Remaniement ministériel : vers des ministères régaliens ?

Pour occuper le terrain médiatique, un remaniement ministériel vers un « gouvernement resserré » semble s’annoncer.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
img contrepoints115 remaniement

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Remaniement ministériel : vers des ministères régaliens ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 mars 2014
- A +

Par Alexandre C.

img contrepoints115 remaniementL’idée revient périodiquement, notamment quand les résultats d’un gouvernement se font attendre et que les sondages sur l’action du pouvoir atteignent des plus bas inquiétants. La population gronde et demande du changement. Autrement dit, elle réclame des têtes nouvelles, susceptibles de mettre en place une politique plus efficace et d’améliorer la situation. Un remaniement ministériel – voire dans des cas plus rares une dissolution de l’Assemblée Nationale – intervient alors. Par cette décision, plus symbolique qu’autre chose, le président entend prendre en compte les griefs des électeurs, qui très souvent viennent de le sanctionner lors d’un scrutin électoral intermédiaire1.

Peu avant cet échec, la majorité en place, appuyée par les ténors des partis dont elle est issue, avait préparé le terrain, prônant le retour à la simplicité et défendant la nomination d’une équipe gouvernementale resserrée autour de quelques personnalités emblématiques. Finie donc la multiplication des ministres, ministres délégués et autres secrétaires d’État, qui ont été nommés en trop grand nombre dans la foulée de l’euphorie d’une victoire électorale, déjà lointaine. Dans le même temps, quelques proches du président jouent des coudes pour se voir confier l’un des précieux portefeuilles et qui leur permettra de prendre pied au niveau national pour les futures échéances à venir.

Dans une étude récente, le député René Dosière estimait que la suppression d’un de ces ministères pouvait engendrer environ 10 millions d’euros d’économies. Et par suppression, on entend ici la seule disparition du cabinet et des dépenses afférentes, ses compétences étant réattribuées à un autre ministère2. Une partie du personnel est également réaffectée à d’autres postes et on peut imaginer d’ici le gigantesque capharnaüm que cela doit être de les déménager à la faveur de ces petits arrangements entre amis.

Instabilité du système

Actuellement, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault compte trente-sept membres3. Outre les postes traditionnels des affaires étrangères, de l’intérieur, de la défense ou encore de l’économie, on trouve plusieurs ministères dont on peut raisonnablement questionner l’utilité dans le débat public. A-t-on vraiment besoin d’un ministre délégué à « la réussite éducative » ou à « l’agroalimentaire » ? Même si on peut considérer que ces sujets sont importants, était-il à ce point nécessaire de les institutionnaliser de la sorte ? Et ces exemples ne sont pas isolés. Il semble qu’à peine portée au pouvoir, une majorité se croit obligée, pour prouver à la population qu’elle agit et est indispensable, de créer de nouveaux ministères qui, selon elle, apporteront une réponse plus efficace aux problèmes des Français. Ainsi se rappelle-t-on qu’à son arrivée à l’Élysée, François Mitterrand avait inventé un « ministère du temps libre »4 pour s’occuper des loisirs des Français.

Le cynisme qui me caractérise, me fait plutôt dire qu’il s’agit avant tout d’occuper le terrain médiatique. À la vérité, on ne tire aucun bénéfice à alourdir un peu plus le monument national qu’est devenu notre mille-feuilles administratif. On ne fait que compliquer ce qui l’est déjà.

Parallèlement à cela, les périmètres des ministères ne cessent d’être redécoupés suivant l’humeur du président et des privilèges qu’il entend accorder à tel ou tel proche. On constate dès lors que des attributions changent de main à chaque remaniement, et qu’il devient difficile pour le commun des Français de savoir, au bout de ce jeu de chaises musicales, qui s’occupe de certains dossiers5. Les membres les plus influents de l’entourage du président se retrouvent même bombardés à la tête de « super-ministères », selon la formule consacrée, avec des prérogatives tellement larges, qu’on se demande comment ils peuvent gérer tous les sujets, étant obligés de jongler entre plusieurs à la fois, ce qui aboutit à leur connaissance partielle.

Fixer les choses une fois pour toutes

De ce point de vue, notre pays aurait beaucoup à apprendre de ce qui se fait en Allemagne ou même aux États-Unis, où le nombre de ministères reste généralement stable tout comme le périmètre de chacun d’entre eux. Le système d’organisation décentralisée permet, dans ces deux cas, de déléguer plusieurs missions aux collectivités territoriales, ce qui allège d’autant celles de l’État. Au contraire, le type d’administration pratiqué en France, par son centralisme, directement hérité de l’Ancien Régime, devient étouffant et à trop vouloir contrôler de sujets, l’État en oublie l’essentiel et provoque des catastrophes. On pense, par exemple, au morcellement du système éducatif, dans lequel l’État, les régions, les départements et les villes se partagent la gestion des différents niveaux, avec les résultats que l’on connait.

Comme disait Ronald Reagan, « ne demandez pas à l’État de résoudre votre problème, car votre problème c’est l’État ». De fait, l’État gagnerait à desserrer l’étreinte qu’il impose à la société française et à se désengager de certains sujets. Au final, les individus finiraient par trouver des solutions aux problèmes qui se posent à eux. L’administration centrale pourrait alors juste se contenter de donner quelques grandes orientations générales et se concentrer sur les dossiers régaliens que sont la justice, la défense, les affaires étrangères ou encore la sécurité intérieure. Ce faisant, il devient de plus en plus urgent et opportun de graver dans la loi ces domaines où l’État peut intervenir et limiter ainsi son action à eux seuls, laissant aux individus, librement associés, de s’occuper du reste.


Sur le web.

  1. Comme les prochaines municipales par exemple.
  2. Dosière est un spécialiste du sujet. Une interview de lui a été réalisée voici quelques jours par le journal Le Figaro et est disponible à ce lien.
  3. D’après les informations officielles en mars 2014.
  4. Le constructiviste Léo Lagrange (1900-1940) l’avait imaginé dès les années 30.
  5. On remarquera à cette occasion que des noms pompeux apparaissent.
Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • On devrait avoir 6 ministères :
    – Premier ministre qui gère également les Finances et l’Economie (dont les Transports et l’Industrie réduits à des pôles d’amélioration des infrastructures)
    – Justice
    – Intérieur
    – Défense
    – Affaires étrangères
    – Education nationale (et encore…)

    Sur ces 6 ministères, les agents employés par l’ex-Economie (hors Finances) et l’Eduction nationale n’ont pas besoin du statut de fonctionnaire.

    Côté parlement, 250 députés et 50 sénateurs. Ca ferai beaucoup moins de monde qui brasse de l’air, imagine des lois à la con, se fait plaisir avec les deniers publics, embauche ses copains, et essaie de laisser sa marque dans l’actualité avec des déclarations fumeuses.

  • « il devient de plus en plus urgent et opportun de graver dans la loi ces domaines où l’État peut intervenir et limiter ainsi son action à eux seuls, »

    C’est déjà fait depuis très longtemps. C’est le deuxième article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Texte fondateur de notre république :
    « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. « 

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’économisme de gauche le plus archaïque est bien parti pour revenir peu ou prou aux affaires et, avec lui, le magistère d’économistes théoriciens non-pratiquants, comme Élie Cohen, réputé faire consensus. L’objectivité et l’omniscience prêtées à ceux-ci par ce dernier reposent depuis longtemps sur un dosage subtil et pourtant largement déséquilibré entre libéralisme et interventionnisme d’État agrémenté d’antinucléarisme « raisonnable ». 

 

Dans cette caste séculairement omniprésente sur les plateaux télé, on trouve le dis... Poursuivre la lecture

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe... Poursuivre la lecture

Par Victor Fouquet. Un article de l'IREF

Après l’Assemblée nationale le 5 juin, le Sénat a, à son tour, rejeté le 3 juillet les deux projets de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour les années 2021 et 2022, les dépenses du budget de l’État atteignant un niveau historiquement élevé malgré un contexte de reprise économique.

Pour rappel, le Parlement avait déjà rejeté le projet de loi de règlement pour 2021 l’été dernier. Si elle n’a pas de conséquences financières à proprement parler, l’absence de loi de règ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles