Par Alexis Vintray.
La Pinacothèque de Paris organise jusqu’au 16 mars 2014 une belle exposition sur le célèbre peintre espagnol Francisco de Goya (1746-1828). Sous l’angle de la modernité de Goya, l’exposition présente de nombreuses gravures et quelques tableaux qui dévoilent une pensée critique de l’ordre établi de son temps, et soulignent combien le peintre fut un véritable acteur de son temps, et non un simple témoin comme le titre de l’exposition le laisse à tort supposer.
Car, en présentant un vaste panorama des peintures mais surtout gravures de Goya, y compris ses célèbres Caprices, la Pinacothèque dévoile la richesse et la modernité des idées d’un peintre pleinement engagé dans les débats de l’époque, entre libéraux influencés par les Lumières et absolutistes.
Témoin privilégié de la cour espagnole et du pouvoir religieux, Goya a en effet, avec un style tranchant, dénoncé les abus des pouvoirs en place et plaidé dans tous les domaines pour une société plus libérale.
Inspiré par les Lumières françaises, il dénonce les excès de la religion quand elle devient superstition ou est mise au service du pouvoir temporel. Avec des gravures brutes au ton grinçant et utilisant souvent des comparaisons animales, il dénonce l’Inquisition restaurée lors du retour au pouvoir de l’absolutisme en 1814 et noblesse et religieux vivant aux frais de la population, comme dans son Caprice 42 (ci-contre). Rejetant les superstitions, il se pose au contraire en défenseur de la raison, avec la gravure universellement célèbre Le Sommeil de la raison engendre des monstres (qui illustre cet article).
Des attaques qui vaudront à l’ensemble de sa série de 80 Caprices d’être dénoncé à l’Inquisition et le mirent personnellement en danger, tout en le forçant à avancer ses critiques de façon aussi voilées que possible, avec des significations souvent énigmatiques.
Une ambivalence qu’on ne retrouve pas dans sa série Les Désastres de la guerre, sur la guerre d’Espagne, elle aussi présentée dans l’exposition. C’est là que Goya montre le plus crûment la violence, avec l’absurdité de la guerre, avec ces représentations de pendus si célèbres, ou ces gravures sur les massacres :
Goya s’aventure aussi sur les sujets de société : défenseur des femmes, il utilise à nouveau l’arme de la caricature pour dénoncer les mariages forcés entre jeunes filles et riches vieillards (ci-dessous).
Il se fait également l’ennemi de la violence de l’éducation traditionnelle, fondée en bonne part sur les châtiments corporels, pour se fait avocat de l’éducation pour corriger les défauts humains, dans la lignée des Lumières.
Autant de sujets qui rendent la visite de l’exposition passionnante, même si le grand nombre de gravures pourra en rebuter certains.
Goya et la modernité, à la Pinacothèque de Paris, 28 Place de la Madeleine, 75008 Paris.
Horaires : 10h30-18h30. Tous les jours, nocturnes mercredi et vendredi jusqu’Ã 21h. Jusqu’au 16 mars 2014.
Pour en savoir plus :
- sur les Caprices de Goya : article dédié sur Wikipédia.
- Gaspar Melchor de Jovellanos, philosophe et homme politique libéral de l’époque sur Wikibéral
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