Finance en Europe : la City de Londres perd-elle son influence ?

Analyse des risques et contraintes qui pèsent sur la finance britannique et exploration des conséquences et perspectives.

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Finance en Europe : la City de Londres perd-elle son influence ?

Publié le 19 mars 2014
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Par Sylvain Fontan.

City

Le quartier de la City, à Londres, est la première place financière mondiale. L’industrie de la finance est un élément incontournable de l’économie anglaise, notamment depuis les années 1980 et le passage de Margaret Thatcher à la tête du pays. En effet, le secteur bancaire représente environ 450% du PIB au Royaume-Uni, contre 300% en France ou encore 100% aux États-Unis à titre d’exemple. Dès lors, il apparaît que le poids du secteur bancaire dans l’économie britannique est prégnant, comparable à celui d’un pays tel que la Suisse.

Toutefois, ce fleuron de l’économie britannique est en proie à un certain nombre de doutes quant à sa pérennité dans un contexte qui a fortement évolué depuis le déclenchement de la crise globale. En effet, la crise économique qui s’éternise en Europe et la raréfaction du crédit entrainent un ralentissement de la place financière londonienne. De plus, la crise financière de 2008-2009 a fait émerger une demande accrue de régulation qui pèse sur les activités financières. Enfin, la montée en puissance de l’Asie et le basculement du monde économique vers cette partie du globe, peuvent également faire craindre un déplacement de la finance internationale.

Séparation des activités de détail et d’investissement des banques

La crise financière de 2008-2009 a suscité un certain nombre d’interrogations auprès des régulateurs financiers. À ce titre, une des solutions envisagées est la séparation des activités bancaires. Le but serait de protéger les branches domestiques et de détail des banques anglaises, des activités jugées plus spéculatives et risquées afin de garantir aux contribuables britanniques qu’ils n’auront plus jamais à renflouer le secteur bancaire. En effet, au plus fort de la crise, le Royaume-Uni a craint de devoir renflouer des banques qui courraient un risque de faillite et qui pouvaient avoir un risque systémique sur l’ensemble de l’économie. Mais pire que ce risque, la crainte majeure serait de devoir renflouer des banques dont la taille serait en réalité trop grande pour pouvoir être renflouer, et alors que le risque systémique sur l’ensemble de l’économie se réalise.

Les banques font valoir que cette perspective représenterait un coût compris entre 5 et 10 milliards d’euros par an, voire plus, sur le système bancaire. En effet, cela augmenterait la charge d’emprunt des banques pendant que, parallèlement, la garantie implicite de l’État sur les banques, s’effacerait. Le résultat serait alors que les banques devraient diminuer leurs opérations de gros sur les marchés financiers, autrement dit réduire le volume des transactions. Une telle réglementation limiterait les perspectives des banques nationales et entamerait les capacités de Londres à attirer les investissements. La place financière londonienne serait alors en grande difficulté pour maintenir son rang sur les marchés internationaux sur des actifs tels que les actions, les obligations ou les dérivés.

Toutefois, notons que le développement de la finance britannique a surtout été le fait des banques internationales, plus que des banques anglaises. En effet, plus de 50% des actifs bancaires au Royaume-Uni sont détenus par des établissements étrangers. En cela, il est possible de dire que Londres fournit la place financière mais que les acteurs sont essentiellement étrangers. Un peu moins de 50% des échanges de devises et de dérivés financiers sont négociés en Grande-Bretagne, mais seulement une banque anglaise fait partie des banques internationales les plus importante, la Barclays. Dès lors, l’essentiel de l’activité financière provient en réalité des banques internationales installées à Londres mais qui ne sont pas forcément concernées.

Augmentation des réglementations

Plus inquiétant pour la City qu’une éventuelle séparation des activités bancaires, qui n’a d’ailleurs que peu de chance d’être appliquée, est l’augmentation des dispositifs censés réguler les activités financières. L’idée générale visant à augmenter ces réglementations provient de l’Union Européenne (UE), mais devrait, dans les faits, essentiellement affecter Londres en tant que principale place financière européenne.

Un des projets est celui de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Une telle taxe pourrait rapporter 55 milliards d’euros à l’UE, dont 70% seraient de fait collectés au Royaume-Uni. Dès lors, si le Royaume-Uni venait à ne pas ratifier ce projet, alors ce dernier serait, de fait, vidé de sa substance. Une telle mesure aurait pour effet d’entraver les transactions et d’inciter plusieurs opérations à se délocaliser hors de l’UE (certaines estimations parlent même de 90% des opérations qui pourraient se délocaliser selon les secteurs concernés), entrainant ainsi des destructions d’emplois qui pourraient s’élever à plusieurs centaines de milliers d’emplois. De plus, dans un contexte où cette taxe sur les transactions serait instaurée uniquement en Europe, les autres zones, à commencer par les États-Unis, bénéficieraient de cette taxe pour voir leur activité augmenter au détriment de l’Europe. Dans ce cadre, il est peu probable que les britanniques consentent à ce projet et utilisent leur veto, au risque de ne plus pouvoir peser sur le reste des dispositions.

Plusieurs autres réglementations sont développées ou en projet. Prises individuellement, elles ne constituent pas un problème majeur, mais leur accumulation et leurs articulations les unes avec les autres poseraient un réel problème dans la conduite des affaires. De plus, certaines règles peuvent même être contradictoires dans leur philosophie. Par exemple, le fait de vouloir inciter les banques à émettre davantage d’obligations à long terme est contradictoire avec l’intention de pénaliser les assureurs de détenir des obligations de long terme car ils sont les principaux acheteurs de ces produits. L’ensemble de ces mesures souligne en réalité une confusion au sens de l’UE sur les objectifs et les moyens à atteindre, et peut même souligner un manque d’expertise quant à la mise en pratique de déclarations à visée politique. L’impact global de toutes ces mesures est encore inconnu, mais combiné à d’autres mesures telles que l’imposition à 50% sur la tranche supérieure des hautes revenus depuis 2010, la diminution de l’immigration, et donc de l’accueil des cerveaux, et enfin les discours anti-finance peuvent sensiblement décourager le développement de la City londonienne.

Baisse de l’activité et émergence de l’Asie

Les projets de réglementation font peser une menace certaine sur l’activité financière, mais à moyen terme. À court terme, la baisse de l’activité mondiale sur les principaux marchés est plus inquiétante. En effet, la finance a prospéré avec la longue période de développement du crédit au sein des pays riches, et notamment au cours des années 2000. Or, la contraction de l’activité s’est engagée depuis l’explosion de la crise financière. Les marchés actions européens et américains montrent des signes d’amélioration depuis le début de l’année 2013. Toutefois, ce constat doit être modéré car il règne une volatilité importante qui n’indique pas une consolidation fondamentale. Pour preuve, dès qu’une inquiétude apparaît (déclaration de politique monétaire inattendue, mauvais chiffres d’activité économique…) les marchés chutent, ce qui dénote une grande incertitude de la part des opérateurs de marché. Au Royaume-Uni, le part du PIB britannique revenant à la finance au sens large représentait près de 10% en 2007, mais ne représente qu’un peu moins de 8% actuellement. De plus, le nombre de personnes employées dans ce secteur a diminué de -8% en quatre ans, et les perspectives économiques relativement négatives n’augurent pas d’une inversion de tendance à court terme.

Le mouvement de basculement du monde depuis les pays développés et industrialisés vers les pays émergents s’opère depuis plus de 10 ans. Il se traduit maintenant par le fait que les principaux moteurs de la croissance mondiale se trouvent dorénavant à l’autre bout du monde, et notamment dans les grands pays émergents et émergés asiatiques. En parallèle au développement économique de ces pays, de nouvelles plateformes financières se développent, notamment à Hong-Kong et Singapour. L’avenir de ces nouvelles places paraît plus brillant que celui des anciennes métropoles telles que Londres et New York. En effet, si  Londres et New York demeurent respectivement à la première et la deuxième position mondiale au niveau financier, l’écart avec Hong-Kong (troisième) et Singapour (quatrième) diminue année après année.

Avantages de la finance britannique

Il convient néanmoins de souligner que la place londonienne conserve un certain nombre d’atouts qui ne sauraient être remis en cause, au moins à court terme :

  • Londres bénéficie de cercle vertueux où les effets de réseaux sont importants. Typiquement, le montant encore important des transactions permet d’attirer et de créer des richesses, qui permettent elles-mêmes d’attirer de nouvelles transactions. De plus, la place londonienne bénéficie encore de financiers de grand talent et très bien formés, permettant encore d’attirer les compétences.
  • Le rôle de la langue anglaise ne doit pas être négligé car il procure un avantage naturel sur d’autres centres financiers non-anglophones.
  • La localisation géographique de Londres a également son importance à travers les fuseaux horaires. En effet, les marchés britanniques ouvrent lorsque les marchés asiatiques ferment, et ils sont toujours ouverts quand les marchés américains débutent. Dès lors, il se trouve que dans une optique d’articulation des marchés, Londres constitue un emplacement idéal pour les gestionnaires de fonds.
  • En matière de droit international, les juristes anglais sont connus et reconnus et présentent une expertise certaine. Dès lors, cela permet d’assurer le qualité d’un aspect clef pour la conclusion de contrats entre parties internationales.

Un autre élément, plus humain cette fois, permet de modérer les craintes sur la perte d’influence de la finance britannique, au moins à court terme. En effet, les personnes les mieux établies et influentes sont arrivées à Londres au cours des années 1980 avec le mouvement de libéralisation de la finance. Or, ces personnes sont maintenant plus âgées et se sont attachées à Londres. Leurs enfants sont scolarisés et leur vie sociale est fortement liée à Londres. Dès lors, ils sont peu enclins à devoir trouver une nouvelle localisation pour leur activité.

En revanche, les nouvelles générations sont moins attachées à Londres. De plus, ils ne sont pas forcément incités à venir s’installer sur une place où les perspectives peuvent dissuader (impôts, règles, discours anti-finance, réussite mal vue…). Dès lors, si les diplômés sont moins enclins à s’installer à Londres, ils seront moins désireux à s’y établir plus tard une fois devenus patrons ou à des hauts postes décisionnaires. Par conséquent, les mesures politiques envisagées pourraient en réalité plus hypothéquer l’avenir proche que le présent de la place financière britannique.

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  • « mais seulement une banque anglaise fait partie des banques internationales les plus importante, la Barclays »

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