Quelles stratégies face à la surenchère fiscale ?

Compte rendu de la conférence de l’Institut Libéral organisée le 13 mars 2014 à Genève

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Quelles stratégies face à la surenchère fiscale ?

Publié le 17 mars 2014
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conference institut liberal 13-03-2014

Quelles stratégies face à la surenchère fiscale ? Tel est le thème de la conférence organisée le 13 mars 2014 à Genève par l’Institut Libéral, en partenariat avec l’AGEFI.

Dans son introduction Pierre Bessard, Directeur général de l’Institut Libéral, présente les intervenants :

  • Jean-Philippe Delsol est avocat fiscaliste, administrateur de l’IREF, l’Institut de recherches économiques et fiscales, auteur de Pourquoi je vais quitter la France et de À quoi servent les riches.
  • Philippe Kenel est avocat spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale.
  • Axel Arnoux est président du groupe Chauvin-Arnoux.

 

Les vraies raisons de l’exil

Jean-Philippe Delsol donne les derniers chiffres connus : 35 000 personnes par an quittent la France, dont 5000 contribuables assujettis à l’impôt sur la fortune.

Pourquoi ? En raison de la fiscalité, de l’instabilité juridique, de la complexité juridique et administrative.

La fiscalité ? Elle a atteint des records en France. Les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, et les contribuables à hauts revenus sont imposés à un taux de 57 %.

Le gouvernement actuel a augmenté les impôts et s’attendait, en 2013, à des recettes fiscales supplémentaires de 10 milliards d’euros. Il a dû déchanter. Elles ont diminué de 13 milliards d’euros… Il ne connaissait vraisemblablement pas la courbe de Laffer…

Alors que, partout ailleurs en Europe, l’impôt sur les sociétés a baissé, il a augmenté en France, et son taux record est aujourd’hui de 38 %. Alors que les prélèvements sociaux représentent 70 à 80 % des salaires net en France, ils ne représentent que 20 à 30 % dans nombre de pays européens, dont la Suisse ou le Royaume-Uni.

L’instabilité juridique ? Les droits sur les cessions d’actions ont changé trois fois en deux ans. Le délai de détention d’un bien immobilier pour bénéficier de l’exonération de la taxation sur les plus-values est aujourd’hui de 22 ans, après avoir été naguère de 15 ans, puis de 30 ans…

La complexité ? Il existe en France 40 000 textes réglementaires, ce qui lui vaut d’être classée au 126e rang sur 144 pays par le World Economic Forum pour sa complexité administrative et juridique…

Pour ceux qui veulent entreprendre, la France soviétisée ne fait pas rêver :

  • environ 50 % des personnes physiques ne paient pas d’impôt sur le revenu
  • plus de 50 % des personnes actives sont rémunérées par l’impôt

 

Ce n’est pas une affirmation en l’air.

Sur une population active de 28 millions de personnes :

  • le secteur public représente 5,2 millions
  • le secteur parapublic deux millions
  • les associations, subventionnées à 80 % : 1,44 million (=1,8 x 80 %)
  • les contrats aidés 0,5 million
  • les contrats d’apprentissage 0,2 million
  • les contrats de génération 0,05 million
  • les agriculteurs un million
  • les chômeurs 3,22 millions
  • les bénéficiaires du RSA socle 1,3 million

Soit un total non exhaustif de 14,91 millions…

Il y a donc bien deux France :

Dans le secteur public on travaille en moyenne 35 heures, et dans le secteur privé 39,6 heures. Dans le secteur public l’absentéisme est de 23 % et dans le secteur privé de 9 %. Dans le secteur public on part à la retraite en moyenne à 58 ans, et dans le secteur privé à 62 ans etc.

Le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, ex-député socialiste, déclare au Monde le 11 février 2014 :

« Dépenser plus ne garantit pas la croissance, surtout si la dépense est inefficace. Quand plus de la moitié du PIB est consacrée à la dépense publique, il est indispensable de s’interroger sur son efficacité. »

Il n’y a pas seulement en France qu’il y a du souci à se faire. Mais ce n’est pas une consolation. Dans un entretien accordé au Financial Times le 17 décembre 2013, Angela Merkel, lucide, déclare :

« L’Europe représente à peine 7 % de la population mondiale, seulement un quart du produit intérieur brut mondial, et 50 % des dépenses sociales du monde. »

Et l’Allemagne est pourtant en meilleure posture que la France…

Si la Suisse s’en sort mieux, c’est qu’elle a maintenu des États subsidiaires. Ce n’est pas la même chose d’être citoyen d’une commune et citoyen d’un État loin de ses préoccupations. Le frein à l’endettement lui a également permis de contenir la dette publique qui culmine à 35 % du PIB…

Jean-Philippe Delsol conclut que la France est peut-être devenue le musée du monde, ce qui peut faire rêver les vieux, mais certainement pas les jeunes, et qu’il faudra bien qu’un jour elle en prenne conscience et y remédie.

institut liberal geneve 13-04-2014

Après la convention Suisse-France sur les successions

Philippe Kenel, avant d’aborder ce sujet, rappelle que deux initiatives dangereuses ont abouti : l’une demandant l’abolition des « forfaits fiscaux » (le 20 novembre 2013), l’autre demandant l’imposition des successions de plusieurs millions (le 12 mars 2013).

Il faudra donc bientôt voter sur ces objets destinés à alourdir encore la pression fiscale. La Suisse n’est pas à l’abri de la surenchère fiscale…

En matière de successions, chaque État impose l’héritier comme il veut :

  • à son domicile,
  • selon sa nationalité,
  • au domicile du défunt.

 

L’OCDE propose un modèle :

  • les biens immobiliers sont imposés à leur lieu de situation,
  • les autres biens au lieu de domicile du défunt.

 

En Suisse, le droit des successions suit ce modèle, et la plupart des cantons n’imposent pas les successions entre conjoints survivants et en ligne directe… À Genève, le taux est de 6 %, dans le canton de Vaud de 7 %…

En France il y a trois possibilités :

  1. Si une personne domiciliée en France décède, tous ses biens situés en France ou hors de France sont imposés en France.
  2. Si une personne non domiciliée en France décède, mais que son héritier est domicilié en France depuis au moins six ans, tous ses biens situés en France ou hors de France sont imposés en France.
  3. Si une personne non domiciliée en France décède, et que son héritier n’est pas domicilié en France non plus, seuls ses biens situés en France sont imposés en France.

 

En France, il n’existe pas d’imposition sur les successions entre conjoints, mais il faut savoir qu’au-delà de 1 805 677 euros, le taux d’imposition en ligne directe est de 45 %…

Jusqu’à 2012, les relations fiscales en matière de successions entre la Suisse et la France étaient régies par la Convention conclue le 31 décembre 1953 en vue d’éviter les doubles impositions en la matière.

Cette convention était conforme au modèle de l’OCDE, avec, toutefois, une nuance : si les biens immobiliers situés en France étaient détenus par un défunt décédé en Suisse par le biais d’une SCI (Société civile immobilière), son héritier était imposé en Suisse.

Si, par hypothèse, il n’y a plus de convention du tout, de deux choses l’une :

  1. Ou l’héritier d’un défunt domicilié en Suisse n’est pas domicilié en France (ou n’a pas résidé six ans au cours des derniers dix ans) la succession est imposée dans le canton de domicile et les biens situés en France le sont également en France.
  2. Ou l’héritier est domicilié en France (ou y a résidé au moins six ans au cours des derniers dix ans), la Suisse impose la totalité des biens à l’exception des biens immobiliers situés en France et la France impose également tous les biens où qu’ils se trouvent.

 

Dans les deux cas, l’héritier imposé en France peut déduire les impôts payés en Suisse à l’exception des impôts relatifs aux biens situés en France, sauf qu’il n’y a pas, dans la plupart des cantons, d’imposition des successions en ligne directe… et que la plupart des successions se font entre parents et enfants.

La Convention 2013 diffère de celle de 1953 sur deux points :

  1. Il n’y a plus de distinction entre détention d’un bien immobilier directement ou par le biais d’une SCI.
  2. La France impose la totalité des biens où qu’ils se trouvent si l’héritier a résidé en France au moins huit ans au cours des dernières dix années.

 

En fait, elle reprend le droit des successions français avec pour seule différence qu’il faut huit ans de résidence sur dix au lieu de six sur dix…

C’est pourquoi Philippe Kenel pense qu’il est préférable qu’il n’y ait pas de convention du tout, plutôt que d’accepter une telle convention.

À l’argument que la France et l’Allemagne ont adopté une convention du même acabit, Philippe Kenel répond que ces deux pays ont le même système d’imposition alors que les deux systèmes suisse et français diffèrent complètement.

Il est curieux, souligne-t-il encore, que la convention entre la Belgique et la France ne soit pas remise en cause, alors qu’elle est similaire à celle de 1953 entre la Suisse et la France…

 

Perspective d’une entreprise multinationale et familiale d’origine française

Chauvin-Arnoux est un groupe qui a fêté ses 120 ans d’existence en 2013.

Pendant ces 120 années, quatre générations de la même famille se sont succédé à la tête du groupe. Axel Arnoux en est l’actuel Directeur général. Il raconte qu’il a connu plus de 30 ans de crise française.

Le secteur d’activité des instruments de mesure est en effet passé d’un effectif de 20 000 personnes à 2000, dont la moitié se trouve aujourd’hui chez Chauvin-Arnoux. Non seulement ce secteur industriel a disparu à 90 %, mais aussi une grande partie de ses clients…

Axel Arnoux peut témoigner que ce n’est pas la mondialisation qui a mis par terre l’industrie française, mais les systèmes fiscal et social français.

Comment le groupe Chauvin-Arnoux s’en est-il sorti ?

D’abord la transmission d’informations de génération en génération a permis à Axel Arnoux d’anticiper. Puis, comme les clients avaient disparu en France, il a porté tous ses efforts sur l’export, qui a été multiplié par dix : dix filiales à l’étranger, des milliers de points de vente etc. Enfin il a privilégié l’innovation technologique qui a permis au groupe de rester parmi les meilleurs.

Une baisse inéluctable des effectifs a eu lieu en France, départs naturels et plans sociaux, mais des activités extérieures ont été créées.

Après s’être délocalisé lui-même en Belgique, puis en Suisse, où il est domicilié depuis cinq ans, et où il est revenu après bien des années (il est diplômé de l’Institut supérieur de gestion de Montreux), il avait préparé sa succession quand tout a été remis en cause dernièrement par l’actuel gouvernement, nouvelle manifestation de l’instabilité juridique qui caractérise la France…

 

Lueurs d’espoir

Tous les constats qui précèdent ne sont guère réjouissants.

Alors que faire ?

– Se battre sur le terrain moral : la tyrannie fiscale n’est certainement pas morale.
– Parler de ce qui a marché : la privatisation des biens publics s’est faite en trois ans en Tchéquie sous l’impulsion de son président, Vaclav Klaus ; le Canada et la Nouvelle-Zélande ont su réduire drastiquement leurs dépenses publiques avant la crise etc.
– Présenter des solutions cohérentes : Jean-Philippe Delsol a été invité quatre fois sur France Culture pour parler de la flat tax…

Les frondes commencent avec les bonnets rouges, les pigeons, les poussins. Cela signifie bien que toujours plus de monde est touché.

Philippe Kenel raconte cette histoire :

« Un responsable du Parti communiste italien demande à un militant :
– Serais-tu prêt à faire don de ta maison au parti ?
– Bien sûr.
– De ta voiture?
– Bien sûr.
– Et de ta vespa?
– Non.
– Je ne comprends pas. Tu serais prêt à donner ta maison et ta voiture au parti, mais pas ta vespa?
– Je n’ai ni maison, ni voiture, mais j’ai une vespa. »

C’est quand beaucoup de monde sera touché que les solutions libérales auront quelque chance d’être entendues…

—-
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  • Excellent article, merci

  • La blague de Philippe Kenel est excellente!

    • Oui, mais c’est une variante d’une très ancienne histoire drôle d’un meeting communiste :
       » – Lorsque la dictature du prolétariat sera instaurée, on nationalisera toutes les vaches ! »
       » – Oui ! oui ! » dans la foule.
       » – Et tous les chevaux ! ».
       » – Oui, oui ! »
       » – Et tous les porcs ! »
      « – Oui ! oui ! »
       » – Et toutes les poules ! »
       » – Ah non ! »
       » – Et pourquoi non ? »
       » – C’est que des poules, moi, j’en ai ! »

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