Intermittents : 20 ans de non-réformes politiques sans courage

Le drame de l’affaire des intermittents du spectacle, c’est qu’elle révèle l’incapacité des hommes politiques à régler les problèmes. Retour sur 20 ans de non-réformes sans courage.

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Intermittents (Crédits Charlotte Henard licence Creative Commons)

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Intermittents : 20 ans de non-réformes politiques sans courage

Publié le 22 juin 2014
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Un billet d’humeur de Nicolas Nilsen.

Intermittents (Crédits Charlotte Henard licence Creative Commons)Le drame de l’affaire des intermittents du spectacle, c’est qu’elle révèle l’incapacité des hommes politiques à régler les problèmes.

Avec la complicité des médias, ils continuent à faire croire à l’opinion qu’ils gouvernent et dirigent le pays. Mais en réalité ils ne contrôlent plus rien et sont impuissants à régler quoi que ce soit. La crise des intermittents est très instructive de leur méthode détestable qui ruine le pays.

Voyons comment.

 

Des politiciens sans courage

La méthode de ces politiciens est ancienne, habile et bien rodée :

Faire croire qu’ils sont pris de court par un problème : il faut donc, avant toute décision précipitée, qu’ils installent une nouvelle commission, qu’ils demandent un énième rapport et éventuellement une nouvelle concertation etc.,

Repousser toujours les solutions à plus tard en temporisant et en parlant de moratoires, de reports ou de prorogation du statu quo… Un seul but : repousser le plus tard possible les mesures courageuses qu’il faudra bien prendre un jour, mais qu’eux ne prendront pas parce que voyez-vous, ils ont des clientèles politiques à cajoler, des postes à conserver et des sièges à ne pas perdre… Et donc ils mettent la poussière sous le tapis pour leurs successeurs. Ils font ça depuis des décennies : la France crève évidemment de leur lâcheté mais ce n’est pas leur problème.

 

Devant la récente mobilisation des intermittents qui risquaient de provoquer l’annulation des festivals de l’été, le gouvernement a subitement eu peur :

Le 7 juin, Valls nomme dans l’urgence un médiateur (le député Jean-Patrick Gille) chargé de déminer le dossier des intermittents et de remettre un rapport (remis au Premier ministre le 19 juin).

Le 19 juin, Valls annonce aussitôt qu’il… reporte la mise en application du point le plus contesté de la convention Unedic. Reporter et différer, c’est ça qu’ils appellent le courage en politique. Il faut parait-il leur laisser le temps de bâtir une « nouvelle donne » pour le régime des intermittents. L’État prendra en charge, dit Valls : entendez que l’ensemble des contribuables français payera la facture du manque de courage du Premier ministre. Mais lui gagne du temps et, politiquement, ça vaut de l’or.

Non seulement il repousse l’échéance (il gagne du temps) mais il crée en plus une nouvelle commission (il gagne encore du temps) qui a reçu pour mission d’engager une concertation et remettre un rapport (il gagne encore du temps) dont les conclusions devront être remises… d’ici la fin de l’année 2014 (encore six mois de gagnés).

À ce stade, vous vous dites : bon, le problème est nouveau et difficile, ils n’ont peut-être pas eu le temps d’étudier à fond les implications du statut complexe des intermittents, et donc une commission et un rapport ce n’est peut-être une mauvaise chose… Le problème, c’est que la seule chose qui les guide est leur lâcheté.

 

Chaque ministre refile le bébé à son successeur !

Le problème, avec cette histoire du statut des intermittents, c’est que tous les gouvernements – sans exception – ont mis la poussière sous le tapis et refusé de prendre les décisions courageuses qui s’imposaient. Ils n’ont pas besoin d’une nouvelle commission et d’un nouveau rapport : ils savent très bien ce qu’il faut faire, mais il n’en ont pas le courage.

Depuis des décennies, chaque ministre de la Culture a refilé habilement le bébé à son successeur : Jean-Jacques Aillagon en 2004 l’a refilé à Renaud Donnedieu de Vabres ; qui l’a refilé à son tour à Christine Albanel en 2007 ; qui sans l’avoir réglé l’a refilé à Frédéric Mitterrand en 2009 ; qui a lui aussi mis la poussière sous le tapis d’Aurélie Filippetti en 2012 ; qui elle non plus n’a rien réglé, rien jusqu’à l’explosion du printemps 2014.

Elle n’est pas belle cette magnifique solidarité des politiques dans l’inaction la plus totale ?

 

Ils savent très bien ce qu’il faut faire !

Ils savaient tous – et depuis des années – que le statut était problématique et ruineux mais ils n’ont rien fait. Alors qu’ils ne nous disent surtout pas aujourd’hui qu’ils découvrent la lune et qu’il leur faudrait encore une commission et un nouveau rapport pour faire aboutir la réforme.

Déjà en 1992, la mobilisation des intermittents entraînait l’annulation de toutes les représentations du Festival d’Avignon.

Déjà en juillet 1992, Jean-Pierre Vincent avait remis un rapport de mission « sur la situation des intermittents du spectacle ».

Déjà en février 1993, Jack Lang et Martine Aubry avaient présenté leurs « 22 mesures pour améliorer les conditions de travail et d’emploi des professionnels intermittents du spectacle ».

Déjà en mars 1993, avait été installé un Conseil National des professions du spectacle.

Déjà en 1996, une nouvelle négociation sur les règles d’indemnisation des intermittents du spectacle avait été engagée pour obtenir un accord avant le 31 décembre 1996.

Déjà en décembre 1996 les négociations sur l’assurance chômage avaient été suspendues.

Déjà un médiateur, M. Pierre Cabanes, avait été nommé.

Déjà en avril 1997 le régime d’assurance chômage des intermittents avait été prorogé jusqu’en décembre 1998.

Déjà en mai 1997 une convention nationale de partenariat de lutte contre le travail clandestin avait été signée dans le secteur du spectacle.

Déjà en octobre 1998 un accord sectoriel inter branche avait « encadré » le recours au contrat à durée déterminée dans le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel.

Déjà le 2 mars 1999 les intermittents avaient demandé un moratoire à Catherine Trautmann, ministre de la Culture et de la Communication.

Déjà le 5 mars 1999, Jack Lang, président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et ancien ministre en charge de la culture, avait adressé une lettre au président du Medef pour lui demander un moratoire de trois mois dans la réforme du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle (un moratoire évidemment : toujours repousser, reporter, ne rien régler).

Déjà en novembre 1999 avait été mis en place un « guichet unique » du spectacle occasionnel.

Déjà en juin 2000 un accord interprofessionnel était signé (réactualisé en juin 2001) avec les employeurs (FESAC) sur la réforme du dispositif d’assurance chômage des intermittents du spectacle.

Déjà en janvier 2002 les employeurs et les syndicats, à l’exception de la CGT, concluaient un accord qui prorogeait jusqu’au 30 juin 2002 le régime spécifique d’assurance-chômage des intermittents du spectacle.

Déjà en février 2002, après des mois de « vide juridique » consécutif à l’entrée en vigueur de la nouvelle convention d’assurance chômage, le parlement adoptait une loi qui prorogeait le régime spécifique jusqu’à la conclusion d’un accord entre les partenaires sociaux.

Déjà en décembre 2002 était remis aux ministres de la culture et des affaires sociales le « rapport Roigt/Klein » proposant une réforme de l’intermittence.

Déjà en 2003, le gouvernement avait demandé aux entreprises du secteur davantage d’auto-discipline.

Déjà à l’été 2003 la crise des intermittents avait culminé avec l’annulation sans précédent de la plupart des festivals d’été dont celui d’Avignon.

Déjà en août 2003 paraissait au Journal Officiel l’ordonnance d’agrément du protocole d’accord du 26 juin.

Déjà le 1er janvier 2004, le protocole d’accord du 26 juin 2003 était entré en vigueur ; puis réformé en 2004 ; puis renégocié pour aboutir au protocole de janvier 2006, entré en vigueur le 1er avril 2007 et reconduit, sans changement majeur depuis cette date…

Déjà en 2012, la Cour des comptes dénonçait la « dérive financière massive » du régime particulier des intermittents, qu’elle évaluait à 1 milliard d’euros par an.

Déjà en mars 2014, un nouvel accord sur l’indemnisation du chômage était signé par des partenaires sociaux. C’est ce texte, devenu la Convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage, qui a provoqué la levée de bouclier des intermittents.

Déjà en… et la boucle est bouclée…

Et c’est devant la forte mobilisation des intermittents qui conduisait aux menaces d’annulation des festivals de l’été 2014 que, le 19 juin, Manuel Valls a annoncé qu’il… reportait la mise en application du point le plus contesté de la convention Unedic. C’est ça le courage : reporter sans cesse et différer éternellement la solution des problèmes.

Voilà, tout est dit : tous ces politiciens professionnels procrastinent depuis des années, ils créent des commissions, ils demandent des rapports… et ne résolvent jamais rien. Quel courage tout de même ! Et si ce n’était que pour les seuls intermittents, mais c’est pour tous les problèmes : chômage, dépenses publiques, dette, croissance, santé, commerce extérieur, sécurité, immigration, éducation, retraites, etc. Ils ne règlent rien !


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  • Le courage n’est pas non plus du coté des « professionnels de la profession » qui sont toujours prêts lors de la clôtures des différents festivals, à prendre la défense des intermittents, alors pourquoi quand il y a un tournage de film, il se fait la plupart du temps à l’étranger où l’équipe technique est moins chère…et les décors naturels beaucoup plus adaptés?

  • Trouver son chemin…
    Entre Or et Ombres,
    Noir et voiles…
    Mouvements tout azimut
    Jusqu’à en devenir azimutés !

    Intermittence… Culture… Spectacles vivants… Art en Scène !

    http://bribestrib.blogspot.fr/2014/06/art-en-scene-dor-et-dombre.html

  • « tous ces politiciens professionnels procrastinent depuis des années… et ne résolvent jamais rien. »

    Mais résoudre quoi ? La situation leur convient parfaitement. Pourquoi voulez-vous que les spoliticiens changent quoi que ce soit à une situation qu’ils chérissent ? Nous payons ; ils profitent. Et pendant ce temps, la collectivisation du pays avance pas à pas, milliard d’euro de dépenses publiques après milliard d’euro de dettes accumulées.

  • Je suis intermittrand du spectacle.

    Curé de campagnes officiant à plusieurs paroisses, je joue, le dimanche matin notamment, mais aussi à Noël, Pâques, Toussaint, et beaucoup d’autre fêtes, en costume, en latin, en français, voir en patois.

    Je revendique de ne travailler que 507 heures par an et être chômiste le reste du temps bon dieu de dieu.

  • Je ne suis pas intermittent, mais travaille en tant que permanent dans le spectacle.

    Je suis choqué de votre agressivité et de votre non connaissance du dossier…

    Allez visionner les vidéos très instructives du collectif cip idf sur leur site, cela devrait vous faire changer d’avis. Je l’espère.

    • changer d’avis sur quoi ? sur le fait que le problème est sur la table depuis 20 ans ? que tous les politiciens se sont bien garder de le résoudre ?

      Vous, au collectif cip idf, vous avez une idée géniale ? et bien « JUSTE FAITES LE ». C’est extra ces gens plein de solutions qu’ils sont infoutu de mettre en Å“uvre, tous ces socialistes qui ne socialisent pas leur revenu entre eux, par exemple.
      Nous, tout ce qu’on demande, c’est qu’on nous laisse ne pas avoir d’avis et ne pas mettre un sou sur un sujet auquel nous ne connaissons rien et ne nous concerne pas.
      Le reste suivra : les prolétaires qui ne gagnent pas leur croute dans l’intermittence changeront de métier, comme font tous les autres professionnel, de l’agriculteur au boulanger en passant par le camionneur, le libraire etc.

      • +1 que ceux qui vont voir un spectacle en paient le prix réel, mais de grace ne faites pas participer les autres.

        • Cher M51,

          même cours de rattrapage pour vous. Les intermittents cotisent à la même caisse que les autres. Et eux participent au chômage de gens que vous connaissez peut-être. Que vous ne soyez pas d’accord, c’est votre droit, mais soyez informés, maîtrisez un tant soit peu votre sujet, ne dites pas d’ âneries, vous en serez plus crédibles et votre message passera bien mieux. Le prix d’un billet de spectacle n’a rien à voir avec l’assurance chômage

          • caisse déficitaire. C’est à dire caisse qui distribue des droits supérieurs aux devoirs équivalents qu’elle exige des participants, et ce sont les autres, qui n’ont rien à voir dans l’affaire, qui payent, contraints et forcés par le « syndicat » au sens américain. Caisse criminelle.
            Si la caisse était équilibrée et volontaire, et bien ma foi, il n’y aurait aucun problème.

          • « Le prix d’un billet de spectacle n’a rien à voir avec l’assurance chômage »
            Quel aveu, hélas. Le prix du billet devrait pourtant rémunérer les travailleurs, y compris les périodes où ils ne travaillent plus.

      • Pourquoi tant d’agressivité?

        Pour reprendre vos propos:
        « Vous, au collectif cip idf, vous avez une idée géniale ? et bien « JUSTE FAITES LE ». C’est extra ces gens plein de solutions qu’ils sont infoutu de mettre en œuvre, tous ces socialistes qui ne socialisent pas leur revenu entre eux, par exemple.  »

        Je vous l’ai dit, je ne suis pas intermittent, mais permanent dans une structure qui emploie des intermittents. Je ne fais donc pas partie du cip étant employé en CDI . Par contre on m’a conseillé de visionner les vidéos « ripostes » et « désintox », ce que j’ai fait, et j’ai appris beaucoup sur le sujet.
        Par exemple que ce collectif a proposé des solutions, mais que ces solutions n’ont même pas été étudiées.

        « Nous, tout ce qu’on demande, c’est qu’on nous laisse ne pas avoir d’avis et ne pas mettre un sou sur un sujet auquel nous ne connaissons rien et ne nous concerne pas. »

        Vous le dites vous même, vous ne connaissez pas le sujet. Alors pourquoi se fendre d’un tel billet haineux quand vous n’y connaissez rien? Je vous l’accorde, le sujet est compliqué. c’est pourquoi je vous ai invité à visionner les vidéos de ce collectif. Ça m’a permis de mieux cerner le sujet, et vous permettrait de dire moins de choses fausses.

        • Mon billet n’a rien d’haineux, mais ça m’énerve profondément tous ces gens qui exigent que je les soutiennent dans le pillage de la caisse public sous prétexte qu’ils n’ont rien trouver d’autre pour crouter.
          Vous soutenez les intermittents ? Et bien juste faites le ; avec vos ressources à vous. Pas besoin devenir faire chier le peuple avec vos histoires.
          vidéos « ripostes » et « désintox » ? LOL. tout un programme. Très bel anti-phrase pour des outils de propagande et de justification de l’agression.

      • P, j’oubliais votre dernier paragraphe:
        « Le reste suivra : les prolétaires qui ne gagnent pas leur croute dans l’intermittence changeront de métier, comme font tous les autres professionnel, de l’agriculteur au boulanger en passant par le camionneur, le libraire etc. »

        Demandez aux libraires, boulangers, livreurs de farine etc… des villes recevant des festivals comment ils feront leur chiffre d’affaire lorsque les intermittents ne seront plus là et que les festivals n’existeront plus… Ils iront toucher… le chômage?

        • Veuillez m’excuser, j’ai cru répondre à l’auteur du billet en répondant à « P ». Mr Nilsen, j’aimerai beaucoup avoir votre réaction

        • Agriculteurs, libraires et boulangers n’ont pas droit au chômage… ça ne les empêche pas de vivre.
          Si les festivals disparaissent ? et bien les gens qui les financent malgré eux pourront aller directement dépenser leur sous chez les libraires et boulanger. Ne restera que les festivals qui s’autofinancent, comme doivent faire toutes les industries, y inclus celle du spectacle
          Vous devriez lire ce court texte, ça devrait vous permettre de découvrir vous même combien ce que vous écrivez est erroné. Il suffit de remplacer le vitrier par le baladin :
          http://bastiat.org/fr/cqovecqonvp.html#vitre_cassee

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