Histoires de TVA, de déficit et de Laffer

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Histoires de TVA, de déficit et de Laffer

Publié le 23 janvier 2014
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Six mois se sont écoulés depuis l’effarante constatation de la part de Cazeneuve, le ministre en charge de ce qu’on fait passer pour un Budget en France : les rentrées fiscales n’étaient pas à la hauteur attendue. La TVA, notamment, refusait alors de se plier aux injonctions de Bercy et d’entrer à gros bouillons comme il avait été prévu dans tous ses petits calculs. L’hypothèse retenue se résumait à un mot : fraude.

Et à l’époque, à part cette hypothèse, on nageait en plein brouillard. La Tribune s’en inquiétait dans un article titré « Le mystère s’épaissit autour de la chute des rentrées de TVA », qui constatait qu’une partie de cette baisse pouvait éventuellement être expliquée par une diminution de la consommation, mais bon, l’autre restait incompréhensible sauf, bien sûr, à considérer que les entreprises s’étaient massivement tournées vers la fraude, les coquines.

bernie cazeneuve 1L’hypothèse que tous les sphincters français se referment sauvagement en prévision d’une passe très difficile fut écartée, au motif que la Courbe de Laffer, purement hypothétique et construite sur un post-it au détour d’une conversation probablement arrosée, n’est en rien une construction théorique solide et reste un truc imaginé sur le pouce. Exit donc, cette explication qui, pour rappel, veut qu’à mesure que les impôts augmentent, leur rendement diminue.

Le mois de juin s’achèvera donc sur ce constat d’incompréhension feutrée : zut, les rentrées ne sont pas à la hauteur, et on ne sait pas pourquoi, zut et zut.

Courant septembre, le montant du manque à gagner en TVA atteint benoîtement 32 milliards, chose que l’ensemble de la presse française se sera empressée de ne pas mettre en Une, occupée qu’elle est alors de savoir si les soutiens Facebook au bijoutier de Nice sont réels ou non. Et pendant que les pisse-copies comptent et recomptent les likes, la Commission européenne fait paraître un rapport qui note que le repli du rendement de la TVA est constaté sur l’ensemble de l’Europe, mais que la France se classe largement en tête de la perte constatée. Point intéressant, la Commission fournit, pour l’écart constaté, quelques explications possibles : la multiplication des faillites d’entreprise, la méchante optimisation fiscale (et la fuite des entreprises des enfers fiscaux vers les zones plus tranquilles), il y a aussi la fraude, sous diverses formes, et … des « erreurs statistiques, entre les prévisions de rentrée de TVA du ministère des Finances et la réalité », ce qui ne veut pas du tout dire qu’il y aurait un effet Laffer, hein, ouh là qu’est-ce qu’il ne faut surtout pas écrire, lire et laisser entendre !

Malgré tout, ici, je vais m’auto-citer, ce qui est assez prétentieux, mais ça me fait des gouzigous dans le ventre de constater qu’après six mois, tout se déroule comme prévu :

Psychologiquement, tout se met donc en place pour une issue dont plusieurs (moi compris) se sont déjà fait l’écho : les rentrées vont continuer de diminuer, les dépenses allant toujours bon train, le déficit va continuer de se creuser, et la brochette d’incapables et de jean-foutres au pouvoir étant toujours aussi coincés idéologiquement, la situation passera de précaire à désespérée.

bernie cazeneuve 2Parce que voyez-vous, après le rapport commandé par la Commission qui fournissait quelques pistes sur l’évaporation des 32 milliards d’euros de TVA, les chiffres dévoilés jeudi 16 janvier au soir par Bercy sur le déficit budgétaire français ne laissent aucun doute : le dérapage continue, le déficit constaté est encore une fois plus lourd que prévu. Ayant atteint 74,9 milliards d’euros, il se situe donc 2,7 milliards plus haut que celui qui avait été envisagé en cours d’année.

Ceci veut dire plusieurs choses :

D’une part, il semble évident que la maîtrise des dépenses dont on nous rebat les oreilles actuellement n’est absolument pas suffisante. En fait de maîtrise, il faudrait maintenant passer aux coupes sérieuses et profondes pour commencer à voir des résultats en terme de réduction effective des déficits. Pour le moment, encore une fois, l’année se termine avec un creusement énorme.

D’autre part, ceci veut dire que les rentrées fiscales n’arrivent toujours pas à calmer la soif du Léviathan. Très concrètement, cela signifie donc que, les dépenses ne diminuant toujours pas assez vite, l’année qui vient se traduira encore par une hausse des prélèvements. On sait déjà que, leur rendement diminuant, ce sera peine perdue, mais attendez-vous tout de même à vous prendre encore une nouvelle salve de vexations fiscales.

Et parallèlement, cela confirme bien que les entreprises font tout ce qu’elles peuvent fiscalement pour éviter la faillite. Ceci se traduit donc mécaniquement par une augmentation du noir (et des paiements en liquide, plus faciles à débarrasser de leur TVA), certes, mais aussi par cette « optimisation fiscale » (éventuellement assortie d’un déplacement hors des frontières) volontairement gommée par la dissonance cognitive de Bercy. Au passage, cette optimisation fiscale est finalement de bonne guerre : l’État fait varier les assiettes et les taux, considérant que ses revenus ne doivent pas être une part constante de l’activité et les entreprises font pareil en faisant varier la part de ce que l’État prend sur leur activité, soit en diminuant leur activité, soit en l’expatriant, soit en en cachant une partie. Eh oui : si tout le monde restait tranquille au lieu de tripoter les taux et les lois, l’insécurité fiscale diminuerait largement et les entreprises seraient nettement moins tentées de prendre le temps d’optimiser.

bernie cazeneuve 3Enfin et surtout, cela veut dire qu’encore une fois, les prévisions se sont révélées fausses. On ne peut que s’étonner que les chiffres fournis par Bercy soient aussi régulièrement faux, et toujours dans ce sens là : statistiquement, on frôle le miracle perpétuel. Cette constance dans l’erreur a quelque chose d’admirable puisqu’elle permet d’affirmer que les prochains rapports qui seront fournis à la presse seront donc aussi faux que les précédents. Vous le voyez, le gros mauvais dérapage des finances publiques de 2014, encore plus loin, encore plus fort ?

Quoi qu’il en soit, on apprend tout de même que par un coup du sort assez extraordinaire (des miracles à la pelle, je vous dis), les recettes de TVA sont en revanche un peu meilleures que prévues (600 millions tout de même), recettes que le gouvernement met sur le compte d’un regain de consommation des Français. Bien sûr, ce regain n’est corroboré par aucune statistique solide ou impression d’ensemble (et, aux dires des commerçants, c’est plutôt le contraire), et les prévisions de croissance ont bien du mal à accréditer les thèses du gouvernement, mais baste, passons : la TVA rentre maintenant à grosses brouettées.

point clouseau

Immédiatement, tous les journalistes économiques que compte le pays se sont empressés de confirmer la provenance de ces rentrées inopinées d’autant qu’elles se sont concentrées dans les 3 ou 4 derniers mois de l’année, alors qu’il y avait avant un manque à gagner conséquent… Ah tiens non, finalement, tout le monde s’en fiche : Bercy nous indique avoir dégoté 600 millions de TVA en surplus après les trois quarts d’une année catastrophique, et tout le monde estime que c’est correct et normal, n’en parlons plus.

Si, en prenant un peu de recul, cette soudaine amélioration des rentrées de TVA ne vous paraît pas très crédible, c’est sans importance : il faut bien comprendre que le but n’est en rien de convaincre le citoyen/contribuable français, mais de fournir une fumée statistique crédible et assez camouflante pour que le reste du monde, à commencer par l’Europe, continue à croire au mirage français, parce que si jamais les investisseurs institutionnels font mine d’hésiter à y croire, les finances publiques du pays partiront immédiatement pour une séance de montagnes russes mémorables.

Pour résumer, oui, il semble évident que les déficits ont dérapé. Mais, après élimination des causes peu crédibles, c’est simplement la faute à Pas De Chance. Les chiffres prévisionnels étaient encore une fois faux, mais c’est décidément la faute à Pas De Chance. Quant au rendement négatif à l’augmentation des impôts, cela n’a rien à voir avec la courbe de Laffer. C’est, évidemment, la faute à Pas De Chance.

Décidément, ce pays n’a pas de chance.

hollande le changement cest pas de chance
—-
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  • Merci, ça fait sourire, c’est déja ça par ces temps de disette.

  • Oui, pas de chance pour nous….reste une tripoté d’escrocs au pouvoir avec des biftons plein les poches. Escrocs rémunérés pour nous faire chier jusqu’au bout. Nous ruiner le pays, nous emmerder avec des lois et des taxes…non, vraiment pas de chance.

    Je me demande ce qui me retiens:

    La peur, l’ignorance, l’imbécilité, la fainéantise, la pauvreté, la désinformation, la natation dans les contraintes administratives et les taxes. La peur de me retrouver en prison pour m’opposer à cette dictature ignoble.

    H16, recrutez plus de rouge, au moins avec eux on peut faire de bonnes révolutions en gardant les doigts propres ! Malin d’utiliser le système pour son auto destruction. Il faudrait inventer une sorte de virus politique, avoir une taupe, enfin n’importe quoi. Mais vite !

    • Oui, tout à fait d’accord avec vous Golum:
      Tout le monde se retient pour les raisons indiquées par vous.
      En plus, chacun a quelque chose à perdre car, au fond, nous sommes tous des nantis, même « les pauvres » allez. Alors, si l’on compte seulement sur nous, les français, il faut être objectif, ce pays est foutu. Ce ne sont pas les résistants qui ont sauvé la France en 40. Il faut un événement extérieur pour renverser la table.
      Sœur Anne ne vois-tu rien venir?

  • A quand un article sur les pays ou il fait bon vivre ou s’expatrier?

  • je l’aurais parié en lisant qu’un article de ce genre était paru dans « la tribune »(qui fut un journal économique)l’auteur de l’articulet n’est autre que l’inévitable yvan best(le maxi best of french journaleux avec du bon gras qui coule de partout)mais bon,c’est un journal ou je ne m’égare plus depuis longtemps

  • Un pouvoir socialiste qui ment et truque les chiffres ?????

    ….ah, mais c’est tout ce que le peuple qui l’a porte au pouvoir merite.

    Aucune surprise, ni injustice.

    Serrez les poings, serrez les dents et serrez les fesses ,…..jusqu’en 2017 maintenant !!!!

  • Avérer signifie être vrai.
    S’avérer faux est un contre-sens. Il faut écrire se révéler faux.

  • Je fais partie de cette race honnie de retraités de l’Etat, mais oui, j’étais contractuel de l’Etat ! La prochaine étape la plus plausible pour Moscou-vichy (ce sobriquet n’est pas de mon invention mais celle d’un internaute anonyme) sera de diminuer les retraites, surtout s’il prend exemple sur la Grèce, le Portugal et l’Espagne (entre 15 et 40 % de baisse). Les retraités votent déjà pour la plupart à droite, rogner leur retraite de 10 % ne changera pas fondamentalement leur opinion politique mais ça permettra à l’Etat de réaliser de substantielles réductions du déficit. Je laisse à d’autres lecteurs et collaborateurs de Contrepoints de faire le calcul mais à vue de nez (pas très creux) environ 4 milliards par an. Puis viendra la réduction des salaires de la fonction publique, surtout si la France prend exemple par exemple sur la Californie et aussi les trois pays européens déjà cités. En Californie les employés de l’Etat ont vu en 2009 leur traitement diminuer de 40 % (au moins pour les mieux payés) ! Mais il y a un gros hic, les fonctionnaires et assimilés votent à gauche pour la plupart, donc Moscou-vichy n’y touchera qu’après les élections locales.
    Sans ces deux premières mesures (et il y en aura d’autres) l’Etat va inexorablement au défaut et donc à la faillite et ce sera alors bien pire : la révolution …

    • La technique de l’Etat pour ne pas payer ses fonctionnaires mais les faire bosser quand même :
      – Le 30 juillet, un décret de rien du tout offre une bonification des primes si elles sont transformées en capitalisation retraite avec un nom ronflant. Les fonctionnaires ont jusqu’au 31 décembre pour refuser. Dans la torpeur des ponts estivaux, les rares qui sentent le piège d’une petite phrase de l’article 19ter, sont marginalisés par le miroitage de la bonification.
      – Le 1er janvier tous les fonctionnaires qui n’ont rien dit basculent dans le nouveau régime avec une royale prime de 73 centimes.
      – En avril des primes commencent à être payées en retard, puis plus du tout (bug de logiciel).
      – Au bout d’un an, les fonctionnaires ont quelques milliers d’euros en attente.
      – Puis le gouvernement annonce que conformément au décret du 30 juillet, les primes sont devenues capitalisation qui leur sera payée le jour de leur retraite. Gentil cadeau pour les futurs gouvernements.
      – Les fonctionnaires qui démissionnent perdent leur droit à ce capital, selon l’article 19ter…
      Oui, ça s’appelle du vol, mais c’est légal si c’est voté par les députés.

      Que les fonctionnaires ne se fassent pas d’illusions. Plus que tous autres, ils sont dépendants de l’Etat. Or quand quelqu’un dépend à 100% d’un autre, celui-ci a un droit de pression exorbitant, il peut le convoquer pour demain matin avec une plume dans le cul, tout ce que le dépendant peut espérer, c’est choisir la couleur de la plume. Mais doit se pointer à 8h le popotin en éventail, faire la queue jusqu’à 16h, obéir et subir.

      Pour les autres (et eux aussi), diversifiez-vous. Professionnellement, géographiquement… n’ayez aucun domaine où vous n’avez qu’un seul fournisseur (au sens le plus large du terme). Vous devez pouvoir en envoyer promener un et continuer à vivre avec les autres.

      • oui, il ne faut jamais mettre ses oeufs dans le mème panier: c’est pour cela qu’un grand nombre d’emplois fict… ho pardon, de fonctionaires travaillent au noir à coté de leur  » boulot « …

        on dit aussi  » qui est pris n’est plus à prendre « , c’est pour ça qu’ils ont souvent deux ou trois maisons …

  • « Cette constance dans l’erreur a quelque chose d’admirable »
    Il y a un personnage dans Achille Talon qui se nomme Marquis Constant Danlayreur…
    Hors-sujet, mais bon ça m’a fait rire…

  •  » la courbe de laffer  »

    hollande l’ a fait… avec julie !

  • L’affaire Laffer ou, quand l’économie sombre dans le politique. D’un point de vue théorique ça m’a l’air très intéressant de cherchez à comprendre pourquoi on arrive pas à mettre cette courbe en évidence, sans doute est-ce parce que c’est la porte vers de nouvelle découverte en économie. Mais le problème de Laffer c’est qu’il est au milieu du bataille politique façon procès du singe. Ma formation scientifique m’empêche de comprendre comment Laffer pourrait être faux, mais on peut toujours rêver. Je n’ai jamais entendu d’argument théorique à l’encontre de Laffer, mais ce serait intéressant d’en tenir un bestiaire.
    Souhaitons pour 2014 une économie moins politique et pleine de découverte!

    • Eh oui, c’est comme ça, l’économie. La courbe de Laffer est indémontrable en théorie mais elle est systématiquement vérifiée en pratique. C’est d’ailleurs l’inverse avec le socialisme : c’est une merveilleuse construction théorique qui finit toujours en catastrophe lorsqu’elle est mis en pratique, dans le mensonge, la ruine et le meurtre de masse.

    • On représente trop souvent la courbe de Laffer comme une courbe en cloche bien régulière et symétrique. Rien ne prouve qu’elle a cette tronche.
      Elle peut monter régulièrement jusqu’à 99,999% puis s’effondrer d’un coup.
      Ou comme le peak-oil passer par un plateau ondulé, dans une vague sinusoïde avec maximum locaux, d’amplitude variable, selon une multitude critères.

      • peak-oil, ou l’art de flinguer sa crédibilité en utilisant une théorie sans validation expérimentale en la faisant passer pour une certitude.
        Soit dit en passant, le géniteur de cette théorie n’a jamais parlé de plateau ondulé, banane !

        • Tien encore un partisan du pétrole abiotique?
          La courbe de Laffer est sans doute fausse dans sa représentation, mais il est logique que le rendement de l’impôt baisse au delà d’un certain seuil. Même les keynésiens l’admettent quand ils soutiennent le déficit publique pour recréer de la croissance.

  • « Bercy nous indique avoir dégoté 600 millions de TVA en surplus après les trois quarts d’une année catastrophique, et tout le monde estime que c’est correct et normal, n’en parlons plus. » Il y a bien eu un rebond de la consommation: certains ménages ont fait des gros achats avant l’augmentation de la TVA, notamment dans l’automobile (anticipant aussi l’augmentation du malus par la même occasion). Evidemment que ces achats anticipés vont se traduire par un atterrissage durant le premier trimestre 2014.

    • Ce n’est pas tant le fait d’avoir « trouvé » 600 millions qui est étonnant que le fait qu’avant cette trouvaille, on constatait un déficit de TVA bien plus gros que 600 millions. Ce qui fait un mouvement de balancier très important, en quelques mois. C’est, disons, douteux.

  • je suis industriel ,j ai des choses vendre a 10 euros aux usa,elles me reviennent a 3€ ,si je les vend direct,benef 7€ ,l etat m impose sur 7€ ,je les vends 3€15 a ma filiale installee dans un paradis fiscal,donc impose sur 0,15€ ,c est pas cher et du paradis fiscal je les revends a 10 euros,c est tout benef…merci les paradis fiscaux !!

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