Par Victoria Melville.
À la sortie d’un film comme le dernier opus des frères Larrieu, L’amour est un crime parfait, une question vient inévitablement à l’esprit : quel est le public visé ?
La trame de l’œuvre, pour autant que l’on puisse parler d’une trame pour un film dont les scènes auraient pu être montées dans le désordre sans que l’on sente vraiment une différence flagrante semblait a priori intéressante. Professeur de littérature à l’université de Lausanne, notre héros, Marc, est un écrivain raté mais un séducteur réussi. Le tableau de Mathieu Amalric en séducteur irrésistible assailli de chair fraîche en manque d’affection semble difficile à avaler mais passons. Il a la réputation de collectionner les aventures amoureuses avec ses étudiantes, jusqu’à ce que l’une d’entre elles disparaisse, déclenchant une enquête de police.
Présenté de manière assez pompeuse par les réalisateurs comme un « thriller amoureux », ce film est en réalité une succession de scènes laides et sales, sans lien apparent les unes avec les autres, chaque plan étant prétexte à afficher sans pudeur ni recherche esthétique la nudité des corps des acteurs, une casserole à laquelle tous passeront joyeusement.
Dès le début du film, un sentiment de malaise s’installe par le jeu incroyablement théâtral des acteurs, Amalric, dont le cabotinage ne semble plus connaître de limite, largement en tête, et le caractère totalement invraisemblable des scènes et des réactions des personnages. L’objectif était de créer une atmosphère fantasmagorique par des dialogues surréalistes, un rythme (très très très) lent, des personnages étranges et de gros effets de montage, comme aurait su le réaliser Roman Polanski.
Le résultat est une sorte de brouillon hideux et sans intérêt. Le film se présente comme un voyage dans un esprit brillant mais profondément névrosé. C’est bien plus un voyage dans la vulgarité et la médiocrité auquel on assiste. On n’échappera à aucune abjection, du meurtre à l’inceste en passant par le voyeurisme le plus éhonté, le tout enrobé dans une esthétique éthérée renforcée par une bande originale électronique totalement décalée (on souffre d’entendre Erik Truffaz perdu dans ce bazar) et visant clairement à créer une distance puis banaliser et rendre sympathique ce qui donne la nausée au spectateur à travers un personnage que les auteurs cherchent à rendre attirant malgré son ignominie.
Dans l’ensemble, on peut dire qu’on assiste ici au fruit navrant de « l’exception culturelle française », pompe shadokienne à subventions : un navet d’une arrogance et d’une vulgarité incroyables, réalisé par des pseudo-intellectuels sans talent avec des pseudo-intellectuels sans talent et pour des pseudo-intellectuels sans talent. Les âmes charitables retiendront néanmoins quelques jolies notes : les paysages de montagne sont très beaux, la photographie étant l’un des rares aspects réussi du film. On a finalement envie de reprendre ce conseil que donne Marc à l’une de ses étudiantes et de le prodiguer aux auteurs : lorsqu’on n’a pas de talent, il vaut mieux abandonner. Même si 99% du résultat d’une œuvre est le fruit du travail acharné, parlons du 1% de talent dont sont clairement dénués les frères Larrieu.
Économisez votre temps et votre argent, passez votre chemin.
– L’amour est un crime parfait, film dramatique français (sortie le 15 janvier 2014), réalisé par Jean-Marie et Arnaud Larrieu, avec Mathieu Amalric, Sara Forestier, Maïwenn, Denis Podalydès et Karin Viard. Durée : 110 minutes.
Ce film, je ne l’ai pas vu. Ce ne sont jamais les critiques qui guident mes envies, mais là, vous piquez ma curiosité. Pour la première fois, j’ai bien envie d’aller voir un film à cause de sa critique négative. Votre critique, Victoria, m’y pousse.
Je crains néanmoins que voir ce film ne m’éclairera pas quant à la nature de votre critique. Je la trouve très agressive. Elle me laisse penser que vous semblez être en affaire avec au moins l’un des réalisateurs et que vous procédez là à un lynchage en règle, sans véritable justification, peut-être sous des desseins vindicatifs. Sinon, pourquoi tant de violence à l’égard d’un film que vous n’avez pas aimé ? Les films que l’on aime, on les recommande. Les autres, on en parle pas. N’est-ce pas ?
Trop de violence tue la critique me semble-t-il. Je me demande en effet quelle affaire personnelle vous pouvez bien faire face à ce film ou ses réalisateurs pour rédiger une critique pareille.
Victoria, vous me dévoilez les dessous de cette critique ?
Je ne sais d’où vous tirez vos préceptes, mais ils ne sont pas universellement admis : ouvrez un magazine de cinéma et vous verrez que toutes les critiques n’y sont pas positives. Pourquoi le seraient-elles ? Avoir un point de vue critique sur le cinéma, c’est aussi en rejeter une partie, parfois violemment.
Cette critique, du reste, me semble plutôt mitigée. Ce film est en effet un pur produit du cinémadôteur français dans ce qu’il a de plus ridicule, avec ses personnages bobo (toujours un prof d’université, un écrivain, un artiste parmi les personnages principaux), ses acteurs calcifiés, son faux formalisme et sa fascination pour le théâtral…
Bonjour,
Lorsque nous sommes invités à des projections presse, le moins que l’on puisse faire est de rédiger une critique, qu’elle soit positive ou non. En l’occurrence, j’ai trouvé le film emblématique d’un certain cinéma français détestable, en particulier sachant tout l’argent public qu’il draine. C’est pourquoi j’ai exposé le fond de ma pensée.
Aucune histoire personnelle avec les réalisateurs que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve. Si vous voulez le voir, ne vous en privez pas. C’est arrogant et ennuyeux à mon sens mais chacun ses goûts.
Je vous promets que j’écrirai une critique aussi la prochaine fois que je verrai un bon film. 😉
Cordialement
@ Victoria
Cela veut dire que la rubrique cinéma de contrepoints existe parce que contrepoints est officiellement invité en temps que journal d’information à des projections de films subventionnés?
Et pourquoi ne pas boycotter le cinéma subventionné et essayer de plutôt parler de celui qui est entièrement privé? Ce serait une optique plus libérale, non?
De facto, on ne parlerait plus beaucoup de cinéma français je le crains… je pense qu’il ne faut pas faire de sectarisme. De surcroît, il me semble que critiquer cette utilisation des fonds publics est également louable du point de vue libéral.
La section cinéma de CP existe certes mais elle est encore toute petite et ne demande qu’à être enrichie par les productions de critiques des uns et des autres (les vôtres par exemple ? n’hésitez pas ! ) au gré de leurs séances de cinéma. Se faire inviter (de temps en temps, rarement malgré tout), c’est aussi la preuve que Contrepoints devient un acteur vraiment reconnu de l’information dans notre pays.
@ Victoria
C’est une bonne nouvelle de savoir que Contrepoints commence à être reconnu au point d’être invité à cette projection et rend plus compréhensible la raison d’être de l’article sur le site.
Après, il ne s’agit pas de sectarisme, mais de ligne éditoriale, qui par définition est sélective.
Mais je comprends bien que les films non subventionnés et en phase avec le libéralisme ne doivent pas être très nombreux.
Contrepoints est officiellement reconnu comme journal d’information ? Qui décide des invitations ? Puisque c’est probablement un organisme public, je trouve la question pour le moins intéressante…
» Pour la première fois, j’ai bien envie d’aller voir un film à cause de sa critique négative. »
Chacun son truc. Moi j’irai le voir pour le sexe et les femmes à poil.
:-p
Bonjour Tom
Ya youporn pour cela et c’est liberhallal, c’est pas subventionné lol
Ridicule votre commentaire M’am’selle Scarlet !
Cette critique est intéressante et elle conforte l’idée que je me fais du cinéma français lourdement subventionné.
Après le film de cul « La vie d’Adèle » en voilà un autre , et avec Almaric dans le rôle d’un tombeur de jeunes filles , c’est sûr il est tellement sexy!
Moi, quand les critiques de film sont très mauvaises, vu le prix d’une place de cinoche, j’attends son passage à la télé. En général, la critique est fondée.
Bonjour Mam’selle Scarlett
C’est sûr par rapport à la manière dont les médias parlent des films (quelle est votre actualité?) vous devez être choqué du ton de cette critique négative.
Ouvrez les yeux, tout ce petit monde vivent ensemble, couchent ensemble, et vivent sur notre dos; journalistes subventionnés, cinéastes subventionnés. Regardez le festival de cannes et le panier de crabe que l’on voit.
D’autres critiques ici
http://www.senscritique.com/film/L_Amour_est_un_crime_parfait/8857795
sur ce bon site qu’est sens critique.
Ils au moins ce talent : savoir naviguer dans la maquis des subventions et être suffisamment hermétiques pour impressionner le subventionneur en chef. Et puis « les frères », c’est tellement tendance ces dernières années.
Si y’a du cul, pourquoi pas !
L’argument qu’un mauvais film augmente indûment nos impôts ne suffit peut-être pas à justifier son importance (négative) pour notre vie sur une excellente publication libérale, comme le suggère Melle Scarlet.
Personnellement, je proposerais de mieux distinguer si possible la rubrique cinéma du reste du site, dans la mise en forme visuelle. On soulignerait le fait que cela constitue un espace de détente dérégulée (c’est un pléonasme) – comme pour les excellentes caricatures de Le Honzec par exemple, et permettrait au lecteur libéral de respirer un peu du sérieux ou de l’ironie amère dont sont marqués les articles plus politiques généralement.
Ainsi, des critiques virulentes de Victoria (dont l’avatar n’est pas sans rappeler l’accroche visuelle de l’extrait sélectionné curieusement !) pour autant qu’elles soient une visionneuse assidue – ce dont je me réjouirais – passeraient bien au titre d’un reportage sur « ce dont on parle à Paris », et supporterait mieux de temps en temps ses éclats vitriolés. Pas besoin ici nécessairement de trouver chaque semaine un monument libéral / anti-libéral (c’est faute à la banalité du mal) … Pas besoin non plus de se justifier toujours d’un léger défaut d’objectivité.
D’accord avec Schirren, une catégorie à part serait aussi plus compréhensible.
Pas vu le film et pas envie d’y aller.
Cependant, il me semble que le film franchouillard laisse tomber le cadre quinqua, dépressif, cocu, pour des productions qui pourraient alimenter Tukif.
Je vais peut être paraitre ringard, mais vive « la grande vadrouille » n’en déplaise à tous nos pseudo intellectuels bobos.