Par Pyg
À l’occasion de notre présence lors des RMLLd sur l’île de la Réunion, voir cet article, nous avons eu l’occasion de rencontrer Jean-Noël Rouchon, qui fait partie de ces « artisans du libre » de plus en plus nombreux, sa structure (Mithril) proposant de nombreux services autour du logiciel libre.
Mais Jean-Noël est aussi le développeur du logiciel de gestion pour le suivi d’exploitations agricoles Agritux. Et l’histoire de la naissance de ce logiciel étant plutôt intéressante, nous souhaitions vous la faire partager.
Bonjour Jean-Noël, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Jean-Noël Rouchon, j’ai 32 ans et je vis à Saint-Joseph, sur l’île de la Réunion. Je suis passionné d’informatique depuis tout jeune ce qui m’a poussé à en faire mon métier. J’ai découvert Linux et le monde du logiciel libre quand j’étais étudiant en 2000 avec une mandrake (la 7.2 si je me souviens bien) et j’ai très vite été happé par cet univers-là et la philosophie qui en découle.
Après ma maîtrise, j’ai travaillé pour une entreprise spécialisée dans le logiciel de gestion, mais je ne me trouvais pas à l’aise dans le monde du logiciel propriétaire. J’ai donc fini par créer ma petite entreprise, Mithril Informatique.
Quelles sont les activités principales de Mithril ?
Je travaille sur trois grands axes en même temps :
- la maintenance de parc informatique, il s’agit principalement de mettre en place et de maintenir des serveurs Linux pour diverses utilisations (serveur de fichiers, base de données, mails, contrôleur de domaine, virtualisation, proxy, portail captif, etc.)
- le développement d’applications : je me suis spécialisé dans deux langages, le C et le Ruby. J’utilise principalement le C pour des applications multimédias et le Ruby pour des applications métiers (soit application web, soit interface en Gtk)
- la formation : je complète mon offre par de la formation sur divers sujets (bureautique, distribution Linux, logiciels de gestions, etc.)
L’ensemble des mes prestations est consultable sur le site.
Tu es le développeur d’Agritux, mais… c’est quoi Agritux ?
Agritux est un logiciel de gestion pour le suivi d’exploitations agricoles.
Il permet de faire le suivi par parcelles et par cultures de la production de cultures végétales en gardant une trace des intrants et de la main d’oeuvre utilisée.
Le but étant surtout de pouvoir éditer un « cahier de culture », document officiel qui peut être demandé lors d’un contrôle de l’exploitation par exemple. Il est développé en Ruby avec une interface en Gtk, il fonctionne sous Linux et Windows (et probablement Mac OS aussi mais je n’ai pas eu l’occasion de le tester). Il est bien sûr sous licence libre (GPLv3) et le code source est téléchargeable sur gitorious.
Comment est né ce logiciel ?
L’idée du logiciel a commencé à naître lors des RMLLd de 2011 à St-Joseph. J’ai participé à ces premières Rencontres Mondiales du Logiciel Libre décentralisées en tant que membre d’un GUL de la Réunion (Libre974) et j’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal de monde et en particulier plusieurs agriculteurs faisant le parallèle entre les semences libres et le logiciel libre. J’ai pu longuement discuter avec un agriculteur bio, venu là par curiosité.
L’idée du logiciel libre lui a trotté dans la tête un bon moment puisqu’au début de cette année 2013, il me rappelle pour lui installer une distribution Linux sur son ordinateur et pour lui créer un logiciel de suivi d’exploitation agricole, qu’il n’arrive pas à trouver parmi les logiciels libres déjà existants. Les premières lignes de code d’Agritux sont écrites en avril 2013.
J’ai pu constater qu’Agritux interessait pas mal d’agriculteurs (et d’enseignants de lycée agricoles) à la Réunion. Mais sais-tu si le logiciel interesse des publics similaires en métropole ou à l’étranger ? Comment envisages-tu l’avenir d’Agritux ?
Il y a eu en effet un intérêt certain pour Agritux lors des dernières RMLLd, plus que je ne l’imaginais. J’en déduis que ce type de logiciel correspond à un besoin réel de beaucoup d’agriculteurs.
Depuis ces dernières rencontres, j’ai eu plusieurs contacts de la Réunion mais aussi de la métropole et de Madagascar m’apportant des idées pour la suite.
Le logiciel est encore très jeune, et il y a plein de pistes à explorer pour l’améliorer. Dans le désordre :
- les statistiques économiques
- la gestion de l’élevage
- la gestion de la météo
- la gestion de rotation de cultures
- la traduction du logiciel
Pour mutualiser les coûts de développement, je pense essayer de faire financer les futures évolutions en passant par du crowdfunding et en particulier par la plateforme Openfunding qui est spécialisée dans le financement de logiciels libres.
Étant le seul développeur, il n’y a pas pour le moment de communauté autour de Agritux, juste quelques utilisateurs qui me font parfois des remontées par mail, bien qu’un bug tracker soit disponible.
Si d’autres développeurs sont intéressés pour m’aider à faire évoluer Agritux, ils seront accueillis à bras ouverts !
La Réunion, de par son éloignement avec la métropole, est-elle un terrain propice au développement du logiciel libre, ou des structures comme la tienne sont-elles complètement marginales ?
Je ne connais pas bien la situation du développement de logiciels libres en métropole, mais il me semble que la Réunion est plus propice au développement de petits logiciels spécifiques créé par de petites structures. D’abord parce que les entreprises préfèrent généralement avoir à faire à des prestataires locaux et ensuite parce qu’il y a peu de grosses entreprises et donc peu d’intérêt pour de grosses sociétés d’édition de logiciel d’être présentes ici.
Le souci du coup, c’est que nous devons travailler avec plein de petites entreprises, très différentes les unes des autres, ce qui nous oblige à nous diversifier (ou même nous éparpiller dans mon cas ;)).
C’est pour cette raison qu’un groupement de prestataires de logiciels libres a été créé sur l’île. Il s’agit ici de fédérer nos compétences tout en restant indépendants et de proposer un site web répertoriant un maximum de prestations autour des logiciels libres à la Réunion. Ce groupement s’appelle Prestalibre et l’annuaire est disponible sur le site.
Un petit mot pour la fin ?
Concernant Agritux, toutes remontées de bugs, demandes, propositions, critiques (même mauvaises) sont les bienvenues. De même si des personnes sont intéressées pour participer au développement, à la traduction ou aux tests du logiciel, vous pouvez me contacter à mail AT mithril.re. Agritux a besoin de vous 😉 !
Bonjour
Vive les logiciels libres.
Le libéralisme ce n’est pas que le capitalisme.
Dans un système libéral on peut faire du collectivisme
Dans un système collectivisme, on ne fait que du collectivisme.
Je pense que le logiciel échappe totalement à la logique du libéralisme. Dévellopper un logiciel ne nécessite (pratiquement) pas d’investissement matériel et les coûts de production (reproduction) du logiciel sont nuls.
De sorte qu’il est un pur outils, comme les mathématiques ou la philosophie. Comment dès lors peut-on justifier le dépot de brevet sur des algorithmes. Pourquoi pas aussi des brevets sur le nombre PI ou le fait de respirer de l’air pour vivre. Le brevet logiciel est en fait anti-libéral : c’est une mise sous-controle de la pensée et une attaque aux libertés de base. C’est anti-productif car cela bloque le progrès, maintient l’usage de solutions non-optimales et freine l’application des techniques dont on a besoin pour faire progresser l’industrie, la science, la gestion, le commerce …
Historiquement, le logiciel a été un moyen pour les fabriquants d’ordinateurs de facturer l’électronique et les coûts de la recherche et développement, quand le marché était très limité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les sociétés peuvent bien sur protéger leur investissement intellectuel en ne fournissant pas les sources du logiciel et en bloquant son usage par des clés d’activation. Mais je ne vois pas comment on pourrait interdire les idées, la science et les savoir faire qui sont la base de tout logiciel.
Et dans le domaine des idées, de la science et du savoir-faire le logiciel libre est infiniment plus performant que le logiciel propriétaire. Notez bien que la mise au point, la maintenance et le support du logiciel ont un coût élévé, ce qui justifie l’usage de logiciel propriétaire par les petites entreprises ou les particuliers. C’est beaucoup moins évident pour les grosses enteprises ou quand le logiciel est très utilisé et donc abouti (comme un navigateur internet).
Pour (votre) info, la plupart des libéraux sont contre les brevets.
(J’ajouterais quelques liens sur la question)
Et pourtant, l’économie libérale mondiale fait grand usage de la notion de « propriété intellectuelle » …
Surtout l’économie de connivence, me semble-t-il.
« la plupart des libéraux sont contre les brevets »
Parce que les libéraux sont rarement des inventeurs ou des créatifs mais plutôt des litéraires des financiers complètement étrangés aux préoccupations de l’inventeur et du monde de la R&D.
« la plupart des libéraux sont contre les brevets »
C’est surtout la droite capitaliste qui est pour les brevets.
Un artiste, un créateur, un inventeur est soit un mercenaire, soit un communiste. S’il est un mercenaire, il est normal qu’il soit pour les brevets mais il fait moins progresser l’art, la science ou la technologie.
Quand je traite un créateur ou un inventeur de communiste, ce n’est pas au sens politique : il donne le fruit de SON travail à la communauté, il ne prône pas la spoliation du travail des autres. On peut très bien imaginer une recherche fondamentale ou une création artistique basée sur des dons. (C’est déja le cas en partie pour le logiciel libre).
» la plupart des libéraux sont contre les brevets »
c’est pour ça qu’ils défendent les OGM bec et ongles ?
@yeneralalcazar
svp, ne confondez pas être pour/contre une technique, et être pour/contre les conditions de brevetabilité d’une technique. Ce sont 2 questions différentes.
Bonjour pragma
J’ai pas dit cela.
Je suis pour le choix, le créateur décide de la licence de son produit, ici Windows MS© versus linux en GPL et l’usager décide en connaissance.
On peut toujours contourner une licence (cf les clones d’IBM PC©)
Le capitalisme de connivence, c’est quand des semenciers mette un copyright sur leur semence ET impose les semences que l’on peut utiliser (catalogue des semences) qui sont les leurs et qui sont stériles.
Pour être clair, il faut préciser que la license GPL interdit l’utilisation de code sans en publier les modifications et le copyright. Elle s’appuie donc elle-même sur une propriété intellectuelle commune. C’est de bonne guerre dans la mesure où cela développe une voie alternative au code propriétaire privé, et cela à permis à l’informatique de faire d’énormes progrès. Mais ce n’est pas totalement libéral dans le fond.
Quand au capitalisme de connivence, il faut quand même reconnaître qu’il est partout, plus ou moins légal et avoué, y compris dans l’informatique.
Indépendemment de toute autre considération, je suis un partisan de Linux et de l’Open Source dans la mesure où un code ne peut être « parfait » et « fiable » (sans fonctions cachées) que si suffisament de personnes ont pu lire le code. De plus, dans une utilisation poussée, il arrive toujours un moment où l’on a besoin de le modifier ou de vérifier ce qui n’est pas dans la doc.
« Mais ce n’est pas totalement libéral dans le fond. »
Ce n’est pas libre ou ce n’est pas libéral (liberté et propriété privée) ?
La licence GPL existe pour empêcher d’autres de s’approprier le code (c’est une sorte de propriété collective).
LINUX (le noyau) est une marque déposée © qui appartient à linus Torwalds car une personne avait déposé le nom et il y a un procès pour récupérer le nom commercial.
Pour ce qui est des logiciels propriétaire je ne suis pas contre, il suffit de savoir ce que l’on veut. Bon c’est vrai que MS a eu des politiques commerciales musclés.
ill n’y a pas de semences stériles.
puisqu’il est question d’agricultrure dans cet article, on peut aussi mettre un brevet sur un clone de peuplier, comme l’a fait le sieur Poloni, au début des années 2000, en prétendant bien sur, qu’on a « inventé » le clone ! car généralement, les clones de peupliers sont issus de croisement par main de l’homme et d’experimentations rigoureuses sur le terrain. problème: le principal clone mis sous licence, le » koster » n’ a absolument pas était inventé par la personne qui la mis sous licence, mais par un institut de recherche belge, dans les années 60, et qu’il est passé complétement inapercu à l’époque ou les croisements interaméricains sont arrivés sur le marché ( pour ceux qui se promennent régulièrement dans la campagne française, il s’agit des peupliers qui voient leur feuilles rougirent et tomber dés le mois d’aout )
bref, une belle arnaque, pas étonnant aprés, que des boutonneux en tee shirt du che crache sur le » néo-libéralisme « …
concernant l’article, vu que les logiciel, dans le monde agricole ne servent pas à grand chose, si ce n’est à faire » moderne » pour des gens qui ont la plupart du temps passés pour des attardés, mieux vaut ne pas les payer…
Voilà un article tout récent qui exprime assez clairement la position libérale et libertarienne sur la question de la propriété intellectuelle et des brevets.
C’est publié sur mises.org : le Ludwig von Mises Institute
2014/1/7 How Intellectual Property Distorts Big Business, Science, and Creativity – Butler Shaffer – Mises Daily: http://mises.org/daily/6632/How-Intellectual-Property-Distorts-Big-Business-Science-and-Creativity
http://fare.tunes.org/libre-logiciel.html Le Libre Logiciel, (avec un paquet de liens) par François-René Rideau (libéral)
http://fare.tunes.org/articles/patents.html Patents Are An Economic Absurdity, (avec un paquet de liens), par François-René Rideau (libéral)
et 2 petites pages wiki sur le sujet, un peu brouillons mais avec plein d’autres liens
http://uplib.fr/wiki/PI
http://uplib.fr/wiki/Brevets
(N’hésitez pas à compléter avec vos infos.)