Par Damien Theillier.
Dans un volume intitulé Freedom and its Betrayal: Six Enemies of Human Liberty, et traduit en français sous le titre : La liberté et ses traîtres1, le philosophe et historien des idées Isaiah Berlin s’intéresse aux doctrines des Lumières qui furent les matrices de la dictature moderne. Helvétius figure, avec Rousseau, Fichte, Hegel, Saint Simon et de Maistre, parmi les six grands ennemis de la liberté. Voyons pourquoi selon Berlin.
Un utilitarisme « scientifique »
Pour Helvétius, l’homme est « infiniment malléable », il n’est rien de plus qu’« un morceau de terre de potier ». Il serait donc criminel de laisser le gouvernement des hommes entre les mains d’ignorants. Toute sa philosophie est ancrée d’abord dans sa conviction que le but qui fait marcher les hommes est la « recherche du plaisir et la volonté d’éviter la douleur », et ensuite que, pour y parvenir, ils ont besoin de comprendre le monde et de se comprendre eux-mêmes, c’est-à-dire de savoir ce qui est réellement bon pour eux. Pour cela, il leur faut des guides : or peut-on imaginer un meilleur guide que la science, et des individus plus habilités à conduire les hommes que les scientifiques ?
Le système d’Helvétius « conduit finalement vers une sorte de tyrannie technocratique », explique Berlin : la tyrannie de l’ignorance, de la superstition et de l’arbitraire royal est remplacée par une autre tyrannie, la tyrannie de la raison. Ainsi se forme ce « nouveau monde » qui ressemble fort au meilleur des mondes de Huxley, produit de l’idée qu’à tout problème peut être trouvée une solution scientifique.
Dans ce monde, gouverner les hommes est identique à l’élevage du bétail. Puisque les buts de l’existence humaine sont donnés et que l’homme est malléable, tout se réduit à un problème purement technique : comment s’assurer que les hommes vivent en paix, en prospérité et en harmonie ? Mais puisque les intérêts de tous ne coïncident pas, il appartient au philosophe éclairé de les rendre compatibles. De là provient la nécessité du despotisme d’une élite de scientifiques.
Quiconque connaît la vérité, nous dit Helvétius, est aussi vertueux et heureux. Or les scientifiques connaissent la vérité, donc ils sont vertueux, donc ils peuvent nous rendre heureux, et donc c’est entre les mains des scientifiques qu’il convient de remettre le soin de tout diriger.
L’inventeur du meilleur des mondes
On le voit, le présupposé de toute la philosophe d’Helvétius, et cela vaut pour les Encyclopédistes également, est qu’il est possible de créer une science de l’homme et une science du bonheur comparable aux sciences de la nature.
Le problème, écrit Isaiah Berlin, c’est que dans le genre de société idéale que décrit Helvétius, il y a peu de place, voire pas de place du tout, pour la liberté individuelle. Dans un tel monde, les hommes peuvent trouver le bonheur, mais la notion de liberté finit par disparaître. Elle disparaît parce que disparaît la liberté de faire le mal, dans la mesure où chacun a été conditionné à ne faire que le bien. Nous sommes devenus pareils à des animaux, dressés à ne rechercher que ce qui nous est utile.
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Sur le web.
- Un recueil de textes datant du début des années 1950, prononcés d’abord par Berlin sur les ondes de la BBC, avant d’être publiés en 2002. La traduction française est disponible chez Payot. ↩
SI l’humain est manipulable, faillible, le technocrate l’es tout autant, d’ailleurs l’histoire est riche en dirigeants compétent devenu des abrutis complet suite à l’âge, la pression d’un mauvais conseillé ou une affaire personnel. Donc imposer une technocratie ne résous pas le problème, elle sera tout aussi faillible que des guignols élus. La seule solution est d’éduquer les masses pour les vacciner contre la propagande.
Comme on le constate par exemple aisement dans l’obsession du tout nucleaire ou sombrent quelques ames influencables a la syntaxe en peine.
A karg se,
L’ÉDUCATION FAIT LA PUISSANCE DES NATIONS
l’auteur devrait dire la vérité : ce qu’il reproche vraiment à helvetius, c’est d’etre athé ? sinon on ne comprend pas bien une telle saillie pour nous dire que le mouvement des lumières était le faussoyeur du libéralisme…
» ha ! quand les passion s’en mèlent ( les pédales… ) «
Un texte d’Anselme Bellegarrigue qui est en écho avec la déclaration de John Galt dans « La Grève » de Ayn Rand :
« Il n’a jamais été vrai, il ne sera jamais vrai, il ne peut pas être Vrai qu’il y ait sur la terre un intérêt supérieur au mien, un intérêt auquel je doive le sacrifice, même partiel, de mon intérêt, il n’y a sur la terre que des hommes, je suis homme, mon intérêt est égal à celui de qui que ce soit; je ne puis devoir que ce qui m’est dû; on ne peut me rendre qu’en proportion de ce que je donne, mais je ne dois rien à qui ne me donne rien ; donc, je ne dois rien à la raison collective, soit le gouvernement, car le gouvernement ne me donne rien, et il peut d’autant moins me donner qu’il n’a que ce qu’il me prend. En tout cas, le meilleur juge que je connaisse de l’opportunité des avances que je dois faire et de la probabilité de leur rentrée, c’est moi ; je n’ai, à cet égard, ni conseil, ni leçon, ni surtout d’ordre à recevoir de personne. »
John Galt : « Je jure, sur ma vie et l’amour que j’ai pour elle, de ne jamais vivre pour les autres ni demander aux autres de vivre pour moi. »
Par certains aspects Helvétius = Onfray (ça ne va pas lui faire plaisir…)