Vincent Ricordeau, co-fondateur de la plateforme de financement participatif KissKissBankBank a publié cet été chez Fyp Crowdfunding, le financement participatif bouscule l’économie ! Préfacé par Joël de Rosnay, ce court ouvrage propose un panorama du financement participatif en France et dans le monde, doublé d’une analyse du marché et de ses perspectives, par l’un de ses entrepreneurs pionniers.
Par Flore Berlingen
L’ouvrage de Vincent Ricordeau s’ouvre assez logiquement sur un panorama du marché du crowdfunding sous toutes ses formes, via une sélection des données de l’étude annuelle de la plateforme Crowdsourcing.org. Des chiffres et une segmentation de marché retranscrite ci-dessous sous forme de schéma, en suivant la sélection et typographie de Vincent Ricordeau.
Cette première partie apprendra peu aux porteurs de projets qui ont déjà exploré les différentes possibilités de financement participatif. Aux néophytes, elle donne une vision dynamique du marché, à la subjectivité non dissimulée — Vincent Ricordeau ne croit pas en certains de ces modèles, notamment celui de la coproduction (ou financement contre royalties), qu’il juge “contestable”.
Quelques caractéristiques sont au contraire mises en avant : le rôle de média et de sélection – gage de crédibilité – que jouent les plateformes, ou encore le “renversement de la pyramide des valeurs” qu’entraîne la non-différenciation des projets amateurs et professionnels, mis sur un pied d’égalité vis à vis des internautes.
Le crowdfunding est bien le rejeton du web social
Le crowdfunding, source de financement mais pas que
À la présentation macro-économique de la première partie de l’ouvrage s’ajoute une originale analyse “micro”, quasi psychologique, de l’effet des campagnes de crowdfunding et de leur portée émotionnelle (positive comme négative) tant pour les porteurs de projets que pour les contributeurs. La vraie valeur ajoutée du crowdfunding par rapport aux financements traditionnels serait l’effet booster émotionnel et relationnel qu’il crée.
Venus chercher de l’argent, ils repartent chargés d’un bagage plus subjectif et plus émotionnel : une confiance en soi décuplée et la sensation d’un optimisme partagé
C’est cette troisième partie qui pourra intéresser les porteurs de projets qui y trouveront des éléments de préparation et de compréhension du déroulement normal d’une campagne — la “ligne dramaturgique” de toute collecte — et de ses effets. On y apprend par exemple qu’aux campagnes réussies et intenses en interactions succède parfois un épisode dépressif pour les porteurs de projets.
Ce chapitre nourri de l’expérience d’accompagnement des porteurs de projets se termine sur une longue citation de Jeremy Rifkin à propos de l’empathie. Au terme de la lecture, on espère la publication prochaine d’une somme plus complète et fouillée, étayée de travaux sociologiques sur les effets “extra-financiers” du crowdfunding.
Interactions avec le financement traditionnel
Les analystes du mouvement de l’économie collaborative dans sa globalité et de ses interactions avec l’économie “classique” trouveront dans la deuxième partie de l’ouvrage la vision d’un entrepreneur sur la complémentarité et concurrence des deux modèles, dans son secteur.
Vincent Ricordeau voit une complémentarité dans les prises de risques et les intérêts respectifs de la finance traditionnelle et de la finance participative :
Les sociétés qui trouvent le moins de soutiens auprès des investisseurs traditionnels séduisent davantage les internautes
Celles par exemple qui présentent un risque important mais de grands bénéfices sociaux potentiels, comme dans le secteur de la santé. Il reconnaît pourtant un “avantage concurrentiel” à la finance traditionnelle, celui des montants beaucoup plus importants mis en jeu et regrette les limitations réglementaires aux formes de crowdfunding les plus entravées (prêt à intérêts, investissement en capital).
S’il ne voit pas pour l’instant de concurrence entre les deux modèles se dessiner côté crowdfunding non spéculatif (don, don contre contreparties et prêt solidaire), la forte croissance annoncée du secteur spéculatif et des investissements comme celui de Google dans les « Lending clubs » étasuniens lui font penser qu’elle pourrait y apparaître rapidement :
Si les mastodontes du web commencent à vouloir devenir les banques de demain, alors les rapports de force vont changer
Dans l’immédiat, il décrit pour les startups, une nouvelle chaîne de financement dans laquelle se succèdent les deux modèles : c’est le recours au crowdfunding dans la phase d’amorçage des projets, et pour “valider le modèle” qui permet d’attirer l’attention des business angels, puis, dans le temps du développement et de la croissance, celle des fonds d’investissement traditionnels.
On aurait aimé voir illustré d’exemples ce nouveau schéma, mais la brièveté de l’ouvrage sans doute imposée par l’éditeur ne semble pas le permettre. Le format très court (celui d’un cours ?) de cette collection en partenariat avec l’ISG est agréablement digeste, mais il limite évidemment un peu la portée de l’ouvrage. Vincent Ricordeau et son équipe trouveront je l’espère une autre occasion éditoriale de développer leurs idées et partager leur expérience… ou la financeront par crowdfunding ?
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Crédit photos : CC Nicolas Berat.
Sur le web (article sous licence CC by-sa)
Il faut parler anglais pour commencer à comprendre la détresse que j’éprouve devant le crowdfunding en France. Car je pense que ce modèle ne fonctionne pas du tout ici comme aux USA.
Bercés de social, d’art et de bénévolat, les projets des Français sont du domaine du hobby, là où les projets dans les pays anglo saxons sont des projets d’innovation. C’est à croire que les Français sont incapables d’innovation…
Les montants levés outre atlantique sont souvent à 6-7 chiffres, mais rarement à plus de 3 chiffres en France. C’est 3 ordres de grandeur d’écart !
Mais cela se comprend : il y a une différence entre vouloir faire financer par les autres ses petits projets perso, et avoir la créativité de répondre à un besoin qu’éprouve le plus grand nombre.
Les américains sont 5 fois plus nombreux que nous, certes, mais cela n’explique pas un écart de 3 ordres de grandeur des financements…
Reste une possibilité : personne n’innove en France… car les Français qui veulent innover ne le font pas ici.
Au final, qu’a-t-on en France ? des plateformes de crowdfunding qui gagnent un peu d’argent avec des projets qui doivent être à 50% (ou +) financés par la famille et les amis… Je pense qu’on est loin de la révolution qui s’opère aux USA.
Merci l’Etat, les Français ont bien retenu la leçon. L’argent, c’est Mal.
Bien d’accord avec vous
Bonjour,
Merci de vous intéresser au crowdfuding. Un nouvel ouvrage sur le sujet est une bonne nouvelle.
En effet, le crowdfunding se présente sous de multiples formes qui n’ont rien à voir : le don est très différent de l’équity (prise de participation au capital d’une PME ou startup)…
La nouvelle réglementation devrait permettre de libéraliser un peu plus le secteur… rendez- vous fin S1-2014 pour les lois sur le sujet !
« La nouvelle réglementation devrait permettre de libéraliser un peu plus le secteur » …
c’est un pronostic ou un vœu ?
Parce que clairement dans les « hautes sphères », ce qui est envisagé c’est tout le contraire d’une libéralisation.