Tout le monde est-il vraiment libéral en France ?

Il ne suffit pas, dans un pays vice-champion du monde des prélèvements obligatoires, d’envisager de baisser les charges des entreprises pour être libéral.

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Virage social-libéral (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Tout le monde est-il vraiment libéral en France ?

Publié le 22 janvier 2014
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Par Jean-Philippe Feldman.

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Le terme « libéral » était jusqu’à présent une injure, ce qui participait de l’exception française. Depuis quelques jours, à lire de nombreux journalistes, tout le monde est, peu ou prou, libéral.  Beaucoup de quotidiens parlent du « tournant libéral » de François Hollande ou de son « social-libéralisme ». Un philosophe expliquait même sur les ondes le 17 janvier que « tous les hommes politiques français sont libéraux » et qu’il n’y avait pas de honte à être libéral puisque le libéralisme était « de gauche » aux États-Unis.

Que d’amalgames ! Une clarification s’impose.

En réalité, il y a confusion habituelle entre « libéralisme politique » – revendiqué par l’ensemble des partis modérés : pluralisme, liberté de la presse, élections libres, etc. – et « libéralisme économique » – rejeté par l’essentiel des partis. La dichotomie elle-même est absurde. Le libéralisme n’est pas sécable : il s’agit d’une idéologie, au sens neutre du terme (pas au sens d’un totalitarisme selon la définition de Hannah Arendt ou du regretté Jean-François Revel), autrement dit d’un ensemble cohérent d’idées. La philosophie libérale se conjugue en diverses disciplines et l’aspect économique (le « laissez-faire, laissez-passer », qui n’a rien à voir avec le « laisser-faire, laisser-aller » que l’on brocarde !) n’est que l’une de ses dimensions.

À la base du libéralisme se trouvent les notions d’individu, de droits de l’homme, de propriété, de liberté, de tolérance. Le libéral n’est ni un esclave, mené tel un mouton par ses maîtres, ni un esclavagiste, en tant que membre de la « classe » dirigeante. Nul ne peut lui imposer ses choix de vie. Dès lors, les hommes de l’État n’ont qu’un pouvoir restreint et ils ne sauraient, quelle qu’en soit la raison, fût-elle fondée sur la règle démocratique, empiéter sur les droits et libertés des individus. Le libéralisme se manifeste donc par la loi de la séparation : séparation historique de l’Église et de l’État pour assurer la tolérance ; séparation de l’État et de la société civile, car celui-là n’a d’autre légitimité que de garantir la pérennité de celle-ci.

N’est donc pas libéral qui veut ! Il ne suffit pas, dans un pays vice-champion du monde des prélèvements obligatoires, de baisser les charges des entreprises ou d’envisager de le faire  pour être libéral. Il faut d’ailleurs insister sur le fait que les libéraux n’ont, contrairement aux conservateurs, jamais été inféodés à des lobbys, à la recherche fébrile d’une protection ou de passe-droits. Un discours libéral ne consiste pas à demander des contreparties à une baisse des charges, mais à assurer la liberté commerciale, la dérèglementation, la fin du fiscalisme, le rejet du fonctionnarisme, la concurrence, les privatisations, tout en supprimant les aides aux entreprises (serait-ce cela la contrepartie ?).

Quant à la notion de « social-libéralisme », elle n’a aucun sens, sauf à mêler la carpe et le lapin ou à parler d’un francophobe qui aimerait les Français ! François Hollande n’est donc pas libéral, pas plus qu’un François Baroin qui a critiqué l’« ultralibéralisme » des mesures d’urgence de l’UMP dévoilées au mois de décembre 2013 ou qu’une Marine Le Pen qui a fustigé l’ « ultralibéralisme » des vœux présidentiels. Finalement, pour être vraiment libéral et se distinguer des faux libéraux, en serait-on réduit à utiliser cette expression infamante d’ « ultra », renvoyant à l’extrémisme de droite sous la Restauration, puis de gauche à la fin des années 1960 et au début des années 1970 ?

Quand les mots perdent leur sens, les hommes perdent leur liberté. C’est sans doute le but recherché, au-delà de l’ignorance encyclopédique de certains contempteurs du libéralisme.

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  • Le liberalisme n’a jamais vraiment existé en France; le liberalisme , c’est faire confiance aux individus, c’est laisser les plus courageux vivre de leur gains sans avoir a les partager avec tous les assistés; le liberalisme , dans notre pays,ce serait d’ instituer un ministère dont la seule vocation serait de supprimer toutes les lois qui nous empêchent d’avancer et tous les fonctionnaires inutiles, tous les organismes « tiroirs a politiques non réelus » ; Vaste programme auquel aucun des planqués qui proffitent du système ne s’attèlera; quelles qu’en soient les conséquences pour le peuple

    • liberalavantou, « c’est laisser les plus courageux vivre de leur gains sans avoir a les partager avec tous les assistés »

      Les plus courageux et/ou les plus loups, restons réalistes et objectifs.

  • On peut aussi remarquer le changement dans le ton de la presse, après les annonces du jour de l’an, on entendait en effet souvent le mot social-libéral, puis un glissement s’est effectué entre cette date et la conférence de presse puis après ou c’était l’expression social-démocrate qui a la faveur des commentateurs. Il ne faut pas désespérer Billancourt !

  • Il y a une chose que déteste le fonctionnaire qui a abandonné sa liberté (et surtout sa liberté de réussir), c’est de voir un autre étaler la sienne.
    Il en découle non pas seulement un rejet du libéralisme économique, mais un dégoût, un écœurement du libéralisme économique.

    Le libéral n’est pas simplement exclu de la vie publique française, il est proscrit parce qu’il correspond à un miroir dans lequel le fonctionnaire ne peut supporter son propre reflet (échec).

    La détestation de l’homme libéral, en France, paradoxalement n’a rien à voir avec lui, elle n’est simplement que le transfert de regrets, d’insatisfaction, d’inconfort d’un autre qui ne peut rivaliser, et qui donc le déteste.

    Le socialisme, pour survivre, préfère casser toujours plus de miroirs plutôt que d’affronter la réalité.

    • Ces sentiments que vous attribuez au fonctionnaire (et d’où les sortez vous d’ailleurs ? De votre chapeau ou d’une analyse étayée et consultable ?), vous pourriez les attribuer plus généralement au salarié.
      Je vous rappelle que le contrat de travail, qu’il concerne le fonctionnair ou le salarié privé, est avant tout l’échange d’une rémunération contre l’acceptation d’un lien de subordination. Il s’agit donc bien d’un abandon de liberté.
      Pour autant, ne croyez pas que le fonctionnaire ou le salarié déteste celui qui réussit. bien au contraire, il lui est généralement reconnaissant du bénéfice que lui même tire de cette réussite (un emploi, un salaire, le sentiment de contribuer à son niveau à cette réussite).
      Les salariés, comme les fonctionnaires ne détestent que ceux qui étalent une richesse « mal acquise ».
      Toute la question est justement dans la définition du « bien mal acquis ».

  • Social-liberal n’a pas de sens si on rntend socialiste par « social » . C’est comme Gauche Liberal, le sens est dénaturé aujourd’hui. Alors comment appeler un libéral avec des penchants sociaux, qui s’écarte de la ligne clairement étable orthodoxe ?
    Un libéral qui est attaché à un certain concept de Justice sociale ?

    Tout à fait certain que les deux « libéralismes » sont insécables Et que Hollande est et restera un social-démocrate.

  • Bonjour
    En fait en france on est tellement étatique que l’on confond libéral et privé (médecins libéraux qui sont en fait médecins privés par exemple).
    Il ne faut pas oublier que les intellectuels sont nourris par le communisme et que ‘la grande affaire’ c’est le capitalisme (les capitaux privés).
    L’opposition c’est public/privé et dirigisme/libéralisme. On peut avoir un état libéral, c’est à dire gestionnaire neutre des affaires régaliennes.

    • C’est vous qui mélangez tout. Les mots ont plusieurs sens, et libéral peut selon le contexte n’avoir aucun rapport avec le libéralisme : l’un des premiers sens de « libéral » c’est généreux, utilisé bien avant que le terme ait un sens politique. De même l’expression les « arts libéraux » ne fait évidemment aucune référence au libéralisme !

      En l’occurrence un médecin libéral est simplement un médecin qui exerce la médecine en tant que profession libérale, concept assez ancien et qui n’a rien de spécialement français. Un médecin qui travaille comme salarié dans une clinique privée n’exerce pas en « libéral ».

  • Bonjour Arn0
    La médecine privée en France n’est pas libérale , les médecins ayant un monopole de l’exercice de la médecine, la secu ayant un monopole de l’assurance,les médecins n’ayant pas la liberté de publicité ( conseil de l’ordre .) ect.. ect..
    Donc les médecins ne peuvent être libéraux.

  • Le libéralisme sans régulation s’appelle l’anarchie !
    Dés lors que l’on dérégule, on permet au plus fort d’imposer sa volonté au plus faible et passe donc du liberalisme à la dictature individuelle.
    L’état à le devoir de définir les limites et de se donner les moyens de les faire respecter.
    Le problème aujourd’hui ce n’est pas d’avoir trop d’état.
    Le problème aujourd’hui c’est qu l’état dépense des fortunes à compenser les dégâts résultant des règles qu’il n’édicte pas ou qu’il ne se donne pas les moyens de faire respecter.
    Que l’état embauche massivement des juges, des policiers, des policier scientifiques, des greffiers, des inspecteurs du travail et des contrôleurs des impôts. Qu’il promulgue les lois nécessaires et qu’il les fasse appliquer et le marché se portera beaucoup mieux (et l’emploi par la même occasion).
    Pour parler de régulation, un seul exemple suffit à en expliquer l’utilité :
    Dans la banque, l’état à depuis longtemps fixé un taux d’intérêt maximum au delà duquel le prêt d’argent devient un délit, c’est le taux d’usure. Il ne viendrait à personne de remettre en cause cette loi qui protège le plus faible, l’emprunteur, contre l’abus de position du plus fort, le prêteur. Sans cette loi, le marché du prêt bancaire existerait-il ? Sans cette loi, le marché « tout court » pourrait-il exister ?

    Le libéralisme ne peut fonctionner qu’avec un état fort et des règles strictes. La liberté est à ce prix.

  • la france est l’un des pays les plus socialistes d’europe, il suffit de regarder les chiffres (dépenses publiques 57%, la fonction publique représente pres de 7 millions de fonctionnaires), 70 au rang des libertés économiques selon Heritage Foundation après le Cap-Vert, le Kazakhstan ou encore la Jamaïque, l’un des plus haut taux d’imposition ( la France a un taux d’imposition total moyen de 64,7% principalement constitué (51,7%) de charges sociales, le 2 plus fort taux d’imposition en europe),….. certains partis de gauche dans le reste de l’europe (spd, parti travailliste,…) sont plus libéral que l’ump. la france est championne du monde en dépenses sociales. la france possède 60 code et est ultraréglementé (plus de 500000 lois et décrets).

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Pourquoi pas les deux ? Il fut répondu [ par l’auteur de ces lignes] par la négative dans deux articles parus en 2018 à la suite de la lecture de The Rise of the Fourth Political Theory de l’idéologue et politologue russe Alexandre Douguine, lequel, émule de Heidegger et de Carl Schmitt, rejette explicitement ce qu’il appelle la démocratie libérale et le libéral-capitalisme au nom d’une forme de conservatisme basée sur les notions d’identité nationale, de sécurité, d’ordre, d’autorité, d’héritage religieux, de famille, de traditions.

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