Par Nicolas Nilsen
Je ne sais pas si vous avez remarqué mais on assiste en ce moment à une très nette accélération de la fréquence des cérémonies et des commémorations : pour le centenaire de la Grande Guerre, pour l’abolition de l’esclavage, pour le débarquement du 6 juin, pour Oradour… etc. Moins le Président agit, et plus il nous récite des discours sur un ton monocorde. Dans un mois, pour le 14 juillet, il invitera l’Algérie à défiler sur les Champs-Élysées… Donc ça va encore commémorer à plein tube et barboter dans le « devoir de mémoire » avec une frénésie de discours « d’espoir, d’espérance et de volonté » par lesquels le Président normal essayera désespérément de se hisser à la hauteur des géants des Grandes Guerres.
Mais une chose est de faire des discours et de commémorer le passé ou la mémoire, une autre est de gagner les batailles qui aujourd’hui ne sont plus militaires mais économiques. Pour cela, il faut de grands hommes, de la détermination et du courage… Et, de ce côté-là, notre Président normal n’est à l’évidence pas superbement armé…
Mais où est « l’ordre de mobilisation » de l’État ?
La France est en pleine déroute financière et, pour gagner la guerre économique qui fait rage, il faut évidemment des généraux-en-chef autrement plus compétents, actifs et déterminés que ceux que nous avons. Comme Eisenhower a préparé et lancé l’ordre du débarquement – les Français attendent qu’on leur annonce qu’un « ordre de mobilisation » générale de l’État a enfin été lancé, pour le mettre à la diète, le mettre en ordre de marche, et surtout lui permettre de commencer à gagner des batailles qui ne manquent pas : bataille de l’emploi, bataille des dépenses publiques, bataille de la dette, bataille de l’éducation, bataille de la formation professionnelle, bataille de la sécurité, bataille de l’immigration etc.
Mais rien ne vient et, pendant que le pays continue à s’enfoncer dans une crise de confiance, notre dirigeant « normal » continue à pratiquer la méthode Coué et à nous jouer la petite musique du « tout va très bien » : il fait des discours, commémore et célèbre le passé mais rien de décisif n’intervient, rien ne bouge. Il attend 2017 qui est la seule date qui le préoccupe et en attendant les médias distraient le peuple : les cérémonies du débarquement sont retransmises en direct des plages, puis c’est Roland Garros, puis Oradour-sur-Glane, et puis la coupe du monde, et bientôt il y aura aussi les bals du 14 juillet, puis (si les intermittents le veulent bien) les festivals de l’été. Au diable les problèmes : des jeux !
Bref personne ne voit à l’horizon le grand plan du débarquement qui devrait permettre à l’espérance de sortir des tranchées où tous les politiciens sont terrés, pour remettre le pays en mouvement et commencer enfin à reconstruire ce qui ne tourne pas rond. Au contraire, les médias complices font tout pour chloroformer l’opinion et faire oublier qu’il y a une crise, oublier qu’on est en guerre en Centrafrique et au Tchad, oublier que les retraites ne sont plus garanties, oublier qu’il y a plus de 5 millions de chômeurs, oublier que l’État ne s’est toujours pas réformé… Les médias organisent les jeux du cirque et diffusent des nouvelles dérisoires sur les petites phrases de tel ou tel politicien… Tous « commémorent la mémoire », mais ils font tout pour oublier le présent et le futur : ambitions minables de taupes dérisoires immobiles au fond de leurs trous…
Ils attendent quoi pour réformer ? Une guerre ?
Tout le monde a en mémoire toutes ces villes détruites en totalité ou en partie pendant la dernière guerre : Brest, Caen, Le Havre, Lorient, Saint-Nazaire, Saint-Lô, Évreux, Saint-Malo, Rouen… C’était il y a 70 ans. Imaginez toutes ces ruines et l’effort immense que cela a représenté pour tout reconstruire ! Que ferait aujourd’hui Hollande si Pôle emploi avait été bombardé et n’existait plus ? Il faudrait bien le reconstruire, alors qu’attend-il ? Et si le système de formation professionnelle avait été détruit, il faudrait bien le rebâtir ! Qu’attend-il ? Et si les ministères de l’État-mammouth avaient été détruits sous les bombes, il faudrait bien se débrouiller sans eux. Alors qu’attend-il pour les supprimer ? Et si le régime des intermittents du spectacle (ou des cheminots) avait été pulvérisé par des stukas ? Si tout avait été détruit, il faudrait bien tout reconstruire sur des bases nouvelles en évitant de recréer les mêmes rigidités… Qu’attend-il ? Qu’il le fasse Bon Dieu. Qu’attend-il exactement pour réformer : une guerre ? Une guerre civile avec 5 millions de chômeurs qui cassent des vitrines ?
Le problème est évidemment qu’on a affaire à des petits nains, et que seules les façades de nos institutions donnent l’illusion de tenir à peu près debout. Mais elles sont vermoulues et pourries de l’intérieur. Il faudrait tout reconstruire et refonder mais nos soi-disant « dirigeants » n’osent rien toucher et laissent tout en l’état. En fait ils tremblent de peur à l’idée de changer quoi que ce soit. N’est pas Eisenhower, Churchill ou de Gaulle qui veut ! Avec le recul historique, évidemment, on se demande comment il a été possible qu’une génération imagine une chose aussi invraisemblable que le débarquement de juin 44 ! Alors que des gens comme Hollande sont impuissants devant le régime des intermittents du spectacle, des taxis, des cheminots (qui obligent à raboter les quais)… Mon Dieu où iraient-il se cacher si on était en pleine guerre ? Eux qui ont tellement peur du front resteraient assurément planqués « à l’arrière ».
Le « Silence des permissionnaires »
Dans Les Fleurs de Tarbes, Jean Paulhan évoque le « Silence des permissionnaires », ce silence des poilus de la Grande Guerre qui, disposant de huit jours de permission, passaient brusquement du front à l’arrière… Ces permissions avaient des aspects joyeux et lumineux (les retrouvailles en famille) mais aussi des moments sombres de cafard et de désillusions liées au fossé des perceptions entre les gens du front et ceux de l’arrière. Eux sortaient de l’horreur des tranchées, de la boue des trous d’obus, des barbelés, et ils mesuraient tout à coup l’irréalité de la vie de l’arrière. Ils découvraient les « planqués » et les « embusqués » qui se prélassaient sur les grands boulevards ou aux terrasses des brasseries, s’amusaient dans les bars, au théâtre ou au music-hall…
Il y avait deux raisons à ce silence des permissionnaires : le caractère ineffable de l’horreur qu’ils vivaient dans les tranchées, bien sûr ; mais surtout la conscience que parler n’aurait servi à rien car ceux de l’arrière ne comprendraient même pas. « Ne nous parlez plus de vos histoires de tranchées, on en a les oreilles rebattues » disaient les gens de l’arrière à partir de 1916…. Le silence n’était donc pas seulement lié à une faille du langage des poilus qui revenaient du front, mais à une volonté de ne pas entendre ce ceux qui étaient restés à l’arrière.
L’abîme entre le « front » et les planqués de « l’arrière »
Quand je regarde ce qui se passe aujourd’hui, je comprends ce fossé : d’un côté des gens qui sont au front (ceux qui se battent dans leurs entreprises pour garder leur emploi, les millions de chômeurs qui s’entassent à Pôle emploi, les pauvres qui se répandent comme une lèpre, les exclus de la croissance, les petits retraités qui n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois)… et de l’autre les « planqués et les embusqués » des médias et de la politique qui restent à l’arrière et continuent à faire semblant de ne pas entendre, de ne pas comprendre, et essayent de se persuader, en se bouchant les oreilles et en fermant les yeux, que tout va bien et que tout va s’arranger…
Cette dissociation des deux mondes me sidère de plus en plus. Cette incroyable déconnexion des hommes politiques coupés du réel et qui, pour éviter de prendre peur, bidouillent les statistiques, mentent sur les chiffres, découpent les chômeurs en tranches et en catégories pour en diminuer le nombre apparent. Bref refusent de « voir » la réalité de la guerre au front. Planqués à l’arrière, ils passent leur temps à faire des discours et célèbrent le devoir de mémoire. Mais ils sont dans l’incapacité totale de comprendre ce qui se passe au front. Ils commémorent l’action des géants du passé qui les ont précédés, mais sont incapables, eux, de la moindre action. Ils sont comme tétanisés, tergiversent, désertent, renoncent, reculent, fuient, abandonnent… Pendant que la crise jette des millions de gens dans la détresse et le chômage, ils restent déconnectés, médiocres, dérisoires, sans la moindre prise sur les événements.
Les médias ne reflètent plus ce qui se passe dans le monde
« Les médias ne reflètent plus ce qui se passe dans le monde, mais ce qu’ils veulent qu’il se passe dans nos têtes ». La formule est ravageuse mais juste. Ils devraient décortiquer les indices économiques, passer au crible les dépenses excessive de l’État, afficher où en est la dette, démonter (entre autres) les notions de capitalisme, ou d’austérité, dire combien coûtent les guerres en Centrafrique et au Tchad, mesurer les conséquences exactes de l’immigration – bref dans tous les domaines faire sauter les verrous de l’omerta, de la langue de bois et de la complaisance… Et faire avancer la transparence et éclairer les choix des citoyens. Mais non, ils préfèrent passer les plats du Pouvoir qui les subventionne. Ils parlent donc de matches de foot, d’affaires politiques insignifiantes, des querelles d’egos minuscules ou de vedettes du showbiz minables. La France mérite mieux que ces collabos du dérisoire !
Vous je ne sais pas mais moi le « silence des permissionnaires » me bouleverse. Pierre Teilhard de Chardin, qui était brancardier au Chemin des Dames et donc en première ligne de l’horreur, a décrit comment les poilus sombraient dans une « nostalgie du front ». Terriblement déçus par les gens de l’arrière, ces pauvres permissionnaires préféraient repartir au front, vers leurs camarades de tranchées, loin des « enracinés de l’arrière » avec qui ils n’avaient plus rien à partager.
Aujourd’hui, je pense qu’il y a des millions de personnes (et pas seulement des chômeurs, des petites gens ou des déshérités) qui ont le même mépris pour les politiques et les journalistes des médias : planqués et embusqués.
Hollande attend simplement que le cycle économique se retourne, pour pouvoir en cueillir les fruits en 2017. C’est mathématique, ça change en gros tous les 30 ans, ça doit nécessairement tomber dans son quinquennat, quoi qu’il fasse. N’est-ce pas…?
Le gouvernement ne veut pas affronter les cheminots, les intermittents et les taxis, et pour cause: quand les médias en parle, ils peuvent faire des éditions entières dessus, ce qui est autant de temps en moins ou ils ne parlent pas des problèmes de fond de la France.
Pour faire un parallèle avec l’Histoire, les dirigeants actuels me rappellent les politiciens de la fin de la Troisième République qui se battaient pour obtenir ou conserver leurs postes pendant que les Panzers de Rommel envahissaient la moitié nord du pays.
« La France est en pleine déroute (…) et, pour gagner la guerre économique (…), il faut évidemment des généraux-en-chef ; les Français attendent qu’on leur annonce qu’un “ordre de mobilisation” générale de l’État a enfin été lancé, pour (…) lui permettre de commencer à gagner des batailles qui ne manquent pas : bataille de l’emploi, bataille des dépenses publiques, bataille de la dette, bataille de l’éducation, bataille de la formation professionnelle, bataille de la sécurité, bataille de l’immigration etc… »
Oh que la lecture de ce collectiviste de droite aux relents de marinière, geignant, bavard et d’une mauvaise foi flagrante, fut longue ! Suis-je maso ?
C’est un président de la quatrième, que voulez vous qu’il fasse d’autre ?
Agir demande es hommes d’action. En voici un.
http://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/grands-entretiens/2014-06-10/denis-payre-sarkozy-ne-comprend-rien-aux-entrepreneurs.html
Bon article.Il y a peu je plaisantais entre copains à dire voilà ce qu un président devrait faire au vu de l état du pays:se saisir des pleins pouvoir! Dissoudre définitivement tous syndicats et interdire de faire grève entre autres mesures!
C’est un président normal qui va nous faire préférer une bonne dictature des familles à une lente décomposition de la France.
Avec une dictature, on peut trancher des têtes, c’est beau, simple, efficace. Avec notre DÉMOCRATIE molle, l’on peut tuer, torpiller les Africains, les ukrainiens, taxer à mort les contribuables, soumettre avec la loi les récalcitrants. Bref, vite, une dictature !