Par Philippe Silberzahn.
Il existe quatre idées reçues sur l’entrepreneuriat : le fait que les entrepreneurs aiment le risque, le fait qu’ils soient visionnaires, le fait qu’ils soient experts à prédire l’avenir et, surtout, le fait qu’ils soient différents de nous. Revenons sur ces mythes.
Mythe n°1 : Les entrepreneurs aiment le risque
On dépeint souvent les entrepreneurs comme aimant prendre des risques. Qui, en effet, est capable d’abandonner son travail et de tout risquer pour se lancer dans une aventure bien incertaine ? De travailler pendant des mois, voire plus, sans salaire, sans protection sociale, pour lancer une entreprise qui a toutes les chances de ne pas décoller (on répète à l’envi que 50% des nouvelles entreprises ne franchissent pas la cinquième année).
Or un tel lieu commun ne résiste pas à l’examen. Le cascadeur Rémy Julienne aime à répéter « Mon métier c’est de réduire les risques. » Les entrepreneurs font pareil. D’une part, les entrepreneurs procèdent souvent par petites touches : ils essaient quelque chose et poursuivent si ça marche, encourant une « perte acceptable » dans la foulée. Vraiment, consacrer quelques mois à un projet entrepreneurial, est-ce si risqué que cela ? En outre, une telle expérience est de plus en plus valorisée dans les entreprises, ce qui est important si l’entrepreneur rejoint le marché du travail après un échec.
Par ailleurs, le monde du travail se précarise : qui pense réellement qu’avoir un emploi dans une grande entreprise, où l’on est à la merci d’un coup de bourse ou d’une délocalisation, est moins risqué que dans une petite entreprise où l’on a beaucoup plus de prise sur les décisions ?
Enfin, les recherches montrent que ce n’est pas le risque que manipulent les entrepreneurs, mais l’incertitude, propre aux marchés nouveaux.
Mythe n°2 : Les entrepreneurs sont des visionnaires
L’entrepreneur, c’est celui qui développe une vision et qui s’obstine à la réaliser, bravant tous les obstacles, ignorant les critiques, convertissant un à un les sceptiques. La démarche entrepreneuriale est une épopée opposant celui qui sait, l’entrepreneur, à ceux qui ne savent pas, les autres.
Or s’il existe bien des entrepreneurs visionnaires, ils sont peu nombreux – d’ailleurs les livres citent toujours les mêmes – et souvent, lorsqu’on gratte un peu, ils n’étaient pas si visionnaires que cela. Sam Walton, inventeur du supermarché et fondateur de Wal-Mart, avait coutume de dire à propos de sa vision: « Comme toutes les idées de génie, elle a mis vingt ans à mûrir ! » Les entrepreneurs sont parfois visionnaires, mais cette vision se développe au fur et à mesure de leur action, elle est construite par les rencontres et les partenaires. Elle existe très rarement au début de l’aventure entrepreneuriale.
Mythe n°3 : Les entrepreneurs sont experts en prévision
L’entrepreneur, c’est celui qui fait preuve de vision, qui est capable de détecter une tendance que tout le monde néglige, qui devine vers où va le monde. Il est alerte et comprend mieux son environnement. Sur cette base, il peut démarrer une entreprise qui tirera parti de sa vision.
Or aucune étude ne confirme cela. Les entrepreneurs ne sont pas plus visionnaires que vous et moi (enfin vous je ne sais pas, mais moi…). Bien sûr quand on interroge ceux qui ont réussi, ils ont tendance à dépeindre leurs débuts comme celui d’un éclair de génie. La réalité est souvent beaucoup plus prosaïque. Les entrepreneurs ne cherchent pas à prédire l’avenir, ils le construisent.
Mythe n°4 : Les entrepreneurs ne sont pas comme nous
On ne compte pas les articles dépeignant « l’entrepreneur-héro », essayant de comprendre ce qui rend les entrepreneurs spéciaux. On les décrit dotés de caractéristiques psychologiques supérieures, alertes aux opportunités de leur environnement, créatifs, dynamiques, intelligents, faisant preuve de leadership, etc. Le problème, c’est qu’aucune de ces études théoriques n’est vérifiée dans la réalité.
Ce qu’on observe au contraire c’est que les entrepreneurs n’ont aucune caractéristique distinctive. Rien ! Comme le dit Saras Sarasvathy, chercheuse à l’origine des recherches sur l’Effectuation : « Les entrepreneurs ne sont pas plus différents de vous et moi qu’un astronaute ou qu’un comptable. »
Ce qui rend l’entrepreneur spécial, ce n’est pas ce qu’il est, mais ce qu’il fait, et surtout comment il le fait. Ce qui est spécial, c’est l’entrepreneuriat en tant qu’activité, mais cette activité est pratiquée par toutes sortes de gens, dans toutes sortes de situations. Certains sont timides, d’autres sont à l’aise en public. Certains sont des leaders, d’autres fins organisateurs. Certains sont visionnaires, d’autres débrouillards, etc.
En substance, l’entrepreneuriat, c’est comme toute autre activité : elle a ses spécificités, ses méthodes ; chacun peut les apprendre et les appliquer avec plus ou moins de succès. Tout le monde ne s’y adonne pas, mais l’entrepreneuriat c’est pour tout le monde.
—
Sur le web.
Il y a toutes sortes d’entrepreneurs, mais chez ceux qui réussissent j’ai généralement trouvé quelque chose qu’on ne met pas en avant dans notre pays de fonctionnaires : le désir de répondre aux attentes du client et la conscience que c’est de cette satisfaction du client qu’ils tireront leur enrichissement.
Effectivement, si j’ai une idée de génie, un produit génial mais qui ne se vend pas, c’est de la merde, ni plus ni moins.
Je partage l’ avis de Michel par contre @ homo O ce n’ est pas forcément de la merde par EX le système Dyson personne ( les fabricants) n’ en voulait ! parfois il faut du temps
le brevet que je détiens n’ intéresse pas mais il sera exploité un jour ou l’ autre j’ en attend pas de sous .
La question à se poser avec un produit de merde sur le marché, c’est à dire qui ne se vend pas – Ai-je suffisamment de capital à brader pour attendre une hypothétique réussite ? Mon capital ne serait-il pas mieux employé ailleurs ?
Un brevet n’est pas un produit.
Je comprends qu’un franchouille aime les produits de merde : Rafale, char Leclerc… mais comme c’est le pognon des autres, alors !
» Un brevet n’ est pas un produit » Ah bon ? ça dépend de ce que vous appelez « produit parce que des prototypes ce sont des produits et c’ est à partir de ces réalisations CONCRETES que le brevet est déposé du moins en ce qui me concerne
On peut s’ acharner et perdre voir se ruiner ou gagner comme Dyson ou on peut passer à autre chose ce que j’ ai fait
Maintenant nous sommes en France pays de socialistes donc faut pas se faire d’ illusion .
Juste comme ça… Harlan Sanders a du essayer 1009 fois avant qu’un restau accepte de produire et franchiser sa recette de poulet aux herbes… le reste est gravé dans la pierre… tout le monde (façon de parler) a déjà mangé au KFC
Ça, je pense que c’est aussi un « mythe » (c’est d’ailleurs une variante du mythe n°3 de l’article, « l’expert en prévision »). Il y a bon nombre d’entrepreneurs qui se lancent par amour d’un métier, d’une technique, d’un produit… avant de s’intéresser aux désirs du client. Ils produisent ce qu’ils aiment avant de s’efforcer de l’écouler sur le marché.
MichelO: « et la conscience que c’est de cette satisfaction du client qu’ils tireront leur enrichissement. »
Effectivement, ça a souvent à voir avec le désir d’être reconnu qui est très fort chez l’humain.
C’est mon cas, j’avais envie de partager les produits que je créais gratuitement pour m’amuser. Aux « merci » nombreux sur la toile ce sont ajouté des paiements et ça fait une décennie que ma boite existe et que nous vivons de ça. C’est le cas de beaucoup d’entrepreneurs comme l’artisan qui veut être reconnu pour son savoir faire mais ça dépend les métiers, pour certain ce sera plus l’envie de management, de diriger une équipe.
Cela dis, non, tout le monde ne peut pas, certains n’ont pas envie de se lever le matin, ont des idées de merde ne savent pas les réaliser, les vendre ou diriger une équipe.
Okay, si ça ne se vend pas, c’est de la merde!
Jamais entendu parler de Tivo? ou du pain de mie en tranches?
http://www.ted.com/talks/seth_godin_on_sliced_bread?language=fr
Bonjour
Et puis il faut pas oublier le TRAVAIL.
Anecdote : Un fabricant allemand d’ustensiles de cuisine réputés se rend en Chine pour évaluer ce marché de quelques milliards de consommateurs qui par ailleurs ne raisonnent pas comme les occidentaux. Il remarque que la cuisinière fait cuire son riz quotidien dans un ustensile que l’on n’oserait pas présenter à notre clébard. Il lance l’étude d’un genre de sautoir conforme en tous points à l’ustensile chinois sauf qu’il est fonte d’aluminium avec tous ses avantages. Il teste ce produit sur les marchés et le succès est immédiat. Il lance une production industrielle et constate rapidement une mévente. La cuisinière s’est aperçue qu’elle mettait deux fois plus de temps pour cuire son riz et consommait trois plus d’énergie, et le pauvre industrielle s’est pris une gamelle. Rien n’est jamais sûr…
l’observation de la relation des plantes avec le sol est très intéressant, et l’on peux regarder la relation de création d’entreprise et le milieu politique, legislatif etc….
comment se fait-ils que lorsque les étudiants de l’ena et science po ne crée pas d’entreprise avec les bon professeur qu’ilsont
« l’entrepreneuriat c’est pour tout le monde ! », à condition tout de même, d’avoir l’esprit d’entreprise et le goût du travail, non ?
L’auteur devrait nous dire ce qu’il faut pour être professeur à l’EMLYON Business School et chercheur associé à l’École Polytechnique. Suffit-il de ne plus vouloir ou pouvoir être l’entrepreneur (probablement brillant) qu’il a été ?
Très bon article. Sur le mythe 3, « Les entrepreneurs sont experts en prévision », effectivement il ne sert à rien de faire des prévisions. Il faut s’inquiéter du sens du vent et s’ajuster en permanence. Il n’y a qu’à Bercy qu’on croit encore aux prévisions…
Ces idées que l’auteur démonte me semblent se résumer à ceci: Le marché n’est pas déterministe, et donc l’entrepreneur, le moteur de l’économie de marché, n’est pas celui qui réussit à prévoir, mais celui qui tente sans être sûr. Il ne sait pas tant prédire que peser le risque, jauger l’opportunité dans un contexte plus ou moins réduit.
Une économie de marché n’est pas déterministe et l’information y est diffuse.
C’est l’argent qui informe (prix) et qui permet que le pouvoir soit aussi diffus que l’information.
L’entrepreneur, moteur de l’économie de marché, n’est donc pas un grand visionnaire, mais un personnage qui décèle des opportunités dans un contexte limité, a un accès limité à du capital, et sait limiter les risques.
C’est ainsi, sans contrôle global, que la prospérité se dégage laborieusement de l’alternances entre croissance et récession.
On est à l’opposé du postulat socialiste du grand visionnaire apte à planifier, ou même réguler, des pans entiers de l’économie, réunissant toute la connaissance et tout le pouvoir afin de réguler l’économie de manière optimale.
Non seulement ces surhommes n’existent pas, mais si l’économie est effectivement non déterministe, ce n’est pas par manque d’intelligence – question qui n’est pas oiseuse alors que la puissance des ordinateurs risque de plus en plus de relancer le socialisme (Cybersyn, Obamacare…)
Moi je vois ça plus darwinien… Pleins de gens essaient, certains échouent au tout début (monter un projet) et puis au fur et à mesure de l’avancée, suivant une part de chance, d’acharnement et de compétences il ne reste plus que ceux qui ont franchi toutes les étapes.
Si les entrepreneurs étaient si visionnaires et calculateurs ce ne serait pas la destruction créatrice.
Un article qui donne envie… Des commentaires intelligents… Je retouite!