Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec.
Efficience et stabilité
Dans une étude publiée en décembre 2011, la Bank of England étudie des réformes potentielles au système monétaire international. Son rapport contient des données plutôt intéressantes.
Tout d’abord, les trois objectifs d’un système monétaire sont 1) l’équilibre interne (qu’elle associe à la possibilité d’utiliser la politique monétaire pour contrer les cycles économiques), 2) l’efficience allocative(qu’elle associe aux flux de capitaux entre les pays de façon à ce que le capital aille là où il est requis) et 3) la stabilité financière (qu’elle associe aux crises financières).
Selon l’étude de la Bank of England, le système monétaire actuel performe très mal concernant ces trois objectifs. Celui-ci est distordu par des rigidités nominales (résistance à la baisse des prix et des salaires), des marchés incomplets (qui poussent certains pays à accumuler des réserves de change astronomiques), de l’information imparfaite (qui augmente le risque systémique et la formation de bulles) et des arrangements institutionnels malsains (comme les politiques monétaires visant à déprécier la devise pour stimuler les exportations).
Le système de véritable Étalon-or, qu’elle date de 1870 à 1913, privilégiait les objectifs 2 et 3, mais ne permettait pas de politique monétaire pour favoriser l’objectif 1. J’ajouterais que ce système ne permettait pas à l’État de monétiser ses dettes de guerre pour financer celles-ci, ce pourquoi l’étalon-or prit fin en 1913, alors que la Federal Reserve fut créée juste à temps pour la Première Guerre Mondiale. Ainsi, les banquiers menés par JP Morgan ont fait du lobbying pour convaincre les politiciens et le peuple qu’une banque centrale était nécessaire afin d’éviter les crises financières dont ils étaient pourtant eux-mêmes les responsables. La vraie raison était que ce système leur permettait de générer beaucoup plus d’inflation et de profit.
Le système Bretton-Woods, sur la période 1948-1972, faisait un compromis sur l’objectif 2, de façon à avoir la possibilité d’intervenir sur l’objectif 1. Il fut très stable grâce à son arrimage à l’or, mais sa stabilité se dégrada au fur et à mesure que des débalancements monétaires s’accumulèrent inévitablement (lesquels étaient intrinsèques à la construction de ce système). Le problème avec ce système était que la liquidité globale était liée à la taille des déficits de la balance commerciale des États-Unis. Il était impossible pour les États-Unis de maintenir à la fois l’arrimage du dollar à l’or tout en créant de la monnaie pour financer ses déficits commerciaux. Ce système s’avéra donc aussi être un compromis sur l’objectif 3. Néanmoins, la BoE conclut que le système Bretton-Woods avait tout de même mieux performé que le système contemporain, mais ajoute que celui-ci avait bénéficié d’une bonne performance de l’économie mondiale en raison de la reconstruction d’après-guerre.
Selon l’étude, le problème principal du système actuel de taux de change flexible et « géré » est que plusieurs pays émergents ont arrimé leur devise au dollar américain. Ces pays ont établi des modèles de développement axés sur les exportations, ce qui les amène à maintenir leur devise sous-évaluée tout en générant d’importants surplus commerciaux face aux pays industrialisés. Leur banque centrale crée de la monnaie locale et accumule des réserves de devises étrangères qu’elle conserve comme coussin de sécurité. En ce sens, l’objectif 2 est complètement manqué. Ces immenses débalancements et l’absence d’étalon métallique rendent le système très vulnérable aux crises financières, donc l’objectif 3 est aussi manqué. Comme ces réserves sont investies en titres de dette de pays industrialisés, cela aboutit à une entrée massive de capital dans ces pays, laquelle fait baisser leurs taux d’intérêt et y engendre l’apparition de bulles de crédit ; ce qui en dit long sur la capacité du système à accomplir l’objectif 1. Ainsi, le système actuel a sacrifié les objectifs 2 et 3 au nom d’une politique monétaire keynésienne qui ne livre pas la marchandise quant à l’objectif 1. Le système monétaire actuel n’est donc pas viable et est probablement le pire que le monde ait connu.
Malheureusement, malgré les conclusions claires tirées par la BoE, ses solutions consistent simplement à maintenir le système actuel tout en cherchant une forme de coopération internationale pour en améliorer la flexibilité et la stabilité. La BoE souhaiterait que les pays émergents laissent leur devise fluctuer librement et que ces pays favorisent le développement de leurs marchés financiers de façon que ceux-ci puissent les aider à absorber les chocs de liquidité et réduire la volatilité de leur taux de change (diminuant ainsi le besoin de maintenir des réserves de devises élevées). Il est donc décevant de constater qu’après avoir démontré la supériorité des systèmes monétaires basés sur l’or et la médiocrité du système actuel, la BoE ne propose pas de réintroduire l’or dans l’organisation du système monétaire. Dommage…
Ceci dit, le tableau suivant est très intéressant car il montre que les systèmes basés sur l’or engendrent moins d’inflation, moins de volatilité des prix, moins de crises financières et moins de défauts souverains. J’ai particulièrement apprécié le fait que la BoE établit (correctement) la fin de l’étalon-or à 1913, et non à 1933 ou à 1971 comme certains le font. Je noterais aussi que si on considère le système actuel comme débutant en 1990 plutôt qu’en 1972, on constate que la performance s’améliore au niveau de l’inflation, de la volatilité des prix et des défauts externes, mais il demeure inférieur aux systèmes basés sur l’or à plusieurs égards, notamment au niveau des crises financières.
L’étalon-or et les crises financières
Ceci dit, comment se fait-il que l’étalon-or minimise les crises financières ? Par ailleurs, n’est-ce pas l’étalon-or qui a aggravé, entre autres, la Grande Dépression aux États-Unis?
Ce n’est pas le système étalon-or qui engendre les crises financières, mais plutôt la dérogation à ce système. À la fin du 18e siècle, les crises financières ont résulté du système bancaire à réserves fractionnaires (donc plus de notes bancaires en circulation que d’or dans les coffres).
Lors de la Grande Dépression, il est vrai que le délaissement tardif de l’étalon-or par les États-Unis (en 1933-34) a nui à l’économie, non pas parce que ce système est mauvais, mais bien parce que les États-Unis ont effectivement abandonné le « vrai » étalon-or en 1913, lors de la création de la Federal Reserve. Entre 1913 et 1933, la masse monétaire a crû à un rythme effarant, de 7.7% par année entre 1921 et 1929, soit environ 60% au total. La Fed a permis aux banques de créer encore plus de monnaie sans or sous-jacent. Il était là le problème ! Les économistes et historiens oublient de considérer l’expansion ex nihilo de la masse monétaire durant les années 1920. L’abandon de cet étalon-or corrompu en 1933 a permis de rééquilibrer cette situation insoutenable en dévaluant le dollar à un niveau plus près de sa vraie valeur en or. Attribuer ce genre de crise à l’étalon-or est équivalent à blâmer un miroir pour sa laideur…
Sous un véritable étalon-or, le gouvernement et les banques ne peuvent pas créer de monnaie à partir de rien et l’injecter dans l’économie pour faire baisser les taux d’intérêt, ce qui encourage l’endettement et la consommation à court et moyen terme. Dans un tel système (étalon-or), chaque dollar d’emprunt est financé par un dollar d’épargne. La quantité de monnaie en circulation ne varie que de manière minimale.
Dans le système actuel, l’endettement stimule un boum économique insoutenable. La création de monnaie qui en résulte fait gonfler les prix (inflation), jusqu’au moment où la banque centrale décide de faire augmenter les taux d’intérêt pour freiner l’endettement et contrer l’inflation. Les gens cessent alors d’emprunter pour consommer et tentent de rembourser leurs dettes, ce qui engendre une récession. L’étalon-or permettrait entre autres de sortir de ce genre de cycle.
Par ailleurs, alors qu’elles créent de la monnaie, les banques se retrouvent en situation vulnérable. Les banques créent de la monnaie à partir des dépôts, mais lorsque les gens réclament leurs dépôts, la pyramide monétaire s’écroule et les banques se retrouvent coincées : elles n’ont pas assez de liquidité pour rembourser leurs déposants, ce qui engendre une crise financière. Sous un système étalon-or à réserves entières, cette situation n’est pas possible puisque les banques ont en tout temps des réserves d’or couvrant l’ensemble de leurs dépôts.
Ceci dit, même sous l’étalon-or américain du 19e siècle, les banques n’ont jamais maintenu de réserves entières, mais plutôt des réserves fractionnaires ce qui occasionna de nombreuses crises financières à certaines époques. La dernière banque à réserve entière fut la Banque d’Amsterdam au 17e siècle. La Banque d’Amsterdam, qui ouvrit ses portes en 1609 et qui arrivait à être rentable même si elle n’utilisait pas les dépôts à vue pour faire des prêts, maintenait un ratio de réserves de 100% et exigeait des frais pour la garde de ces dépôts entre autres services financiers. Celle-ci a permis à la Hollande d’éviter les désastreuses bulles financières qui ont notamment frappé la France, laquelle a expérimenté avec le système de monnaie fiduciaire de John Law et sa Compagnie du Mississipi, ainsi que la bulle de la South Sea Company en Angleterre (voir ceci). Cependant, la banque a divergé de cette discipline dans les années 1780s, pour financer les dépenses de l’État durant la guerre Anglo-Néerlandaise.
Discipline fiscale
Dans le présent système monétaire, les banques centrales et commerciales utilisent beaucoup de monnaie créée ex nihilo pour acheter des titres de dette du gouvernement, ce qui permet au gouvernement de financer plus facilement ses déficits fiscaux résultant de dépenses trop élevées. D’ailleurs, au cours de l’histoire, nous avons observé que les déficits servent plus souvent qu’autrement à financer des dépenses militaires… (voir ceci). Il n’est d’ailleurs pas surprenant de constater que le système bancaire inflationniste s’est développé de concert avec le militarisme gouvernemental. C’est davantage Nathan Rothschild que Wellington qui a vaincu Napoléon à Waterloo ! Sous l’étalon-or, il serait plus difficile pour l’État de financer ses déficits, car il devrait alors solliciter l’épargne, ce qui le forcerait à restreindre ses excès dépensiers.
L’étalon-or versus Zone Euro
Lorsque l’on comprend bien le fonctionnement du système monétaire « étalon-or », on voit tout de suite le lien avec la situation qui prévaut en zone Euro, où règne « l’étalon-euro ». Dans la zone Euro, les déficits des gouvernements sont financés sur les marchés financiers ; ils ne peuvent être financés par de la monnaie nouvellement créée par la banque centrale. Pourquoi ? Parce que les pays de la zone Euro n’ont pas de banque centrale ! Cette fonction a été centralisée à Francfort au sein de la Banque Centrale Européenne (BCE). Donc, lorsque les dépenses de la Grèce atteignent un niveau insoutenable et que les marchés financiers ne veulent plus de ses obligations, craignant un défaut de paiement, le gouvernement Grec ne peut se tourner vers la BCE et lui demander un programme d’assouplissement quantitatif (en théorie, puisque c’est ce qui a été fait en réalité…). À partir du moment où les engagements financiers de la Grèce devinrent insoutenables, ses obligations furent décotées, ce qui les rendit inéligibles comme garantie à la BCE (ce détail technique a littéralement fait dérailler l’engrenage du système Euro).
Les gouvernements des PIIGS ont dépensé allègrement durant le boum économique des années 2000, finançant leur déficit par de la dette à taux presque aussi bas que l’Allemagne. Mais lorsque la crise a éclaté, les revenus fiscaux ont fondu et les dépenses ont augmenté. Dans le cas de la Grèce, l’État était tout simplement trop gros ; une immense fonction publique syndiquée et improductive. Dans le cas de l’Irlande, ce pays s’est engagé, dans un élan de socialisme, à soutenir les banques en garantissant leur solvabilité, ce qui lui a occasionné une « grosse dépense » et a miné sa solvabilité. Face à ces graves problèmes fiscaux, les investisseurs se sont mis à délaisser les titres de dette de ces gouvernements, ce qui a eu comme impact de propulser dans la stratosphère les taux d’intérêt sur leur dette. L’autre chose à observer concernant les PIIGS est que leur système bancaire a généré une grande quantité de création de monnaie par le système bancaire en raison du boum immobilier qui y a sévi et de l’expansion du crédit qui y fut associée. Cette expansion de la masse monétaire locale a généré de l’inflation qui a miné la compétitivité des PIIGS en faisant augmenter leurs coûts de production, dont les salaires.
Sous un système étalon-or, le boum d’endettement qui a sévi au sein des PIIGS n’aurait tout simplement pas eu lieu car la création de monnaie qui l’a financé aurait été impossible.
La faille de l’étalon-or réside dans le fait que les Etats peuvent décider de le modifier ou de le quitter à tout instant, comme l’histoire économique l’a montré à de multiples reprises. En empêchant les Etats d’avoir la main sur leur monnaie, l’euro possède un atout exceptionnel relativement aux autres monnaies monopoles. Mais l’euro montre lui aussi ses limites, parce qu’il est affecté du défaut inhérent à tout monopole, l’absence de concurrence, donc le règne de l’irresponsabilité, contraire aux principes élémentaires qui font la force du capitalisme libre.
Les Etats sont le problème, pas la monnaie en soi. Il est vain de chercher une solution monétaire à un problème politique. Nous savons que les Etats ne produisent aucune richesse supplémentaire : au mieux ils se contentent de la déplacer, mais trop souvent ils montrent une tendance à la détruire. Dès lors, émettre de la monnaie pour financer les dépenses publiques crée nécessairement les déséquilibres économiques expliquant toutes les crises.
La monnaie n’est pas, n’a jamais été, une fonction régalienne et les Etats modernes, s’ils prétendent être démocratiques et civilisés, doivent renoncer au pouvoir monétaire. Par construction, l’étalon-or ne peut servir cet objectif. Seule la concurrence monétaire le peut, par l’obligation faite aux banquiers d’émettre chacun leur propre monnaie.
Je suis de votre avis, la solution à un problème politique doit être politique et non technique.
Si l’État consommait 10% du PIB, on pourrait abolir tous les impôts et le financer par la création monétaire sans nuire à la prospérité (cette suppression de la fiscalité la déchaînerait, toute activité serait guidée par la création de valeur).
Il existe une solution politique éprouvée: La Suisse.
Démocratie semi-directe avec morcellement de l’État (confédération).
C’est pas con!
C’est ce que prétendent faire nos socialos-bobos, faire tourner la planche à billet inflationniste à 2 chiffres (ou plus) pour diminuer la dette sans lever d’autres impôts!
Mais croire que tous ne vont pas tenter de s’en protéger serait une erreur.
L’inflation pour effacer la dette, c’est prendre au piège les moins mobiles, donc les plus fragiles.
Effectivement, la création monétaire en elle-même n’est pas nuisible à la prospérité dès lors qu’elle est équilibrée par la création de nouvelles richesses. Ceci dit, la création monétaire n’affecte pas l’ensemble des acteurs uniformément et simultanément. L’impôt demeure incontournable pour des raisons d’équité mais également d’information.
Les Etats ne produisent aucune richesse au-delà des fonctions régaliennes (police, justice, défense, réseaux). 10% du PIB semblent excessifs pour satisfaire ces missions en temps normal. Si, en 2014, on consacrait 10% du PIB au secteur régalien de l’Etat, les budgets actuellement alloués à ces fonctions seraient triplés.
La France a vendu une très grande partie de son or pour financer son socialisme; dans le cadre d’un retour à l’étalon-or, sa monnaie serait soit faible soit indéxée sur celle de l’allemagne, des USA ou de la Chine.
On peut dire sans se tromper que quel que soit l’avenir, la France a perdu pour toujours sa place économique et politique dans le monde.
D’accord pour 85% de l’exposé de Cavaignac
Une seule réserve concernant la création de monnaie pour financer la FBCF par les opérateurs publics et cantonnée aux seules infrastructures lourdes et d’intérêt général pour le développement
Et encore …
Je pense que le retour au standard-or ou argent est une urgence.Dans un premier temps on peut ré-introduire en parallèle une pièce d’argent qui aura cours légal exprimée par une cotation en monnaie fiduciaire.
Le fait que des monnaies non fiat apparaissent, comme le bit-coin, les forcera à être plus sérieux.
Du moins, on peut rêver !