Par Nick Gillespie, depuis les États-Unis.
Un article de Reason.
Qu’est-ce qui a tué Philip Seymour Hoffman ? Pas l’héroïne, mais le libéralisme !
Le chroniqueur conservateur de Breitbart.com Ben Shapiro, diplômé de droit à Harvard, assume fièrement son penchant socialiste qu’il distille dans à peu près tout ce qu’il écrit. Il écrit ainsi dans le National Review Online :
La fatale autodestruction de Philip Seymour Hoffman est une nouvelle marque de cette culture progressiste destructrice qui domine à Hollywood, encourageant plutôt que prévenant la disparition de certains de ses talents majeurs. Le libéralisme devient libertinage sans une puissante force culturelle pour contrebalancer le penchant pour le péché, et Hollywood ne possède pas cette puissante force. En fait, ce que Hollywood demande est davantage d’avilissement, moins de spiritualité, moins de principes et moins de normes.
Personne ne sait quels démons tourmentaient Seymour Hoffman. Cependant, sans une solide structure morale soutenant les acteurs de Hollywood qui possèdent tous les privilèges financiers et artistiques, le chemin vers la destruction est bien trop aisé.
Pour lire l’article en question (en anglais), suivez ce lien.
Ce que Shapiro sous-entend ici, c’est que le libéralisme se trouve à la racine de l’overdose de Hoffman. Ce n’est pas seulement grossier ou en totale contradiction avec la vie, les opinions ou les circonstances de la mort de l’acteur. Cela n’a simplement aucun sens.
Que signifie libéralisme dans ce contexte ? Est-ce la liberté de se promener dans les rues de Manhattan et d’acheter des stupéfiants au marché noir ? Une philosophie ou un principe identitaire adopté par les habitués du Studio 541 que furent sans nul doute Milton Friedman, Friedrich Hayek et, occasionnellement même William F. Buckley du National Review, justement ? Naturellement.
Si Shapiro avait réfléchi ne serait-ce qu’une minute avant de sortir sa macro « indignation », il aurait pu se demander quelle politique publique en matière de lutte contre la consommation de stupéfiants aurait pu produire de meilleurs effets. D’une manière générale, les gens rencontrent déjà beaucoup de difficultés pour admettre des problèmes de consommation de substances illicites sans avoir à admettre qu’ils sont aussi des criminels. Peut-être que légaliser ou, tout du moins, décriminaliser la consommation de drogue pourrait mener à un environnement dans lequel cette consommation serait réduite de concert avec la disparition des effets néfastes du marché noir engendrés par la prohibition. C’est en tout cas ce qu’un autre conservateur de Harvard, le sénateur texan Ted Cruz, estime en revanche mériter discussion (voir la vidéo plus bas).
À la suite d’une première version de cet article, nous avons reçu une réponse par email de Ben Shapiro :
J’ai apprécié votre critique…
Cependant, j’estime que c’est une mauvaise interprétation de mon point de vue. Ce que je voulais exprimer au sujet du libéralisme n’est pas que la guerre contre la drogue est la solution aux problèmes liés à la consommation de stupéfiants (comme vous le savez, j’ai ouvertement soutenu la décriminalisation de la consommation de marijuana). Je n’avais pas non plus l’intention d’accuser le libéralisme. En effet, je voulais souligner le faux libéralisme de Hollywood qui n’est que libertinage. Le libéralisme en appelle à la responsabilité individuelle ainsi qu’aux institutions culturelles ayant vocation à encourager les comportements vertueux. Les gauchistes de Hollywood n’attendent ni l’un ni l’autre et encouragent la consommation de drogues d’une manière à la fois ouverte et sous-entendue.
Comme Jacob Sullum l’a souligné hier, malgré toutes les alertes sur l’essor de la consommation d’héroïne, les faits réels montrent que cet essor n’existe pas, ni à Hollywood (sorte d’état d’esprit qui recouvre l’intégralité des États-Unis puisque Hoffman est mort dans son appartement de New-York) ni nulle part aux États-Unis.
Vous pouvez regarder l’interview télévisée de Ted Cruz sur Obama et sa politique de lutte contre les stupéfiants (en anglais).
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Sur le web.
Traduction : Victoria Melville/Contrepoints.
- NdT : Le Studio 54 était un boîte de nuit de New-York d’avril 1977 à mars 1986, connue pour avoir réuni les plus grandes stars de l’époque mais aussi pour avoir été un temple de débauche et notamment de consommation de substances illicites. ↩
Encore une confusion entre libéralisme américain(=progressisme, »de gauche » quoi) et libéralisme à l’européenne,qui a une acception claire en économie,mais qui pour les moeurs regroupent des progresseux,des conservateurs ou des parfaitement réacs.
Bonjour,
Effectivement, dans l’article original, il est bien précisé que Philip Seymour Hoffman était libertarien mais par souci de lisibilité pour le lecteur français, on a traduit en libéral. Il n’était pas liberal au sens américain, cependant.
Cordialement
Philip Seymour était libertarien?
Merde alors, déjà qu’ils sont pas nombreux les acteurs libertariens, s’ils meurrent en plus…
« Les vices ne sont pas des crimes » Lysander Spooner (1er libertarien « officiel »)
Heureusement que le regretté Philip Seymour Hoffman n’est pas mort dans un accident de voiture, au cours d’un grosse tempête ou brûler vif parce que son robinet d’eau avait pris feu…
M’enfin, il faut bien que les journalistes noircissent du papier.
Le libéralisme ne dit pas qu’il faut se droguer, il dit que l’Etat n’a pas à dire aux gens s’ils doivent se droguer ou non, ni le leur interdire ou les y obliger.
Encore un chroniqueur qui n’a rien compris et qui croit être plus cultivé que les autres.
N’est-ce pas une fois de plus un cas de confusion causé par le fait que « libéralisme » en anglais signifie « socialisme » ?
Je me sens pour ma part en phase avec Shapiro: Le socialisme est foncièrement nihiliste, et l’auto-destruction voire le suicide (ou la dénatalité) en sont des corollaires logiques.
Le libéralisme responsabilise, le socialisme vise le contraire et laisse l’homme désemparé.
Non non, ce n’est vraiment pas le cas. Le terme original était libertarian et non liberal qui a donc été traduit par libéral mais qui aurait pu être traduit par libertarien. Il n’était pas liberal au sens américain.
La réponse de Ben Shapiro a le mérite d’être claire et honnête.
Excusez-moi mais je ne comprends ni votre analyse ni la réponse de Mr Shapiro.
C’est sans doute une façon de penser très occidentale de penser que le problème de la drogue sera réglé soit par la lutte, soit par la dépénalisation.
Comme toujours, on s’intéresse aux symptômes au lieu de nous interroger sur les causes du phénomène.
Les drogues servent entre autre à échapper à une réalité sociale difficile… En d’autres termes, il ne suffira pas de mettre un pansement sur le bobo pour voir les overdoses disparaitre demain, mais plus sûrement d’essayer de soigner la société dans sa globalité.
« Libertarianism becomes libertinism »
Lorsque l’on tient une phrase choque pareille et qu’on se sent l’ame d’un poete il faut s’en assurer la paternité coute que coute. Ici l’opportunité était trop belle pour la laisser filer.
Le reste de l’article de Shapiro ne sert qu’à porter cet énorme effet de style. La réponse de l’auteur (Ben Shapiro) le prouve bien d’ailleurs. Chapeau l’artiste.
* phrase choc (my bad)
Bof. Un conservateur de plus qui drague avec le libéralisme économique mais qui au fond ne défendra jamais la liberté pour ce qu’elle est.
Eh puis comme souligné par Reason : mettre cette mort sur le dos des « gauchistes » friqués d’Hollywood alors qu’il est mort à NY relève du pur délire paranoïaque. J’aurai au moins appris que ce grand acteur affichait des convictions libérale. On ne le regrettera que d’autant plus.