Par Johan Rivalland.
Suite de cette série de recensions de quelques-uns des ouvrages de Jean-Francois Revel.
Après les analyses sur l’information, le socialisme, les totalitarismes, la démocratie et les institutions, puis la philosophie, voici trois ouvrages d’actualité, aux sujets différents mais convergents, très représentatifs de la pensée de leur auteur. Presque les derniers, le véritable tout dernier (que je n’ai pas lu et ne présenterai donc pas) portant sur un sujet bien différent.
La grande parade – Essai sur la survie de l’utopie socialiste (Plon, janvier 2000, 342 pages)
La grande parade est l’un des essais les plus accomplis de Jean-François Revel.
Une analyse absolument brillante et d’une incroyable perspicacité sur les ressorts de l’utopie socialiste, ses impostures, ses manipulations et sa capacité à renaître de ses cendres, avec toujours les mêmes recettes : la mauvaise foi, le mensonge, et bien sûr… l’art de décrédibiliser l’adversaire, le libéralisme, qui devient l’Å“uvre du grand Satan, le terme banni auquel il faut éviter de se référer (ce qui me rappelle étrangement un mot banni auquel on ne pouvait pas davantage se référer, dans l’excellent roman d’Ayn Rand Anthem), la source de tous les maux.
L’art de retourner la situation pour mieux dissimuler le cousinage entre communisme, socialisme et nazisme, qui appartiennent bien tous à la même famille.
Un « débat truqué », comme le démontre brillamment l’auteur, et empreint d’une forte dose de négationnisme. Une « mémoire tronquée », pour reprendre le titre de l’un des chapitres, alors que l’utopie socialiste est mère de tous les totalitarismes.
Et, déjà , une esquisse de ce qui constituera le thème central de l’ouvrage suivant de Jean-François Revel : l’anti-américanisme, dont l’ultra-gauche s’est fait le chantre.
Un ouvrage impossible à résumer tant il est brillant et que je ne me risquerai pas à dénaturer.
De tous les ouvrages de Jean-François Revel, je crois que c’est sans doute le plus brillant (et ce n’est pas peu dire !), du moins est-ce le souvenir qu’il m’a laissé. Et c’est pour cette raison que j’ai bien l’intention de le relire lui aussi un jour.
Mais il est vrai que toute l’Å“uvre de Jean-François mérite d’être relue, car c’est pour moi vraiment un auteur majeur. (Note de la rédaction : retrouver ici une autre revue de La Grande Parade par l’Institut Coppet).
Les plats de saison : Journal de l’année 2000 (février 2001)
Si le titre peut paraître un peu léger, je garde un excellent souvenir de la lecture de cet ouvrage, autant que tous les autres. Je me souviens parfaitement du moment où j’ai acheté ce livre et des sensations agréables qu’il m’a procurées. Un vrai régal.
Non pas qu’il s’agisse de cuisine, comme le titre pourrait le suggérer, encore que ça et là il soit parsemé de quelques saveurs subtiles évoquées subrepticement entre deux propos de plus haute volée, l’auteur étant un fin gourmet réputé. Mais bien plutôt, cet ouvrage présente les réflexions au quotidien du célèbre philosophe et chroniqueur, liées à l’actualité, sur des thèmes aussi divers que passionnants.
De fait, et surtout, ce journal de l’an 2000, loin d’être daté et obsolète, n’a rien perdu en intérêt et en actualité quant aux réflexions qui l’imprègnent. Que le lecteur passionné de Jean-François Revel n’hésite donc pas : cette lecture vaut absolument le détour et est dans le droit fil des grands ouvrages de réflexion de son prestigieux auteur.
L’obsession anti-américaine – Son fonctionnement, ses causes, ses inconséquences (Plon, août 2002, 299 pages)
Il s’agit du dernier ouvrage de Jean-François Revel que j’ai eu l’immense bonheur de lire, avant que malheureusement il ne disparaisse.
Chaque année, à peine achevé le dernier ouvrage né de cet auteur exceptionnel et de référence, je me demandais aussitôt quel serait le prochain thème abordé et étais impatient de le savoir, trouvant le temps long. C’est donc avec une peine particulière que j’ai appris en 2006 le décès de Jean-François Revel, qui laisse toutefois une Å“uvre très riche et complète et m’a ouvert – comme d’autres – de très nombreux horizons, faits d’auteurs et de lectures à profusion, chaque lecture en induisant une autre et chaque nouvel auteur étant susceptible de déboucher sur une découverte source de multiples autres ouvertures.
Cet ouvrage a eu un assez fort retentissement à sa sortie et venait à point nommé pour évoquer et analyser en profondeur ce lancinant phénomène d’anti-américanisme, que notre célèbre académicien qualifie à juste titre d’obsession.
Il était temps qu’un intellectuel de grand talent décortique avec finesse et intelligence les mécanismes de cette maladie, mieux que d’autres ouvrages intéressants ont pu le faire.
Et lorsque je songe à cet état d’esprit, je revois la couverture du célèbre ouvrage L’Envie, d’Helmut Schoeck, aux éditions Les Belles Lettres, sur laquelle est reproduite une partie d’une peinture de J. Bosch qui symbolise parfaitement ce mécanisme qui me dépasse, et que j’ai l’impression de retrouver en diverses occasions dans la vie quotidienne.
Les raisons de ce sentiment anti-américain sont multiples et je ne saurais y revenir sans amoindrir la portée de cet essai, tant il est passionnant. Un seul conseil : le lire.
Indispensable pour qui veut chercher à comprendre et avoir affaire à une pensée structurée, claire et pleine de tout le recul nécessaire à l’investigation d’un sujet aussi fondamental que préoccupant.
Du très grand Revel. Un ouvrage très marquant, pour finir cette bibliographie et cette présentation qui, je l’espère, vous aura donné l’envie de vous intéresser de plus près à l’œuvre de cet auteur.
Jean-François Revel, La Grande parade, Plon
Jean-François Revel, Les Plats de saison, Plon
Jean-François Revel, L’Obsession anti-américaine, Plon
A lire aussi :
- Jean-François Revel : « Connaissance inutile » et convictions irrationnelles (1)
- Jean-François Revel : « La tentation totalitaire » (2)Â
- Jean-François Revel : « Fin du siècle des ombres » (3)
- Jean-François Revel : Son regard sur la démocratie et les institutions (4)
- Jean-François Revel : Le philosophe (5)
Merci,
Vous m’avez fait un peu découvrir Revel, dont j’ignorais à peu près tout. Je suis juste déçu, que vous ne puissiez nous en dire plus, comme vous l’avez fait pour l’ouvrage sur Descartes, sur les ressorts et rouages de l’obsession anti-américaine.
J’ai un ami, avec qui je conversais, qui s’enthousiasmait presque des tensions américaines…