie de la police (politique) inutile, parce que redondante. Cette vérité a existé de tous temps.

    Vous seriez donc bien venu, sur Contrepoints, de tenir le langage de la vérité. Sans circonlocutions ni faux-semblants.

    Merci pour les lecteurs de Contrepoints.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Ah, le charme tranquille de Paris alors que l’été s’est installé et que beaucoup de ses habitants sont partis, loin, en vacance ! Pas de doute, il règne actuellement sur la capitale française cette ambiance décontractée qu’on n’avait plus connue depuis des années…

Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. Il y a de cela à peine quelques mois, la presse donnait une image assez peu rassurante de la vie parisienne, et y notait par exemple une hausse assez marquée de l’insécurité : cambriolages, coups et blessures, vols et dégradations volo... Poursuivre la lecture

La vie en France est décidément pleine de rebondissements ! Jugez plutôt.

En une semaine, on découvre par exemple que des récidivistes multi-condamnés sont trimballés dans de petites fourgonnettes de prisons en tribunaux avec une protection minimaliste, ceci permettant les actions les plus violentes aboutissant à la mort de trois personnels pénitentiaires lors d’une évasion sanglante.

On découvre de même qu’étrangler une contrôleuse SNCF peut entraîner de la prison avec sursis à condition d’être un migran... Poursuivre la lecture

Le souvenir du covid revient en force avec les Jeux olympiques puisqu’un QR code sera nécessaire pour circuler dans certaines zones de Paris. La préfecture a publié une carte des zones restreintes qui relève de la marqueterie cadastrale.

La question épineuse est celle de la cérémonie d’ouverture, qui doit se tenir coûte que coûte sur la Seine. Et ici, le quoi qu’il en coûte c’est le retour au QR code. L’imbroglio est encore total, rien n’est clair, mais à deux mois du début des Jeux olympiques tout laisse penser que la circulation sera... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles