Maroc : la taxe controversée

Décidé à appliquer une taxe sur les billets d’avion, le gouvernement Benkirane risque de se tirer une balle dans le pied.

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Maroc : la taxe controversée

Publié le 7 février 2014
- A +

Par Hicham El Moussaoui, depuis Beni Mellal, Maroc.
Un article de Libre Afrique.

Le gouvernement Benkirane est décidé à appliquer la taxe sur les billets d’avion (100 dh pour la classe économique et 400 dh pour les autres catégories), dès avril prochain. Une taxe, nous dit-on, qui sera à moitié affectée à la promotion du secteur touristique et l’autre moitié ira alimenter le fonds d’appui à la cohésion sociale. Une intention somme toute louable, qui risque néanmoins d’avoir plusieurs effets pervers.

Au niveau microéconomique

Le gouvernement marocain semble oublier que la demande de billets d’avion est élastique, c’est-à-dire très sensible aux variations de prix. Autrement dit, une petite variation du prix entrainera une chute importante en volume du trafic aérien et touristique. D’après l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA), la taxe pourrait entrainer une baisse de 2,3% du nombre de touristes arrivant par voie aérienne au Maroc.

Cette taxe va renchérir le coût du voyage, ce qui va réduire la rentabilité pour les compagnies aériennes, surtout les low cost. Le ministre marocain du tourisme se dit sceptique quant à l’impact d’une taxe de 9 euros, mais qui compte quand on sait que des compagnies low-cost vendent des billets à 30 euros. C’est un non-sens surtout dans un contexte d’exacerbation de la concurrence mondiale. Cela va empêcher le Maroc de profiter de l’absence d’instabilité dans les pays voisins et concurrents dans la région MENA (Tunisie, Égypte). Si le Maroc peut encore faire valoir sa stabilité, l’introduction de cette taxe réduira son attrait aux yeux des touristes européens, dont le coût est devenu désormais un critère déterminant dans leurs choix de destination. C’est d’autant plus vrai que les principaux émetteurs de touristes vers le Maroc sont européens, essentiellement des pays de l’Europe du Sud (France, Espagne, Italie), dont les économies sont en crise et leurs citoyens en difficultés financières. Aussi, rappelons qu’une des forces relatives du Maroc vient de la compétitivité des prix : le pays se classe au 61e rang pour le niveau des taxes sur les billets d’avion et des redevances aéroportuaires. Dès lors, il ne sera pas étonnant que la compétitivité de la destination soit impactée négativement.

Aussi, cette taxe va modifier la structure du marché  et pas toujours au profit des compagnies nationales. D’abord, dans le sens où les compagnies nationales seront pénalisées par cette taxe, notamment la RAM et Air Arabia. En effet, si les deux compagnies les plus exposées à cette taxe ne la répercutent pas à cause de la rude concurrence étrangère, elles devront supporter l’équivalent du supplément de taxe sur les prix des billets. Cela ne sera pas sans conséquence sur leur trésorerie et les handicapera dans leur marche vers le seuil de création de valeur permettant de couvrir les coûts de capital et de générer un développement économique viable pour le secteur. Ensuite, des compagnies étrangères programmant des dessertes à partir des aéroports marocains pourraient retirer la destination marocaine de leurs plannings. D’ailleurs, la suppression de lignes reliant Tanger et Fès à certaines villes européennes, annoncée par certaines compagnies aériennes étrangères en réaction à la taxe aérienne, vient d’être contrebalancée par l’annonce de la RAM de son repositionnement sur les deux villes afin de maintenir la desserte des deux destinations. D’aucuns diront que cela profiterait aux compagnies nationales, mais il n’est pas sûr que cela profitera aux clients, qu’ils soient locaux ou ressortissants étrangers. Bref, cette taxe est une pénalité aux compagnies nationales et une barrière à l’entrée pour de nouveaux voyageurs potentiels. Cela va exactement à l’encontre de la vision 2020 du plan sectoriel de tourisme qui prévoit l’attraction de plus de compagnies pour faire baisser le coût des voyages et attirer le maximum de trafic pour les aéroports marocains, un doublement de la taille du secteur en nombre d’arrivées, et un triplement des recettes, positionnant le pays parmi les 20 meilleures destinations.

Au niveau macroéconomique

Le recul du trafic aérien qui résultera de cette taxe impactera bien directement le secteur du transport aérien en premier, mais aussi le secteur touristique qui en dépend. Une aberration quand on connait le poids du tourisme dans l’économie nationale (7% de la richesse nationale, deuxième plus gros employeur et deuxième source de devises) et surtout les faibles perspectives de croissance attendue pour l’économie marocaine en 2014.

En voulant imposer cette taxe, le gouvernement risque de se tirer une balle dans le pied car non seulement il va impacter négativement la croissance et les emplois (Selon les estimations de l’IATA, l’instauration de cette taxe se traduira par un manque à gagner de 1,1 milliard de dirhams et menacerait près de 13.000 emplois), mais aussi va entacher son image auprès des investisseurs potentiels qui voient dans le Maroc une hypothétique plate-forme, depuis et vers l’Afrique. Le coût de la logistique, en l’occurrence aérienne, est parmi les critères déterminants que le Maroc pourrait faire valoir pour attirer de nouveaux investisseurs. Seulement cette taxe va à l’encontre de cette logique. Car si le Maroc veut vraiment développer son économie il doit éliminer ou du moins réduire les taxes et les redevances sur le transport aérien. Cela renforcera la compétitivité de la destination Maroc à tous points de vue, afin d’attirer non seulement des touristes mais aussi des investisseurs  créateurs de richesse et d’emplois. Et c’est là la vraie solidarité, offrir des emplois aux Marocains, et non pas prélever des taxes dont l’affectation est toujours entachée de détournements et de gaspillages.


Sur le web.

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  • ou c’est sur le touriste qui paye sa semaine admettons entre 500 et 1000E ne peut pas payer 9 E de taxe … non c’est un manque de liberté ..

    • Vous avez raison. Toute augmentation de prix n’est pas forcément une catastrophe. Il faudrait voir quelles sont les autres taxes et comparer le prix total du billet avec les autres destinations possibles pour les touristes européens.

      Je trouve juste curieux que l’on taxe les avions pour soutenir le tourisme. Il y a comme une contradiction dans les termes. Mais il serait intéressant de voir en quoi consiste exactement ce soutien, pour se faire une idée plus juste.

    • Ce n’est pas un manque de liberté c’est une grosse connerie : taxer le billet d’avion dans le but de promouvoir le tourisme est un non-sens économique absolument incroyable. Sauf si le gouvernement pense que les touristes viennent à la nage…

    • Une taxe qui existe auusi en France ( origine / mandat de Chirac ) ….Quelqu’un sait-il comment cette manne ( on parle de 150 millions de $ par an ) est-elle gèrée ?

    • pierre: « ou c’est sur le touriste qui paye sa semaine admettons entre 500 et 1000E ne peut pas payer 9 E de taxe … »

      -D’une part c’est un obstacle sur le tuyau qui t’amène de la richesse, c’est une idée débile.
      -Le Maroc ne doit son attractivité touristique qu’aux très bas prix pratiqué. Chaque augmentation rend donc d’autres destinations plus attractives. C’est un arbitrage que les clients vont faire et qui se jouent parfois à quelques euros.
      -Jamais aucune taxe ne baisse.
      -Qui te dis que c’est la seule taxe que compte mettre en Å“uvre le Maroc et que le surcout se limite à 9 euro ?
      -Au final comme tu auras moins de richesses tu auras plus de dépenses (sociales & administration), les effets s’additionnent dans une spirale infernale. (Lente au début mais en accélération)

      C’est exactement ce raisonnement que « chaque brique n’est rien » qui fait que tu te réveilles un jour avec un mur devant toi. Tu peux reprendre les articles de journaux Français sur les nouvelles taxes des 20 dernières années, à leur introduction on nous sort le même argument. 5, 10 ans plus tard la musique est bien différente. Autant Il est souvent difficile d’introduire une nouvelle taxe, autant l’augmenter est très facile.

      • D’ailleurs à ce sujet Heinlein dans une nouvelle avait prôné en parlant de taxes & régulation la formation de deux ministères:

        Un chargé d’instaurer loi et taxes qui auraient requis une majorité de 2/3 pour que les mesures soient adoptées. Un chargé de SUPPRIMER, les lois et taxes « inutiles » avec une majorité requise d’un tiers.

        Quand on voit ce que la France a empilé comme taxes & législation depuis un siècle, on se dit que voici une idée essentielle. Seule resterait ou passerait les mesures réellement solides et indispensables.

  • Puisque les français l’ont fait, pourquoi on le ferait pas nous.
    Le problème est la recherche de la facilité, le manque d’innovation et de réflexion dans les décisions des législateurs, ca me rappelle le ministre du transport qui pour faire baisser le nombre de mort dans les routes est entrain de préparer le système de points ( comme à l’école). ca a l’air simple, les français l’ont dèja fait et ils ont moins d’accident (peut-être sont ils seulement plus responsables et font plus attention à leurs vies).
    Sauf qu’il faudrait payer des fonctionnaires pour mettre en Å“uvre ce système, acheter les logiciels et les cartes biométriques de Safran surement. Bref, du grand gaspillage, le gagnant est le ministre, qui occupera une bonne partie de son temps et dormira tranquillement en croyant que c’est lui qui a baissé le nombre de morts.
    N’oublions pas que le bakchich sera doublé ainsi que les timbres pour le permis de conduire …. les effets pervers ne finiront pas de s’accroitre et ainsi de suite…
    C’est ca le Maroc, c’est les bêtises de la France en retard. vivement le virage libéral en France

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