Alstom, GE et Montebourg-la-bricole

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Implantation d'Alstom à Chatanooga (Crédits Larry Miller, licence Creative Commons)

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Alstom, GE et Montebourg-la-bricole

Publié le 28 avril 2014
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C’est l’histoire d’un géant déchu, dont les réalisations passées ne suffisent plus à lui assurer un avenir solide. C’est l’histoire d’un autre géant qui a besoin de s’agrandir. C’est l’histoire d’un rachat, de milliards d’euros et de dollars échangés, d’opérations boursières difficiles et complexes. Et c’est la démonstration, en creux, de cette compulsion maladive des groupies de l’interventionnisme étatique à la française à se mêler de tout, au détriment de l’intérêt général.

nokia 3310Cette histoire aurait pu être celle de Nokia dont son activité « téléphones portables » vient d’être rachetée par Microsoft : après des mois de procédures pour faire valider le rachat par les autorités de la concurrence du monde entier, le géant du logiciel a officiellement racheté le dernier fabricant européen de smartphones, pour un peu plus de cinq milliards et demi d’euros. Selon l’accord, Microsoft utilisera probablement la marque Nokia pendant encore quelques mois avant de la faire disparaître, probablement au profit de Microsoft Mobile. Il est bon de noter que Nokia, qui continue à exister au travers de ses autres activités et notamment de Nokia Solutions and Networks (NSN), a l’interdiction de vendre des téléphones durant cette même période.

Mais ce n’est pas cette histoire qui m’intéresse.

En effet, lorsque le géant du logiciel a décidé ce rachat, il s’est essentiellement agi d’une opération commerciale et boursière. On peut bien évidemment parier sur d’intenses négociations entre les différentes parties prenantes, tant les firmes finlandaise et américaine ont intérêt à s’accorder. Mais en tout cas, les autorités finlandaises ne sont pas intervenues. Peut-être, compte tenu de la taille du conglomérat finlandais, y a-t-il eu des pressions ou des arrangements entre le gouvernement et les dirigeants de Nokia, mais rien n’en a filtré. Plus simplement, on peut aussi admettre que ce gouvernement a laissé les actionnaires se débrouiller selon leur meilleur intérêt.

En France, on observe un événement assez similaire : on apprend, de source incertaine mais tout de même, avec des petits bouts de rumeur bien insistante, que General Electric, le conglomérat américano-canadien, aurait proposé de racheter Alstom, pour la modique somme de 9,4 milliards d’euros – soit 25% de plus que le cours de bourse, au passage –, somme bien vite démentie par le groupe de Patrick Kron qui ne veut pas du tout être dilué dans un truc beaucoup plus gros que lui.

La rumeur une fois connue et confirmée, deux phénomènes apparaissent : d’une part, les journalistes s’empressent de fourrer leurs gros micros mous sous le nez des politiciens, à commencer par celui de Valls et de Montebourg, le frétillant ministre de l’industrie et des pilules bleues qui aident à la reproduction, afin de bien leur faire comprendre qu’il était impératif qu’ils s’expriment. D’autre part, ces mêmes politiciens ont évidemment répondu aux questions posées en apportant une saine dose de « Pas De Ça Chez Nous » à laquelle, il faut bien le dire, les journalistes s’attendaient.

Si je souligne ces deux acteurs (les journalistes d’un côté, les politiciens de l’autre), c’est parce que leur interaction est ici essentielle : les journalistes n’auraient pas été titiller les politiciens s’ils n’avaient pas senti que ces derniers s’empresseraient de réagir ainsi, et les politiciens se seraient probablement bien passés de faire le moindre commentaire si les journalistes n’étaient pas venus les voir. Et c’est d’autant plus vrai que chacun des deux a un intérêt à réagir ainsi : les pisse-copies ont bien du mal, actuellement, à enchaîner la moindre analyse pertinente sur la situation politico-économique française (ou, pire encore, sur les enjeux de la prochaine élection européenne) et les politiciens, de leur côté, n’existent pas s’ils n’ont pas leur nom quelque part dans l’un des milliers d’articles que la presse subventionnée produit tous les jours pour faire semblant d’informer son lectorat.

La situation ainsi campée, il était donc inévitable que Valls puis Montebourg s’expriment.

Pour Valls, l’affaire fut réglée par une pirouette : « je m’exprime bruyamment pour dire que je ne vais rien dire. Ainsi, j’existe médiatiquement et mon non-communiqué sera amplement repris pour dire, après analyse, que je n’ai rien dit » avec le bonus de se laisser une voie d’intervention possible : « Nous sommes attentifs », ce qui veut dire que si jamais General Electric devait fauter, hop hop hop, le gouvernement interviendrait. Epic win et tout ça.

montebourg-vigilance-patriotiquePour Montebourg, bien sûr, il s’agissait de montrer que la France, éternelle et merveilleuse, n’allait pas se laisser faire ainsi. Dès la rumeur connue, les coulisses s’agitèrent. L’idée générale est toujours la même : les actionnaires d’Alstom, parmi lesquels on put compter l’État avant qu’il revende ses parts à Bouygues, ne sont pas assez malins pour savoir ce qui est bon pour eux. Le gouvernement, fermement cornaqué par le fier Arnaud, lui, sait qu’il ne faut pas qu’un groupe étranger, à plus forte raison américain, entre au capital ou le rachète entièrement, parce que… parce que c’est mal, voyons, c’est évident. Dès lors, une saine « préoccupation et une vigilance patriotiques » sont nécessaires, ce qui se traduit par des approches de plus en plus lascives vers… Siemens.

Tout ceci est confus ? Rassurez-vous, tout est hors contrôle, Montebourg est aux commandes et appuie sur tous les boutons, les gros leviers et les petites volants pour obtenir un truc, n’importe quoi, qui puisse se médiatiser sous la forme d’une réussite, de près ou de loin. Et si ce n’importe quoi passe par l’exacte antithèse de ce qui nous a été vendu il y a quelques années par Sarkozy (qui s’est, rappelons-le, « battu » – avec l’argent des autres – pour qu’Alstom reste 100% français), eh bien tant mieux : allons voir Siemens qui sera certainement ravi de former un « partenariat » avec la société française, pardi ! Partenariat d’autant plus fructueux que là où General Electric peut s’avérer complémentaire à Alstom en Europe, Siemens lui est directement concurrent, ce qui promet des décisions douloureuses au niveau des salariés…

img contrepoints259Décidément, rien de plus jouissif pour un politicien que faire l’exact contraire de ce qu’un concurrent fit jadis, surtout si cela permet, même vaguement, de modifier le cours normal des choses et d’intervenir avec fracas dans la vie de milliers de personnes ! Peu importe que le résultat soit probablement sous-optimal pour ceux qui ont un intérêt direct dans la société (actionnaires, salariés, fournisseurs et clients) : l’État (et en particulier Montebourg) a une idée précise de ce qu’il convient de faire (à savoir s’agiter), idée bien mieux renseignée que ces différentes parties prenantes, évidemment !

Il est particulièrement éclairant de voir le calme et la pondération qui ont accompagné le rachat de l’activité téléphonique de Nokia par Microsoft d’un côté, et l’effervescence journalitico-politique lorsqu’il s’est agit d’Alstom par General Electric. Que le premier rachat se situe en Finlande et le second en France explique seulement en partie la différence de traitement ; ne nous leurrons pas, les Français sont latins et on les voit mal rester de marbre lorsqu’un changement d’importance arrive. Mais comment qualifier l’intervention de l’État et de ses sbires dans cette affaire si ce n’est par « ingérence » ? Sous prétexte de « sauver » de l’emploi en France, des tractations et des pressions sont faites en dépit de tout respect du droit de propriété et, surtout, de toute discrétion qui devrait entourer des affaires de cette importance.

montebourg pour toi public

Pire : comment justifier ces changements de politique industrielle (un coup Siemens est le diable, un autre un partenaire valable) ? Comment n’y pas voir la frénésie du court-terme, les petits arrangements à la va-vite, la connivence, le bricolage voire la panique ? Comment croire que toute cette agitation n’aura aucun impact sur la viabilité de l’entreprise ? Et surtout, comment imaginer, avec l’historique catastrophique de l’État en général, et de Montebourg en particulier, que ces excitations se termineront bien ?

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  • Ah, h16 et l’affaire Alstom, j’attendais ça de pied ferme, merci 😀

    Et d’ailleurs : Toyota vient de déménager son siège social américain de la Californie au Texas. Pour rappel la Californie d’un point de vue économique et politique c’est la France de l’Amérique, ni plus ni moins. Le Texas lui est un état très libéral économiquement, très pro-business et base son grand succès économique (un vrai boom économique) sur des impôts bas et des régulations légères, de nombreuses entreprises ont donc emmenégé là-bas, quittant les états avec impôts élevés et régulations contraignantes. C’est une grande victoire pour le Texas et son gouverneur Rick Perry qui s’est battu pour cela, j’espère que Contrepoints nous fera un jour l’honneur de nous faire un article sur cet Etat US qui est une vraie leçon économique en lui-même.

    • Tu n’y habites toujours pas ?

      Je veux pas dire, mais….le temps passe. Les USA, c’est loin d’être le PARADIS, mais par rapport à la France, il est vrai que l’on peut gagner sa vie en travaillant (beaucoup des deux, souvent).

      Pour moi, c’est pas un rêve ce pays. (surtout pas le Texas, je déteste les cowboys)

      M’enfin ! fonce mon gars, j’ai plein d’exemples de gens qui ont réussi là bas et qui seraient restés des merdes en France. Ne t’encroute pas ici !

      • Je dois finir mes études d’abord, encore 2 ans ^^
        Et puis tu sais les cow-boys (c’est pas ma tasse de thé non plus, ça passe mais c’est tout) tu ne les vois qu’à la campagne ou des festivals mais pas dans les grandes villes, c’est quand même un Etat très urbanisé.

        Après je ne déteste pas la France, mais il est vrai que je pense pas avoir un avenir ici, ça ne cesse d’empirer. Et puis le paradis n’existe pas, mais vivre aux USA a toujours été un rêve pour moi, donc pas un rêve pour toi mais pour moi (et plein d’autres), depuis gamin. A la base c’est la Californie qui me faisait rêver mais vu l’horreur que c’est devenu c’est pas la peine 🙁

      • C’est sur il vaut mieux la France avec béret sur la tête et baguette sous le bras, ah quand les clichés ont le vie dure !

  • Nos gouvernants ont ils des actions Alstom?
    Quand on regarde le patrimoine des ministres on s’aperçoit qu’il est presque exclusivement investi dans la pierre ( la bulle n’est donc pas pour leur déplaire). Leur portefeuille actions est nul ou quasi nul ( sauf pour Fabius ). ceci démontre qu’ils ne croient pas au potentiel de nos champions ( et encore moins d’Alstom). Ils ne cherchent donc maintenant que l’effet de comm pour faire croire qu’ils ont une politique. Ils préfèrent faire un cadeau à L’Allemagne ( qui est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire au niveau de l’énergie!) car cela semble montrer leur pouvoir au niveau europe.

  • Par rapport au Viagra @tm, ça n’aide pas à la reproduction, juste à bander.

    Cela n’augmente pas la production de gamète (enfin, je peux me tromper…). Pour Montelabourge de toute façon, il ne produit rien. Il est complètement stérile. La pilule bleu c’est juste pour nous faire mal au derrière.

    Désolé, ça m’a échappé. Oups, I did it again.

  • Personne ne parle de la pub anti french bashing sur TF1 ?!

    Perso, ça commence à me faire flipper ces trucs à la con. Déjà que mes enfants chantent manger bouger point.con, attention pas trop salé sucré….

    Maintenant, on va me dire: aime ton pays. Bah voyons. Elle est salée celle là !

    • Géniale cette pub, une merveille de toute beauté et vérité… …!
      Golum n’est plus Golum, j’suis triste 🙁
      Article fort intéressant au passage, mieux que BFM radio 😉

    • Cela fait malheureusement bien longtemps que le lavage de cerveau passe à la télé, ça me fait penser au télécran d’Orwell

  • Alors qu’il prétend défendre l’emploi, Montebourg soutient systématiquement les propositions les plus destructrices d’emplois et les plus nuisibles pour le tissu industriel de la France (Bouygues pour SFR, Siemens pour Alstom, et combien d’autres encore non médiatisées). Heureusement, le minustre n’a pas eu gain de cause pour le premier dossier, tellement l’offre concurrente était à l’évidence supérieure, sur tous les plans : logique industrielle, logique financière, création de valeur donc in fine d’emplois.

    La guerre civile menée avec rage par l’Etat obèse socialiste contre la France et les Français se poursuit sans relâche.

  • Le rachat d’Alstom (du moins la branche énergie qui est rentable et fortement sous-côté) n’est que la démonstration que la crise actuelle est en grande part socialo-écologico-économique. D’où la grande discrétion de Valls. Montebourg brasse du vent pour coller à son image mais ne s’apesantit surtout pas sur les causes : circulez il n’y a rien à voir. Pour les actionaires, c’est une aubaine : faire une plus-value de 25% sur un titre qui ne pourrait remonter à long terme qu’après l’attérissage des politiciens bucoliques sur les réalités en matière d’énergie.

    Hier Peugeot, aujourd’hui Alstom, demain Total devra probablement fermer une raffineire. Il faut d’urgence recruter des fonctionnaires pour soutenir la courbe du chômage.

    Enfin sans moi !

  • En parlant de patriotisme, je serais surpris que la fusion ne fournisse l’occasion de délocaliser le siège (et les bénéfices) d’Alstom (après Lafarge, EADS et tant d’autres).
    Et honnêtement je le souhaite, car l’argent ponctionné par notre État est dépensé nuisiblement, et c’est ainsi que l’entreprise améliorera les chances de survie de ses usines françaises.

  • Rachat d’Alstom par General Electric ? Faut-il y voir un pré-positionnement US en prévision du très prochain traité Transatlantique ?

  • Si seulement le rachat d’Alstom par de « méchants » étrangers, pouvait refroidir la passion de nos élus pour leur « danseuse TGV ».

  • Et COCORICON !
    Bientôt plus d’entreprises sous contrôle français ❗
    Allez, encore un effort les gars, vous êtes sur la bonne voie :mrgreen:

  • D’ abord l’ actif énergies n’ est PAS coté @ pragma
    ensuite l’ Etat a participé comme moi à l’ augm cap en 2003, le cours de l’ action était très bas puisqu la sté était proche de la faillite à cause des turbines achetées à ABB donc si l’ état a vendu ses actions il a réalisé une forte + valu
    la fabricat des puissantes turbines pour les centrales est située en Suisse
    Ce qui ne me surprend pas mais m’ intrigue c’ est qu’ il était question de GE donc Siemens est apparu ensuite
    Un petit retour , Siemens est toujours un conglomérat industriel comme l’ était la CGE cie Générale électricité qui fut démantelée sous la présidence Tchuruk Alstom est 1 des morceaux , comme l’ ex Alcatel , Saft ,etc ..

  • Au fait, vous avez vu ce qu’a dite Hollande à ce sujet:

    « Ceux qui imaginent que ce serait le marché qui détermine mes choix, que ce serait les acteurs privés seuls qui pourraient par les conventions et les contrats déterminer l’intérêt général, se trompent »

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