Par Emmanuel Bourgerie.
Le gouvernement Valls, dans la lignée d’Ayrault, ayant découvert que dépenser sans compter n’est pas un fonctionnement économique que l’on peut appliquer indéfiniment, vient d’annoncer la couleur des 50 milliards d’économie de dépense publique. Comme il fallait s’y attendre, aucune réforme de fond n’est proposée, tout du moins aucune réforme d’ampleur ne sera mise en œuvre durant ce quinquennat.
Dans ces 50 milliards d’économies de bouts de chandelles, on évoque notamment la suppression des aides au logement pour les enfants de familles non-boursières. C’en est presque à croire que le gouvernement se plaît à rappeler qu’aucune réforme digne de ce nom n’a été faite ni dans le domaine du logement ni dans le domaine de l’enseignement supérieur depuis bien longtemps.
La France est un pays où l’on se contente de créer des aides sociales et des niches fiscales en guise de réponse à un problème donné. Elles ont en effet de nombreux avantages politiques : entamer des réformes difficiles est l’assurance pour un politique de se faire balayer aux prochaines élections, alors qu’une aide financière a un effet immédiat, elle est bien comprise par la population (surtout celle qui ira voter), et surtout elle est financée par de la dette, c’est-à -dire que quiconque mettra en place une niche ou une aide aura fini sa carrière politique depuis bien longtemps avant qu’il ne faille en payer la facture.
Il en résulte un monstre bureaucratique impossible à réformer, et c’est encore plus vrai dans l’enseignement. On l’a bien vu avec la « réforme » des universités sous Sarkozy, qui n’a changé que quelques détails purement techniques de leur organisation, mais qui pourtant a suffi pour déclencher quelques manifestations.
Le problème de l’enseignement supérieur est bien plus profond qu’un simple souci de logements étudiants : la déconnexion entre l’enseignement fourni et la réalité professionnelle n’a jamais été aussi importante, il y a toujours 150.000 jeunes chaque année qui disparaissent dans la nature sans le moindre diplôme, il y a une inflation du niveau de diplôme requis pour obtenir le moindre travail, et dans le même temps les étudiants sont de plus en plus précaires, l’ascenseur social est rouillé et le taux de chômage des jeunes en France reste préoccupant, d’autant plus au regard des pays économiquement similaires.
La gauche a toujours été opposée par principe aux baisses de dépenses, et l’on comprend pourquoi maintenant qu’elle est au pouvoir. J’ai peur qu’il y ait une incompréhension sur ce que « baisser la dépense publique » signifie. Il ne s’agit pas de baisser les salaires des fonctionnaires ou de raboter quelques millions de-ci de-là ; il ne s’agit pas non plus forcément de privatiser ou de faire reculer les fameux acquis sociaux.
Oui, ces quelques milliards d’économies sont bienvenus, même s’ils ne sont pas agréables pour ceux concernés. Aucune baisse de dépense n’est agréable pour personne. Mais il y aurait pourtant des pistes possibles dans l’enseignement supérieur pour réduire la dépense, non pas en sucrant les budgets papier-toilette, ni en massacrant le fameux modèle social.
Mais on peut aussi se contenter de supprimer les allocations logement des non-boursiers et prétendre que l’enseignement supérieur français a eu les réformes nécessaires.
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Sur le web.
Bonjour
De toute façon l’enseignement sup est irréformable, vous avez 150 000 étudiants qui sont en échec et qui sont prêt à faire le coup de feu avec l’appui des médias et des parents.
CPEF
« Mais il y aurait pourtant des pistes possibles dans l’enseignement supérieur pour réduire la dépense, non pas en sucrant les budgets papier-toilette, ni en massacrant le fameux modèle social. »
ben lesquelles justement ???
Et alors finalement qu’est-ce que vous proposez concrètement ? Assez facile de critiquer, il y a d’ailleurs déjà beaucoup de monde pour ça.
Ben on libère tout. Chaque université devient indépendante, financièrement en termes de recrutement (profs, étudiants et « petit personnel »). Les étudiants peuvent aller là où ils veulent, s’ils y sont pris.
Dans le même temps on libère le logement (construction de ce qu’on veut, où on veut, pourvu qu’on en soit propriétaire), on supprime toutes les restriction qui rendent les locataires intouchables (et font qu’un propriétaire ne veut louer qu’à un père de famille cadre supérieur de la fonction publique).
Après, on peut décider d’aider les étudiants pauvres en leur accordant des « prêts d’État » et/ou en rendant certaines formations gratuites en échange d’un engagement à X années de travail (mal payé) pour l’Etat (comme à normale sup’, l’X ou l’ENA, sauf que là ça serait pour tous et donnerait des CDD de fonctionnaires à bas prix permettant de remplacer les actuels trop payés ).
Autre trucs qui réduirait les couts : supprimer le statut et virer la moitié des personnels administratifs du supérieur (par ex. il y a souvent 3 personnes à temps plein pour gérer les emplois du temps et occupation des salles, à la main, alors qu’un logiciel fait tout ça mieux et pour bien moins cher) et mettre en place des retenues sur salaire pour les enseignants qui ne font pas leur montant théorique d’heure (ça représente beaucoup d’heure… )
«  »Ben on libère tout. Chaque université devient indépendante, financièrement en termes de recrutement (profs, étudiants et « petit personnel »). Les étudiants peuvent aller là où ils veulent, s’ils y sont pris. »
… Oui sur le modèle US. Résultat : inflation des prix des études, endettement massif des étudiants, facs « privées » pourries jusqu’à l’os et exorbitantes. T’es pris si t’es riche, si tes parents peuvent faire un don substantiel aux « oeuvres » de l’école… Pas si t’es bon
Plus sérieusement : il est idiot de tout attendre de l’enseignement.
En Suisse, les 3/4 des élèves passent par l’apprentissage. Plus il y a de bacheliers, plus il y a de chômeurs.
Et en suisse également il y a une véritable pénurie d’étudiants en sciences dures (notamment). L’apprentissage a ses limites et est loin d’être la solution miracle. De plus, tous les domaines d’études ne peuvent se faire en apprentissage comme par exemple en math ou en physique fonda ou l’apprentissage serait une véritable ineptie.
Concretement une autonomie des universités ne reglerait en rien les problèmes. Tout simplement car les facs n’ont pas les moyens. Dans la plupart des facs on en est réduit à un point où:
-on a définitivement supprimer le chauffage (génial dans les amphis et les bureaux en plein hiver)
-on gèle les embauches (en ne renouvelant pas tous les départs en retraites par exemple) alors qu’on manque cruellement des chercheurs et d’enseignants chercheurs
-on précarise à tours de bras.
-On force les enseignants chercheurs à gérer eux-meme l’administratif (emplois du temps,…)
clairement je ne sais pas dans quelles facs vous avez vu qu’il y avait trois personnes pour faire le même boulot mais d’une ce n’est pas la majorité des facs et de deux il ne s’agit pas non plus des plus réputées.
Et bien entendu malgré toutes ces détériorations des conditions de travail (pour les enseignants, les chercheurs mais aussi les étudiants) on continue de forcer les universités à recruter des élèves qui n’ont rien à faire à la fac car ils n’ont absolument pas le niveau. Cherchez l’erreur…
Concrètement les facs ont des moyens, mal utilisés. Le budget par étudiant de l’université Joseph Fourrier à Grenoble est plus grand que celui à l’INPG, le groupe d’écoles d’ingénieurs de Grenoble. Le budget par étudiant à l’université Pierre Mendès-France à Grenoble est plus important que celui à Grenoble École de Management. Et pourtant ces deux « groupes d’écoles » ne sont pas non plus des exemples de gestion correcte.
Les université Française ont du pognon (moins que dans d’autres pays, c’est sûr) mais croulent sous les charges et salaires de personnes inutiles et qui ne foutent rien. Toujours dans les universités grenobloises, pour les premières visites de l’AERES les audits ont révélé nombre de cas symptomatiques. Un des plus beaux était un gus, professeur des universités qui touchait son salaire peinard mais était depuis 10 ans installé en Polynésie à faire avion taxi à temps plein. Personne n’avait avant cela réalisé qu’il ne donnait jamais de cours et ne publiait jamais rien, n’allait jamais à aucun colloques… A Dauphine, temple du capitalisme universitaire le plus débridé et haut lieu du libéral-fascisme (Salin, Salin… argh) il y avait du temps de ma thèse l’équivalent de 10 temps plein de professeur/MCF manquant. Vu que tous ceux que je connaissait faisaient des heures sup…
Dans le même temps mon labo avait trois secrétaires : une CNRS (on était UMR), une du labo et une pour… je ne sais quoi. Elle ne bossaient pas beaucoup et ne rataient jamais un « congé maladie ». Elles faisaient les emplois du temps sans vérifier les disponibilité des salles, nous demandaient de faire toutes les démarches administratives pour les conf, les demandes de bourses etc. De même nous avions un « informaticien ». Incompétent, et à mi-temps théorique avec un autre labo. Totalement inutile sauf pour nous ennuyer modérément (il se partageait sur nous, labo de maths appliquées et un labo d’informatique théorique) et la plupart du temps au lieu de bénéficier de son aide les doctorants et autres chercheurs « de base » devaient pirater leur propres systèmes pour pouvoir faire ce qu’ils voulaient. Le clown refusait d’installer LaTeX prétextant qu’il pourrait contenir des virus et ouvrait des passerelles vers des serveurs suspects (genre l’INRIA 😉 ).
Pour autant les facs sont effectivement aussi handicapées par les étudiants qui n’ont vraiment pas le niveau et y trainent année après année. Toujours à Dauphine, l’année avant le changement de statut (qui permet désormais officiellement la sélection sur dossiers), les syndicats étudiants nationaux (qui n’y ont jamais dépassé les 5% aux élections) ont obtenu la suppression de la sélection sur dossier qui s’y pratiquait depuis la création de la fac. Et là , surprise, taux de réussite au DEUG dans les 35% comme partout ailleurs à l’époque, alors que traditionnellement il tournait autour des 70%. Deux ans de perdus pour ces étudiants pas au niveau ou pas dans les bonnes sections, et plein d’argent dépensé en vain par le contribuable.
Trop gratuit, trop peu de sélection, ça implique des armées d’abrutis en bonnet péruvien qui se cachent le plus longtemps possible de la terrible obligation de devoir bosser pour vivre ou même apprendre quelque chose.
Il y a deux conditions IMPERATIVES à l’autonomie des établissements (de la maternelle à l’enseignement supérieur) :
1- la liberté pour l’établissement de recruter et de licencier ses personnels selon les compétences, la motivation et l’adhésion au projet de l’établissement ( comme pour n’importe quel cadre d’entreprise privée)
2- la liberté pour l’établissement de recruter et de renvoyer les élèves sur sa motivation et son adhésion au projet pédagogiques de l’établissement et du plan de progression proposé.
L’étudiant apportant le financement au travers du chéque éducation…
Le texte est interessant mais doit s’accompagner d’une méthodologie pour expérimenter l’autonomie. Car elle ne se décrete pas.
1- autoriser la création d’établissements autonome à 100%, financés par le « chéque » éducation, et dont l’état ne s’assure que des savoirs acquis à la fin de chaque cycle. Important, l’administration ne peut refuser à un établissement autonome de se créer au sein d’un établissement existant, à condition d’y attirer élèves et enseignants.
2- un établissement autonome est libre de recruter les enseignants sur les critères de son choix comme n’importe quelle entreprise, avec des contrats privés classiques. Comme tout cadre, le manque de résultat, d’adhésion au projet de l’établissement peut entrainer le rupture du contrat de travail.
3- un établissement autonome fixe librement ses rythmes de travail, sa pédagogie, sa methode d’évaluation des apprentissages, la durée des congés…; etc…
4- un établissement autonome recrute librement les élèves, necessitant l’adhésion des parents et enfants au projet pédagogique, proposant un plan de progression, et capable de refuser les élèves ne respectant pas leurs engagements.
L’important n’est pas de transformer le mamouth… c’est tout simplement impossible. Il faut créer les conditions d’expérimenter, d’inviter les enseignants à federer leurs projets éducatifs hors du carcan dont ils sont les premières victimes, de libérer leurs énergies, leurs passions d’enseigner, leurs compétences.