Chômage des jeunes : les vraies et fausses solutions

Pour endiguer le chômage des jeunes, les emplois d’avenir ne sont pas la solution. Ce sont les pays ayant réussi à mettre en place l’apprentissage qui connaissent les plus faibles taux de chômage des jeunes.

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Chômage des jeunes : les vraies et fausses solutions

Publié le 16 janvier 2014
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Par Dominique d’Emploi2017.

chomage des jeunes

François Hollande se félicitait ces derniers jours de l’inversion de la courbe du chômage des jeunes, le nombre de jeunes chômeurs ayant diminué de 12.500 depuis avril dernier. Cependant cette inversion est exclusivement le fait des presque 100.000 « emplois d’avenir » qui ont été signés depuis novembre 2012. À long terme, seul le développement de l’apprentissage aura un effet durable sur le chômage des jeunes. Les conservateurs britanniques l’ont si bien compris qu’il constitue l’un de leurs chantiers prioritaires.

Le chômage des jeunes n’est pas un problème nouveau puisque depuis les années 1980, il n’est jamais passé en dessous de la barre des 15%, et représente aujourd’hui dans les pays de l’OCDE toujours à peu près le double du taux de chômage de l’ensemble des actifs. Ainsi, il est d’environ 26%1 en France (contre 11%2 pour l’ensemble des actifs), substantiellement plus élevé qu’au Royaume-Uni (21%) et bien plus élevé qu’en Allemagne (8%)3.

Afin de l’endiguer, près d’une vingtaine de contrats aidés différents, et plus de 80 dispositifs existent ou ont existé en France depuis les années 1975, mais malgré les milliards dépensés chaque année, ils n’ont produit aucune amélioration de l’emploi des jeunes, comme en atteste le taux de chômage et comme le note même l’OCDE. Or, loin de constituer une nouveauté, ces « emplois d’avenir » s’inscrivent exactement dans la même logique que les dispositifs du passé (emplois jeunes, contrats emplois solidarité, contrats initiative emploi, contrat unique d’insertion…), à savoir pour l’essentiel des emplois parapublics n’ouvrant nullement les perspectives du jeune4. L’émission Les pieds sur terre du 27 novembre 2013 donne le cas par exemple de deux jeunes en contrat d’avenir à la ville de Caen… en tant que balayeurs !

D’après le rapport intermédiaire de bilan de septembre 2013, près de 9 emplois d’avenir sur 10 ont ainsi été signés dans le secteur non marchand. Cela s’explique par des conditions de traitement très différentes entre les secteurs marchand et non marchand. Ainsi, les emplois d’avenir sont subventionnés dans le secteur non marchand à 75% du SMIC (soit 1.072 euros par mois) et sans condition, contre seulement 35% (500 euros par mois) dans le secteur marchand et sous conditions. Parmi ces conditions, l’employeur privé doit notamment prendre le jeune en CDI et s’engage à accompagner le jeune dans un parcours de formation pour lui permettre d’acquérir, au cours des 3 années du contrat, une qualification reconnue. De surcroît, cette aide n’est valable que dans certains secteurs.

Ces conditions particulièrement défavorables reflètent la peur des effets d’aubaine. Une économiste de l’OFCE, Marion Cochard, affirme ainsi que 80% des emplois aidés marchands sont des effets d’aubaine, c’est-à-dire que les entreprises auraient embauché de toute façon dans 80% des cas. Si le chiffre est avéré, on comprend alors que les socialistes veuillent l’éviter : l’emploi d’avenir consiste en ce cas à « faire un cadeau aux entreprises » et pire encore, a un impact quasi nul sur les chiffres du chômage suivis à la loupe par les médias.

Or, en admettant que ces chiffres soient vrais, c’est parce que ce sont majoritairement les grandes entreprises qui utilisent les emplois aidés : un rapport du CESE explique que ces dispositifs sont trop peu lisibles et trop instables pour les petites entreprises. Or, comme le montre encore dernièrement une étude de l’OCDE, ce ne sont pas les grandes entreprises qui sont créatrices nettes d’emplois mais les jeunes entreprises de moins de 5 ans. À titre d’exemple (et bien qu’il n’y ait qu’un certain degré de corrélation entre la taille et l’âge), le dispositif « zéro charge TPE », disparu dans la plus entière discrétion, a été utilisé pour l’embauche d’environ 80.000 salariés en 2012, avec une aide de seulement 195 euros par mois par salarié.

Une étude du Trésor confirme qu’à moyen terme, une politique d’allègement de cotisations sur les bas salaires5 « a fait la preuve de son efficacité » et qu’elle est « l’un des instruments les moins coûteux à moyen terme en termes de créations d’emplois dans le secteur marchand. » L’étude souligne cependant que son effet à long terme est incertain, puisqu’elle peut inciter à substituer du travail peu qualifié à du travail qualifié. Il revient à avoir des charges sociales progressives avec le degré de qualification, contrairement aux autres pays, où ces charges sont proportionnelles ou dégressives.

Contrairement à la France, l’Allemagne a mis en œuvre la logique gagnante de la qualification en mettant les entreprises au cœur du dispositif. Il y a 1,6 million d’apprentis outre-Rhin, et c’est l’une des conditions à l’existence d’une véritable industrie et de secteurs à forte valeur ajoutée, qui permettent d’exporter malgré un euro fort. Fait moins connu, depuis que les conservateurs sont au pouvoir au Royaume-Uni, une véritable révolution de l’apprentissage s’est engagée dans une logique similaire. Cette révolution fait partie intégrante du plan pour la croissance défini en 2011, dont l’un des volets principaux est d’augmenter la compétitivité de la main-d’œuvre britannique. Depuis 2010, il y a eu plus d’un million d’apprentis supplémentaires et cette évolution va encore s’accélérer avec une refonte complète du système.

Au cœur de cette réforme en cours d’expérimentation, six points capitaux retiennent l’attention et la France devrait s’en inspirer pour sortir ses jeunes du chômage :

  • Ce sont les entreprises de chaque branche concernée qui vont seules choisir pour chaque métier les compétences et qualifications à acquérir par l’apprenti.
  • Une attention particulière sera portée à vérifier que ces compétences correspondent aux besoins des petites entreprises et que le dispositif global soit facile d’accès pour elles. (En Allemagne, elles sont effectivement à l’avant-garde dans la formation des apprentis.)
  • Les centres de formation, qui sont des centres de formation privés, sont mis en compétition : ils sont choisis et reçoivent leur rémunération directement de l’employeur, qui la reçoit lui-même de l’État.
  • Les compétences acquises par l’apprenti sont évaluées de manière indépendante, afin que l’apprentissage ait véritablement un caractère diplômant, avec une reconnaissance dans tout le Royaume-Uni.
  • Le rythme hebdomadaire de l’apprentissage est de 4 jours en entreprise et d’un jour en centre de formation : il se concentre donc sur l’acquisition de compétences pratiques et non pas théoriques.
  • L’apprenti doit valider un niveau minimum d’anglais et de mathématiques avant de commencer l’apprentissage. Loin d’être anecdotique, c’est un test qui serait également indispensable en France afin de vérifier un minimum d’employabilité du jeune6. D’après le dernier rapport de l’éducation nationale sur le sujet, 30% des Français de 17 ans aujourd’hui ont des difficultés à lire un texte simple.

Comme le constate l’OCDE, ce sont les pays ayant réussi à mettre en place l’apprentissage qui connaissent les plus faibles taux de chômage des jeunes. Quand la France entreprendra-t-elle des réformes en mettant les entreprises au cœur du dispositif ?


Sur le web.

  1. Chiffres juillet 2013 de l’OCDE.
  2. Chiffres Eurostat août 2013.
  3. Chiffres juillet 2013 de l’OCDE.
  4. Pour plus de détails voir le livre Les fabricants de chômeurs de Bernard Zimmern, ou les articles de l’iFRAP sur le sujet.
  5. Exonérations Fillon : de 28% maximum sur le salaire brut (maximum pour un SMIC, dégressif ensuite) politique similaire à celle des emplois aidés marchands – 35% pour un SMIC.
  6. À titre d’exemple, un entrepreneur témoignait récemment dans Le Figaro de sa difficulté à recruter un apprenti ne parlant pas un langage « cité » et sachant compter.
Voir les commentaires (18)

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  • Ouai, au USA le chômage des jeunes est faible, et l’apprentissage n’existe pas vraiment : historiquement les américains ont toujours préféré des études généralistes permettant une bonne mobilité géographique et professionnelle, plutôt que des formations précises mais peu polyvalente.

    Je doute qu’on puisse isoler une recette miracle qui marche à tout les coups, surtout que le problème central en France c’est l’existence d’une vaste population de non diplômé parmi les jeunes, produits à hauteur de 120 000 unités par an, qui sont quasiment inemployable. Il faudrait que l’apprentissage s’adresse a eux, sachant qu’une bonne partie sont malheureusement totalement déscolarisé et désocialisé depuis longtemps.

    • Oui l’apprentissage n’existe pas aux USA mais le chômage des jeunes est faible car l’offre est plus importante que chez nous. D’une part, le coût du travail est moindre et les entreprises ont les moyens d’embaucher et de se développer et d’autre part le contrat de travail est moins contraignant. Résultat, avec ou sans diplôme, aux USA on trouve toujours un petit boulot.

      • Ouai, le taux de chômage suit la même logique au USA:
        http://www.bls.gov/news.release/empsit.t04.htm
        http://www.jec.senate.gov/public/?a=Files.Serve&File_id=adaef80b-d1f3-479c-97e7-727f4c0d9ce6
        Un ratio autour de 3 entre les taux de chômage des hauts diplômés et des non diplômées, la prime au diplôme reste importante, et l’employabilité des non diplômés faible. Le vrai problème reste, au delà de la croissance, d’éviter d’avoir trop de non diplômé.

        • Le problème c’est plutôt que les patrons n’engagent pas les jeunes car ils n’ont pas d’expérience qu’ils ne peuvent pas obtenir parce qu’ils ne sont pas engagés puisqu’ils sont jeunes et sans expériences, etc. Heureusement les jeunes patrons recrutent maintenant sur les compétences et non plus sur les diplômes 🙂

        • Si comme vous le dites
           » Il faudrait que l’apprentissage s’adresse a eux, sachant qu’une bonne partie sont malheureusement totalement déscolarisé et désocialisé depuis longtemps. »
          Quel type d’apprentissage vous comptez leur proposer? parce que cela les destine principalement à des métiers manuels souvent hélas peu rémunérés ..et peu attractifs pour ces mêmes gens.
          Vous ne ferez pas apprendre des métiers à des gens que cela n’intéressent pas.
          Autre point qui a son importance: l’état est très mauvais payeur: mon boss a mis 8 mois pour récupérer l’argent promis dans le cadre d’une AFPE et pour le bts en alternance que nous avions l’an passé on attend encore l’argent promis(depuis juin 2013)
          @Nopasaran
          « Heureusement les jeunes patrons recrutent maintenant sur les compétences et non plus sur les diplômes  »
          les jeunes patrons comme vous le dites ne regardent plusSEULEMENT les diplômes..les compétences?? vous voulez dire quoi? ce que vous êtes censé savoir faire sur votre CV?(plus ou moins arrangé pour la circonstance)..beaucoup de jeunes patrons sont plus pragmatiques ils utilisent la période d ‘essai pour testé vos compétences et SURTOUT votre motivation..c’est le plus gros problème chez les jeunes à mon avis..

          • « mon boss a mis 8 mois pour récupérer l’argent promis dans le cadre d’une AFPE » Chiale pas, ça fait moins d’un an, moi j’ai un retard de deux ans sur un financement, parce que tu comprend le FEDER a bloqué les comptes…

  • j’ai vu l’apprentissage à l’oeuvre chez FESTO en allemagne. impressionnant. cours théorique et pratique au sein d’ateliers types dans l’entreprise. On aurait d’ailleurs pu manger par terre tellement on y apprenait aussi la discipline. Les jeunes étaient encadrés par des ouvriers plus agés et qualifiés.
    Ca a l’air tellement simple….

    • Oui en France il y’a beaucoup trop de théories dans les cours c’est malheureux. Par contre je ne vois pas le rapport avec le fait de manger par terre et la discipline. La propreté à la rigueur. Ou alors vous aimez être traité comme un chien.

  • L’apprentissage est une bonne solution pour réduire le chômage des jeunes.

    Par contre, il faut aussi réduire le cout global du travail si on veut espérer que les entreprises gardent les jeunes apprentis.

    Arrivé à la fin de son apprentissage un jeune est souvent bien plus performant que quand il a débuté. Par contre, si il reste dans l’entreprise, son cout est multiplié par 4 ou 5 (hausse du salaire + charge). Même avec l’expérience, il est difficile d’être 4 ou 5 fois plus performant pour compenser.

  • J’ai 33 ans, salarié, et recherche une formation pour ce printemps. Les structures sont là, les contrats sont là. Il n’y a pas d’emplois d’avenir à créer mais des outils déjà existants à améliorer et à vendre aux entreprises et aux jeunes dès 16 ans.
    J’ai quitté le lycée sans le bac, je suis rentré dans le métier avec un cqp. Aujourd’hui je suis determiné et optimisme pour ma carrière.
    L’alternance a du bon.

  • Cette histoire d’endiguer le chômage est un lapsus, en fait notre leader Maximo, le copain de DSK, veut dire endiguer le travail, vous savez le truc pénible, stressant où on est exploité par des capitalistes libéraux facho avec un cigare entre les dents.
    He bien, Bouboulet a tenu son pari d’endiguer l’emploi, la courbe de nombre d’employé est en baisse constante.

    • Sûrement un rapport avec les cadeaux que Hollande a fais à Gattaz ces derniers jours. Et puis DSK est connu pour être anti-capitaliste et anti-travail également. Sérieusement vous vous renseignez de temps en temps ou vous ressortez juste les vieux clichés d’il y’a 30 ans ?

  • tient, j’ai appris cet aprés-midi que la fille d’un de mes collègue veut se barrer en australie, surement par amour des kangourou !

  • La différence entre les entreprises allemandes et françaises sur l’apprentissage c’est qu’en France on considère le stagiaire comme une simple MO qui ne coûte rien (ils sont rarement rémunérés) alors qu’en allemagne c’est bien dans une perspective de formation en plus d’être une MO peut coûteuse.

    • stagiaire ou apprenti? il faudrait savoir de quoi on parle…
      un stagiaire vient plutôt compléter son cursus scolaire et le plus souvent il n en a rien à foutre car il est juste de passage dans la boite ou il fait son stage..donc on lui confie le boulot en retard dont personne ne veut..Oui souvent ils ne sont pas rémunérés…en même temps mon patron doit il rémunérer des élèves de terminale ou de troisième venu faire un stage d’une semaine et avec qui il faut jouer les babysitters?

      Pour les apprentis c’est différent ils sont la à la sortie de l’école et engagés pour une période de 1 à 2 ans( payés au lance pierre durant cette période) et l’apprentissage est validé par un vrai diplôme, ils doivent s intégrer dans l ‘entreprise et les 6 premiers mois ont valeur de test car on leur confiera tout le sale boulot .

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