Par le docteur Bernard Kron.
Les déficits hospitaliers, avec ceux des comptes sociaux, sont devenus une maladie chronique. Ils étaient pour l’hôpital et la seule année 2013 de 400 millions d’euros. L’hôpital est plongé dans une culture du déficit, financé par la dette. Le déficit cumulé atteindrait 30 milliards d’euros, soit 1,4% du PIB. En 2012, le déficit avait artificiellement reculé grâce à des reports, passant de 455 millions à 150 millions.
Il y a à l’hôpital 9 strates administratives, conséquence de la Loi HSPT. Les comptes de nombreux CHU sont repassés dans le rouge. À l’AP-HP1 de Paris, le dérapage est reparti, il serait de 100 millions. Conséquence des 35 heures, l’AP-HP devait à ses agents l’équivalent de 2.500 postes en jours de récupération en 2010, et les soignants sont épuisés.
Les hôpitaux de Poissy et Saint Germain-en-Laye, malgré leur fusion, présentaient un déficit cumulé de 140 millions en 2011. Le déficit a atteint, comme à Marseille, plus de 26 millions d’euros l’année dernière. Ils devaient être reconstruits à Chambourcy, mais Claude Évin échaudé par l’HSF déjà en déficit a annulé ce projet.
Le CHU d’Amiens a reçu 40 millions d’aides en deux ans. Nancy, Toulouse, Bordeaux, Clermont-Ferrand sont dans la même situation… On pourrait les citer tous !
L’hôpital reste en effet extrêmement dépensier et peu efficace. En 2008, le budget hospitalier représentait 36% du budget soins, il serait maintenant de 45% (Cour des Comptes). Trop de personnel administratif, trop de lits aigus, pas d’efficience, trop de tâches en dehors des soins, mauvaise organisation des blocs, balkanisation des services, retard dans la formation des internes, emprunts toxiques, tels sont les maux de l’Hôpital malade de son organisation.
L’AP-HP doit aussi se réformer : « Un hôpital pensé il y a quinze ans n’a aucune chance de correspondre aux bonnes pratiques de la santé moderne ». « Si on réfléchit au visage futur de l’AP-HP, nous devons envisager de reconfigurer la surface hospitalière et de la réduire de 40 à 50% lors des quinze prochaines années. » « Aujourd’hui, les 38 établissements de l’AP-HP sont répartis sur une surface bien trop massive de 3 millions de m2 » déclarait l’ancienne directrice Mireille Faugère lors de son discours d’investiture ; elle a depuis été remerciée. Elle devra se restructurer sous la houlette de l’ARSA de l’Île de France (Cl. Evin).
Le projet de regroupement des 37 établissements en 12 groupes de soins est la conséquence du déficit chronique de l’AP-HP. Les bâtiments sont pour un grand nombre vétustes et trop dispersés. Dans le cadre de la préparation du plan stratégique 2010-2014, le conseil exécutif de l’AP-HP (composé à parité de directeurs et de médecins) avait décidé la fermeture de plusieurs hôpitaux : fusion des hôpitaux Bichat et Beaujon, et construction d’un hôpital moderne au nord du Grand Paris. Fermeture des services d’hospitalisation de l’Hôtel-Dieu2. Paul Brousse serait dépecé en faveur de Bicêtre. Les activités de Fernand-Widal passeraient à Lariboisière. Les services de pédiatrie spécialisée de Trousseau partiraient sur pôles pédiatriques de Robert Debré et Necker. Trousseau ne garderait que la maternité et la pédiatrie générale.
L’AP-HP compte 20 000 médecins avec un déficit cumulé de plus de 8 millions d’euros (20 millions en 2012). Le temps consacré aux soins diminue avec la multiplication des contraintes. L’effectif de l’AP-HP est supérieur de 44% à celui observé en moyenne dans l’ensemble des hôpitaux pour la même part d’activité. L’écart entre le personnel médical de l’AP-HP et celui des autres CHU représente 550 équivalents temps plein. Le nombre de médecins présents pour les soins varie de un à six au sein du même service. Sur une même semaine, la quantité de personnel pour un même acte varie de 1 à 3 entre le privé et le public.
L’Assistance Publique devrait supprimer 1.000 emplois de soignants (infirmières, aide-soignantes, secrétaires médicales) et 150 postes de médecins compte tenu des réformes envisagées. Le déséquilibre entre le nombre d’administratifs et de soignants reste trop grand avec l’augmentation des strates administratives. Les soignants s’usent face aux obligations administratives, à la traçabilité, aux référentiels, aux mises aux normes, aux principes de précautions et à l’accréditation, souvent illusoires pour la qualité. Ce sureffectif n’empêche pas de graves dysfonctionnements, car dans la chaine de soins c’est toujours le maillon faible qui cède. La normalisation des diplômes, les référentiels, la chek list ne changera rien car la qualité de formation des personnels, en dehors des services de pointe n’est pas toujours au rendez-vous.
- AP-HP : L’Assistance publique – Hôpitaux de Paris est l’établissement public de santé qui exerce le rôle de centre hospitalier régional pour Paris et l’Île-de-France. ↩
- La révolte des urgentistes de l’Hôtel Dieu va stopper ce projet et faire remplacer sa directrice Mireille Faugère par Martin Hirsch. ↩
Moui, bon je continue à rigoler, parce que c’est un problème récurrent de la totalité du système.
La fin concernant les normes, principe de précaution et consorts est un classique. C’est partout pareil et ce n’est pas fini. Je dirai même que ce n’est que le commencement.
Bonjour
Prenez un système qui fonctionne, mettez-y des fonctionnaires, les coûts explosent, la qualité s’effondre.
Encore une fois on peut le dire, ouvrons la santé à la concurrence.
Pendant que l’hôpital publics fait du déficit, les cliniques privées ELLES font du bénéfice .
Cependant, certaines opérations, jugées non rentables, ne sont pas réalisées par les cliniques privées qui vous enverrons à l’hôpital le plus proche.
Il suffit d’entrer, par la petite porte, dans un hôpital, par petite porte j’entends celle prise par les fournisseurs, pour constater les aberrations de gestion, de management, de comportement.
Dans une entreprise privée, chacun a une obligation de résultat : tu dois atteindre tes objectifs avec ce qu’on te donne.
L’expérience ubuesque que j’ai de l’hôpital public est la réunion improbable de fonctionnaires (carriéristes ou non motivés, appliquant des procédures et gérant des budgets d’une façon qui n’a guère évolué depuis Courteline), et de médecins revendiquant l’obligation de moyens (rien n’est trop cher pour soigner un patient et peu importe le résultat).
Bref, l’obligation de résultat n’a aucun sens dans l’hôpital public.
Dans ce monde étrange, c’est bien sur le petit personnel dévoué qui trinque. A commencer par les infirmières.
Une seule solution: Déréglementer et ouvrir au marché.
Pourquoi cette obstination morbide à rejeter le marché ?
“It is amazing that people who think we cannot afford to pay for doctors, hospitals, and medication somehow think that we can afford to pay for doctors, hospitals, medication and a government bureaucracy to administer it.”
Thomas Sowell
Je serais curieuse de connaitre la proportion d’impayés et le montant du déficit des urgences enfants de Robert Debré, qui reçoivent 200 (deux cents ! ) petits patients par jour…