Thomas Piketty le prestidigitateur

Guillaume Nicoulaud révèle le tour de magie statistique de Thomas Piketty sur les inégalités.

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magie

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Thomas Piketty le prestidigitateur

Publié le 12 mai 2014
- A +

Par Guillaume Nicoulaud.

magieSoit un monde dans lequel vivent un million d’individus qui, en l’année 0 disposent d’un capital moyen de 100 dollars 1.

Or, il se trouve qu’en cette même année zéro, les dieux ont décidé que dorénavant, la variation annuelle des fortunes des habitants de ce monde devra être purement aléatoire. Et comme ces dieux sont un brin statisticiens elle devra suivre une loi normale avec une moyenne de 2 % par an et un écart-type de 20 %. C’est une loi divine : il n’y a pas moyen d’y échapper que vous soyez riche ou pauvre, roi ou simple paysan, votre capital est désormais soumis à l’aléa.

De fait, au cours des 25 années suivantes et conformément à la décision des dieux, la fortune moyenne des habitants de ce monde est passée de 100 dollars à 164 dollars, soit une progression annuelle de 2%.

Seulement voilà, chemin faisant, il s’est passé quelque chose d’assez étrange.

En l’année 0, le 1 % (c’est ainsi que dans ce monde on désigne les 10 000 personnes les plus riches de la population), disposaient d’un capital moyen de 149,5 dollars. Or, 25 ans plus tard, les membres du 1 % étaient riches en moyenne de 983,4 dollars, soit une progression annuelle moyenne de — tenez-vous bien — 7,8 %. Pis encore, en restreignant l’analyse au 0,1 % (les mille les plus riches), on réalise que la progression annuelle moyenne de leur patrimoine atteint pratiquement 10 %.

Comment un tel miracle est-il possible ? Les dieux auraient-ils menti ? Auraient-ils, sans le dire à personne, favorisé les riches et les très riches plus encore ?

Pour en avoir le cœur net les prêtres se mettent immédiatement en quête d’une explication. Naturellement, les prélats de dieux statisticiens s’y entendent aussi en la matière et il ne faut pas longtemps pour que l’un d’entre eux propose de mesurer l’évolution du patrimoine du 1 % de l’année zéro. Surprise : 2 %, comme l’ont voulu les dieux. On procède immédiatement à la même mesure pour le 0,1 % : là encore, 2 %. Alors quoi ? Comment se fait-il que patrimoine moyen du 1 % et du 0,1 % ont progressé de 7,8 % et presque 10 % respectivement ?

La magie, en ce bas monde, n’existe pas. Au risque de faire de la peine à l’enfant qui sommeille en chacun de nous, tous les magiciens ont des trucs, des petites astuces qui leur permettent de donner toutes les apparences de la réalité à ce qui n’est en réalité qu’un écran de fumée savamment présenté.

Thomas Piketty n’échappe pas à cette règle.

En l’occurrence, le truc consiste à comparer le capital des x % les plus riches en un point du temps à celui des x % les plus riches quelques années plus tard et à faire croire que la variation entre les deux correspond à l’enrichissement de ce groupe de riches.

C’est tout à fait faux.

Ce que vous ne voyez pas et que notre prestidigitateur nous cache sciemment 2, c’est qu’en procédant ainsi vous éliminez systématiquement tous ceux qui s’appauvrissent de votre échantillon pour ne retenir que les individus qui se sont enrichis ou dans le pire des cas, qui n’ont pas suffisamment perdu pour sortir du x %.

C’est aussi bête que ça. Vous pouvez vous amuser à simuler cette expérience divine dans tous les sens : faites varier la distribution initiale, la moyenne, l’écart-type… vous tomberez toujours sur le même résultat.

Sur le web

  1. Dans l’exemple qui suit, la distribution suit une loi uniforme et les fortunes initiales des uns et des autres varient entre 50 et 150 dollars ; ça n’a aucune importance.
  2. À moins, bien sûr, que ce ne soit que de l’incompétence…
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  • Très juste ! Cela me fait également penser aux indices boursiers (CAC 40 et autres). Les sociétés qui sous-performent sont, à un moment ou un autre, éjectées de l’indice, et remplacées par des sociétés en pleine croissance. Du coup, la hausse boursière en est ainsi flattée.

  • Démonstration imparable ; Charles Gave aussi a écrit un billet intéressant sur le oint du Seigneur Piketty.

    • Je mets le lien :

      http://institutdeslibertes.org/piketty-ou-quand-un-oint-du-seigneur-se-prend-les-pieds-dans-le-tapis/

      L’article de Gave est remarquable et amusant comme toujours avec lui.

      • D’ailleurs, la remarque de spartacus à laquelle tu réponds est très intéressante :

        « Piketty démontre dans son livre que les pauvres ne peuvent jamais devenir riche, et les ventes de son bouquin devient le contre exemple vivant de ses théories!

        Avec ses droits d’auteur Piketty devrait passer en 2014 dans les plus hauts revenus de France…

        Quand on lit les graphiques de Piketty expliquer que les pauvres ne peuvent jamais devenir riche, la question a lui poser sera de lui demander qu’il rende l’argent de cette inégalité sociale absolument scandaleuse.

        Avec sa logique il démontre une inégalité sociale inique. Il est 100 000 fois plus riche qu’un employé de mairie bureaucrate qui écrit des statistiques alors que lui a choisit l’investissement de l’écriture des statistiques sur le marché porteur du livre des frustrés et jaloux… »

  • « Or, vingt-cinq ans plus tard, les membres du 1% étaient riches en moyenne de 983,4 dollars »
    ——————————–
    J’ai beau chercher, je ne vois pas comment Guillaume Nicoulaud arrive à ce chiffre, quelqu’un pourrait-il m’éclairer ?!?
    Je suppose que pour y arriver, la distribution uniforme initiale [50,150] ne reste plus uniforme à la fin (sans quoi les 1% les plus pauvres auraient un revenu négatif). Mais il faudrait le dire et donner plus de détails du calcul, sinon, le chiffre de $983.4 semblerait sortir du chapeau.

    • Effectivement, en appliquant 2% sur 25 ans à la distribution normale le 1% monte à 244$ et non pas 983$.
      Du coup le 7.8% de progression devient 3.6%.
      Le propos reste vrai, mais c’est dommage de laisser ce chiffre de 983$ sans explications.

      • Les dieux ont dit 2% !

        miniTax : bien sûr, la capitalisation des intérêts génère de l’asymétrie.

        Cela dit, mea culpa, mea maxima culpa, on obtient (à peu près) ça avec un écart-type de 15%.

        • en testant ça sur Excel (avec 10 tests sur un échantillon de 1000 individus) je trouve une moyenne de 988 $ pour 0.15 d’écart type et 1515 $ pour 0.2 d’écart type.

          Etant donnée la faible taille de mes échantillons, c’est tout à fait cohérent avec le 983$ de l’article.

    • A chaque fin d’année, la richesse de chaque personne est multipliée par un nombre aléatoire qui suit un loi normale de moyenne 1.02 (+2%) et d’écart type 0.2 (20%).

      richesse (année n) = richesse (année n-1) * loi normale (1.02 ; 0.2)

      Chaque année, un peu moins de la moitié de la population appauvrit alors que le reste s’enrichit.

      Avec la loi normale, les résultats les plus extrêmes (1%) sont de l’ordre de 3 écarts types donc les plus chanceux chaque année s’enrichissent de +60% (mais ce ne sont pas les mêmes à chaque fois)

    • Sous R :
      # Code :

      n <- 1e6 # Attention, c'est du lourd.
      Init <- runif(n, 50, 150)
      dF <- sapply(1:n, function(i) rnorm(25, .020, .15))
      F <- apply(rbind(Init, 1+dF), 2, cumprod)

      Tot <- rowSums(F)

      apply(F, 1, function(f) {
      q =q[100]])
      }) -> Top

      100*((tail(Top, 1)/head(Top, 1))^(1/25)-1)
      100*((tail(Tot, 1)/head(Tot, 1))^(1/25)-1)

    • @Pmn & Guillaume
      Il n’y aurait pas un problème de normalisation des données ?
      Il faudrait que la moyenne (ou plutôt espérance, si mes souvenirs de stats sont bons) de votre distribution simulée au bout de 25 ans soit égale $164, sinon ce ne serait pas une hausse ***moyenne*** annuelle de 2%.

      Or pour garder cette moyenne de $164 avec un revenu moyen du top 1% de $983, il faudrait un écart type de… $37000, ce qui ne rime pas à grande chose vu qu’une grosse partie des revenus se retrouverait en territoire négatif (je ne suis même pas sûr que la calculatrice fait encore une intégration numérique correcte avec un tel écart-type). Ou plutôt, ça voudrait tout simplement dire que l’écart-type (ie les « inégalités » dans la parlance pikettassiette) explose après 25 ans à cause du cumul des écart-types annuels, ce qui est tout à fait plausible mais certainement pas « dicté par les Dieux », surtout pas à de tels niveaux. En tout cas, avec une telle hypothèse, nul besoin de simulation pour dire que l’écart-type diverge exponentiellement.

      Ce qui serait plus plausible avec un revenu du top 1% égal à $983, c’est d’avoir un revenu moyen bien plus élevé que $164 afin d’avoir un écart-type pas trop délirant. Mais ça supposerait une hausse moyenne annuelle supérieure à 2% et une hausse forte des faibles revenus également, ce qui bien sûr une autre histoire.

      Bon, c’était un calcul vite fait basé sur une intuition mathématique basée sur un déclenchement intempestif de mon détecteur de foutage de gueule hein (depuis le temps que je n’ai plus fait de stats…), je peux me tromper !

      • « Or pour garder cette moyenne de $164 avec un revenu moyen du top 1% de $983, il faudrait un écart type de… $37000 »

        l’écart type de la distribution finale est proche de 200$ dans mes calculs.
        Et il n’y a pas de valeurs négatives même si les plus revenus les plus faibles sont en dessous de 10$

        Est ce que vous ne confondez pas écart type et variance (qui est l’écart type au carré et donc proche de 37000) ?

      • Hello,
        Non. C’est parce qu’avec le temps et la capitalisation des intérêts la distribution devient asymétrique.

  • Bravo Monsieur nicoulaud (alias Georges Kaplan) démonstration imparable.

  • Thomas PiqueTout, ou le joueur de bonneteau futé :mrgreen:

  • On voit avec Piketty encore ce qu’a écrit Gérald Bronner dans la démocratie des crédules : les gens, mêmes éduqués et sans opinions, tendent à s’orienter plus facilement vers les croyances irrationnelles que la science. Son succès fait que tout le monde en parle et il risque de saper en quelques sophismes tout le travail de fond de démystification des théories marxistes par les libéraux…

    Et même réfuter ses théories n’empêchera pas qu’il en restera quelque chose, les gens préférant entendre que leurs problèmes, ils les doivent au fait qu’ils sont victimes de vils capitalistes apatrides aux noms en « …berg » en « …man »…

    Je sens que les libéraux vont y être confrontés dans les débats pour de longues années…

    • L’avantage de Piketty c’est qu’il a brutalisé sa gonzesse. C’est très malhonnête comme argument, mais il n’y a pas de scrupule à avoir avec ce menteur, et j’ai testé, ça marche du feu de Dieu, surtout sur le public féminin :

      Piketty frappait sa femme donc c’est un salaud qui ne raconte que des conneries. Ace, set, et match par abandon de tous ses admirateurs de l’assistance.

  • Vu
    Avez vous connaissance d’un droit de réponse de Piketty?
    Par rapport au billet de gave et Cie?

  • C’est le même raisonnement qui consiste à faire croire que les Français sont très productifs au travail en oubliant que les plus performants sont éjectés du sytème à partir de 50 ans et que les moins productifs (- de 25 ans) restent à l’entrée.

  • Je pense que ceux qui ne veulent pas comprendre ce type de raisonnement ont un problème avec l’hypothèse de l’existence des Dieux, de force suprême ….

  • C’est juste, néanmoins, les personnes les plus riches ont en moyenne un QI plus élevé que les personnes les plus pauvres. (http://www.contrepoints.org/2013/02/16/115008-limportance-du-qi-dans-la-reussite).
    Statistiquement si tous les individus sont traités de la même façon, la fortune des plus génies devrait donc subir des baisses moins fortes et des hausses plus fortes que la fortune des débiles.
    A terme, les génies seront surreprésentés chez le top 1 % et la croissance de leurs fortunes sera bien supérieur a celle du bottom 1% même en comparant les individus respectifs entre deux date et les moyenne de groupes comme Piketty.

    L’inverse signiferait que le talent et l’intelligence serait puni.

    • Pas dans le cas de l’article, puisque les revenus sont décidés au hasard par les dieux. Les plus riches seront simplement les plus chanceux.

  • Je suis un grand amateur de prestidigitation, et je n’apprécie pas trop de voir Piketty comme un prestidigitateur… plutôt un charlatan ou un tricheur ? Dans le cercle des magiciens, nous avons coutume de préciser la différence ainsi : « On raconte que le magicien triche … Mais si le tricheur triche pour prendre, le magicien, lui, triche pour donner ». Ce n’est définitivement pas le cas de Piketty !

  • Je suis un grand amateur de prestidigitation, et je n’apprécie pas trop de voir Piketty comme un prestidigitateur… 🙂 plutôt un charlatan ou un tricheur ? Dans le cercle des magiciens, nous avons coutume de préciser la différence ainsi : « On raconte que le magicien triche … Mais si le tricheur triche pour prendre, le magicien, lui, triche pour donner ». Ce n’est définitivement pas le cas de Piketty !

  • Il me semble que le modèle proposé dans cet article fait une hypothèse assez importante, qui est l’indépendance des accroissements pour différents individus et différentes années : le taux d’accroissement du capital d’un individu A à l’instant t ne dépend pas de ce qu va gagner un autre individu B au temps t, ou de ce qu’a pu gagner l’individu A au temps t-1.
    Une fois cette hypothèse faite, alors effectivement quelque soit la distribution initiale des richesses et la loi choisie pour les accroissements alors l’évolution du patrimoine des 1% les plus riches va mécaniquement être plus importante que celle du reste (cela se prouve mathématiquement).

    Je me demande ce qui justifie que l’on fasse cette hypothèse d’indépendance, dans quelle mesure ce modèle décrit il la réalité ? Parce que sans être un économiste, dire que ce que gagne A n’a aucun lien avec ce que gagne B me paraît un peu simplificateur.

  • Déconnecté de la statistique depuis des décennies, j’ai procédé d’une manière plus laborieuse mais que je me permets de relater ici à l’usage de ceux qui souffrent des mêmes lacunes.

    Dans une feuille Excel, j’ai fait un tableau de 31 colonnes (les années) et 10 mille lignes (les personnes).
    Dans la première colonne j’ai mis 100 pour tout le monde, puis dans les suivantes un nombre aléatoire (fonction ALEA) multiplié par un pourcentage fixe et multipliant le nombre de la colonne précédente.
    J’ai trouvé qu’en mettant ce pourcentage à 4% j’obtenais une moyenne proche de 2% (à 0,02% près) de croissance annuelle moyenne.

    Puis j’ai fait la somme des 1000, 100 et 10 plus hauts et plus bas (soit les 10%, 1% et 0,1%) en utilisant les fonctions GRANDE.VALEUR, PETITE.VALEUR pour identifier les seuils, et SOMME.SI pour faire les moyennes.

    Voilà, c’est plus long mais plus explicite pour les non-statisticiens…
    En plus avec la mise en forme conditionnelle on peut mettre en rouge le 1% pauvre et en vert le 1% riche, et constater que personne n’y reste sur toute la durée des 30 ans.
    Enfin, on peut produire un graphe du creusement des écarts.

    Conclusion:
    Le ratio entre les plus riches et les plus pauvres augmente avec le temps, et d’autant plus qu’on se restreint (l’écart du 0,1% est plus grand et croît plus vite que celui du 1%, et celui du 1% que celui du 10%).
    Mais personne n’a appartenu au 1% sur toute la durée, et tout le monde s’est enrichi…

    Toutefois la portée économique de l’exercice me paraît limitée: En réalité ceux qui ont accumulé de l’argent on donné plus de services qu’ils n’en ont reçu, et donc cet argent est leur propriété; à moins qu’ils aient spolié autrui par le vol, auquel cas l’État a failli; ou, pire et hélas plus probable, en détournant à leur profit la contrainte étatique, auquel cas l’État a trahi.

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