Pourquoi l’économie de développement a laissé tomber les pauvres

Il n’existe pas de solutions-miracles à la pauvreté et au sous-développement. Au lieu d’essayer de les trouver, les décideurs doivent simplement respecter les droits individuels.

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Pourquoi l’économie de développement a laissé tomber les pauvres

Publié le 13 mars 2014
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Par Dalibor Rohac.

the tyranny of expertsIl y a plus d’une décennie, le livre de William Easterly, « La recherche insaisissable de la croissance » (The Elusive Quest for Growth), créait un certain émoi au sein des économistes. Ancien économiste à la Banque mondiale, Easterly a soutenu que pratiquement aucune des solutions à la mode au problème de sous-développement, généralement financées par l’aide (investissement dans les infrastructures, l’éducation, les politiques industrielles), n’a produit les résultats escomptés. En effet, le développement est le résultat des institutions encadrant le marché et le processus politique.

La plupart des économistes s’accordent à dire que le développement à long terme est induit par des institutions sous-jacentes, état de droit et respect des droits individuels. Alors que certaines publications récentes, comme celles de Daron Acemoglu et James Robinson – « Pourquoi les Nations échouent » (Why Nations Fail) – ont développé l’approche de développement fondée sur les institutions, très peu d’auteurs se sont montrés disposés à accepter ses implications pratiques. Le dernier livre d’Easterly, « La tyrannie des experts » (The tyranny of Experts), fait exactement cela. Il n’existe pas de solutions-miracles à la pauvreté et au sous-développement. Au lieu d’essayer de les trouver, les décideurs doivent simplement respecter les droits individuels, y compris les droits des personnes pauvres.

La première partie du livre présente l’histoire intellectuelle de l’économie du développement à la lumière de deux approches opposées, personnifiées par deux économistes qui ont reçu conjointement le prix Nobel en 1974 : Gunnar Myrdal et Friedrich von Hayek. Myrdal était une autorité en matière de développement économique, symbolisant l’approche « par le haut », technocratique, qui conçoit le développement comme un exercice d’« ingénierie sociale » et une « analyse purement technique d’une question de politique sociale ». En revanche, Hayek a gagné sa réputation grâce à l’étude des propriétés épistémiques des marchés. Les marchés et les formes complexes de la coopération sociale, selon lui, étaient un moyen de mobiliser des connaissances qui n’étaient pas disponibles à personne dans leur intégralité. Du point de vue de Hayek, le développement économique est le résultat du processus par lequel les individus exploitent les connaissances dispersées et les mettent au service d’usages socialement utiles, et non le résultat d’ajustements par des politiques ingénieuses.

Le point de vue de Hayek a trouvé peu d’échos chez les experts en économie de développement. Si ses idées étaient acceptées, elles les auraient laissé avec peu de travail à faire. À la fin des années 1940, le point de vue dominant sur ​​le développement accordait un rôle important aux experts économiques et leur capacité à modifier les politiques économiques à volonté. Mais cette vision de l’« ardoise vierge » du développement n’est pas sortie de nulle part. Le deuxième chapitre de l’ouvrage rend compte des débuts de l’histoire et de la politique de l’économie du développement.

À ses débuts, l’économie du développement a été souvent associée au colonialisme et aux préjugés raciaux. Dans les discussions des années 30, le développement économique était un roman justifiant la présence coloniale britannique en Afrique. Et après l’immigration Act de 1924 excluant les Asiatiques de naturalisation aux États-Unis, le développement dirigé par des experts en Chine a été vu par beaucoup comme un moyen « neutre » et « scientifique » de l’assouplissement des tensions raciales créées par les nouvelles restrictions en matière d’immigration.

En déplaçant l’attention des questions politiques aux questions techniques, l’approche « par le haut » a fait appel à des autocrates, comme Chiang Kai-shek en Chine, ainsi qu’à des économistes ambitieux. « La situation politique horrible en Chine semblait elle-même être un énorme obstacle au développement. Toute personne mêlée à cette politique devrait être considérée comme une partie du problème, et non pas partie de la solution », affirme Easterly. Cependant, « la mentalité technocratique permettrait aux économistes chinois de se présenter comme des experts neutres, sans aucun référence politique ». Ce précédent ouvre la voie à la « neutralité politique » de la Banque mondiale et d’autres agences de développement, ce qui leur a permis de distribuer de l’aide au développement pour des raisons apparemment techniques à des régimes peu recommandables de pays en développement, quelque chose qui a été considérée comme un atout important pour les États-Unis du temps de la guerre froide.

Mais faut-il jeter toute l’économie du développement orthodoxe ? La réponse est, en chapitre trois et quatre du livre, un retentissant « oui ». L’approche technocratique ignore le rôle joué par la politique, les institutions et la culture. Pourtant, un grand nombre de preuves montre que la politique autocratique et les valeurs collectivistes sont associées à la pauvreté. Il n’est donc pas exagéré de dire que l’aide occidentale aux gouvernements kleptocrates est un obstacle au développement.

Parmi d’autres exemples, Easterly cite le cas de l’Éthiopie. La chute de sa mortalité infantile de 59% entre 1990 et 2010 a été saluée par Bill Gates et Tony Blair et a été identifiée comme un triomphe « de la fixation d’objectifs clairs, du choix d’une approche, de la mesure des résultats ». L’engouement technocratique pour l’Éthiopie a conduit à un afflux de l’aide, utilisé par le dictateur Meles Zenawi à des fins politiques. Cela comprenait le chantage à la nourriture « en affamant des paysans pour qu’ils soutiennent le régime et en punissant les partisans de l’opposition en suspendant l’aide alimentaire financée par les donateurs ».

Easterly parle aussi de la migration internationale, qui illustre dans quelle mesure l’orthodoxie du développement a abandonné les gens pauvres et leurs droits. Bien que des preuves solides montrent que la migration est l’un des « programmes » anti-pauvreté les plus puissants qui ont jamais existé (à titre d’exemple, 82% de tous les non-pauvres Haïtiens vivent aux États-Unis), la communauté du développement y voit un problème plutôt qu’une solution. La raison, selon Easterly, est que la réduction de la pauvreté qui se produit à travers les choix des individus de quitter le territoire d’un État a peu d’importance pour un esprit qui se concentre exclusivement sur ​​le développement au sein du territoire d’un État.

Utilisant les États – opposées aux particuliers – comme les unités d’analyse a peu de fondement en sciences sociales. Dans les milieux du développement, de bons résultats économiques sont presque toujours attribués à des politiques nationales habiles. Cependant, l’article désormais classique d’Easterly, co-écrit avec Larry Summers, Michael Kremer, et Lant Pritchett, montre que les différences de politiques entre les pays ne peuvent pas expliquer les différences de développement économique à long terme.

Si le développement économique orthodoxe est irrémédiablement défectueux, comme Easterly semble penser, quelle est l’alternative ? Suivre Hayek au lieu de Myrdal, utilisant les marchés, l’innovation technologique et la responsabilité politique, pour générer, tester et développer des solutions à la pauvreté et au sous-développement. Après tout, les grandes réussites économiques, notamment la montée de l’Occident et de grandes parties de l’Asie, ont été alimentées par un processus essai-erreur et par la destruction créatrice de Schumpeter.

« La tyrannie des experts » est un livre fascinant avec un message important. Au lieu de chercher en vain des solutions techniques, il est temps pour la communauté du développement de devenir le porte-parole de la liberté économique, personnelle et politique dans les pays en développement.

— William Easterly, The Tyranny of Experts: Economists, Dictators, and the Forgotten Rights of the Poor, Basic Civitas Books, mars 2014, 416 pages.


Analyse initialement publiée en anglais par le Cato Institute – Traduction : Libre Afrique.

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  • Lorsqu’un paysan pauvre voit sa récolte et ses quelques bêtes pillées par des types venus en pick-up 4×4 avec des fausses Ray-Ban et des vrais AK, il n’a plus la possibilité d’attendre la récolte suivante ou de reconstituer son cheptel, car il n’a plus rien à manger. Il arrête alors de produire, et la pauvreté du pays s’accentue. La condition première qui permet à une région de sortir de la pauvreté est que les habitants organisent leur protection contre ces types en 4×4, peu importe que ces types soient fonctionnaires ou pillards privés. Le problème est que ces types ont de solides ressources, puisqu’ils bénéficient à la fois du butin des pillages et de l’aide internationale. Plus l’aide internationale dont bénéficient les pillards est élevée, plus les ressources propres que la population devra consacrer, en réaction, à se protéger des pillards sera élevée, et moins ces populations pourront donc consacrer leurs ressources à se nourrir et à se développer.

    • Citoyen: « C’est donc un problème de distribution d’attribution des aides internationales. »

      Non, c’est un problème de droit.
      Avec le droit et une justice qui fonctionne, plus de pillage, plus de détournement et les humains sont obligés d’en passer par des échanges mutuellement consenti qui sont quasi toujours gagnants/gagnants.
      La prospérité des uns s’appuient sur celle des autres et la richesse globale augmente forcément créant encore plus de richesses.

      C’est un des principal axiome du libéralisme, la défense absolue des droits fondamentaux.

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